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Date : 20151116


Dossier : T-522-15

Référence : 2015 CF 1275

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

partie demanderesse

et

FLORIAN MICHEL MAURICE VILLAUMÉ

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Une juge de la citoyenneté a recommandé au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’accorder la citoyenneté canadienne à M. Villaumé malgré sa présence physique très limitée au Canada. La demande de M. Villaumé avait été présentée en 2010 en vertu de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), ch C-29 (modifiée depuis). La juge devait trancher si M. Villaumé avait, « dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans… » comme l’exigeait alors l’article 5(1) c) de la Loi. Puisque la juge de la citoyenneté était d’avis que M. Villaumé était absent de corps, mais présent d’esprit, elle a approuvé sa demande. Elle s’est appuyée sur l’une des trois écoles de pensée qui avaient cours à l’époque, Re Koo, [1993] 1 CF 286, une décision de la juge Reed. Cette décision est contestée par le Ministre dans la présente demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi.

[2]               Bien qu’il ait été personnellement signifié de la demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire du Ministre, M. Villaumé n’a pas soumis un avis de comparution. La demande d’autorisation du Ministre a été approuvée par monsieur le juge LeBlanc. L’avocat du Ministre a fait livrer une copie du dossier du demandeur à M. Villaumé, mais ce dernier n’y a pas répondu.

[3]               Monsieur Villaumé s’est néanmoins présenté à l’audience.  Faisant usage de mon pouvoir discrétionnaire en vertu de la Règle 55 des Règles des Cours fédérales, je lui ai permis d’être entendu.

[4]               Il m’a expliqué qu’il avait omis de présenter un avis de comparution, car il ne pouvait pas se permettre d’engager un avocat et ne pensait pas, outre mesure, avoir des chances de se défendre avec succès. Cependant, il a depuis lors étudié l’affaire plus attentivement et a remarqué que dans Re Koo, la juge Reed a fait référence à des événements se situant hors de la période de référence de la demande de citoyenneté de M. Koo.

[5]               Monsieur Villaumé a obtenu sa résidence permanente en janvier 2007 et a présenté une demande de citoyenneté le 19 juin 2010. La période de référence aux fins de l’application de la Loi est du 19 juin 2006 au 18 juin 2010. Il a déclaré seulement 238 jours de présence sur la période requise de 1 095 jours.

[6]               Il explique son manque de présence au Canada du fait qu’il travaille pour Ingénieurs sans Frontières Canada à l’échelle internationale.

[7]               En septembre 2012, il épouse une citoyenne de Burkina Faso, mère d’un enfant. En juin 2013, un fils est né en France de cette union. En avril 2014, M. Villaumé revient s’établir au Canada avec son épouse, le fils de cette dernière, ainsi que leur jeune fils.

[8]               Je partage les propos suivants de l’avocat du ministre dans son mémoire de faits et de droit :

2.         Cette conclusion est faite en erreur, car elle se fonde sur des faits qui n’existaient pas pendant la période de référence. En plus, si la juge avait considéré les faits tels qu’ils étaient pendant la période de référence elle aurait dû conclure que le défendeur n’avait pas rencontré les exigences de la Loi.

3.         Puisqu’il est impossible de dire que la décision aurait été la même, malgré les erreurs de la juge, le demandeur estime avoir démontré l’existence d’une question sérieuse qui justifie que la demande d’autorisation soit accueillie. […]

[9]               Monsieur Villaumé souligne que dans Re Koo, la juge Reed a fait référence à des événements hors de la période de référence. Les propos de M. Villaumé sont exacts. Il faut prendre note que M. Koo avait fait appel d’une décision d’un juge de la citoyenneté qui avait rejeté sa demande parce qu’il n’avait pas été assez présent au Canada. Bien que madame la juge Reed était d’avis que la présence physique n’était pas nécessaire, elle a tout de même rejeté l’appel de M. Koo., tout en soulignant que la femme de M. Koo avait résidé au Canada pendant la période de référence et qu’ils y avaient acheté une nouvelle maison suite au retour de M. Koo au Canada. Elle a aussi pris note du fait que les absences de M. Koo découlaient d’obligations d’affaires, mais a jugé que ses déclarations quant à son intention de déménager ses affaires au Canada étaient non pertinentes et de nature spéculative.

[10]           Bien qu’il soit possible de faire référence à des événements subséquents à la période de référence afin de confirmer un établissement au Canada autrement démontré (Sotade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 301), les événements auxquels la juge a fait référence dans la présente affaire n’assistent pas M. Villaumé.

[11]           Dans les circonstances, je conclus que la décision est déraisonnable et dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

[12]           Monsieur Villaumé a également soulevé la possibilité de recommander qu’il obtienne la citoyenneté pour services extraordinaires au Canada. La juge de citoyenneté n’avait pas besoin de faire une telle recommandation, et le dossier ne contient pas suffisamment d’informations pour me permettre d’émettre une opinion à ce sujet.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la juge de la citoyenneté prise le 17 mars 2015, accordant la citoyenneté au défendeur, est accueillie.

2.                  La décision contestée est annulée et l’affaire est retournée devant un autre décideur pour une nouvelle détermination.

3.                  Il n’y a aucune question grave portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER

t-522-15

INTITULÉ :

MCI v FLORIAN MICHEL MAURICE VILLAUMÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 NOVEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :

LE 16 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Leila Jawando

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Florian Michel Maurice Villaumé

pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour LA PARTIE DEMANDERESSE

 

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