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Cour fédérale

Federal Court

 


Date : 20110301

Dossier : T-1276-10

Référence : 2011 CF 247

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 1er mars 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

LOUIS VUITTON MALLETIER S.A.,

LOUIS VUITTON CANADA, INC.,

BURBERRY LIMITED et

BURBERRY CANADA INC.

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

SINGGA ENTERPRISES (CANADA) INC., LISA LAM et KENNY KO (AUSSI APPELÉ WAI SHING LO et SHING WAI LO), FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM SINGGA ENTERPRISES CANADA INC., YUN JAUN GUO (AUSSI APPELÉE JESSIE GUO et YUN JUAN JESSIE GUO), FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM CARNATION FASHION COMPANY et MONICA MAC (AUSSI APPELÉE JIA XIN MAI MAC et MONICA JIA XIN MAI MAC), PABLO LIANG, REBECCA MAC et GORDON CHAN (AUSSI APPELÉ HUNG BING CHAN), FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM ALTEC PRODUCTIONS

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I. Aperçu

  • [1] Les exigences, y compris celles relatives aux délais, lesquelles sont établies par la Cour, tant en vertu des Règles que des ordonnances, ne sont pas seulement des cibles à viser, mais elles doivent être respectées, à la fois parce que le retard peut causer un préjudice et parce que le litige doit aboutir à une conclusion en temps opportun. Faire fi des ordonnances d’un juge responsable de la gestion de l’instance ou d’un protonotaire constitue un abus de procédure, qui peut être réglé en rejetant les actes de procédure par lesquels une partie cherche à obtenir l’aide de la Cour. (Zazula c. Canada, 2003 CFPI 612, 234 FTR 222, au paragraphe 7; Haylock c. Norwegian Cruise Lines Ltd, 2005 CF 501, 272 FTR 150, au paragraphe 15; Pioneer Grain Co c. Far Eastern Shipping Co, 181 FTR 161, [2000] ACF no 245, au paragraphe 8, conf. 94 ACWS (3d) 456, [1999] ACF no 1968 (CF 1re inst.)).

 

  • [2] La radiation d’une défense ne sera ordonnée que lorsque la conduite en cause constitue un abus de procédure. En l’espèce, l’inaction des défendeurs dans la présente instance représente un abus de procédure, et la réparation voulue consiste à rayer leur défense et à les déclarer en défaut.

 

  • [3] L’article 120 des Règles des Cours fédérales exige clairement qu’une société se fasse représenter par un avocat, sauf ordonnance contraire de la Cour. Un des défendeurs, Singga Enterprises (Canada) Inc. (Singga), n’a présenté aucune requête et n’a déposé aucune preuve de l’intention de la société de ne pas se faire représenter par un avocat dans le cadre de la présente instance, ni aucune preuve de la nécessité de ne pas se faire représenter. Plutôt, l’avocat de la société a dû présenter une requête, laquelle était fondée sur des ouï-dire, pour se faire retirer du dossier en raison d’un manque d’instructions de la part de son client, ce qui a donné lieu à l’ordonnance de la Cour du 9 février 2011. En outre, Singga n’a pas participé à cette instance et n’a fourni aucune instruction à son avocat depuis le 23 décembre 2010. Singga n’a d’aucune façon correspondu avec les demanderesses pour tenter de régler la question de son absence de représentation dans le cadre de la présente instance (article 210, Règles des Cours fédérales).

 

II. Introduction

  • [4] Cette décision fait suite à une requête visant à radier la défense d’un des défendeurs, Singga Enterprises (Canada) Inc. (Singga), et à déclarer Singga en défaut dans la présente instance.

 

  • [5] De plus, la Cour a la compétence inhérente de rejeter une instance lorsque les ordonnances d’un protonotaire ou d’un juge responsable de la gestion de l’instance ont été ignorées.

 

III. Contexte

  • [6] Dans une action intentée le 5 août 2010, les demanderesses allèguent que les défendeurs, y compris Singga, ont importé, distribué, mis en vente et vendu des marchandises contrefaites Louis Vuitton et Burberry au Canada. Elles soutiennent également que les défendeurs ont violé les droits exclusifs des demanderesses à l’égard de diverses marques de commerce détenues par Louis Vuitton et Burberry, ainsi que les droits d’auteur de Louis Vuitton. Plus précisément, les demanderesses allèguent que les activités des défendeurs vont à l’encontre des alinéas 7b) et 7c), et des articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce, ainsi que des articles 3 et 27 de la Loi sur le droit d’auteur. Les demanderesses sollicitent des dommages-intérêts et une réparation équitable relativement à la violation de leurs droits de propriété intellectuelle. Singga a reçu la déclaration des demanderesses par l’entremise de sa directrice (la défenderesse, Lisa Lam) le 17 août 2010 (dossier de la Cour, document 6).

 

  • [7] De plus, l’un des défendeurs demande une attention particulière pour les raisons suivantes : Singga a signifié une défense le 16 septembre 2010 (qui n’a été déposée devant la Cour que le 28 septembre 2010). La défense nie la majorité des allégations énoncées dans la déclaration des demanderesses. Singga, par l’entremise de son avocat de l’époque, a signifié un affidavit de documents le 28 octobre 2010, lequel ne contenait aucun document pertinent. Après que les demanderesses ont demandé à plusieurs reprises à Singga d’effectuer des recherches, et après que la société a admis avoir en sa possession des documents pertinents, Singga, par l’entremise de son avocat de l’époque, a signifié un autre affidavit de documents le 23 décembre 2010. (Défense de Singga; affidavit d’Amy Jobson, paragraphes 2, 8, 9, 11, 12 et 14; pièces A, G, H, J, K et M.).

 

  • [8] Le 13 décembre 2010, les demanderesses ont signifié et déposé une requête en procès sommaire dans la présente affaire, à laquelle étaient joints leurs affidavits à l’appui (dossier de la Cour, document 27).

 

  • [9] Le 23 décembre 2010, l’avocat de Singga a informé les demanderesses de l’intention de la société d’agir en son propre nom et, le jour même, l’avocate des demanderesses a expressément rappelé à Singga que l’article 120 des Règles des Cours fédérales exige que les sociétés se fassent représenter par un avocat. L’avocate des demanderesses a demandé à plusieurs reprises à Singga et à son avocat de confirmer qu’une requête appropriée serait présentée (affidavit d’Amy Jobson, paragraphes 15, 16 et 17; pièces N, O et P).

 

  • [10] Le 26 janvier 2011, l’avocat de Singga Corporation de l’époque, Me William Lim, du cabinet Lim & Company, a signifié une requête aux demanderesses afin qu’il obtienne une ordonnance de retrait à titre d’avocat désigné de Singga, et que la défenderesse Lisa Lam soit nommée pour représenter Singga dans cette instance. En réponse, les demanderesses ont déposé un dossier de requête auprès de la Cour le 1er février 2011, bien que la requête de Me Lim n’ait été déposée à la Cour que le 4 février 2011 (le dossier de requête des demanderesses ayant par la suite été approuvé aux fins de dépôt le 4 février 2011). Les demanderesses ont consenti au retrait de Me Lim à titre d’avocat désigné de Singga, mais elles ont contesté la nomination de Mme Lam à titre de représentante de Singga (affidavit d’Amy Jobson, paragraphe 18; pièce Q; dossier de la Cour, documents 36 à 38 et 40 à 42).

 

  • [11] L’affidavit déposé par Me Lim au sujet de sa requête confirme qu’il n’a reçu aucune instruction de la part de Singga depuis le 23 décembre 2010, et qu’il ne s’attendait pas à ce que Singga dépose une requête pour que Mme Lam représente elle-même la société (affidavit de William Lim, assermenté le 19 janvier 2011).

 

  • [12] En vertu de l’ordonnance de la Cour du 9 février 2011, Singga a reçu l’ordre de signifier et de déposer immédiatement, et au plus tard le 15 février 2011, un avis de nomination d’un avocat, à défaut de quoi les demanderesses ont été en mesure, sans autre avis, de présenter une demande de radiation de la défense de Singga.

 

  • [13] Me Lim a déposé un affidavit de signification confirmant la signification de l’ordonnance du 9 février 2011 au sujet de Singga par télécopieur le 10 février 2011, et par courrier postal le 17 février 2011 (dossier de la Cour, document 48).

 

  • [14] Singga n’a pas signifié ni déposé d’avis de nomination comme l’exige l’ordonnance. Singga n’a, à aucun moment, communiqué avec l’avocate des demanderesses depuis qu’elle a informé Me Lim que Mme Lam voulait représenter la société, notamment en ne fournissant aucun élément de preuve par affidavit pour contester la requête en jugement sommaire des demanderesses (affidavit d’Amy Jobson, paragraphe 20, onglet 5).

IV. Analyse

  • [15] La Cour est d’accord avec l’avocate des demanderesses pour dire qu’elle a la compétence procédurale inhérente pour contrôler sa procédure relativement aux abus, nonobstant ses règles et la compétence restreinte que lui confère la loi. Cela comprend la compétence inhérente dont dispose la Cour pour imposer des sanctions en cas de non-respect de ses ordonnances ou de ses directives, y compris le rejet d’une instance ou d’une défense (Margem Chartering Co c. Cosena S.R.L., [1997] 2 CF 1001, [1997] ACF no 384, au paragraphe 20; Canadian Slovak League c. Canada, 2003 CAF 369, 313 NR 319, au paragraphe 7).

 

  • [16] L’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales permet également à la Cour de radier un acte de procédure lorsque celui-ci constitue un abus de procédure (article 221, Règles des Cours fédérales).

 

  • [17] La conduite de la défenderesse Singga, qui a omis de signifier et de déposer un avis de nomination d’un avocat en vertu de l’ordonnance rendue par la Cour le 9 février 2011, constitue un abus de procédure, surtout lorsqu’il est combiné avec les lacunes antérieures de Singga en matière de production de documents et de participation à la présente instance.

 

  • [18] Cette affaire porte sur les activités de contrefaçon de la défenderesse Singga. La conduite de Singga fait foi d’une indifférence quant au processus judiciaire, à savoir son retard dans la communication des documents voulus, son défaut de comparaître ou de présenter des éléments de preuve à l’égard de la requête de Me Lim pour qu’il soit retiré du dossier, et son défaut de veiller à ce qu’un nouvel avocat soit nommé comme l’exige l’ordonnance de la Cour du 9 février 2011, malgré l’indication claire comme quoi les demanderesses auraient le droit de faire radier sa défense.

 

  • [19] Par conséquent, en vertu de la compétence inhérente de la Cour et de l’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales, la défense de Singga doit être radiée et la société doit être déclarée en défaut dans la présente instance.

 

  • [20] La conduite de la défenderesse Singga a occasionné des dépenses pour les demanderesses.

 

  • [21] Des dépens fixés au montant forfaitaire de 1 000 $ doivent être payés immédiatement par Singga aux demanderesses (article 400, Règles des Cours fédérales).

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.  que la défense de Singga soit radiée et que la société soit déclarée en défaut dans la présente instance;

2.  que les demanderesses obtiennent l’autorisation de présenter une requête ex parte contre Singga pour jugement par défaut et évaluation des dommages-intérêts en vertu de l’article 210 des Règles des Cours fédérales;

3.  que la signification de la présente ordonnance au sujet de Singga soit faite, par courrier postal au 300 – 3665 Kingsway, Vancouver (Colombie-Britannique) V5R 5W2, et par télécopieur au 604-438-2737, dix jours après que l’ordonnance a été rendue;

4.  que Singga paie immédiatement les dépens associés à la présente requête des demanderesses au montant forfaitaire de 1 000 $, quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


À :  L’administrateur

  LA COUR FÉDÉRALE

 

ET À :  Singga Enterprises (Canada) Inc.

  300 – 3665 Kingsway

  Vancouver (Colombie-Britannique)  V5R 5W2

 

  Lisa Lam

  300 – 3665 Kingsway

  Vancouver (Colombie-Britannique)  V5R 5W2

 

  Kenny Ko (aussi appelé Wai Shing LO et Sing Wai LO)

  300 – 3665 Kingsway

  Vancouver (Colombie-Britannique)  V5R 5W2

 

  Yun Jaun GUO (aussi appelée Jessie GUO et Yun Jaun Jessie GUO)

faisant affaire sous le nom Carnation Fashion Company

101 – 3373 Kingsway

Vancouver (Colombie-Britannique)  V5K 1Z2

 

  Monica MAC (aussi appelée Jia Xin MAC et Monica Jia Xin Mai MAC)

  Pablo LIANG

  Rebecca MAC

  Gordon CHAN (aussi appelé Hung Bing CHAN),

faisant affaire sous le nom Altec Productions

 

  218 – 7357, avenue Woodbine

  Markham (Ontario)

L3R 6L3


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1276-10

 

INTITULÉ :  LOUIS VUITTON MALLETIER S.A. et al.

  c. SINGGA ENTERPRISES (CANADA) INC. et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 28 FÉVRIER 2011

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
  LE 1 MARS 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Karen F. MacDonald

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Aucune comparution

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

S.O.

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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