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Date : 20151118


Dossier : IMM‑1550‑15

Référence : 2015 CF 1295

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

MONICA PAOLA SIERRA ALARCON

ANGEL ALEXI SANCHEZ

ANA PAOLA SANCHEZ

ALAN MAURICIO SANCHEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Vue d’ensemble

[1]               On ne saurait affirmer, comme le prétendent les demandeurs, que l’agente n’a pas bien examiné la question de savoir si les demandeurs se trouveraient mieux s’ils demeuraient au Canada. Il ressort à l’évidence de sa décision que l’agente a tenu compte des avantages que représentait le fait pour les demandeurs mineurs de demeurer au Canada, mais, comme le précise la jurisprudence, le fait que le Canada soit, pour les enfants, un endroit plus agréable pour vivre n’est pas suffisant en soi pour accueillir une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire (Serda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356 [Serda]) :

[31]      Enfin, les demandeurs font valoir que la situation en Argentine est pitoyable et néfaste pour les enfants. Ils citent des statistiques tirées de la preuve documentaire que l’agente d’immigration a elle‑même examinée pour démontrer que le Canada est un endroit plus agréable pour vivre en général. Mais le fait que le Canada soit un endroit plus agréable pour vivre n’est pas un facteur déterminant dans l’issue d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire (Vasquez c. Canada (M.C.I.), [2005] ACF no 96, 2005 CF 91; Dreta c. Canada (M.C.I.), [2005] ACF no 1503, 2005 CF 1239); s’il en était autrement, il faudrait donner à la vaste majorité des personnes qui vivent illégalement au Canada le statut de résident permanent pour des raisons d’ordre humanitaire. De toute évidence, telle n’était pas l’intention du Parlement lorsqu’il a promulgué l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. [Non souligné dans l’original.]

II.                Introduction

[2]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle une agente principale [l’agente] a rejeté les demandes de résidence permanente présentées par les demandeurs au Canada sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire [H&C] en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

III.             Contexte

[3]               Âgée de 31 ans, la demanderesse adulte, Monica Paola Sierra Alarcon [la demanderesse principale], est une citoyenne de la Colombie. Elle a quitté la Colombie pour les États‑Unis en 2004 au motif qu’elle craignait les Forces armées révolutionnaires de la Colombie [les FARC]. Alors qu’elle se trouvait aux États‑Unis, elle a donné naissance à Angel Alexi Sanchez (âgé de 9 ans), à Ana Paola Sanchez (âgée de 8 ans) et à Alan Mauricio Sanchez (âgé de 5 ans). Les demandeurs mineurs sont des citoyens des États‑Unis d’Amérique.

[4]               Se disant victime de violences psychologiques et physiques de la part de son ex‑conjoint, la demanderesse principale s’est enfuie des États‑Unis en compagnie des demandeurs mineurs et est arrivée au Canada le 11 décembre 2011. Les demandeurs ont présenté une demande d’asile depuis la Colombie. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté leur demande le 11 octobre 2013 et leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée par la Cour fédérale (IMM‑7037‑13) le 10 février 2014.

[5]               En novembre 2014, Citoyenneté et Immigration Canada a reçu les demandes présentées par les demandeurs. Dans une décision datée du 16 janvier 2015, l’agente a refusé leurs demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire au motif que les demandeurs n’avaient pas démontré que l’existence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives et l’intérêt supérieur des enfants justifiaient que l’on permette aux demandeurs de soumettre leur demande de visa de résidents permanents depuis le Canada.

IV.             Questions en litige

La Cour estime que les questions déterminantes sont les suivantes :

1)      L’agente a‑t‑elle tenu compte adéquatement de l’intérêt supérieur des enfants pour rendre la décision contestée?

2)      L’agente a‑t‑elle tenu compte adéquatement des difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés s’ils étaient forcés de retourner en Colombie pour rendre la décision contestée?

V.                Dispositions législatives applicables

[6]               Voici les dispositions législatives applicables de la LIPR :

Visa et documents

Application before entering Canada

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

VI.             Thèse des parties

A.                Thèse des demandeurs

[7]               Les demandeurs affirment que l’agente n’a pas appliqué le bon critère pour évaluer l’intérêt supérieur des enfants (Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166 [Williams]). Les demandeurs affirment par ailleurs que l’agente a commis plusieurs erreurs susceptibles de contrôle dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants. En premier lieu, l’agente a irrégulièrement entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en présumant que la demanderesse principale confierait ses enfants à un tuteur aux États‑Unis, sans examiner les conséquences qu’aurait ce scénario sur l’intérêt supérieur des enfants mineurs (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker]; Phyang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 81 aux paragraphes 20 et 21 [Phyang]). Deuxièmement, l’agente a eu tort de conclure que l’intérêt supérieur des enfants serait bien servi du simple fait qu’ils seraient accompagnés de leur mère s’ils étaient contraints de quitter la Colombie. Troisièmement, l’agente n’a pas tenu compte du fait que l’intérêt supérieur des enfants serait bien servi si les demandeurs demeuraient au Canada (Phyang, précitée, aux paragraphes 20‑21; Kobita c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1479 au paragraphe 53), ni pris en compte le fait que les enfants étaient exposés à de la violence aux États‑Unis et qu’ils avaient bénéficié d’une vie stable au Canada (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425 au paragraphe 17). En quatrième lieu, l’agente n’a pas dûment tenu compte des répercussions sur la famille de la situation en Colombie (Walcott c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 415).

[8]               En ce qui concerne l’analyse des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives », l’agente a minimisé de façon déraisonnable l’établissement des demandeurs au Canada (Sebbe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 813) et a tiré des conclusions abusives en prenant en compte des facteurs qui auraient dû militer en faveur de l’accueil des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire (Sosi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1300 au paragraphe 18) et en « les dénaturant ».

B.                 Thèse du défendeur

[9]               En revanche, le défendeur affirme qu’il est de jurisprudence constante que l’article 25 de la LIPR est hautement discrétionnaire et qu’il ne vise pas à éliminer les difficultés, mais plutôt à accorder une dispense exceptionnelle en cas de « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives » (Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646 au paragraphe 49; Nazim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 125 au paragraphe 15). Notre Cour a également reconnu qu’il n’existe pas de « formule magique » pour évaluer l’intérêt supérieur des enfants et que l’on peut présumer que les agents sont conscients du fait que le Canada offre des possibilités aux enfants auxquelles ils ne seraient pas exposés s’ils étaient renvoyés du pays (Jaramillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 744; Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 RCF 555, 2002 CAF 475 [Hawthorne]). Pour évaluer l’intérêt supérieur des enfants, l’agente s’est montrée réceptive, attentive et sensible à leur intérêt supérieur, et son examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire était exhaustif et détaillé.

[10]           Le défendeur affirme qu’il incombe aux demandeurs de fournir tous les éléments de preuve pertinents à l’appui de leurs demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] 2 RCF 635, 2004 CAF 38 au paragraphe 5), et que, par conséquent, il incombait aux demandeurs de soumettre des éléments de preuve provenant de sources objectives démontrant les traumatismes que les demandeurs mineurs pouvaient subir en raison de leur situation familiale aux États‑Unis. Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, les défendeurs affirment que l’agente a effectivement examiné la question de l’intérêt supérieur des enfants advenant qu’ils demeurent au Canada. En ce qui concerne la question de l’établissement des demandeurs au Canada, l’appréciation de l’agente était raisonnable, étant donné qu’elle a conclu que leur degré d’établissement n’était pas tel qu’ils éprouveraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient présenter leur demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada (Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906).

VII.          Norme de contrôle

[11]           C’est la norme de la décision raisonnable qu’il convient d’appliquer aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit tirées par l’agente en ce qui concerne les facteurs d’ordre humanitaire (Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 11 au paragraphe 21).

[12]           C’est la norme de contrôle de la décision correcte qui s’applique au choix du critère juridique retenu par l’agente relativement à l’intérêt supérieur des enfants. En revanche, les conclusions tirées par l’agente au sujet de l’intérêt supérieur des enfants sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Mckenzie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 719; Miller c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1173).

VIII.       Analyse

[13]           La demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire présentée en vertu paragraphe 25(1) de la LIPR vise à obtenir une mesure exceptionnelle (Azziz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 850); elle ne vise pas à créer une filière d’immigration de remplacement ni à offrir un mécanisme d’appel aux demandeurs d’asile déboutés (Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 113 au paragraphe 40).

A.                L’intérêt supérieur des enfants

[14]           Il n’existe pas de formule magique qu’un agent doit utiliser pour évaluer l’intérêt supérieur des enfants (Hawthorne, précité, au paragraphe 7). Le principe directeur en matière d’appréciation de l’intérêt supérieur des enfants consiste à se demander si l’agent s’est montré réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants (Baker, précité, aux paragraphes 73 et 75).

[15]           Les demandeurs affirment que la décision de l’agente était déraisonnable étant donné qu’elle n’a pas appliqué le bon critère pour apprécier l’intérêt supérieur des enfants, décrit par le juge James Russell dans le jugement Williams, précité, au paragraphe 63 :

[63]      Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.

[16]           Bien qu’il soit vrai que le critère expliqué dans le jugement Williams propose des balises claires qui guident l’agent dans son examen d’une demande dans laquelle l’intérêt supérieur des enfants est invoqué, il ne s’agit pas d’une méthode d’analyse que tous les agents appliquent nécessairement. Le critère consiste à se demander si l’agent s’est montré réceptif, attentif et sensible, comme la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans l’arrêt Baker, précité :

[44]      [traduction] Toutefois, je suis d’accord avec le défendeur sur le fait que la jurisprudence est claire : le décideur n’est pas obligé d’utiliser l’approche décrite dans la décision Williams pour prouver qu’il s’est montré « réceptif, attentif et sensible » envers « l’intérêt supérieur de l’enfant », comme le demande l’arrêt Baker. Conformément à Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 CF 555 [Hawthorne], la Cour a maintenu qu’il existe plusieurs approches et a confirmé de façon explicite que le critère dans la décision Williams n’est qu’une seule des méthodes pouvant être utilisées par les décideurs pour évaluer « l’intérêt supérieur de l’enfant » (Webb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1060 [Webb], au paragraphe 13)

(Onowu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 64 au paragraphe 44)

[17]           Pour déterminer si l’agent a appliqué le bon critère et a procédé à une analyse appropriée, la Cour doit examiner la décision dans son ensemble (Segura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 894 au paragraphe 29). Après avoir examiné attentivement la décision et analysé de façon approfondie la preuve, la Cour est convaincue que la décision de l’agente est raisonnable et qu’elle a bien évalué l’intérêt supérieur des enfants.

[18]           On ne saurait affirmer, comme le prétendent les demandeurs, que l’agente n’a pas bien examiné la question de savoir si les demandeurs se trouveraient mieux s’ils demeuraient au Canada. Il ressort à l’évidence de sa décision que l’agente a tenu compte des avantages que représentait le fait pour les demandeurs mineurs de demeurer au Canada, mais, comme le précise la jurisprudence, le fait que le Canada soit, pour les enfants, un endroit plus agréable pour vivre n’est pas suffisant en soi pour accueillir une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire (Serda, précitée) :

[31]      Enfin, les demandeurs font valoir que la situation en Argentine est pitoyable et néfaste pour les enfants. Ils citent des statistiques tirées de la preuve documentaire que l’agente d’immigration a elle‑même examinée pour démontrer que le Canada est un endroit plus agréable pour vivre en général. Mais le fait que le Canada soit un endroit plus agréable pour vivre n’est pas un facteur déterminant dans l’issue d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire (Vasquez c. Canada (M.C.I.), [2005] ACF no 96, 2005 CF 91; Dreta c. Canada (M.C.I.), [2005] ACF no 1503, 2005 CF 1239); s’il en était autrement, il faudrait donner à la vaste majorité des personnes qui vivent illégalement au Canada le statut de résident permanent pour des raisons d’ordre humanitaire. De toute évidence, telle n’était pas l’intention du Parlement lorsqu’il a promulgué l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. [Non souligné dans l’original.]

[19]           Les demandeurs affirment également que l’agente a entravé son pouvoir discrétionnaire en n’examinant pas les conséquences des divers scénarios possibles sur l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs. Dans sa décision, l’agente a déclaré ce qui suit :

[traduction] Le conseil de la demanderesse adulte affirme que cette dernière sera contrainte de confier les demandeurs mineurs aux soins d’un tuteur aux États‑Unis. Je suis consciente du fait que les enfants sont des citoyens des États‑Unis et j’ai tenu compte de ce facteur de sorte que, si la présente demande devait être rejetée, la décision de savoir dans quel pays les enfants retourneraient reviendrait entièrement à leur mère. En fin de compte, c’est en fait leur mère qui a décidé en quoi consistait l’intérêt supérieur de ses enfants. De plus, si la mère décidait de confier ses enfants aux soins d’un tuteur aux États‑Unis, c’est son choix.

(Dossier du demandeur, p. 14)

[20]           Bien que la Cour convienne avec les demandeurs qu’il aurait peut‑être été plus prudent que l’agente s’exprime autrement, la Cour rejette, en toute déférence, l’argument des demandeurs suivant lequel l’agente a commis une erreur de droit justifiant l’intervention de la Cour. Par sa déclaration, l’agente a simplement reconnu que les enfants étaient des citoyens des États‑Unis et, au final, qu’il appartenait à la demanderesse principale de décider s’il était dans leur intérêt supérieur de demeurer aux États‑Unis auprès d’un tuteur plutôt qu’avec elle en Colombie. En termes simples, l’agente a conclu qu’il serait dans l’intérêt supérieur des enfants de demeurer avec leur mère, mais elle était consciente qu’en tant que mère des enfants, la demanderesse principale était en dernière analyse la personne qui déterminerait ce qui était dans leur intérêt supérieur si la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire des demandeurs était rejetée.

[21]           Les demandeurs affirment également que l’agente a commis une erreur en concluant que l’intérêt supérieur des enfants mineurs serait bien servi en Colombie alors qu’elle a déclaré dans sa décision que la situation en Colombie était moins favorable qu’au Canada. Cet argument doit être écarté. En premier lieu, comme nous l’avons déjà mentionné, ce n’est pas parce que les demandeurs mineurs se trouveraient mieux au Canada qu’en Colombie que la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire devrait être accueillie (Serda, précitée). En second lieu, il incombe aux demandeurs de démontrer que la situation qui existe en Colombie aurait des répercussions négatives directes et personnelles sur eux; les demandeurs n’ont pas soumis de preuve suffisante en ce sens (Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 10 aux paragraphes 24 et 25).

B.                 Difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives

[22]           La demanderesse principale fait valoir qu’elle vit au Canada depuis plus de trois ans; elle a trouvé du travail; elle a appris à communiquer efficacement en anglais et ses enfants ont de bons résultats scolaires et sont en train de guérir des traumatismes qu’ils auraient subis aux États‑Unis.

[23]           Bien que la Cour comprenne qu’il serait difficile pour la demanderesse principale et ses enfants de quitter le Canada, les demandeurs n’ont pas produit suffisamment d’éléments de preuve démontrant que, suivant la loi, leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire aurait dû être accueillie sur le fondement de leur degré d’établissement parce que les difficultés auxquelles ils seraient exposés seraient plus lourdes que les conséquences habituelles d’un départ du Canada :

La Cour fédérale a à maintes reprises interprété le paragraphe 25(1) comme obligeant le demandeur à prouver que l’application de ce que j’appellerais la règle normale lui ferait subir personnellement des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives (voir p. ex., Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 11). Les difficultés subies doivent être plus lourdes que les conséquences inhérentes au fait de quitter le Canada et de présenter sa demande d’immigration par les voies normales (Rizvi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2009 CF 463. [Non souligné dans l’original.]

IX.             Dispositif

[24]           Pour tous les motifs précités, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1550‑15

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MONICA PAOLA SIERRA ALARCON, ANGEL ALEXI SANCHEZ, ANA PAOLA SANCHEZ, ALAN MAURICIO SANCHEZ c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 NOVEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Patricia Wells

 

POUR LES demandeurs

 

Leena Jaakkimainen

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patricia Wells

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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