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Date : 20151126


Dossier : IMM-1519-15

Référence : 2015 CF 1320

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 26 novembre 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

LAVERNE SAMUEL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Laverne Samuel sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration a refusé sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Mme Samuel affirme que la décision de l’agent était déraisonnable, particulièrement en ce qui a trait à son évaluation de l’intérêt supérieur de son fils adulte, Orlando.

[2]               Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que la décision de l’agent était déraisonnable étant donné les renseignements limités qui lui ont été fournis quant à la situation actuelle d’Orlando. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I.                   Question préliminaire

[3]               Mme Samuel a fourni son propre affidavit, ainsi que celui d’Orlando, à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Ces deux affidavits contiennent d’importants éléments de preuve dont ne disposait pas l’agent d’immigration lorsqu’il a rendu la décision soumise au contrôle, et évoquent tous deux des événements postérieurs à la décision.

[4]               Le contrôle judiciaire s’effectue usuellement sur la base du dossier dont disposait le décideur initial. Les circonstances dans lesquelles une preuve additionnelle peut être admise sont limitées, par exemple, lorsqu’une question de compétence ou d’équité procédurale est en jeu : voir Ordre des architectes de l’Ontario c Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, au paragraphe 30, [2003] 1 C.F. 331. Mme Samuel n’a toutefois pas contesté la décision de l’agent d’immigration pour des motifs ayant trait à l’équité procédurale, pas plus qu’elle n’a soulevé de questions intéressant sa compétence. Par conséquent, sa nouvelle preuve n’a pas été dûment soumise à la Cour et ne sera pas examinée au moment de trancher la demande.

II.                Analyse

[5]               S’agissant du bien-fondé de la demande de Mme Samuel, un grand nombre de ses arguments (tels ceux qui ont trait à l’importance de son long séjour au Canada) invitent simplement à pondérer à nouveau la preuve qui a été dûment examinée par l’agent d’immigration. Il ne revient toutefois pas à la Cour siégeant en contrôle de la décision discrétionnaire d’un agent d’immigration, de pondérer à nouveau les facteurs cités à l’appui de la demande.

[6]               L’argument de principe de Mme Samuel consiste toutefois à dire que l’agent a commis une erreur en n’effectuant pas d’analyse sur l’« intérêt supérieur de l’enfant » pour ce qui est de l’incidence qu’aurait son renvoi sur Orlando. Je reconnais que la jurisprudence est divisée quant à la question de savoir si une telle analyse est nécessaire lorsque l’enfant en cause est âgé de plus de 18 ans. Cependant, je n’ai pas à résoudre cette question en l’espèce, puisque les observations présentées sur l’intérêt d’Orlando étaient extrêmement limitées et ont été adéquatement examinées par l’agent.

[7]               Tout en reconnaissant qu’Orlando avait plus de 18 ans au moment de la décision relative à des motifs d’ordre humanitaire, Mme Samuel affirme que l’agent d’immigration aurait dû néanmoins analyser en l’espèce son intérêt supérieur, puisqu’Orlando satisfaisait à la définition d’« enfant à charge » aux termes de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Cette disposition prévoit que l’« enfant à charge » désigne tout enfant « âgé de dix-neuf ans ou plus et [qui] n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents depuis le moment où il a atteint l’âge de dix-neuf ans, et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental ».

[8]               Cette observation a ceci de problématique que Mme Samuel n’a fourni à l’agent ni observation ni élément de preuve montrant qu’Orlando dépendait effectivement de son soutien financier, depuis qu’il a atteint l’âge de 19 ans ou après. Ses observations écrites sont totalement muettes sur cette question, et la seule information au dossier qui aurait pu avoir un rapport avec le soutien financier était une lettre de 2013 adressée à Mme Samuel par l’Agence du revenu du Canada et réclamant des renseignements additionnels sur les individus non identifiés qu’elle a déclarés comme personnes à sa charge pour l’année d’imposition 2012. L’agent ne disposait tout simplement d’aucune information démontrant qu’Orlando dépendait pour l’essentiel du soutien financier de Mme Samuel depuis qu’il a atteint l’âge de 19 ans, ou qu’il ne pouvait à l’heure actuelle subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

[9]               De plus, les observations que Mme Samuel a soumises à l’agent n’indiquaient que de manière énigmatique qu’Orlando souffrait de [traduction« problèmes médicaux » indéterminés à l’égard desquels l’assistance de sa mère était nécessaire en vue d’obtenir des traitements. Aucun détail n’a été fourni, et la seule information au dossier dont disposait l’agent sur les [traduction« problèmes médicaux » d’Orlando était une référence d’une ligne au fait qu’il avait reçu un diagnostic de [traduction« déficience intellectuelle légère », extraite d’un plan d’enseignement individuel préparé par la Commission scolaire du district de Toronto pour l’année scolaire 2009-2010. Cette lettre faisait partie d’une série de documents ayant été fournis par Mme Samuel à l’appui de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de 2014.

[10]           Cependant, Mme Samuel n’a pas fourni à l’agent de renseignements sur la situation ou les besoins actuels d’Orlando ou sur la manière dont son renvoi l’affecterait, hormis l’affirmation vague selon laquelle ses enfants seraient émotionnellement bouleversés s’ils devaient être séparés de leur mère.

[11]           Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 R.C.F. 635, il incombe à ceux qui présentent une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de soumettre les faits qu’ils souhaitent que l’agent examine en même temps que leur demande. Il ne revient pas à l’agent de réclamer des informations additionnelles de la demanderesse. De plus, ceux qui sollicitent une mesure spéciale n’ont ni droit ni motif d’attente légitime de bénéficier d’une audience pour faire valoir leurs allégations. Par conséquent, c’est à leurs risques et périls qu’ils omettent d’inclure des renseignements pertinents dans leurs demandes : arrêt Owusu, précité, au paragraphe 8.

[12]           N’ayant produit aucune preuve concrète établissant comment le renvoi de Mme Samuel aurait une incidence sur Orlando, il s’ensuit que l’analyse succincte effectuée par l’agent des intérêts de ce dernier satisfaisait à toutes les exigences dans les circonstances. La conclusion de l’agent portant que la situation de Mme Samuel ne justifiait pas l’octroi du redressement exceptionnel consistant à lui accorder une mesure spéciale faisait partie de celles qu’il lui était raisonnablement possible de tirer compte tenu du dossier limité que Mme Samuel avait fourni. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

III.             Certification

[13]           Mme Samuel propose la question suivante à certifier :

[traduction] Compte tenu de la définition d’« enfant à charge », telle qu’elle a été modifiée le 1er août 2014 aux termes de l’article 2 du RIPR, la conclusion voulant qu’un enfant de plus de 19 ans satisfasse à cette définition oblige-t-elle l’agent à effectuer une analyse de l’intérêt supérieur de cet enfant en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR?

[14]           Comme je l’ai déjà noté, Mme Samuel n’a pas fourni à l’agent d’immigration de preuve démontrant qu’Orlando dépendait dans les faits de son soutien financier depuis le moment où il a atteint l’âge de 19 ans, ou qu’il ne pouvait subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental. Par conséquent, Mme Samuel n’a pas établi les faits sous-jacents à la question qu’elle propose si bien que la réponse ne permettrait pas de trancher la demande. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction  certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1519-15

 

INTITULÉ :

LAVERNE SAMUEL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 NOVEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Mary Lam

 

pour la demanderesse

 

Margherita Braccio

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE défendeur

 

 

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