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Date : 20151211


Dossier : IMM-938-15

Référence : 2015 CF 1379

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

ZAMZAM HAROUB MOHAMED

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Zamzam Haroub Mohamed a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé de lui reconnaître la qualité de refugiée au sens de la Convention au titre de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] ou celle de personne à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la SPR avait rejeté pour des motifs raisonnables la demande de Mme Mohamed en raison d’un manque de crédibilité et de vraisemblance de nombreux aspects de son récit et de l’insuffisance des éléments de preuve présentés pour établir son identité. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

II.                Contexte

[3]               Mme Mohamed est une personne de citoyenneté indéterminée. Sa demande d’asile était fondée sur les affirmations suivantes.

[4]               Mme Mohamed affirme être âgée de 34 ans et être une citoyenne de la Somalie. Elle soutient qu’elle fait partie du clan des Bajunis, un peuple traditionnel vivant le long des côtes du sud de la Somalie. Mme Mohamed affirme qu’elle a passé toute sa vie sur l’île de Chula, où elle s’est mariée et a eu trois enfants. Elle n’a jamais fréquenté l’école, mais elle a étudié le Coran. Mme Mohamed ne parle que le kibajuni, la langue traditionnelle des Bajunis.

[5]               Le 7 juillet 2014, Mme Mohamed et les membres de sa famille ont fui leur demeure à la suite d’une attaque perpétrée par al Shabaab, un groupe affilié à Al‑Qaïda en Somalie. Ils se sont rendus par bateau à Mombasa, au Kenya. Dès que Mme Mohamed fut arrivée à destination, le chef de la communauté des Bajunis a pris des dispositions pour que Mme Mohamed puisse, grâce à un passeur, entrer clandestinement au Canada à l’aide d’un faux passeport britannique. Mme Mohamed a laissé derrière elle son mari et ses enfants à Mombasa.

[6]               Mme Mohamed a quitté Mombasa le 24 septembre 2014 et s’est rendue par avion jusqu’à Addis Abeba, en Éthiopie. Elle était accompagnée d’une femme bajunie qui parlait anglais du nom de Nyabwana. Elles sont arrivées à Toronto le 25 septembre 2014. Mme Mohamed a présenté une demande d’asile le 22 octobre 2014.

[7]               Dans une décision datée du 22 janvier 2015, la SPR a rejeté la demande d’asile de Mme Mohamed au motif que sa demande était dépourvue d’un minimum de fondement.

[8]               Mme Mohamed n’a soumis aucun document pour établir son identité devant la SPR. Elle a déclaré qu’elle ne possédait pas de certificat de naissance parce qu’elle n’était pas née dans un hôpital. La SPR a reconnu que la Somalie n’avait pas de gouvernement fonctionnel depuis 1991 et elle n’a pas tiré de conclusion défavorable du fait que Mme Mohamed a été incapable de produire des documents officiels pour prouver son identité. Toutefois, la SPR a tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la vraisemblance et la crédibilité du récit de Mme Mohamed.

[9]               Halima Timamy a été citée comme témoin pour établir l’identité de Mme Mohamed. Mme Mohamed a tout d’abord prétendu qu’elles s’étaient rencontrées lors d’un mariage en Somalie en 1999. Mme Timamy a expliqué que Mme Mohamed était présente à ce mariage en Somalie, mais elle a par la suite admis qu’elle ne pouvait se souvenir y avoir vu Mme Mohamed. Selon Mmes Mohamed et Timamy, les deux femmes s’étaient rencontrées au Canada par hasard dans une pharmacie Shoppers Drug Mart à Toronto, où une amie mutuelle les avait présentées. La SPR a conclu qu’il était fort peu probable que deux membres de la minorité des Bajunis se rencontrent par hasard à Toronto.

[10]           La SPR a conclu que Mme Timamy n’était pas un témoin crédible et qu’elle avait été présentée au tribunal pour l’induire en erreur. La SPR a tiré une conclusion défavorable des incohérences relevées dans le témoignage de Mme Mohamed et de Mme Timamy en ce qui concerne le moment et la façon dont elles s’étaient rencontrées à Toronto. La SPR a également conclu que Mme Timamy connaissait peu de choses du passé de Mme Mohamed en Somalie et au Kenya. Bien que Mme Timamy ait démontré qu’elle connaissait un peu la famille de Mme Mohamed, la SPR a conclu qu’il était tout à fait « contraire au bon sens » que Mme Timamy en sache si peu au sujet des antécédents de Mme Mohamed ou des raisons pour lesquelles elle s’était enfuie de la Somalie, compte tenu du fait qu’elles s’étaient parlé à plusieurs reprises.

[11]           La SPR a estimé que Mme Mohamed n’était pas crédible en raison de l’invraisemblance de bon nombre de ses affirmations. Mme Mohamed avait expliqué qu’elle s’était rendue directement d’Addis Abeba à Toronto sans escale par avion. Toutefois, dans le formulaire Annexe 12, elle avait déclaré que son vol avait fait escale à Rome, en Italie. Interrogée au sujet de cette contradiction, Mme Mohamed avait expliqué que son vol avait fait escale quelque part, mais qu’elle ne se souvenait pas où. La SPR s’est dite d’avis que le premier voyage de Mme Mohamed à l’étranger devait être pour elle une « expérience mémorable » et qu’il était invraisemblable qu’elle ne puisse pas se souvenir que son avion avait fait escale à Rome.

[12]           La SPR a également jugé invraisemblable que Mme Mohamed ne se souvienne pas du nom indiqué sur son faux passeport. Selon la SPR, le bon sens exigeait que le passeur s’assure que Mme Mohamed se souvienne du nom figurant sur son passeport frauduleux. Mme Mohamed a expliqué qu’elle n’avait pas adressé la parole aux agents des services frontaliers à son arrivée au Canada, parce qu’elle ne parle pas l’anglais et que c’était la personne qui l’accompagnait qui avait parlé à sa place. La SPR a jugé invraisemblable que les autorités ne lui posent pas une seule question à son arrivée au Canada.

[13]           Enfin, la SPR a conclu que Mme Mohamed ne se comportait pas comme une personne qui manquait d’instruction. Elle avait en effet été en mesure de donner la date de naissance exacte de son mari et de ses enfants selon le calendrier grégorien ainsi que la date exacte du décès de sa mère. La SPR a également fait observer que Mme Mohamed avait utilisé une « signature cursive stylisée » à 16 reprises en tout dans ses formulaires de demande. La SPR a conclu que sa signature n’était pas « le résultat d’une personne qui apprend à signer son nom pour la première fois de sa vie » et elle n’a pas accepté son explication qu’elle s’était exercée à signer de cette façon une fois arrivée au Canada.

[14]           La SPR a conclu que Mme Mohamed n’avait pas établi son identité personnelle ou son identité nationale. Comme elle n’était pas en mesure d’établir son identité, la SPR a conclu que la demande d’asile de Mme Mohamed n’avait pas de fondement crédible.

III.             Questions en litige

[15]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.    Les affidavits qui n’ont pas été soumis à la SPR sont‑ils admissibles dans le cadre de la présente instance?

B.     La SPR a‑t‑elle violé le droit à l’équité procédurale de Mme Mohamed?

C.     Les conclusions d’invraisemblance tirées par la SPR étaient‑elles raisonnables?

IV.             Dispositions législatives applicables

[16]           L’article 106 de la LIPR dispose :

La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

[17]           L’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, est ainsi libellé :

Le demandeur d’asile transmet des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents.

The claimant must provide acceptable documents establishing their identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they did not provide the documents and what steps they took to obtain them.

V.                Analyse

A.                Les affidavits qui n’ont pas été soumis à la SPR sont‑ils admissibles dans le cadre de la présente instance?

[18]           À l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, Mme Mohammed a soumis son propre affidavit dans le but d’expliquer la raison pour laquelle elle avait été en mesure de se souvenir de dates précises selon le calendrier grégorien et la raison pour laquelle elle avait utilisé une signature stylisée de façon constante à 16 reprises différentes. Ce témoignage visait à répondre à plusieurs préoccupations soulevées par la SPR au sujet de sa crédibilité.

[19]           En règle générale, le dossier de preuve soumis à la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Association des universités et collèges], au paragraphe 19). Ce principe général souffre de quelques exceptions reconnues et la liste des exceptions n’est sans doute pas exhaustive (Association des universités et collèges, au paragraphe 20). La seule exception reconnue qui pourrait s’appliquer en l’espèce concerne les éléments de preuve nécessaires pour porter à l’attention de la Cour des vices de procédure qu’on ne peut pas déceler dans le dossier du décideur.

[20]           Mme Mohamed soutient que son affidavit est nécessaire pour démontrer qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Il n’y a rien toutefois qui permet de penser qu’elle n’aurait pas pu donner les explications fournies dans son affidavit à la SPR au cours de l’audience. Elle était représentée par un avocat. Il incombait à Mme Mohamed de fournir les explications nécessaires à la SPR. Pour les motifs que j’expliquerai plus en détail plus loin, je suis convaincu qu’on lui a accordé une possibilité raisonnable de s’expliquer et que, par conséquent, son affidavit n’est pas admissible dans le cadre de la présente instance.

B.                 La SPR a‑t‑elle violé le droit à l’équité procédurale de Mme Mohamed?

[21]           La SPR a l’obligation générale de confronter les demandeurs d’asile aux incohérences de leur témoignage et de leur donner l’occasion de se justifier (Westres Torres c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 212, au paragraphe 5, citant Guo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 1185, 65 ACWS (3d) 991). La question de savoir si la SPR doit signaler expressément la contradiction au demandeur d’asile dépend des faits de chaque affaire (Ongeldinov c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 656, au paragraphe 21).

[22]           Mme Mohamed affirme qu’on ne lui a pas accordé la possibilité de répondre aux préoccupations de la SPR suivant laquelle le style de sa signature n’était pas celui d’une personne qui apprenait à signer son nom pour la première fois. Toutefois, la transcription de l’audience confirme que la SPR a bel et bien demandé à Mme Mohamed si elle avait déjà écrit avec un stylo et du papier, si elle pouvait écrire en bajuni, comment elle avait appris à signer et si elle avait déjà utilisé cette signature avant d’arriver au Canada. Ces questions donnaient à Mme Mohamed amplement la possibilité d’expliquer que, à son arrivée au Canada, elle s’était patiemment exercée à signer comme elle l’avait fait, si c’était l’explication qu’elle souhaitait fournir.

[23]           Il est vrai que la SPR n’a pas explicitement confronté Mme Mohamed au sujet de sa capacité de se rappeler de diverses dates en utilisant le calendrier grégorien. Dans sa décision, la SPR a fait observer que le calendrier islamique était normalement utilisé dans les régions rurales de la Somalie. Dans l’affidavit qu’elle a déposé dans le cadre de la présente instance, affidavit que j’ai jugé non admissible en preuve, Mme Mohamed affirme que, sur le conseil de la communauté bajunie, elle avait mémorisé toutes les dates des anniversaires de naissance des membres de sa famille avant son départ pour le Canada.

[24]           Je ne suis pas prêt à conclure que la SPR a violé le droit à l’équité procédurale de Mme Mohamed en ne lui demandant pas expressément la raison pour laquelle elle était en mesure de se souvenir de dates en utilisant le calendrier grégorien. La SPR n’est pas tenue de faire part au demandeur d’asile de chacune de ses réserves quant à sa crédibilité (Gougoushvili (représentée par son tuteur en instance) c Canada, 2013 CF 1214, au paragraphe 23). Mme Mohamed était consciente du fait que sa crédibilité et son présumé manque d’instruction étaient des éléments essentiels de sa demande d’asile et que ces questions se retrouveraient inévitablement au cœur de la décision de la SPR.

C.                 Les conclusions d’invraisemblance tirées par la SPR étaient‑elles raisonnables?

[25]           Lorsqu’elle évalue une demande d’asile, la Commission est en droit d’en apprécier la vraisemblance et la logique (Ye c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1221, au paragraphe 29). La norme de contrôle à appliquer aux conclusions d’invraisemblance et de crédibilité est celle de la décision raisonnable et ces conclusions commandent un degré élevé de déférence (Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 929, au paragraphe 17).

[26]           Comme le juge Décary l’a déclaré dans l’arrêt Aguebor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315, au paragraphe 4, « [i]l ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu’est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d’un témoignage […] Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d’attirer notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire ».

[27]           Je fais mienne la mise en garde formulée par la juge Gleason dans le jugement Aguilar Zacarias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1155, au paragraphe 10, suivant laquelle la Cour […] ne […] doit tirer « des conclusions au sujet de l’invraisemblance […] que dans les situations où il est clairement invraisemblable que les faits se soient produits comme le témoin le prétend, à la lumière du bon sens ou du dossier de preuve ». Les conclusions d’invraisemblance de la SPR doivent être raisonnables et être formulées « en termes clairs et explicites » (Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 9).

[28]           Mme Mohamed conteste les conclusions d’invraisemblance tirées par la SPR. Elle invoque la décision rendue par la Cour dans l’affaire Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 (CF), au paragraphe 9, [2001] ACF no 1131, et affirme que les conclusions d’invraisemblance ne devraient être tirées que « dans les cas les plus évidents » et ne devraient pas être fondées sur la conception canadienne de la vraisemblance.

[29]           En premier lieu, Mme Mohamed conteste la conclusion de la SPR suivant laquelle il était invraisemblable que les agents de l’Agence canadienne des services frontaliers [l’ASFC] ne lui posent pas une seule question à son arrivée au Canada. Elle conteste également la conclusion de la SPR suivant laquelle il était invraisemblable qu’une personne voyageant avec un faux passeport britannique ne connaisse pas le nom complet qu’elle avait adopté. Je ne suis pas de cet avis. Il était raisonnable de la part de la SPR de présumer que les agents de l’ASFC interrogent Mme Mohamed à son arrivée au Canada, d’autant plus qu’elle était munie d’un passeport délivré par un pays anglophone. Je suis d’accord avec la SPR pour dire qu’une personne voyageant avec un faux passeport ferait un effort pour apprendre le nom figurant sur ce document.

[30]           Deuxièmement, Mme Mohamed conteste la conclusion de la SPR suivant laquelle il était invraisemblable qu’elle ne se souvienne pas que son avion avait atterri à Rome alors qu’elle se rendait de l’Éthiopie au Canada, même si elle est demeurée à bord de l’avion. La SPR a écarté sa version des faits, non seulement parce qu’elle a présumé que son premier voyage à l’étranger serait « une expérience mémorable », mais également en raison de la contradiction qu’elle avait relevée entre ce que Mme Mohamed avait déclaré dans son formulaire Annexe 12 et ce qu’elle avait déclaré dans son témoignage à l’audience. La preuve justifiait nettement la conclusion défavorable tirée par la SPR quant à la crédibilité de Mme Mohamed sur ce point.

[31]           Troisièmement, Mme Mohamed conteste la conclusion de la SPR suivant laquelle il était invraisemblable qu’elle rencontre Mme Timamy par hasard à Toronto. Elle affirme également que l’hypothèse formulée par la SPR au sujet de la teneur de la conversation de deux femmes bajunies repose sur la conception canadienne de la vraisemblance. Là encore, le rejet, par la SPR du témoignage de Mme Timamy reposait sur de nombreux facteurs dont un seul concernait son incapacité de fournir des détails au sujet de la vie passée de Mme Mohamed en Somalie et au Kenya.

[32]           Il vaut la peine de signaler que Mme Mohamed n’a pas contesté la conclusion défavorable la plus importante tirée par la SPR au sujet de sa crédibilité. Mme Timamy avait d’abord expliqué qu’elle avait rencontré Mme Mohamed pour la première fois lors d’un mariage en Somalie, mais avait par la suite admis que cela était inexact. La conclusion de la SPR suivant laquelle Mme Timamy avait été présentée au tribunal pour l’induire en erreur était extrêmement préjudiciable non seulement pour la crédibilité de Mme Timamy, mais également pour celle de Mme Mohamed.

[33]           Suivant l’article 106 de la LIPR, il incombait à Mme Mohamed d’établir le bien‑fondé de sa demande. Pour reprendre les mots de la juge Snider, « il incombe au demandeur d’asile de produire des documents acceptables établissant son identité. Il s’agit avec raison d’un lourd fardeau » (Su c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 743, au paragraphe 4). L’établissement de l’identité du demandeur d’asile est un élément essentiel de toute demande d’asile. La SPR a donc le droit de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur d’asile lorsque celui-ci ne réussit pas à établir son identité (Keita c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1115, au paragraphe 21).

[34]           Le seul élément de preuve établissant l’identité de Mme Mohamed en tant que citoyenne de la Somalie dont disposait la SPR était sa capacité de parler le bajuni. Toutefois, les documents sur le pays confirmaient que les citoyens du Kenya parlent également le bajuni. Mme Mohamed ne parle pas le somali, de sorte qu’elle ne pouvait pas établir son identité par ce moyen. Enfin, le seul élément de preuve présenté par Mme Mohamed pour démontrer qu’elle avait fait des efforts pour obtenir les documents était qu’elle avait demandé à son mari une copie de leur certificat de mariage. Ces démarches n’avaient pas abouti.

[35]           Il était raisonnablement loisible à la SPR de rejeter la demande d’asile de Mme Mohamed en raison du manque de crédibilité et de vraisemblance de divers aspects de son récit et de l’insuffisance de la preuve qu’elle avait présentée pour établir son identité. Je suis convaincu que la décision de la SPR appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-938-15

 

INTITULÉ :

ZAMZAM HAROUB MOHAMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 DÉCEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

John Norquay

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Béchard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Norquay

Avocat

Refugee Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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