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Date : 20151126


Dossier : IMM-2751-15

Référence : 2015 CF 1317

Montréal (Québec), le 26 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

NIKOLA PARMACEVIC

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 25 mai 2015, rejetant la demande du demandeur de se faire reconnaître comme réfugié ou comme personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.                Faits

[2]               Le demandeur, Nikola Parmacevic, âgé de 31 ans, est citoyen de la Croatie. Il allègue avoir reçu des menaces de mort s’il ne quittait pas la Croatie pour rejoindre le Canada et y demander le statut de réfugié en se basant sur une histoire fictive fournie par son persécuteur.

[3]               Les problèmes du demandeur auraient débuté lorsque ce dernier a emprunté 25 000 KN d’un richissime individu, Kristijan Gerhard, ayant apparemment des liens avec des gens influents en Croatie (policiers, représentants du gouvernement, etc.). Le demandeur allègue avoir remboursé les sommes dues selon l’entente, mais le dénommé Gerhard aurait continué à l’escroquer demandant toujours davantage d’argent. Le demandeur ne pouvant rencontrer ses obligations financières s’est fait « proposer » par monsieur Gerhard de demander le statut de réfugié au Canada, d’y travailler et de faire un paiement sur une base mensuelle à monsieur Gerhard pour une période d’environ trois ans afin d’obtenir quittance de la dette due. Le demandeur s’est fait dire que s’il refusait d’obtempérer et de demander refuge au Canada, en se basant sur l’histoire fictive qu’il se fait persécuter en Croatie à cause de son orientation sexuelle, il serait assassiné. Le demandeur a quitté la Croatie le 4 juin 2012 et est arrivé au Canada le jour suivant. Le demandeur a fait une demande d’asile le 22 juin 2012 et son Formulaire de demande d’asile [FDA initial] a été reçu par la SPR le 26 juin 2012.

[4]               Dans son FDA initial, le demandeur a affirmé être persécuté en Croatie à cause de son orientation sexuelle. Mais un Formulaire de demande d’asile amendé [FDA amendé] a été déposé le 24 mai 2014, dans lequel le demandeur avoue que son histoire à l’effet qu’il a été persécuté en Croatie à cause de son orientation sexuelle est inventée et qu’il a été menacé de mort et escroqué par monsieur Gerhard. Lors de son audience le 10 septembre 2014, le demandeur – se représentant seul – a expliqué les raisons pour lesquelles il a menti dans son FDA initial. La SPR a été informée le 2 octobre 2014 que le demandeur avait un nouvel avocat. Puisque le commissaire de la SPR ayant entendu la première audience n’était pas disponible, une audience de novo a été ordonnée au dossier avec un nouveau commissaire.

[5]               Dans une décision datée du 25 mai 2015, la SPR a trouvé le demandeur crédible, a cru son histoire à l’effet qu’il avait été persécuté en Croatie par monsieur Gerhard, qu’il a reçu des menaces de mort et qu’il risquerait de se faire persécuter advenant son retour en Croatie. Cependant, la SPR a conclu, après avoir fait un examen de la preuve documentaire, que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État en Croatie. Étant donné cette conclusion, la SPR n’a pas examiné la question à savoir si le risque dont a fait l’objet le demandeur est personnalisé.

III.             Analyse

[6]               La question principale à laquelle la Cour doit répondre est de déterminer si la décision de la SPR est raisonnable.

[7]               Le demandeur allègue que la SPR a ignoré la preuve documentaire contradictoire à l’égard de la protection de l’État en Croatie; et, que la SPR aurait dû étudier si les mesures prises par les autorités de la Croatie donnaient des résultats (Galogaza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2015 CF 407).

[8]               S’agissant d’une question portant sur la question de la protection étatique en Croatie, les conclusions de la SPR à cet effet doivent être révisées selon la norme de la décision raisonnable (Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 171 au para 38; Majlat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 965 au para 9).

[9]               Pour les motifs suivants, la Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable.

[10]           Il est bien établi qu’il n’est pas du rôle de cette Cour d’apprécier à nouveau la preuve documentaire examinée devant la SPR, pas plus qu’il n’est du rôle de cette Cour de substituer ses conclusions quant à la preuve documentaire à celle de la SPR (Paniagua v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1085 au para 8; Orellana Ortega c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 611 au para 14). De plus, le simple fait que la SPR n’ait pas mentionné dans sa décision tous les éléments de preuve du demandeur ne signifie pas, pour autant, que la SPR ne les a pas pris en considération dans sa prise de décision (Velasquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 109 au para 21).

[11]           Il appert de la décision de la SPR que cette dernière a fait un examen étoffé de la protection étatique en Croatie puisque cette dernière a étudié tant la preuve supportant sa conclusion que celle qui y était contraire. De plus, la Cour note que la SPR était sensible à la situation du demandeur, mais a ultimement conclu qu’il y avait de la protection étatique pour les gens aux prises avec la même situation que le demandeur en Croatie.

[12]           Étant donné que la SPR a bien justifié sa décision, qu’elle a pris soin d’étudier la preuve contradictoire à ses conclusions, qu’elle a démontré être sensible à la situation particulière du demandeur et aux risques que ce dernier encourt en retournant en Croatie, il appert que la décision entre dans les issues possibles acceptables. La Cour peut être en désaccord avec la conclusion du décideur quant à la protection étatique en Croatie, cependant, là n’est pas la question; la question est à savoir si les conclusions de la SPR entrent dans les issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9 au para 47). Dans ce cas, la réponse est oui, ce faisant la décision de la SPR est raisonnable.

IV.             Conclusion

[13]           La Cour conclut que la décision de la SPR est raisonnable. Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2751-15

INTITULÉ :

NIKOLA PARMACEVIC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 novembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

LE 26 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Claude Whalen

Pour la partie demanderesse

Andrea Shahin

Pour la partie défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Claude Whalen

Montréal (Québec)

Pour la partie demanderessE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

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