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Date : 20151211

Dossier : IMM‑1292-15

Référence : 2015 CF 1377

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

NK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), visant la décision du 20 février 2015 (la Décision) par laquelle le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue d’une dispense ministérielle de son interdiction de territoire au titre du paragraphe 34(2) de la Loi.

II.                LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un ressortissant du Pakistan. Il a présenté une demande d’asile après son arrivée au Canada en mai 1997. En février 1999, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a décidé qu’il avait qualité de réfugié au sens de la Convention. Le demandeur a présenté le même mois une demande de résidence permanente.

[3]               Le demandeur a été déclaré interdit de territoire, en application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi, en tant que membre du Mouvement Mohajir Quami (le MQM), une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes de terrorisme.

[4]               La SPR et la Cour fédérale ont reconnu que le MQM s’était livré à des actes de terrorisme à l’extérieur du Canada. En 1992, l’organisation s’est scindée en deux groupes, la faction Altaf et la faction Haqiqi (le MQM-H), conservant un même objectif de promotion des droits de la communauté mohajir. Le MQM/MQM-H a été reconnu responsable d’enlèvements, de meurtres et d’actes de torture et de terrorisme au Pakistan.

[5]               En juin 2006, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a conclu que le demandeur ne tombait pas sous le coup de l’alinéa 34(1)f) de la Loi. En octobre 2007, la Section d’appel de l’immigration (la SAI) a accueilli l’appel interjeté par le ministre à l’encontre de cette décision. Le demandeur a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire contre cette décision, mais en août 2008, sa demande a été rejetée.

[6]               En février 2006, le demandeur a demandé une dispense ministérielle de son interdiction de territoire au titre de l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi. En mai 2012, le ministre a rejeté la demande de dispense ministérielle. Avec le consentement du ministre, cette décision a été annulée et l’affaire renvoyée pour nouvel examen.

[7]               Le 22 juillet 2014, la demande résidence permanente du demandeur, introduite quinze ans plus tôt, a été rejetée. Le juge Diner a récemment rejeté une demande de contrôle judiciaire visant cette décision (NK c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1040), permettant ainsi le maintien de la conclusion d’interdiction de territoire tirée par la SPR en application de l’alinéa 34(1)f).

[8]               La Décision du 20 février 2015 du ministre de ne pas accorder de dispense ministérielle au demandeur est au cœur du présent contrôle judiciaire.

III.             LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

[9]               Le ministre a suivi dans sa Décision les recommandations formulées le 8 octobre 2014 par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). Ces recommandations faisaient suite à l’examen et à l’évaluation des renseignements biographiques du demandeur et à la participation de ce dernier aux activités du MQM. L’ASFC recommandait en dernière analyse au ministre de ne pas accorder de dispense au demandeur. Le ministre s’est conformé à cette recommandation et, ainsi, l’interdiction de territoire du demandeur au titre de l’alinéa 34(1)f) de la Loi n’a pas été levée.

[10]           Dans ses motifs, sur lesquels le ministre s’est appuyé, l’ASFC a examiné et pris en compte des renseignements et des éléments de preuve provenant de sources diverses, y compris du demandeur.

[11]           Le demandeur a été membre du MQM et a participé aux activités de celui-ci, principalement à Karachi, pendant 11 ans environ, soit de 1986 à 1997. À partir de 1986, le demandeur a offert ses compétences bénévolement au MQM et a accompli pour lui diverses tâches, notamment dactylographier des documents, faire du démarchage, assister à des réunions et diffuser de l’information.

[12]           Le ministre a conclu que, pendant qu’il était membre du MQM, puis de la faction MQM‑H, le demandeur a dû décider consciemment, à de nombreuses occasions, s’il voulait poursuivre ou non son appartenance à ces groupes. Des exemples cités de telles occasions étaient notamment : le choix fait par le demandeur de joindre les rangs du MQM‑H après la scission d’avec le MQM; les dons qu’il a continué de faire après avoir déménagé en Arabie saoudite; le maintien de son appartenance une fois de retour au Pakistan, malgré les fortes objections répétées des membres de sa famille.

[13]           Ces choix faits et la participation qui s’est poursuivie aux activités, malgré les menaces, la torture et les arrestations subies, dénotaient selon le ministre un réel engagement du demandeur envers l’organisation et ses objectifs. Les remords exprimés par le demandeur ont été pris en compte, mais ils ne changeaient rien à l’esprit de la loi ainsi révélé.

[14]           Il ressort de la Décision que le demandeur a déclaré ne pas avoir été au courant que le MQM/MQM-H se livrait au terrorisme. Le ministre a toutefois conclu que le demandeur le connaissait l’existence de luttes intestines dans l’organisation, qu’il avait un certain niveau d’instruction, que la longue période où il avait vécu à Karachi et les avertissements des membres de sa famille quant à son engagement politique, que le MQM avait commis des actes de terrorisme.

[15]           En ce qui a trait aux considérations de sécurité nationale et de la sécurité publique, le ministre a relevé que le demandeur avait déclaré ne pas constituer une menace ou un danger pour le Canada. Le demandeur n’a pas de casier judiciaire au Canada et le gouvernement britannique a vérifié ses antécédents avant qu’il ne soit embauché au haut‑commissariat auxiliaire de Grande‑Bretagne à Karachi. Le ministre n’a toutefois pas jugé déterminante cette absence de menace. Le ministre s’est fondé à cet égard sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 (Agraira).

[16]           Le demandeur a dit s’inquiéter de demeurer dans les [traduction] « limbes » du statut de réfugié au Canada, cela étant incompatible selon lui avec l’objet de la Loi. La réponse donnée à cette inquiétude, dans la Décision, fut la suivante :

[traduction]

À cet égard, s’il est vrai que la (Loi) et les règlements connexes soustraient à certains égards les personnes protégées à l’application des dispositions sur l’interdiction de territoire lorsqu’elles présentent une demande de résidence permanente, ces personnes demeurent assujetties en la matière aux dispositions des articles 34, 35 et 37. Il est donc conforme à l’esprit de la loi établi par le législateur que certains réfugiés au sens de la Convention, interdits de territoire pour de graves motifs, puissent ne jamais obtenir le statut de résidents permanents.

[17]           Le ministre a aussi relevé l’argument du demandeur selon lequel son appui au MQM/MQM-H n’équivalait pas à un appui au terrorisme. De plus, ni l’une ni l’autre organisation ne figure sur la liste des entités terroristes établie par le Canada.

[18]           Le ministre a souligné qu’il fallait soupeser la possibilité que le MQM/MQM-H ait des objectifs et exerce des activités politiques légitimes, au regard des considérations primordiales de sécurité nationale et de sécurité publique en l’espèce. De plus, les organisations qui recourent au terrorisme sont incompatibles avec les valeurs canadiennes.

[19]           Le ministre a conclu que le demandeur avait sciemment appartenu à une organisation terroriste et maintenu son engagement envers cette organisation pendant une longue période. La participation du demandeur à la société canadienne a été prise en compte, notamment son emploi, son engagement politique et ses liens familiaux au Canada, mais cela ne changeait rien à cette conclusion.

IV.             LES QUESTIONS EN LITIGE

[20]           Le demandeur soulève les questions suivantes relativement au critère juridique utilisé par le ministre :

1.      Le ministre a‑t‑il assimilé erronément une exception à des circonstances exceptionnelles?

2.      Le ministre a‑t‑il fait d’une considération primordiale une considération exclusive?

3.      Le ministre a‑t‑il assimilé erronément la violence au terrorisme?

4.      Le ministre doit‑il se limiter aux entités terroristes figurant sur la liste établie en vertu de la Loi antiterroriste, LC 2001, c 41 ou du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme, DORS/2001‑360?

[21]           Les questions suivantes sont soulevées relativement au caractère raisonnable de la conclusion d’interdiction de territoire :

5.      La Décision est‑elle compatible ou incompatible avec les valeurs canadiennes?

6.      La reconnaissance du statut de réfugié par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, sans conclusion d’exclusion, est‑elle revêtue de l’autorité de la chose jugée (res judicata) pour le ministre?

7.      Le ministre doit‑il prendre en compte une décision éventuelle de la Cour portant que l’interdiction de territoire du demandeur ne repose plus sur aucun fondement juridique?

8.      La Loi et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), autorisent‑ils qu’on dispose au Canada d’un statut permanent qui n’est pas celui de résident permanent?

V.                LA NORME DE CONTRÔLE

[22]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette première démarche se révèle infructueuse, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs constituant l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira, précité, au paragraphe 48.

[23]           Le premier groupe de questions a trait à l’application du bon critère juridique, ce qui commande la norme de contrôle de la décision correcte : Diaby c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 742, au paragraphe 36; Guxholli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1267, aux paragraphes 17 et 18; Awolope c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 540, au paragraphe 30.

[24]           Le deuxième groupe de questions commande, pour sa part, la norme de la décision raisonnable.

[25]           Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 59 (Khosa). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable du fait qu’elle n’appartenait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[26]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente instance :

Sécurité

Security

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for:

[...]

[...]

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

[...]

[...]

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

[27]           La disposition suivante, présente dans la Loi en 2006, est également pertinente :

Exception

Exception

34. (2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

34. (2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfied the Ministre that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

VII.          LES ARGUMENTS DES PARTIES

A.                Le demandeur

(1)               Le critère juridique relatif à la dispense ministérielle

[28]           Le demandeur soutient que le ministre assimile erronément une exception à l’interdiction de territoire (la dispense ministérielle) à des circonstances voulues exceptionnelles. Cette conception, admise dans le passé par la Cour fédérale, a été renversée par la Cour suprême du Canada parce qu’elle était trop restrictive, et ne tenait pas adéquatement compte des autres objectifs visés par la Loi (Agraira, précité, au paragraphe 78).

[29]           En limitant son pouvoir discrétionnaire aux seules situations exceptionnelles, le ministre interprète erronément l’arrêt Agraira et la Loi, tout en entravant illicitement l’exercice de ce pouvoir.

[30]           Le demandeur affirme aussi que le ministre fait d’une considération [traduction] « primordiale », la sécurité publique et la sécurité nationale, une considération « exclusive ». Le demandeur soutient que le raisonnement suivi revient à dire dans son cas que, bien que d’autres considérations existent, le fait qu’il n’ait pas été innocent ou n’ait pas été contraint d’agir l’emporte sur le reste. Étant donné les facteurs favorables en l’espèce, que le demandeur dit être importants à tous égards, il est difficile d’imaginer quelle considération pourrait conduire, mis à part l’innocence ou la coercition, à une décision favorable en recourant à l’approche adoptée par le ministre dans la présente affaire.

[31]           Selon le demandeur, une considération primordiale doit s’entendre de celle à laquelle il est accordé plus de poids qu’à d’autres, mais non d’une considération qui fait inévitablement [traduction] « pencher la balance » en faveur de la sécurité publique et de la sécurité nationale. Ce n’est pas un cas où les autres considérations ne devraient l’emporter que dans des circonstances exceptionnelles.

[32]           Le demandeur affirme également que dans la Décision, il y a confusion entre la connaissance de la violence et la connaissance du terrorisme, alors qu’il ne s’agit pas de la même chose. Pour qu’il y ait activité terroriste, il faut qu’il y ait intention d’intimider le public. Or, il ne ressort nullement de la Décision que le demandeur a participé à des actes terroristes ni que celui‑ci a eu connaissance de tels actes. Il n’était donc pas raisonnable de conclure, comme l’a fait le ministre, que le demandeur avait connaissance des activités terroristes : sous‑alinéa 83.01(1)b)(ii) du Code criminel, LRC 1985, c C‑46.

[33]           Le demandeur fait valoir que le Canada (et plus précisément le ministre) n’a jamais inscrit le MQM sur la liste des organisations terroristes. Il prétend que le ministre se fonde sur de l’information ancienne au sujet du MQM (antérieure à 1997), et que le ministre devrait se limiter à la liste (de la Sécurité publique) des entités terroristes affichée en ligne par le gouvernement canadien. Le gouvernement ne peut pas dire qu’il n’a pas connaissance des actes terroristes commis par le MQM(H), mais que le demandeur lui le peut.

[34]           Paraphrasant le troisième préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme (la Déclaration), le demandeur affirme qu’il serait injuste de refuser la dispense ministérielle à une personne qui s’estime contrainte, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression dans un pays qui ne protège pas les droits de la personne par un régime de droit. Le demandeur soutient que le ministre met trop l’accent sur la sécurité nationale et la sécurité publique au détriment de la Déclaration et, plus généralement, des valeurs canadiennes.

[35]           Le demandeur soutient que, lorsqu’une personne est membre d’une organisation qui se livre au terrorisme, elle ne peut être poursuivie pour des actes terroristes que si elle a consciemment contribué de manière significative au terrorisme. Voir Ezokola c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CSC 40 [Ezokola].

[36]           Le demandeur renvoie aux conclusions de la SPR, invoquées par le ministre dans la Décision, selon lesquelles un conflit violent et endémique oppose diverses factions du MQM et il existe à Karachi un climat de violence. Faisant remarquer qu’il n’a pas été exclu de l’asile, le demandeur soutient qu’il y a autorité de chose jugée quant à la question de la contribution consciente et significative au terrorisme. Aux fins de la dispense ministérielle, ainsi, le ministre devait reconnaître que le demandeur n’avait contribué de manière consciente et significative à aucun acte de terrorisme, ni, de plus, n’avait été complice par association ou acquiescement passif d’actes terroristes.

(2)               La conclusion d’interdiction de territoire

[37]           Le demandeur soutient, en citant la jurisprudence récente de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, que l’arrêt Ezokola, précité, de la Cour suprême du Canada n’a pas modifié le critère relatif à l’interdiction de territoire sous le régime de l’alinéa 34(1)f) de la Loi : Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86 (Kanagendren); Nassereddine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 85.

[38]           La question, toutefois, n’est pas entièrement réglée. L’avocate de l’appelant dans l’affaire Kanagendren a fait savoir qu’elle demanderait l’autorisation de former un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel fédérale. Si la Cour suprême du Canada devait infirmer l’arrêt Kanagendren et répondre en sens inverse à la question certifiée, décidant ainsi que l’arrêt Ezokola modifie bien le critère juridique servant à évaluer l’appartenance à une organisation terroriste aux fins de l’alinéa 34(1)f) de la Loi, il conviendrait d’accorder une dispense ministérielle au demandeur comme réparation en l’espèce. Le ministre aurait ainsi commis une erreur, selon le demandeur, en tranchant la présente demande avant qu’il ne soit statué en dernier ressort sur l’affaire Kanagendren.

[39]           Le demandeur affirme aussi que, conformément à l’esprit actuel de la Loi, les réfugiés au sens de la Convention ne peuvent se trouver que dans deux situations : soit ils obtiennent la résidence permanente, soit ils sont renvoyés du Canada. Il n’y a pas de troisième voie qui fasse demeurer un réfugié au sens de la Convention dans les « limbes » au Canada.

[40]           Le demandeur soutient que la thèse du ministre – selon laquelle il est conforme à l’esprit actuel de la Loi que certains réfugiés au sens de la Convention interdits de territoire n’acquièrent jamais la résidence permanente et demeurent dans un type de « limbes » juridiques – n’est pas prévue par la Loi et n’a aucun appui dans la jurisprudence. Dans la présente affaire, affirme le demandeur, l’interprétation du ministre est étonnante et incompatible avec les dispositions législatives. Cela donne ainsi à entendre qu’une personne pourrait demeurer en permanence au Canada sans y obtenir la résidence permanente. La thèse du ministre a pour effet, affirme le demandeur, de brouiller la distinction entre les personnes admissibles et non admissibles à la dispense ministérielle. Si une personne telle que le demandeur peut demeurer indéfiniment au Canada sans statut de résident permanent, il pourrait alors en être ainsi d’une personne qui n’est pas même admissible à la dispense.

[41]           Le demandeur sollicite l’annulation de la Décision du ministre en application de l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi, et le renvoi de sa demande pour qu’elle soit examinée à nouveau.

B.                 Le défendeur

[42]           Le défendeur soutient pour sa part que le demandeur n’a pas automatiquement droit à une dispense ministérielle ou au statut de résident permanent parce qu’il a qualité de réfugié. Le ministre a statué de manière raisonnable, dans une Décision prise conformément aux dispositions législatives pertinentes et à la jurisprudence récente, que la participation du demandeur aux activités d’une organisation terroriste l’emportait sur tous les autres facteurs qui militaient en sa faveur : Agraira, précité; Kanagendren, précité.

(1)               Le critère juridique relatif à la dispense ministérielle

[43]           Le défendeur soutient que le ministre a appliqué le bon critère juridique. La Décision suivait adéquatement l’arrêt Agraira, et la procédure de dispense ministérielle n’a pas pour but de réviser une conclusion d’interdiction de territoire, et elle est l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui doit être exceptionnel.

[44]           Le défendeur ne conteste pas qu’une distinction soit à faire entre l’exception et les circonstances exceptionnelles. L’emploi du mot [traduction] « exceptionnel » ne constitue toutefois pas une erreur, et le ministre a recouru à bon droit au critère plus exigeant des circonstances exceptionnelles, l’ancien paragraphe 34(2) de la LIPR habilitant le ministre à accorder un redressement exceptionnel lorsqu’était tirée une conclusion d’interdiction de territoire : Omer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 494, au paragraphe 13 (Omer).

[45]           Selon le défendeur, l’argument du demandeur selon lequel le ministre s’est exclusivement appuyé sur des considérations de sécurité nationale et de sécurité publique est contredit par les motifs, qui permettent de constater la prise en compte de facteurs autres que de sécurité comme les lettres de recommandation favorables, l’emploi, les activités bénévoles et de bienfaisance et l’apport à la collectivité. Ces facteurs ne l’emportaient tout simplement pas sur la preuve montrant qu’accorder la dispense serait préjudiciable à l’intérêt national.

[46]           Le défendeur considère par ailleurs comme non pertinent l’argument du demandeur relatif au statut d’organisation terroriste du MQM, car il s’agissait d’une conclusion tirée par la SAI, ne pouvant pas par conséquent être contestée.

[47]           Le défendeur reconnaît que la complicité n’est pas requise pour tirer une conclusion d’interdiction de territoire sous le régime de l’alinéa 34(1)f) de la Loi. Le ministre a toutefois estimé raisonnable de conclure que, compte tenu de son niveau d’instruction, de ses années de participation aux activités du MQM, des avertissements qu’il a reçus quant à cette participation et de sa période de résidence à Karachi, le demandeur avait connaissance des actes de terrorisme commis par le MQM.

[48]           Quant à la Déclaration, le défendeur fait valoir que, bien qu’elle garantisse le droit de se révolter contre un gouvernement, elle ne prévoit pas le droit d’appartenir à une organisation terroriste ou de participer aux activités d’une telle organisation.

(2)               La conclusion d’interdiction de territoire

[49]           Le défendeur soutient que le demandeur continue d’être un réfugié ayant le statut de résident temporaire et que, même si ce dernier affirme que l’effet de la loi ne peut entraîner pareil résultat, un tel moment ne saurait être admis puisque c’est la loi même qui conduit à une telle issue. Les réfugiés ne se voient pas automatiquement accorder le statut de résidents permanents.

[50]           Le statut actuel du demandeur – un réfugié autorisé à demeurer au Canada – découle des étapes suivies en conformité avec les dispositions législatives. Le demandeur a obtenu l’asile en 1999, la SAI l’a déclaré interdit de territoire au titre de l’alinéa 34(1)f) de la Loi et une dispense ministérielle lui a été refusée en application du paragraphe 34(2). Le défendeur souligne que bien qu’il soit inhabituel qu’un réfugié soit interdit de territoire au titre de l’alinéa 34(1)f), cela n’a rien d’illégal. Des arrêts portant sur des situations semblables ont confirmé les conclusions d’interdiction de territoire : Najafi c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2014 CAF 262 (Najafi); Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Khalil, 2014 CAF 213 (Khalil).

[51]           Le défendeur ajoute que le ministre n’a pas commis d’erreur en statuant sur la présente demande, et en appliquant la jurisprudence actuelle, plutôt que d’attendre la décision en dernier ressort dans l’arrêt Kanagendren.

C.                 La réplique du demandeur

(1)               Le critère juridique relatif à la dispense ministérielle

[52]           En réplique au fait que le défendeur a invoqué la décision Omer, précitée, le demandeur soutient que cette affaire et l’espèce traitent de questions différentes, et qu’ainsi la décision de la juge Mactavish ne saurait nous guider. La simple mention du terme « exceptionnel » dans une phrase d’un jugement de la Cour, à l’égard d’une question non débattue et non tranchée, laisse tout loisir à la Cour de décider de celle‑ci.

[53]           Faisant de nouveau référence aux commentaires de la Cour suprême du Canada sur la sécurité publique, la sécurité nationale et l’intérêt national du Canada dans l’arrêt Agraira, le demandeur soutient que le ministre s’est simplement conformé du bout des lèvres à cet arrêt, tout en ayant comme considérations exclusives la sécurité nationale et la sécurité publique. Le demandeur ajoute que le défendeur ne traite pas de l’argument avancé selon lequel d’autres facteurs ont été pris en considération. Le demandeur maintient que bien que la Décision puisse reprendre certains termes utilisés l’arrêt Agraira, elle fait abstraction du fond de la question.

[54]           Selon le demandeur, le ministre a eu tort de conclure, sans faire état du moindre acte de terrorisme, que le demandeur savait que le MQM se livrait au terrorisme. Dire au demandeur [traduction] « vous le saviez » sans préciser ce qu’il savait manque de transparence, de justification ou d’intelligibilité : Dunsmuir, précité.

[55]           En ce qui a trait au commentaire du défendeur selon lequel la Déclaration ne garantit pas le droit d’appartenir à une organisation terroriste ou de participer à ses activités, la question à examiner dans l’instance est le refus d’une dispense ministérielle et non l’interdiction de territoire. Un tel refus ne devrait pas résulter d’un recours d’un suprême recours à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.

[56]           Le demandeur souligne que le défendeur, en faisant valoir son interdiction de territoire, ne répond pas à l’argument du demandeur selon lequel lorsque la dispense lui a été refusée, il y a eu recours à un raisonnement qui allait à l’encontre de la Déclaration ou qui en faisait abstraction.

[57]           Le demandeur soutient de façon semblable que le défendeur ne répond pas à son argument portant que l’absence de conclusion d’exclusion a, quant à la Décision, autorité de chose jugée.

(2)               La conclusion d’interdiction de territoire

[58]           Si la Cour suprême du Canada devait infirmer l’arrêt Kanagendren, cela pourrait avoir des conséquences importantes sur la présente affaire, le demandeur étant éventuellement en mesure de présenter de nouveau une demande de dispense ministérielle.

[59]           Finalement, il reste à établir dans la présente affaire si les dispositions législatives prévoient l’existence d’une catégorie de personnes demeurant en permanence au Canada à titre de résidents temporaires, et l’esprit de la Loi doit à cet égard être pris en considération dans son ensemble.

D.                La réplique du défendeur

(1)               Le critère juridique relatif à la dispense ministérielle

[60]           Le défendeur soutient que le demandeur, lorsqu’il allègue que le ministre a appliqué un fardeau plus exigeant que celui prescrit dans l’arrêt Agraira, appuie uniquement cette allégation sur le fait que le ministre a qualifié d’ [traduction] « exceptionnel » le redressement prévu au paragraphe 34(2). Ce terme est courant dans la jurisprudence : Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1174, au paragraphe 43 (Ali); Mohammed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1412, aux paragraphes 13 et 14; Miller c Canada (Solliciteur général), 2006 CF 912, au paragraphe 39.

[61]           L’arrêt Agraira ne fait que préciser qu’en ce qui a trait à une demande de dispense ministérielle, il convient de prendre en compte des facteurs autres que la sécurité nationale et la sécurité publique. La teneur de la Décision, qui fait état de nombreux facteurs tels que les activités de bienfaisance du demandeur au Canada, le soutien de sa famille, son emploi et les difficultés que son statut d’immigration a occasionnées, ne permet pas au demandeur de soutenir que le ministre n’a mentionné que du bout des lèvres des facteurs autres que de sécurité nationale et la sécurité publique. Ce dont le demandeur se plaint, essentiellement, c’est le poids accordé aux autres facteurs.

[62]           La conclusion de la SAI selon laquelle le MQM était une organisation terroriste est définitive et, même si elle était susceptible de contrôle, la Cour a statué qu’une conclusion d’interdiction de territoire au titre de l’alinéa 34(1)f) pouvait être tirée sans que l’organisation en cause soit inscrite sur la liste des entités terroristes : Karakachian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 948, au paragraphe 40 (Karakachian).

(2)               La conclusion d’interdiction de territoire

[63]           Le défendeur affirme que la Déclaration ne garantit pas le droit à la révolte contre « la tyrannie et l’oppression » de telle sorte que la dispense ministérielle ne puisse être refusée. Non seulement l’argument du demandeur est‑il hypothétique, mais il est aussi juridiquement incorrect, la Cour d’appel fédérale ayant rejeté l’argument voulant qu’échappent à la portée de l’alinéa 34(1)f) les membres de groupes qui exercent un droit revendiqué, de droit international, de recours à la violence pour renverser un régime oppressif : Najafi, précité.

[64]           La SPR n’a pas examiné s’il fallait considérer le demandeur exclu en tant que membre d’un groupe terroriste, et ainsi aucune conclusion qui lierait le ministre n’a été tirée à cet égard. Toutefois, même si la question de l’exclusion avait été examinée, cela n’aurait pas d’effet déterminant sur la question de l’interdiction de territoire, puisque l’admissibilité au statut de réfugié au sens de la Convention est une question qui diffère fondamentalement de celle de savoir s’il convient d’accorder une dispense, en application du paragraphe 34(2), à une personne interdite de territoire : Kanyamibwa c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 66, aux paragraphes 74 à 83 (Kanyamibwa).

[65]           Non seulement le ministre n’était‑il pas tenu d’attendre un éventuel jugement rendu dans l’affaire Kanagendren, précitée, mais ces formulés des conjectures que de laisser entendre qu’un tel jugement aurait une incidence directe sur la Décision soumise au contrôle.

[66]           Si la Cour devait souscrire à l’argument du demandeur selon lequel la Loi ne permet pas aux réfugiés de demeurer au Canada sans disposer du statut de résidents permanents, cela mènerait à des résultats absurdes. L’insatisfaction du demandeur ne suffit pas à rendre la Décision déraisonnable.

VIII.       ANALYSE

[67]           Le demandeur fait valoir un certain nombre de motifs de contrôle qu’il vaut mieux examiner dans l’ordre.

A.                Le caractère exceptionnel

[68]           Le demandeur reproche au ministre d’erronément [traduction] « assimiler une exception à l’interdiction de territoire, ce qu’est la dispense ministérielle, à une circonstance exceptionnelle, ce que n’est pas censée être cette dispense ». Il concède que le ministre ne s’est pas concentré exclusivement sur la sécurité nationale et la sécurité publique, mais il affirme que celui‑ci a omis, en estimant la dispense ministérielle exceptionnelle [traduction] « de prendre suffisamment en compte les autres objectifs visés par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ».

[69]           Le demandeur semble laisser entendre que le ministre, plutôt que d’appliquer l’arrêt Agraira selon les instructions de la Cour suprême du Canada, a ajouté une connotation d’ [traduction] « exception » aux facteurs pertinents qu’il lui fallait prendre en compte.

[70]           Selon moi, le demandeur a sorti de son contexte le terme [traduction] « exceptionnel » figurant dans la Décision et il tente de lui attribuer une conséquence qui n’est pas étayée par la Décision prise dans son ensemble. Ce terme figure dans la phrase suivante, à la fin de la page 2 de la Décision : [traduction] « La procédure de dispense ministérielle ne se veut pas un réexamen de la conclusion d’interdiction de territoire, tout en étant un exercice, censé exceptionnel, de pouvoir discrétionnaire ». Cette phrase figure elle‑même dans une section de deux paragraphes de la Décision intitulée [traduction] « Dispense ministérielle – critère juridique » dans laquelle le ministre cite l’arrêt Agraira et reconnaît quelles obligations cet arrêt lui impose. Le ministre confirme également le fait suivant, à la page 10 de la décision : [traduction] « La demande de dispense ministérielle de M. Khan a été réexaminée d’une manière conforme aux instructions données par la Cour suprême du Canada dans son arrêt subséquent Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 [...] ». Le ministre est donc bien conscient, ainsi, qu’il lui faut appliquer l’arrêt Agraira. Il faut interpréter le terme [traduction] « exceptionnel » en tenant compte du contexte immédiat de la section [traduction] « Dispense ministérielle – critère juridique » ainsi que du contexte de la Décision dans son ensemble.

[71]           En ce qui a trait au contexte immédiat, le ministre me semble clairement vouloir distinguer la dispense ministérielle des autres types de redressements tels que [traduction] « l’examen des facteurs d’ordre humanitaire » ou [traduction] « l’examen d’une conclusion sur l’interdiction de territoire », dont elle diffère manifestement. L’intention visée est de dire que la dispense ministérielle discrétionnaire a son propre objet et ses propres critères, énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Agraira.

[72]           Lorsqu’on interprète le terme dans le contexte de la Décision dans son ensemble, sans prendre au pied de la lettre ce que le ministre dit de l’application de l’arrêt Agraira, il est manifeste que ce dernier se conforme véritablement à l’arrêt de la Cour suprême du Canada. Rien n’indique que le ministre intègre dans la prise en compte des facteurs pertinents un type quelconque de critère de l’ [traduction] « exceptionnel ».

[73]           Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle sur ce point.

B.                 La considération primordiale et exclusive

[74]           Le demandeur reproche de façon semblable au ministre de faire d’une considération primordiale (la sécurité nationale et la sécurité publique) une considération exclusive. Il est vrai que le ministre conclut que tous les autres éléments de preuve et facteurs présentés en faveur du demandeur

[traduction] 

[...] ne renversent pas la preuve montrant qu’il serait préjudiciable à l’intérêt national d’accorder une dispense à M. Khan, une personne qui a sciemment appartenu à une organisation terroriste pendant une longue période, tout en faisant preuve d’un engagement constant malgré diverses occasions qu’il a eues de quitter cette organisation, et les encouragements qu’il a reçus en ce sens.

[75]           Cependant, encore une fois, la lecture de la Décision dans son ensemble montre que le ministre a relevé d’autres facteurs, qu’il en a traité et qu’il les a pondérés comme cela est requis dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. À mon avis, le demandeur se plaint parce qu’il n’est pas d’accord avec la pondération effectuée; il croit que l’issue aurait dû lui en être favorable. La Cour l’a clairement exprimé de nombreuses fois dans sa jurisprudence : elle n’a pas pour rôle d’apprécier de nouveau la preuve et de substituer ses propres conclusions à celles du décideur. Voir l’arrêt Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61; Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 99. Des conclusions différentes auraient pu être tirées au vu des faits de l’espèce, mais le législateur a bien fait comprendre qu’il revenait au ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de prendre la décision. De plus, l’arrêt Dunsmuir indique aussi clairement que la décision prise ne peut pas être entachée d’erreur susceptible de contrôle si elle appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». À mon avis, il ressort de la Décision que le ministre a bien évalué et soupesé d’autres facteurs, en conformité avec l’arrêt Agraira, et tiré une conclusion qui, bien que décevante pour le demandeur, ne s’écarte pas des issues possibles acceptables.

C.                 La connaissance du terrorisme

[76]           Le demandeur reproche au ministre de se méprendre sur le sens du terrorisme et de conclure déraisonnablement que le demandeur avait connaissance des actes de terrorisme alors qu’aucun pareil acte n’a même été spécifié. Le demandeur ajoute qu’en évaluant ce facteur, le ministre doit se limiter aux entités terroristes inscrites par le gouverneur en conseil en application de la Loi antiterroriste et sur recommandation du ministre, et que le MQM n’a jamais figuré sur la liste canadienne d’entités terroristes inscrites sur cette liste.

[77]           L’avocate du demandeur a concédé devant moi que, pour décider de la question, le ministre pouvait tirer des conclusions à partir de la preuve dont il disposait; ces conclusions, toutefois, doivent être raisonnables. 

[78]           La question a longuement été traitée dans la Décision et les conclusions suivantes y sont tirées relativement à la connaissance du demandeur :

[traduction]

M. Khan déclare qu’il n’avait pas connaissance d’actes de terrorisme commis par le MQM/MQM‑H. L’ASFC estime toutefois que les renseignements fournis M. Khan mènent à une conclusion différente. Tel qu’il le déclare lui‑même, M. Khan connaissait l’existence de luttes intestines entre le MQM‑A et le MQM‑H. Cela étant et compte tenu du niveau d’instruction de M. Khan, de sa période de résidence à Karachi, de son engagement continu pendant plus de 11 ans et des avertissements des membres de sa famille quant à son engagement politique, il est raisonnable de conclure qu’il avait connaissance des actes de terrorisme commis par le MQM/MQM‑H.

[79]           Comme le défendeur le souligne, le demandeur passe sous silence plusieurs facteurs essentiels aux fins d’examen du présent motif de contrôle :

a)      Le ministre n’avait pas à faire état d’actes précis de terrorisme commis par le MQM. La SAI avait déjà établi lors de l’enquête la perpétration d’actes terroristes par le MQM. La SAI, d’ailleurs, a relevé divers actes précis de terrorisme.

b)      L’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre prévu au paragraphe 34(2) n’entre en jeu que si le demandeur est déjà déclaré interdit de territoire en raison de son appartenance à une organisation terroriste, et le ministre était chargé d’examiner si, indépendamment de l’appartenance du demandeur à une telle organisation, il serait préjudiciable à l’intérêt national de lui permettre de demeurer au Canada. Voir Ali, précitée, au paragraphe 42.

[80]           Lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire dans ce contexte, le ministre a examiné avec soin l’affirmation du demandeur selon laquelle il n’avait pas connaissance des actes de terrorisme commis par le MQM, et il en est arrivé à la conclusion mentionnée précédemment. La question de l’inscription sur la liste est hors de propos puisque la SAI a déjà statué que le MQM était une organisation terroriste et que cette conclusion n’a pas été infirmée dans le contrôle. De plus, la Cour a confirmé que l’inscription sur la liste n’était pas requise pour décider de l’interdiction de territoire aux fins de l’alinéa 34(1)f). Voir Karakachian, précitée, au paragraphe 40.

[81]           Le ministre ne disposait d’aucune preuve directe de la connaissance par le demandeur d’actes de terrorisme, mais comme ce dernier le concède, il était loisible au ministre de tirer des conclusions en ce sens. Je ne peux pas dire que ces conclusions n’appartiennent pas aux issues acceptables au sens de l’arrêt Dunsmuir, précité. Je ne relève donc, quant à ce motif, aucune erreur susceptible de contrôle. 

D.                La Déclaration universelle des droits de l’homme

[82]           Le demandeur présente une argumentation détaillée et adroite sur cette question :

[traduction]

43.       La Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit ce qui suit :  

Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression,

La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît ainsi que, lorsque les droits de la personne ne sont pas protégés par un régime de droit, il peut être raisonnable qu’un individu s’estime contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.  

[...]

45.       Le ministre prend acte de la déposition du demandeur selon laquelle « il faudrait évaluer sa situation en ayant comme toile de fond la répression exercée par le gouvernement », puis il décide que la sécurité nationale et la sécurité publique doivent prévaloir. Le demandeur soutient que c’est mal comprendre les considérations de sécurité publique et de sécurité nationale que de juger qu’elles l’emportent sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et la reconnaissance qui y est faite que, lorsque les droits de la personne ne sont pas protégés par un régime de droit, il peut être raisonnable qu’un individu s’estime contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.

46.       Il se peut que tous les actes de violence soient cause d’un signal d’alarme, même en rébellion contre le régime tyrannique le plus répressif. Toutefois, cela ne signifie pas que tous les actes de violence constituent du terrorisme. L’intention est ce qui distingue le signal d’alarme causé par la violence du terrorisme. Dans le cas du terrorisme, l’intention est d’inquiéter, d’intimider ou d’effrayer. Le terrorisme ne résulte pas que de l’intention de se rebeller contre la tyrannie. Le ministre omet de comprendre cette distinction et de l’appliquer.

[83]           Malgré cette argumentation adroite, les faits n’étayent pas la thèse du demandeur. Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire alors que la SAI avait conclu dans sa décision que le demandeur était membre d’une organisation terroriste ayant commis des actes terroristes, et que la Cour d’appel fédérale avait rejeté l’argument voulant que les organisations qui recourent à la violence pour contrer ou renverser un régime oppressif n’entrent pas dans le champ d’application de l’alinéa 34(1)f). Voir l’arrêt Najafi, précité.

[84]           Je ne relève donc, quant à ce motif, aucune erreur susceptible de contrôle.

E.                 L’absence d’exclusion

[85]           Le demandeur fait valoir le fait que la SPR lui a reconnu qualité de réfugié et que le ministre n’est pas intervenu dans cette décision à la Cour fédérale et ne l’a pas contestée. Le demandeur affirme maintenant que la décision de la SPR, qui ne l’a pas déclaré interdit de territoire, est revêtue de l’autorité de la chose jugée aux fins de la dispense ministérielle, et que cela vise notamment une [traduction] « absence de conclusion d’exclusion », ce qui signifie, conformément à l’arrêt Ezokola, que le demandeur n’a pas apporté une contribution significative et consciente à des actes terroristes, ni n’en a été complice par association ou acquiescement passif. Le demandeur affirme que le ministre ne peut pas faire montre de retenue à l’égard d’une décision de la SAI, et, en même temps, faire abstraction d’une décision de la SPR.

[86]           Il est difficile de voir comment la décision de la SPR pourrait être revêtue de l’autorité de la chose jugée quant à la complicité du demandeur aux activités terroristes, alors que cette question n’a même pas été examinée. La question de l’exclusion a été tranchée par la SAI. Aussi, la décision Kanyamibwa, précitée, a traité cette question de manière exhaustive :

[83]      Même en présumant, aux fins du raisonnement, que la SPR a en effet décidé que le demandeur n’était pas complice de crimes contre l’humanité, la question ne serait pas réglée pour autant. Il faut garder à l’esprit que la présente affaire porte sur le rejet d’une demande de dispense ministérielle présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 35(2) de la LIPR, et non sur une décision d’interdiction de territoire en vertu du paragraphe 35(1) de la LIPR. Par conséquent, la question de savoir si la préclusion découlant d’une question déjà tranchée empêchait le ministre de déclarer le demandeur interdit de territoire en raison des conclusions de la SPR sur la question de l’exclusion n’est pas pertinente. Si le demandeur souhaitait contester la conclusion selon laquelle il était interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 35(1)b) de la LIPR, il aurait dû le faire. Sa tentative de contester cette conclusion par le truchement d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du ministre de rejeter sa demande de dispense en vertu du paragraphe 35(2) de la LIPR équivaut à une contestation incidente de l’interdiction de territoire. Sa démarche est donc inappropriée et ne peut être permise par la Cour.

[87]           Je ne relève, quant à ce motif, aucune erreur susceptible de contrôle.

F.                  L’esprit de la Loi

[88]           Le demandeur soutient que l’esprit de la Loi ne permet pas que les réfugiés qui, comme lui, ont été interdits de territoire se retrouvent indéfiniment dans des limbes juridiques. Le demandeur affirme que, s’il est autorisé à demeurer au Canada, il n’est pas permis au ministre [traduction] « de façonner, par le refus de la résidence permanente à une personne étant en permanence au Canada, un troisième type de statut qui n’est reconnu ni par la loi ni par règlement ».

[89]           Le demandeur a exposé ces arguments au ministre, qui y a répondu ainsi dans la Décision :

[traduction]

Nous disons, quant au souci exprimé par M. Khan de devoir demeurer indéfiniment dans les « limbes » de son état de réfugié, ce qu’il dit être contraire aux objectifs visés par la LIPR, que le Canada a respecté à ce jour son obligation internationale primaire de non‑refoulement. Pour devenir résident permanent, toutefois, il faut satisfaire à d’autres exigences du droit canadien. À ce titre, s’il est vrai que la LIPR et les règlements connexes soustraient à certains égards les personnes protégées à l’application des dispositions sur l’interdiction de territoire lorsqu’elles présentent une demande de résidence permanente, ces personnes demeurent assujetties en la matière aux dispositions des articles 34, 35 et 37. Il est donc conforme à l’esprit du texte établi par le législateur que certains réfugiés au sens de la Convention, interdits de territoire pour de graves motifs, pourraient ne jamais devenir des résidents permanents.

[90]           Le demandeur ne cite aucune jurisprudence au soutien de son argument, faisant simplement valoir que la Loi ne comporte pas, comme troisième objectif, le maintien d’une personne dans les limbes pendant une durée indéfinie. Selon moi, rien dans le libellé ou dans l’esprit de la Loi n’étaye cet argument ni ne permet de croire que le ministre a interprété les dispositions législatives erronément. La Loi et le Règlement ne renferment tout simplement aucune disposition empêchant les réfugiés interdits de territoire d’avoir le statut de résidents temporaires. Le statut actuel du demandeur est le résultat direct de l’application de la loi à sa situation, et il me semble évident que l’esprit de la Loi ayant entraîné ce résultat a été voulu par le législateur. Autrement, le législateur aurait traité expressément de la question s’il avait souhaité l’atteinte de tout autre résultat.

[91]            Le demandeur semble soutenir que le ministre devait statuer en sa faveur parce qu’il a le statut de réfugié. Toutefois, les paragraphes 34(2) et 21(2) prévoient manifestement le contraire. Rien dans la Loi ou la jurisprudence ne donne à penser qu’il doive en être ainsi. Le demandeur se dit d’avis, uniquement, que tel devrait être le cas. D’autres manifestement, y compris le législateur et le ministre, ne partagent pas cet avis. La jurisprudence nous apprend qu’un réfugié n’est recevable à obtenir la résidence permanente que s’il n’est pas interdit de territoire. Voir, par exemple, Haj Khalil c Canada, 2007 CF 923, au paragraphe 186.

[92]           La Cour s’est aussi clairement exprimée sur la question au paragraphe 88 de la décision Kanyamibwa, précitée :

On ne peut mettre sur le même pied la décision par laquelle le ministre a refusé d’accorder une dispense au demandeur en vertu du paragraphe 35(2) de la LIPR et la démarche condamnée par le juge Pinard dans la décision Thambiturai, précitée. Il est vrai que le ministre, comme l’a suggéré l’avocat du demandeur, aurait pu présenter une demande visant à faire révoquer le statut de réfugié du demandeur en vertu de l’article 109 de la LIPR. Mais une telle démarche aurait nui au demandeur, puisqu’il est de loin préférable d’être déclaré interdit de territoire et de ne pas obtenir de dispense ministérielle que de perdre son statut de réfugié. Je souscris à l’opinion de l’avocat du défendeur selon lequel le ministre devrait être libre de décider que la nature ou la gravité des actes qu’une personne aurait commis ne suffisent pas pour justifier la révocation de son statut de réfugié au sens de la Convention, mais que cette personne devrait tout de même être interdite de territoire et inadmissible au statut de résident permanent. Il s’agit d’une démarche très différente qui ne se compare aucunement à la conduite du défendeur dans l’affaire Thambiturai, et le demandeur n’a pas démontré que la décision du ministre en l’espèce équivalait à un abus du système judiciaire.

[93]           Ainsi, me semble‑t‑il, la loi et la jurisprudence de la Cour indiquent clairement le contraire même de ce que le demandeur fait valoir sur ce point, et elles étayent la position du ministre. Je ne relève donc sur ce point aucune erreur susceptible de contrôle.

G.                L’arrêt Kanagendren

[94]           Enfin, le demandeur soutient que le ministre n’aurait pas dû se fonder sur l’arrêt Kanagendren, précité, de la Cour d’appel fédérale, et aurait dû reporter sa prise de décision jusqu’à ce qu’il ait été décidé si oui ou non un pourvoi sera formé contre cet arrêt à la Cour suprême du Canada.

[95]           Encore une fois, le demandeur ne cite aucune jurisprudence au soutien de son argument relativement à cette question. Le demandeur semble supposer qu’à la suite du pourvoi, le critère relatif à l’interdiction de territoire pourrait être modifié. Le demandeur a concédé lors des plaidoiries que rien n’obligeait en droit le ministre à attendre, mais il qualifie d’ [traduction] « erreur procédurale » le défaut du ministre de l’avoir fait.

[96]           Il est clair en droit qu’un décideur n’a pas à attendre que soient rendues d’éventuelles décisions avant de statuer sur une demande en instance (voir Betoukoumesou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 591, au paragraphe 18). Il est donc difficile de voir comment la décision du ministre de ne pas attendre pourrait constituer d’une quelconque manière une [traduction] « erreur procédurale ».

[97]           Il se pourrait bien, si autorisation de former un pourvoi contre l’arrêt Kanagendren est accordée un jour, que la Cour suprême du Canada décide si l’arrêt Ezokola a modifié le critère actuel d’évaluation de l’appartenance à une organisation terroriste aux fins de l’alinéa 34(1)f), et que cela ait une incidence sur le statut d’interdiction de territoire du demandeur, sur lequel la SAI s’est prononcée et qui n’est pas visé par le présent contrôle judiciaire. Il est possible d’émettre comme hypothèse que le ministre aurait pu prendre en compte, pour l’examen de la demande visée au paragraphe 34(2), une modification du critère applicable à l’alinéa 34(1)f), mais au moment de la prise de la Décision, et même maintenant, il s’agit là de pure hypothèse. Nous ne savons aucunement si la Cour suprême du Canada accordera l’autorisation de former un pourvoi ni, dans un tel cas, quelle sera sa décision. J’estime que la décision du ministre d’aller de l’avant avec la prise de sa Décision en application du paragraphe 34(2) n’est entachée d’aucune erreur de droit ou de procédure.

[98]           Selon moi, rien n’empêche le demandeur de présenter une nouvelle demande si jamais le droit devait être modifié de manière substantielle.

IX.             Dispositif

[99]           Le demandeur est au Canada depuis un certain temps déjà et il estime que sa conduite ici démontre clairement qu’il ne constitue pas une menace pour la sécurité nationale et qu’il mérite la résidence permanente. Je peux comprendre sa déception. Une décision favorable ne m’aurait pas semblé déraisonnable. Toutefois, cela ne rend pas la Décision du ministre déraisonnable. Voir l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59; la décision Khalil, précitée, au paragraphe 36. Le législateur a conféré au ministre le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions aux fins du paragraphe 34(2) et, en l’absence d’erreur susceptible de contrôle, il n’appartient pas à la Cour de reconsidérer ce qu’a décidé le ministre. Or, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans la présente demande.

X.                Certification

[100]       Le demandeur a proposé deux questions en vue de leur certification :

[traduction]

1)    Lorsqu’une organisation n’est pas inscrite sur la liste des entités terroristes établie en application de l’article 83.05 du Code criminel, la dispense ministérielle visée à l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés peut‑elle être refusée au motif que le demandeur de la dispense avait connaissance des activités terroristes de l’organisation?

2)    La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés autorise‑t‑elle qu’on dispose au Canada d’un statut permanent qui n’est pas celui de résident permanent?

[101]       Pour être certifiée, une question doit 1) être déterminante quant à l’issue de l’appel, 2) transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Voir l’arrêt Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9.

[102]       Pour les motifs susmentionnés, j’ai déjà dit pourquoi la question 1 n’était pas soulevée au vu des faits d’espèce, et que, même si c’était le cas, il était clair selon la jurisprudence qu’il n’y a pas d’exigence qu’aux fins de l’interdiction de territoire au titre de l’alinéa 34(1)f), une organisation soit inscrite sur la liste des entités terroristes. Voir la décision Karakachian, précitée.

[103]       En ce qui a trait à la question 2, j’ai déjà dit qu’il ressortait clairement de l’esprit de la Loi et de la jurisprudence de la Cour que l’asile (qui n’est pas, comme la question le laisse entendre, le statut de résident permanent) ne conduit pas nécessairement à la résidence permanente, et expliqué pourquoi ce que le demandeur qualifie de [traduction] « limbes » pour les réfugiés est une situation permise par la Loi. Le demandeur n’invoque aucun précédent ni aucun argument convaincant donnant à croire que la Cour d’appel devrait se pencher sur la question.

[104]       Je ne certifie donc ni l’une ni l’autre question.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      La demande est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1292‑15

 

INTITULÉ :

NK c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 SEPTEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 11 DÉCEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

David Matas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Brendan Friesen

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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