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Date : 20151204


Dossier : IMM-1532-15

Référence : 2015 CF 1343

[TRADUCTION FRANÇAISE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Camp

ENTRE :

PASHKO RAZBURGAJ

LULE RAZBURGAJ

KLAUDIA RAZBURGAJ

GYSTINA RAZBURGAJ

PREK RAZBURGAJ

JACOB RAZBURGAJ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

APRÈS avoir instruit la présente demande de contrôle judiciaire à Ottawa (Ontario) le 19 novembre 2015;

ET APRÈS avoir examiné les documents déposés devant la Cour, notamment le dossier certifié du tribunal, et avoir entendu les arguments et observations des parties;

ET APRÈS avoir conclu que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée pour les motifs suivants :

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision défavorable rendue par un agent principal (l’agent) à l’égard d’un examen des risques avant renvoi (ERAR). La décision en question est datée du 30 janvier 2015.

[2]               Les demandeurs sont les six membres d’une famille qui en compte sept. Pashko Razburgaj est le demandeur principal. Lui et son épouse, Lule Razburgaj, ont cinq enfants. M. et Mme Razburgaj sont nés en Albanie et sont citoyens de ce pays, tout comme leurs filles aînées Juljana et Klaudia. La famille a quitté l’Albanie pour les États-Unis. Les trois plus jeunes enfants, nés aux États-Unis entre 2000 et 2007, ont la citoyenneté américaine et albanaise. La fille aînée, Juljana, n’est pas partie à la présente demande, puisqu’elle est aujourd’hui mariée. Des audiences se sont déroulées devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à la fin 2012.

[3]               Une demande d’ERAR a été déposée le 8 mai 2014, puis une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire le 2 septembre suivant. Ce sont les décisions rendues à l’égard de ces deux demandes qui sont maintenant soumises au contrôle de la Cour. Le présent jugement porte sur l’ERAR. La décision se rapportant à la demande fondée sur les motifs humanitaires est abordée dans une décision connexe de la Cour.

[4]               L’agent a conclu que s’ils étaient renvoyés en Albanie, les demandeurs ne seraient pas exposés à une menace à leur vie ni à un risque de persécution, de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités.

[5]               À l’appui de leur demande d’ERAR, les demandeurs ont soumis des affidavits, des lettres de parents, le certificat de décès d’un oncle en Albanie ainsi que des documents sur le pays d’origine. Ils ont aussi déposé des déclarations de parents des familles Razburgaj et Pepaj en Albanie, par lesquelles ces derniers confirmaient les vendettas. L’agent a estimé que les lettres et déclarations produites dans le cadre de la demande étaient vagues et qu’elles manquaient de détails, en faisant remarquer que les demandeurs n’avaient pas réussi à obtenir de documents officiels de l’État reconnaissant leurs prétendues vendettas. L’agent a conclu de façon générale que la preuve présentée par les demandeurs était sensiblement la même que celle qu’ils avaient soumise à la SPR, et noté que l’ERAR n’est ni un appel ni un réexamen de la décision de la SPR, et que le type de preuve à examiner dans le cadre de cette procédure est strictement défini par l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], qui prévoit :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

[6]               L’agent a conclu en fin de compte que les demandeurs n’avaient pas réussi à renverser les conclusions précédentes de la SPR, à réfuter la présomption relative à la protection adéquate de l’État ou à établir l’apparition d’un nouveau risque. Il a estimé que la probabilité que les demandeurs soient persécutés ne dépassait pas une simple possibilité, et qu’il était peu vraisemblable qu’ils soient exposés à des risques ou à des dangers à leur retour en Albanie. L’agent a donc conclu que les demandeurs ne satisfaisaient pas à la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger aux termes des articles 96 ou 97 de la LIPR.

I.                   LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]               Les demandeurs soulèvent les questions suivantes à l’égard de la décision relative à l’ERAR :

1)      L’agent a-t-il manqué à son devoir d’équité procédurale en refusant d’accorder une audience aux demandeurs?

2)      Les demandeurs ont-ils été privés de l’équité procédurale du fait de l’omission de leur ancien avocat de produire un document devant l’agent?

3)      L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que les demandeurs avaient présenté une preuve insuffisante pour corroborer leurs allégations de risque?

4)      L’agent a-t-il commis une erreur dans son évaluation du caractère adéquat de la protection de l’État en Albanie?

[8]               À mon avis, deux questions se posent :

1)      Les demandeurs ont-ils été privés d’une audience équitable du fait de l’incompétence de leur ancien avocat?

2)      La décision relative à l’ERAR était-elle raisonnable?

II.                LA NORME DE CONTRÔLE

[9]               Les demandeurs soutiennent que les questions se rapportant à l’audience et à l’incompétence de l’avocat font intervenir l’équité procédurale, ce qui justifie un contrôle selon la norme de la décision correcte. Ils soulèvent aussi des préoccupations à ce chapitre à l’égard de l’évaluation, par l’agent, du caractère adéquat de la protection de l’État, et affirment que ce dernier s’est injustement appuyé sur une preuve extrinsèque.

[10]           Le défendeur fait valoir que la norme de contrôle applicable à la décision d’ERAR, et notamment celle de tenir ou non une audience, est soumise à la norme de la raisonnabilité : Kulanayagam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 101, au paragraphe 20; Bicuku c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 339, aux paragraphes 16 à 20.

[11]           Le courant jurisprudentiel cité par le défendeur appuie la conclusion selon laquelle la décision de l’agent de tenir ou une audience appelle l’application la norme de la raisonnabilité, compte tenu du pouvoir discrétionnaire unique conféré par l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement]. À mon avis, hormis les observations des demandeurs intéressant l’incompétence de l’avocat et l’invocation sans préavis de documents sur le pays – deux questions qui soulèvent des préoccupations liées à l’équité – je conviens avec le défendeur qu’il est approprié d’examiner la décision relative à l’ERAR selon la norme de la raisonnabilité.

III.             LES POSITIONS DES PARTIES

A.                Les demandeurs ont-ils été privés d’une audience équitable du fait de l’incompétence de leur ancien avocat?

[12]           Les demandeurs allèguent que leur ancien avocat a fait preuve d’incompétence en ne fournissant pas à l’agent une lettre du père Mikel Pllumaj, un prêtre d’Albanie, à titre de preuve confirmant l’une des vendettas. Dans cette lettre datée du 26 février 2013, le père Mikel indique qu’une vendetta oppose les familles Pepaj et Sufaj et que ses tentatives en vue de les réconcilier s’étaient jusqu’à présent révélées infructueuses.

[13]           Les demandeurs font valoir qu’en ne soumettant pas la lettre, leur ancien avocat a fait preuve d’incompétence et qu’un déni de justice en a découlé, le document en question confirmant l’existence des vendettas et les tentatives de réconciliation. Ils renvoient aux motifs de l’agent sur ce point même :

[traduction]
Je note en outre que les demandeurs n’ont pas fourni d’affidavits ou de lettres émanant d’anciens du village, de la police, de membres de paroisses ou d’autres organisations dont les membres de la famille prétendent qu’ils étaient au fait des tentatives de réconciliation ou qu’ils y ont pris part.

[14]           Le défendeur soutient que la décision de l’avocat de ne pas inclure la lettre du père Mikel n’est pas à mettre sur le compte de sa négligence, mais qu’elle était délibérée et stratégique. Il note que l’avocat a soumis la lettre à l’appui de la demande fondée sur des considérations humanitaires, mais pas de celle d’ERAR. Pour le défendeur, l’ancien avocat des demandeurs n’a pas inclus la lettre, parce qu’il estimait qu’elle ne constituait pas une nouvelle preuve de risque et parce que sa véracité ne pouvait être vérifiée. Ainsi, toujours selon le défendeur, il est conjectural de suggérer que l’issue aurait été différente si ce document avait été examiné par l’agent. De plus, il est allégué que la lettre n’aurait pas modifié la décision de l’agent à l’égard de la protection de l’État. À ce titre, le défendeur fait valoir qu’aucun déni de justice n’est survenu.

B.                 La décision d’ERAR était-elle raisonnable?

1)                  L’audience

[15]           Comme je l’ai déjà noté, l’agent a rejeté la demande d’ERAR, car il estimait que la preuve relative aux vendettas était insuffisante et parce que la protection de l’État était adéquate. Les demandeurs soutiennent que le premier motif pour lequel l’agent a rejeté leur demande revenait dans les faits à souscrire aux conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité. Ils affirment que l’agent a formulé ses préoccupations à cet égard en invoquant l’insuffisance de la preuve, une démarche condamnée par le juge Roger Hughes dans la décision Uddin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1289, au paragraphe 3. Les demandeurs font donc valoir que la seule manière pour eux de renverser ces conclusions en matière de crédibilité était de bénéficier d’une audience. En invoquant les conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité sans tenir d’audience, l’agent leur aurait imposé un fardeau dont il était impossible de se décharger.

[16]           Le défendeur soutient que l’agent ne pouvait accorder d’audience aux demandeurs et il ajoute qu’aux termes de l’alinéa 113b) de la LIPR et de l’article 167 du Règlement, les circonstances justifiant la tenue d’une audience sont exceptionnelles et exigent qu’une question déterminante de crédibilité soit mise en cause : Matute Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1074, au paragraphe 30. Le défendeur fait valoir que l’agent n’a tiré aucune conclusion en matière de crédibilité en l’espèce, mais qu’il a plutôt fondé sa décision sur l’insuffisance de la preuve des demandeurs : Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 34. Il ajoute que la question de la protection de l’État était déterminante, ce qui le dispensait de toute façon de tenir une audience : voir également Razburgaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 151, au paragraphe 22.

2)                  La preuve corroborante quant au risque

[17]           Les demandeurs ont soumis six nouvelles lettres de parents qui corroboraient l’existence des vendettas et les tentatives de réconciliation. Ils affirment que l’agent n’a pas examiné la pertinence de cette preuve, surtout en ce qu’elle corrobore leur allégation de risque et réfute les conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité. Comme leur demande d’asile reposait sur la crédibilité, les demandeurs font valoir qu’il était illogique de la part de l’agent de n’accorder que peu de poids à cette preuve – laquelle aurait dû être acceptée à titre d’élément corroborant qui étayait la demande, ou ne se voir accorder aucun poids.

[18]           Le défendeur fait valoir que les demandeurs invitent par leurs arguments la Cour à pondérer à nouveau la preuve, ce qui dépasse la portée d’un contrôle selon la norme de la raisonnabilité. Comme la demande d’ERAR des demandeurs reposait essentiellement sur les mêmes observations et éléments de preuve que ceux dont disposait la SPR, il était loisible à l’agent, toujours selon le défendeur, de conclure que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau de justifier une issue favorable à l’ERAR, même avec la nouvelle preuve soumise à l’appui. Le défendeur relève que l’agent a conclu que la nouvelle preuve était vague, qu’elle manquait de détails et qu’elle n’avait en fin de compte qu’une valeur probante négligeable. Cette évaluation de la preuve était, selon le défendeur, raisonnable et appuie rationnellement la décision de l’agent de rejeter la demande.

3)                  Le caractère adéquat de la protection de l’État

[19]           Les demandeurs font valoir que l’agent a injustement invoqué une preuve documentaire concernant la protection de l’État en Albanie. Ils notent que les observations soumises dans le cadre de la demande d’ERAR étaient datées de mai 2014, alors que l’agent a invoqué un rapport de juin 2014 du Home Office du gouvernement du Royaume-Uni. Même s’ils reconnaissent que l’agent est tenu d’examiner les sources les plus récentes d’information sur le pays en cause lorsqu’il évalue le risque, les demandeurs allèguent qu’il doit divulguer ces informations lorsque la preuve est inédite et importante et qu’elle fait état de changements importants survenus dans la situation du pays : Rizk Hassaballa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 489, au paragraphe 32. Comme ils ont fourni de nouveaux éléments de preuve documentaire contredisant l’existence d’une protection adéquate de l’État en Albanie, les demandeurs font valoir que l’agent était formellement tenu de leur divulguer les documents mis à jour sur le pays en cause et leur donner la possibilité d’y répondre.

[20]           Les demandeurs avancent aussi que l’évaluation par l’agent de la protection de l’État était déraisonnable. Ils affirment d’abord qu’il n’a pas dûment tenu compte de leur situation personnelle et en particulier du risque accru découlant de deux plutôt que d’une vendetta : Gonzalez Torres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 234, au paragraphe 37. Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas abordé leur preuve établissant que la protection offerte par l’État albanais n’est pas adéquate : Junusmin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 673, aux paragraphes 26 à 30; Vigueras Avila c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 359, au paragraphe 36; Rigg c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 341, au paragraphe 13; Erdogu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 407, aux paragraphes 30 à 32. D’après eux, il est permis de conclure que l’agent n’a pas examiné toute la preuve avant de parvenir à sa décision, puisqu’il a omis de citer leur preuve documentaire et d’expliquer pourquoi il l’avait écartée.

[21]           Le défendeur soutient que l’agent était en droit d’estimer que les conditions dans le pays n’avaient pas changé depuis la décision rendue par la SPR et qu’il lui était raisonnablement loisible de conclure, tout comme l’avait fait la SPR, que l’Albanie offrait une protection de l’État adéquate. Pour le défendeur, le fait que l’agent n’ait pas donné avis aux demandeurs de la preuve documentaire publique sur laquelle il s’est appuyé n’a créé aucune injustice, surtout que cette preuve confirmait simplement les conclusions de la SPR et n’apportait pas de nouvelles informations importantes.

IV.             ANALYSE

A.                Les demandeurs ont-ils été privés d’une audience équitable du fait de l’incompétence de leur ancien avocat?

[22]           Les demandeurs invoquent la décision El Kaissi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1234, au paragraphe 21 [El Kaissi], dans laquelle le juge Near a conclu qu’il y aura iniquité procédurale lorsque le décideur n’a pas pu, en raison de l’incompétence de l’avocat, examiner une preuve essentielle et qu’il a tiré de ce fait une conclusion défavorable quant à la crédibilité qui imprègne toute la décision. Les demandeurs font remarquer que l’agent a expressément constaté l’absence de preuve émanant de membres de paroisses et corroborant les allégations, alors que la lettre du père Mikel traitait directement de cette préoccupation.

[23]           À mon avis, suivant les directives formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c GDB, 2000 CSC 22, au paragraphe 29, cet argument peut être tranché sans avoir à statuer sur la question de savoir si l’omission de l’avocat trahissait une incompétence. Je suis d’avis que les demandeurs n’ont pas réussi à établir qu’il était raisonnablement probable que la décision aurait été différente, n’eût été l’incompétence alléguée. Contrairement à la décision El Kaissi, on ne peut pas dire que le fait que la lettre du père Mikel n’ait pas été fournie à l’agent a entraîné une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Les demandeurs ont été déboutés en raison de l’insuffisance de la preuve; selon moi, il est improbable que cette lettre eût suffi à faire pencher la balance en leur faveur. La lettre en question ne réfute pas non plus la présomption de protection de l’État. Par conséquent, je ne peux convenir avec les demandeurs que l’omission de fournir cette lettre à l’agent a entraîné un déni de justice, même en présumant que cette omission était due à l’incompétence qu’ils allèguent. Sur ce dernier point, le défendeur fait valoir que la décision de l’avocat d’omettre cette lettre était délibérée et stratégique, compte tenu de préoccupations liées à sa fiabilité et parce qu’elle n’établissait pas un nouveau risque. Il est raisonnablement probable de penser que l’agent aurait entretenu des préoccupations similaires.

B.                 La décision était-elle raisonnable?

[24]           La question de savoir si un demandeur peut bénéficier d’une audience lors d’un ERAR est discrétionnaire, et encadrée par l’alinéa 113b) de la LIPR et l’article 167 du Règlement :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows :

[...]

...

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

[25]           Même s’il peut être avancé que la preuve des demandeurs soulevait des questions importantes concernant la crédibilité, j’estime que la décision de ne pas leur accorder d’audience était raisonnable, compte tenu de l’alinéa 167c) du Règlement. La conclusion de l’agent portant qu’il existait une protection de l’État adéquate, nonobstant la preuve des demandeurs à l’effet contraire, disposait de manière avertie de la demande d’ERAR. À mon avis, cette conclusion n’aurait pas été modifiée même en présence d’une conclusion favorable en matière de crédibilité en ce qui intéresse les vendettas.

[26]           Pour ce qui est des autres arguments soulevés par les demandeurs, j’estime que la décision de l’agent était équitable et raisonnable. D’abord, en ce qui concerne l’argument lié à l’équité, je conviens avec le défendeur que le rapport du Home Office britannique n’était ni inédit ni important, et qu’il ne faisait pas état de changements importants affectant les conditions générales du pays dont les demandeurs n’avaient pas connaissance. L’agent a spécifiquement relevé que le rapport ne faisait état d’aucun changement dans les conditions du pays en cause par rapport aux conclusions de la SPR. Le fait que cette preuve documentaire ait pu contredire celle des demandeurs quant à la protection de l’État ne crée aucune obligation de divulgation pour l’agent.

[27]           J’estime également que la conclusion de l’agent sur la protection de l’État était raisonnable. Ce dernier a déclaré avoir examiné la preuve documentaire des demandeurs, mais il a conclu en fin de compte que la présomption de protection adéquate de l’État n’avait pas été réfutée. Même si l’agent n’a pas expliqué précisément pourquoi il a écarté la preuve documentaire des demandeurs, ses motifs témoignent d’une préférence pour les documents cités par la SPR et le rapport de juin 2014 du Home Office britannique. En accordant préséance à cette preuve, celle des demandeurs s’en trouvait tacitement écartée. À ce titre, je ne peux convenir avec ces derniers que l’agent n’a pas examiné l’ensemble de la preuve pour parvenir à sa décision.

[28]           Reste à disposer des arguments concernant la preuve de risque. Les demandeurs font valoir que la tendance de l’agent à n’accorder que « peu » de poids à la preuve n’est qu’un moyen déguisé d’adopter les conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité. Compte tenu de la preuve corroborante fournie à l’agent, il est allégué que ce dernier aurait dû rejeter en bloc leurs allégations pour manque de crédibilité, ou les accepter comme ayant été étayées. Je conviens toutefois avec le défendeur que l’agent avait pour tâche, dans le cadre de la demande d’ERAR, d’évaluer si la nouvelle preuve justifiait l’octroi d’une protection. L’agent peut examiner le caractère suffisant de cette preuve, en particulier dans le contexte de ce qui avait déjà été présenté à la SPR.

V.                CONCLUSION

[29]           Les demandes en l’espèce ont été plaidées rigoureusement, ce qui est à porter au crédit des avocats. Je ferais remarquer que les arguments sur l’incompétence de l’avocat ont été étroitement débattus, en mettant l’accent sur deux exemples distincts et précis, comme l’exige la loi, plutôt que sur la représentation globale des demandeurs par leur ancien avocat. En fin de compte, cependant, la question est de savoir si l’incompétence de l’avocat a entraîné un déni de justice. Dans la décision relative à l’ERAR, l’agent a conclu que le fondement probatoire était insuffisant pour étayer les vendettas alléguées, et a conclu que la protection de l’État était de toute façon disponible. À mon avis, compte tenu de la preuve dont il disposait, ces conclusions de l’agent étaient raisonnables et n’ont pas été affectées par l’incompétence alléguée. Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Aucune question n’est à certifier.

« Robin Camp »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1532-15

 

INTITULÉ :

PASHKO RAZBURGAJ, LULE RAZBURGAJ, KLAUDIA RAZBURGAJ, GYSTINA RAZBURGAJ, PREK RAZBURGAJ, JACOB RAZBURGAJ c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 19 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge CAMP

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 DÉCEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Arghavan Gerami

 

POUR LES demandeurS

 

Mathew Johnson

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CANADIAN IMMIGRATION AND REFUGEE LAWYERS

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES demandeurS

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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