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Date : 20151209


Dossier : T‑791‑15

Référence : 2015 CF 1368

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2015

En présence de monsieur le juge  Russell

ENTRE :

JOHN CHARLES BEIMA

demandeur

et

PAIGE MACPHERSON

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une requête présentée au nom de la défenderesse, Mme Paige MacPherson, avocate à l’Agence du revenu du Canada (ARC), afin d’obtenir :

1.      une ordonnance radiant la déclaration, avec dépens;

2.      subsidiairement, une ordonnance :

a)      radiant toute partie de la déclaration :

i)        où la validité de cotisations fiscales et d’instances engagées devant d’autres tribunaux est attaquée,

ii)      où des questions échappant à la compétence de la Cour fédérale sont soulevées,

iii)    où des méfaits sont allégués à l’encontre de personnes qui ne sont pas parties à l’action;

b)      prolongeant de trente jours à compter de la décision sur la présente requête le délai dont dispose la défenderesse pour déposer et signifier sa défense.

[2]               Le demandeur, M. Beima, cherche à obtenir 50 000 000 $ CAN de la défenderesse, Mme Paige MacPherson, une employée du ministère de la Justice du Canada ayant été chargée, à titre d’avocate, de représenter la Couronne dans le litige fiscal qui l’oppose à M. Beima.

[3]               Les plaintes à l’encontre la défenderesse ont trait à des faits qui se sont produits pendant, ou qui ont mené à : une vérification, une cotisation fiscale, une instance devant la Cour canadienne de l’impôt et une demande pour ordonnance d’exécution déposée devant la Cour fédérale. J’ai entendu la présente requête en même temps que la requête en radiation déposée dans le dossier T‑790‑15, et la présente ordonnance et les motifs qui l’accompagnent devraient être lus conjointement avec mon ordonnance rendue, motifs à l’appui, dans le dossier T‑790‑15, puisque les deux actions découlent des mêmes faits et ont le même contexte.

[4]               Le fondement juridique de la présente action n’est jamais précisé clairement dans la déclaration. Toutefois, le demandeur, dans sa réponse écrite à la requête qui nous occupe, affirme ce qui suit :

[traduction] Je soutiens respectueusement que la présente demande vise l’obtention de dommages‑intérêts par suite d’activités criminelles, de violation de mes droits, de contravention à diverses dispositions législatives canadiennes, de négligence, d’actes malveillants, d’inconduite de la part d’un avocat, de mise en danger de ma vie et de mise en danger de la vie et de la sécurité de mon fils, etc.

[5]               Pour les mêmes motifs que ceux exposés dans la décision que j’ai rendue dans le dossier T‑790‑15, M. Beima n’a pas établi en quoi la Cour avait compétence pour entendre ses allégations d’« activités criminelles », de « violation de [s]es droits », de « contravention à diverses dispositions législatives canadiennes», d’« actes malicieux », d’« inconduite de la part d’un avocat », de « mise en danger de [s]a vie » et de « mise en danger de la vie et de la sécurité de [s]on fils », « etc. ».

[6]               L’action intentée par M. Beima à l’encontre de la défenderesse semble être tout au plus une réclamation fondée sur la négligence, d’un montant de 50 000 000 $, dirigée contre l’avocat de la partie adverse et concernant diverses interactions survenues entre le demandeur et l’ARC. Or, la Cour n’a pas compétence pour statuer sur un tel recours en responsabilité civile délictuelle de common law opposant des sujets. Voir Humby c Canada (Procureur général), 2009 CF 1238, aux paragraphes 17 et 18. Qui plus est, l’avocat de la partie adverse n’a pas d’obligation de diligence envers le demandeur. Voir aussi Biron c Aviva Insurance Co, 2014 ONCA 558, au paragraphe 6.

[7]               Bien que M. Beima n’en fasse pas mention, l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (la Loi) confère à la Cour fédérale une compétence concurrente pour entendre les demandes visant des fonctionnaires ou des préposés de la Couronne relativement à l’exercice de leurs fonctions. Néanmoins, M. Beima n’a pas précisé la source législative de cette responsabilité sur laquelle il entendait appuyer son recours, ni indiqué selon quelle mesure législative la conduite de la défenderesse n’était pas autorisée par la loi fédérale sous le régime de laquelle celle‑ci prétendait agir. En outre, le fait qu’un pouvoir prétendument mal utilisé par un fonctionnaire tire sa source d’une loi fédérale ne signifie pas pour autant qu’une loi fédérale confère compétence à la Cour. Il demeure que les droits pouvant être exercés à la suite d’un tel abus de pouvoir ou d’un tel manquement à une obligation prévue par la loi, y compris le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique, découlent du droit provincial. Dans l’arrêt Stephens c La Reine, [1982] CTC 138, 26 CPC 1, 40 NR 620 (CAF), la Cour d’appel a statué qu’une action en responsabilité délictuelle intentée contre des préposés de l’État (dont il était allégué qu’ils avaient outrepassé les pouvoirs qui leur étaient conférés par la Loi de l’impôt sur le revenu) ne reposait sur aucune règle de droit fédérale. La Cour d’appel a conclu que, malgré qu’il soit nécessaire d’appliquer les dispositions d’une loi fédérale pour examiner la validité et la justification des actes de la partie défenderesse, le droit d’obtenir des dommages‑intérêts était créé par la législation provinciale. Ainsi que la décision Pacific Western Airlines Ltd c La Reine [1979] 2 CF 476, 13 CPC 299, 105 DLR (3d) 44 (1re inst.); conf. par [1980] 1 CF 86, 14 CPC 165, 105 DLR (3d) 44 (CA) nous l’apprend, ce qui est aujourd’hui l’alinéa 17(5)b) de la Loi, qui autorise la mise en cause d’un préposé de la Couronne, ne constitue pas, en soi, une règle de droit fédérale qui puisse servir d’assise à un recours fondé sur la négligence ou quelque autre acte ou permettre à ce recours d’être entendu par la Cour fédérale. En l’espèce, M. Beima n’a pas démontré en quoi les actes de la défenderesse (le recours fondé sur la négligence ou quelque autre acte) pouvaient être examinés par la Cour fédérale.

[8]               En ce qui concerne toute autre action que le demandeur essaie d’intenter, mes constatations et conclusions dans le dossier T‑790‑15 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, au présent recours. Les allégations soulevées à l’encontre de la défenderesse n’établissent aucune cause d’action qui relève de la compétence de la Cour fédérale, ou qui ne soit pas une attaque indirecte portée contre d’autres instances judiciaires, ce qui constitue un abus de procédure devant notre Cour. Pour nombre de raisons parmi celles que j’ai exposées dans mon ordonnance et mes motifs d’ordonnance dans le dossier T‑790‑15, les actes de procédure du demandeur sont viciés, mais, encore une fois, je ne vois pas l’utilité de permettre à M. Beima de les modifier alors qu’il n’a rien fait pour établir que la Cour avait compétence pour entendre ses revendications contre la défenderesse.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.      La déclaration est radiée, avec dépens en faveur de la défenderesse.

2.      Aucune autorisation de modifier n’est accordée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie‑Marie Bissonnette, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑791‑15

 

INTITULÉ :

JOHN CHARLES BEIMA c PAIGE MACPHERSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 SEPTEMBRE 2015

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 DÉcembRE 2015

 

COMPARUTIONS :

John Charles Beima

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Wendy Bridges

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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