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Date : 20160125


Dossier : T-1944-14

Référence : 2016 CF 87

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

HAROLD SPRING

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision par laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles [la CNLC ou la Commission] a rejeté la requête du demandeur en vue d’obtenir la suspension de son casier judiciaire, autrefois appelée « réhabilitation », en vertu du paragraphe 4.1(1) de la Loi sur le casier judiciaire, LRC 1985, c C-47 [la Loi], et ce parce que, aux termes de l’alinéa 4.1(1)b) de la Loi, l’octroi de cette mesure serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, indépendamment du fait qu’elle lui apporterait aussi un bénéfice mesurable et qu’elle soutiendrait sa réadaptation.

[2]               À titre de remarque préliminaire, j’emploierai l’expression « suspension du casier » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, et je ne ferai référence au mot « réhabilitation » qu’au moment de citer divers documents, quoique ce mot apparaisse dans le Règlement sur le casier judiciaire [le Règlement] et dans plusieurs documents versés dans le dossier de la présente affaire.

I.                   Le contexte

[3]               Le demandeur, né le 31 octobre 1943, a quatre enfants et est marié à sa seconde épouse depuis seize (16) ans. Admis au Barreau en Ontario en 1970, il a exercé le droit pendant dix-sept ans à titre d’avocat spécialisé en droit commercial. En 1987, le Barreau du Haut-Canada l’a radié du Barreau en guise de sanction professionnelle pour son implication dans des activités qui se sont soldées par ses condamnations au criminel.

[4]               En janvier 1990, le demandeur a plaidé coupable à un chef de fabrication d’un document contrefait. L’infraction était liée à une opération frauduleuse de prêt hypothécaire organisée par le demandeur, à titre d’avocat. Il avait affirmé qu’il organisait le prêt hypothécaire sur un immeuble à appartements mais, en réalité, il s’agissait d’un terrain de stationnement, fraudant ainsi la Guardian Trust Company. Il avait été condamné à une peine avec sursis et un an de probation.

[5]               En février 1994, le demandeur a plaidé coupable à sept chefs de fraude d’un montant de plus de 1 000 $, relativement à des opérations survenues entre 1985 et 1993. Les accusations mettaient en cause quatre plaignants institutionnels et trois plaignants particuliers. Il a été  condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans et six mois, et il a obtenu sa libération conditionnelle en aout 1995.

[6]               Le demandeur a versé un montant de restitution ou conclu un règlement avec tous les plaignants institutionnels, sauf deux. Les plaignants institutionnels qui n’ont pas obtenu un montant de restitution ont subi une perte collective d’environ 600 000 $. Le défendeur signale que la preuve relative aux montants de restitution exacts qui ont été versés n’est pas tout à fait claire.

[7]               Malgré les condamnations du demandeur, qui étaient notoires dans le domaine immobilier, le demandeur a obtenu par la suite un succès considérable dans le secteur immobilier.

[8]               En octobre 2010, le demandeur a présenté une demande de suspension de casier, assortie de divers documents à l’appui. Un agent principal de suspension du casier judiciaire [l’agent] de la CNLC a vérifié les renseignements accompagnant la demande et, dans un sommaire qu’il a rédigé, il a recommandé l’octroi de la suspension.

[9]               Dans le sommaire, l’agent a conclu que l’octroi de la suspension du casier : 1) apporterait au demandeur un bénéfice mesurable, 2) soutiendrait sa réintégration et 3) ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Pour conclure que l’octroi de la suspension ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, l’agent a pris en compte la gravité des infractions que le demandeur avait commises, notant qu’elles avaient consisté à obtenir par fraude, auprès de particuliers et de sociétés, une somme totale d’un million de dollars et que, dans deux des incidents, le demandeur s’était servi de son poste d’avocat en vue de réaliser un gain personnel. Cependant, l’agent signale aussi que le demandeur a versé un dédommagement à certaines des victimes et que, malgré quatre fraudes d’envergure perpétrées entre 1986 et 1991, il n’avait pas pris part à une série constante de fraudes au cours de cette période.

II.                La décision faisant l’objet du présent contrôle

[10]           En septembre 2013, un commissaire de la CNLC, M. Doug Hummell, a informé le demandeur que la CNLC se proposait de rejeter sa demande de suspension du casier. La CNLC a fait savoir qu’elle craignait que l’octroi de cette mesure soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice en raison de la nature et de la gravité des infractions ainsi que de la durée de leur perpétration, des circonstances encourant la perpétration des infractions, ainsi que des renseignements concernant les antécédents criminels du demandeur, aux termes du paragraphe 4.1(3) de la Loi.

[11]           La CNLC a pris en compte les condamnations du demandeur, notant que ces dernières mettaient en cause le fait que le demandeur s’était servi de sa situation de confiance à titre d’avocat pour obtenir par fraude, auprès de clients particuliers et institutionnels, d’importantes sommes d’argent d’un montant nettement supérieur à plus d’un million de dollars : [traduction« Cette trahison de la relation avocat-client s’est déroulée de façon systématique pendant de nombreuses années, et le nombre de victimes a été relativement élevé. Vous avez tiré avantage de la haute estime dont vous jouissiez au sein de la collectivité ».

[12]           La CNLC a également pris en compte les facteurs qui militaient en faveur de la suspension du casier, notant que le demandeur n’avait commis aucune infraction depuis sa dernière condamnation et avait connu le succès dans le secteur immobilier, au sein duquel son casier judiciaire était connu ou facile à découvrir : [traduction« Vous souhaitez obtenir une réhabilitation en vue d’effacer la flétrissure qui accompagne votre casier car elle a une incidence sur votre vie personnelle et professionnelle. La Commission conclurait que vous répondez aux critères d’une bonne conduite, de l’obtention d’un bénéfice mesurable et du soutien de votre réadaptation au sein de la société ». [Non souligné dans l’original.] La CNLC ajoute ensuite :

[traductionCe qui pose problème à la Commission c’est que votre réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Le public doit être sûr que l’on préserve l’intégrité du système de justice ainsi que sa confiance  envers ce dernier. Dans ce contexte, compte tenu de toutes les circonstances entourant vos infractions, la Commission se préoccupe de manière crédible du fait que l’octroi d’une réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. [Non souligné dans l’original.]

[13]           La lettre de M. Hummell n’expose pas en détail les préoccupations crédibles de la Commission, hormis le fait de faire référence aux facteurs énoncés au paragraphe 4.1(3) de la Loi que la CNLC peut prendre en compte au moment de décider si le fait d’ordonner une suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Le demandeur s’est vu offrir la possibilité de répliquer aux préoccupations de la Commission et il a fourni d’autres observations par l’entremise de son avocat, dont un certain nombre de lettres d’appui de la part de membres bien établis de la collectivité.

[14]           En mai 2014, et après avoir reçu la réponse du demandeur à la proposition de M. Hummell de refuser la suspension du casier, le commissaire Lubomyr Luciuk a dit souscrire à la décision de M. Hummell : [traduction« [c]ompte tenu de la nature et de la gravité de vos infractions criminelles ainsi que de la durée de leur perpétration, de même que du besoin de préserver la confiance du public envers l’intégrité du système de justice, je conclus que, dans votre cas, l’octroi d’une réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».

III.             Les dispositions législatives et réglementaires applicables

[15]           Par souci de commodité, les dispositions applicables de la Loi et du Règlement sont reproduites à l’annexe « A », qui figure à la fin des présents jugement et motifs.

IV.             Les questions en litige

[16]           La demande soulève les questions suivantes :

1)                  Quelle est la norme de contrôle qui s’applique à la manière dont la CNLC interprète la notion de déconsidération de l’administration de la justice, qui est énoncée à l’article 4.1 de la Loi?

2)                  La CNLC a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en compte des facteurs atténuants au moment de conclure que l’octroi de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?

3)                  La décision de la CNLC de ne pas accorder la suspension du casier est-elle par ailleurs raisonnable?

V.                L’analyse

A.                Question no 1 – Quelle est la norme de contrôle applicable?

[17]           Le demandeur signale que la Loi a été modifiée par le législateur peu après qu’il a présenté à la CNLC sa demande de suspension du casier. Les modifications en question comprenaient des changements à l’article 4.1 de la Loi qui obligeaient la CNLC à traiter d’un certain nombre de critères additionnels au moment d’examiner l’octroi de la suspension du casier dans une situation où les infractions pour lesquelles la suspension était demandée avaient été poursuivies par voie de mise en accusation. Parmi ces critères additionnels figure l’exigence, formulée à l’alinéa 4.1(1)b) de la Loi, selon laquelle la CNLC doit être convaincue que l’octroi de la suspension du casier est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Le demandeur signale qu’en raison de l’adoption relativement récente des modifications, aucune jurisprudence n’établit la norme de contrôle qu’il convient d’adopter lors de l’examen d’une décision par laquelle la CNLC rejette une suspension du casier au motif que cette mesure serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[18]           Invoquant l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 55 [Dunsmuir], le demandeur fait valoir qu’il y a lieu d’adopter la norme de la décision correcte car les questions liées à la considération dont jouit l’administration de la justice mettent en jeu un aspect d’une importance capitale pour le système juridique, ce qui constitue une affaire d’interprétation législative pure, qui ne relève pas du domaine de compétence de la CNLC. Cependant, il soutient aussi que la Cour devrait quand même annuler la décision, même si elle applique la norme de contrôle de la raisonnabilité.

[19]           Le défendeur est d’avis que la manière dont un décideur administratif interprète une disposition législative qui est liée de près à sa fonction et qu’il connaît particulièrement bien appelle l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, [2011] 3 RCS 654, au paragraphe 30 [Alberta Teachers]; McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), [2013] 3 RCS 895, au paragraphe 21 [McLean]). Il fait valoir que la notion de déconsidération de l’administration de la justice ne tombe pas sous le coup de l’exception d’une question de droit qui revêt une importance cruciale pour le système juridique dans son ensemble et qui ne relève pas du domaine de compétence spécialisé du décideur.

[20]           Le défendeur ajoute que la CNLC a interprété et appliqué les dispositions de la Loi à des faits particuliers. Il signale de plus que même si les mots « déconsidérer l’administration de la justice » existent dans d’autres contextes juridiques, la décision que rend la CNLC en application de l’alinéa 4.1(1)b) de la Loi n’a aucune incidence en dehors du contexte de la suspension du casier. Il soutient que ce qui constitue une affaire susceptible de déconsidérer l’administration de la justice dans le contexte de la suspension du casier est une question difficile et nuancée à laquelle le législateur a demandé à la CNLC, et non aux tribunaux, de répondre.

[21]           Je suis d’accord avec le défendeur. Selon la jurisprudence, quand une décision d’un tribunal administratif spécialisé, qui interprète et applique sa loi habilitante, est soumise à un contrôle judiciaire, il est présumé que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Alberta Teachers, aux paragraphes 30, 34 et 39; McClean, aux paragraphes 21 et 22).

[22]           L’existence d’une clause privative à l’égard des tribunaux administratifs dénote fortement aussi que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui devrait s’appliquer aux questions d’interprétation qui se rapportent à la loi habilitante de ces tribunaux (Dunsmuir, au paragraphe 52).

[23]           Cependant, la jurisprudence reconnaît aussi qu’il est possible de réfuter la présomption de déférence. L’une de ces circonstances est celle où l’interprétation met en jeu une question qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui ne relève pas du domaine de compétence spécialisé du tribunal administratif spécialisé (Dunsmuir, au paragraphe 55; Alberta Teachers, au paragraphe 30; McLean, au paragraphe 26). Je ne suis pas convaincu que cette présomption a été réfutée en l’espèce.

[24]           La Cour a examiné la norme de contrôle à appliquer dans les cas où l’interprétation des mots – non définis – « s’est bien conduit » et « bien se conduire » que l’on trouve aux alinéas 4.1(1)a) et 7b) de la Loi, respectivement. Dans ces affaires, la Cour a adopté et appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable (Jaser c Canada (Procureur général), 2015 CF 4, au paragraphe 35, 119 WCB (2d) 506 [Jaser]; Saini c Canada (Procureur général), 2014 CF 375, aux paragraphes 26 et 27, 454 FTR 254; Foster c Canada (Procureur général), 2013 CF 306, aux paragraphes 18 et 19; Conille c Canada (Procureur Général), 2003 CFPI 613, au paragraphe 14, 125 ACWS (3d) 997 (1re inst.) [Conille]; Yussuf c Canada (Procureur Général), 2004 CF 907, au paragraphe 9, 62 WCB (2d) 250). La Cour fonde cette conclusion sur l’existence de la clause privative qui figure à l’article 2.1 de la Loi : « [l]a Commission a toute compétence et latitude pour ordonner, refuser ou révoquer la suspension du casier. » Comme l’a signalé le juge Keith Boswell dans la décision Jaser, au paragraphe 35, l’article 2.1 de la Loi milite en faveur de la déférence :

[35]      Contrairement au demandeur, je ne suis pas d’avis que la décision de la Commission devrait être examinée sur le fond selon la norme de la décision correcte. Dans la mesure où il est question du sens de « bien se conduire », il s’agit de l’interprétation de la Loi, laquelle est étroitement liée au rôle de la Commission. Il convient de présumer que la norme du caractère raisonnable s’applique normalement à ces questions (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 30 et 34, [2011] 3 RCS 654). Je ne vois rien qui pourrait justifier que cette présomption soit réfutée, particulièrement si l’on tient compte du fait que l’article 2.1 de la Loi confère à la Commission « toute compétence et latitude pour ordonner, refuser ou révoquer la suspension du casier ».

[25]           Le demandeur reconnaît l’existence de la présomption de déférence mais il soutient qu’en l’espèce il faudrait la réfuter. Il fait valoir que les mots « déconsidérer l’administration de la justice » soulèvent des questions qui revêtent une importance capitale pour le système juridique. Il ajoute que la considération dont jouit l’administration de la justice est un aspect pertinent dans l’ensemble du système juridique et que les tribunaux, en tant qu’arbitres de la Constitution, sont appelés à déterminer quels sont les facteurs pertinents liés à cette considération lorsqu’ils tranchent des questions conformément au paragraphe 24(2) de la Charte.

[26]           Ceci étant dit avec égards, je ne suis pas d’accord. Dans l’arrêt McClean, aux paragraphes 28 à 31, et dans le contexte de délais de prescription, le juge Moldaver signale que même si un concept peut revêtir une importance générale, ce fait en soi n’impose pas l’adoption de la norme de contrôle de la décision correcte :

[28]      Toutefois, les arguments invoqués par l’appelante pour soutenir que la question considérée en l’espèce appartient à la catégorie des questions de droit générales ne peuvent être retenues, et ce, pour trois raisons. Premièrement, même si je conviens que, sur le plan théorique, les délais de prescription revêtent généralement une importance capitale aux fins d’une saine administration de la justice, il ne s’ensuit pas que l’interprétation par la Commission du délai applicable en l’espèce doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte. […]

[Non souligné dans l’original]

[29]      Deuxièmement, il est vrai que l’application de la norme de la raisonnabilité dans ce contexte suppose forcément que d’autres commissions provinciales ou territoriales des valeurs mobilières puissent interpréter différemment leurs dispositions établissant un délai de prescription. Mais je ne saurais convenir qu’une telle éventualité justifie l’application de la norme de la décision correcte et, par conséquent, une [traduction] « uniformité [imposée par les tribunaux] à la grandeur du pays » (m.r.a., par. 13). Nul ne conteste qu’un législateur provincial ou territorial peut prévoir un délai de prescription différent de ceux applicables dans les autres ressorts. C’est d’ailleurs ce que fait l’un d’eux; voir l’art. 137 de la Loi sur les valeurs mobilières du Manitoba, C.P.L.M., ch. S50 (délai de huit ans au lieu des six ans habituels). Dans le même ordre d’idées, il se peut que les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation des valeurs mobilières interprètent différemment (mais raisonnablement) ces délais de prescription (même si ce n’est encore jamais arrivé). Toute difficulté liée à ce risque éventuel tient à notre Constitution de type fédéral, et non aux normes de contrôle en droit administratif.

[30]      Troisièmement, la principale faille de l’argumentaire de l’appelante réside dans la conception étroite de l’expertise de la Commission qui le sous‑tend. L’appelante prétend notamment que le délai de prescription [traduction] « ne fait pas partie en soi des dispositions substantielles sur les valeurs mobilières et échappe au domaine d’expertise de la [Commission] » (m.r.a., par. 9). Or, le bien‑fondé de sa prétention suppose une distinction nette entre ce qui relève du juriste et ce qui relève du fonctionnaire. Parce que l’interprétation du terme « l’événement » employé à l’art. 159 ne saurait exiger de grandes connaissances d’ordre technique — après tout, il ne s’agit pas d’un terme « administratif » —, il semble logique de se demander pourquoi il faudrait confier à la Commission la tâche d’en déterminer le sens.

[31]      Bien qu’un tel point de vue ait pu avoir un certain fondement dans le passé, ce n’est plus le cas. L’approche moderne en matière de contrôle judiciaire reconnaît qu’une cour de justice « [n’est] peut‑être pas aussi bien qualifié[e] qu’un organisme administratif déterminé pour donner à la loi constitutive de cet organisme des interprétations qui ont du sens compte tenu du contexte des politiques générales dans lequel doit fonctionner cet organisme » (National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, p. 1336, la juge Wilson; voir également Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, par. 92; Mowat, par. 25).

[Non souligné dans l’original]

[27]           La considération dont jouit l’administration de la justice est, selon moi, un concept propre au contexte dans lequel elle s’inscrit. La nature contextuelle de ce concept, dans les limites de la loi, est illustrée par le choix du législateur d’énumérer, au paragraphe 4.1(3), les facteurs que la CNLC peut prendre en compte au moment de se prononcer sur la question de la considération dont jouit l’administration de la justice. Ces facteurs, tant dans la Loi que dans le Règlement, traitent tous d’aspects liés à l’infraction commise ainsi qu’aux conséquences de cette dernière pour lesquelles la suspension du casier est demandée. Il s’agit là de questions qui relèvent manifestement de la compétence de la CNLC. Je souscris à l’observation du défendeur : ce qui constitue une affaire susceptible de déconsidérer l’administration de la justice dans le contexte de la décision d’accorder ou non la suspension du casier est une question difficile et nuancée à laquelle le législateur demande à la CNLC de répondre, et non aux tribunaux.

[28]           Je suis d’avis que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique à la manière dont la CNLC interprète l’article 4.1 de la Loi.

[29]           Pour ce qui est du contrôle de la décision de la CNLC de ne pas accorder la suspension du casier, c’est encore la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique (Dunsmuir, au paragraphe 51).

B.                 Question no 2 – La CNLC a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en compte des facteurs atténuants au moment de conclure que l’octroi de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?

[30]           Le demandeur est d’avis que la CNLC a commis une erreur en n’interprétant pas de manière large la notion de « susceptibilité de déconsidérer l’administration de la justice ». Ce faisant, il fait valoir que la CNLC n’a pas pris en compte des facteurs atténuants qui se rapportent à sa bonne conduite et à sa réadaptation, et qu’elle a plutôt mis l’accent sur les facteurs de nature législative et réglementaire qui sont énoncés au paragraphe 4.1(3) de la Loi. Le fait de ne pas prendre en compte ces facteurs positifs au moment de décider si l’octroi – ou non – de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice est, de l’avis du demandeur, incompatible avec l’objet réadaptatif de la Loi, et il s’agit là d’une erreur susceptible de contrôle.

[31]           Le demandeur invoque la décision de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt R c Grant, [2009] 2 RCS 353, aux paragraphes 68 à 70 [Grant], où elle traite de la portée et du sens de la notion de susceptibilité de déconsidérer l’administration de la justice dans le contexte du paragraphe 24(2) de la Charte. Il est dit dans cet arrêt que la considération dont jouit l’administration de la justice est un concept « sociétal » et prospectif qui tient compte de l’opinion d’une personne raisonnable, qui est au fait de l’ensemble des circonstances pertinentes et des valeurs sous-jacentes de la Charte.

[32]           Je ne conteste pas la nécessité d’aborder sous un angle large, « sociétal » et prospectif l’interprétation de la considération dont jouit l’administration de la justice dans le contexte du paragraphe 24(2) de la Charte, mais cette expression, dans le cas de la présente demande, n’est pas examinée dans le contexte de la Charte. Comme je l’ai signalé plus tôt, c’est le contexte qui détermine l’interprétation. Cette approche contextuelle à l’égard de l’interprétation a été reconnue par le juge Major, s’exprimant en dissidence dans l’arrêt Mooring c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 RCS 75, au paragraphe 46, où la Cour traitait de la question de savoir si la Commission nationale des libérations conditionnelles était un tribunal compétent au sens de l’article 24 de la Charte : « [e]lle doit donc déterminer, sous le régime du par. 24(2), si l’utilisation d’éléments de preuve au cours d’une audience visant à décider de l’octroi ou de la révocation de la libération conditionnelle est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Dans le cas de la Commission, l’administration de la justice signifie l’administration du processus de libération conditionnelle. » [Non souligné dans l’original.]

[33]           Pour examiner la considération dont jouit l’administration de la justice en l’espèce, la CNLC ne se fonde pas sur des principes qui s’appliquent dans le contexte de la Charte; elle interprète plutôt cette notion dans le contexte d’une demande de suspension du casier. La Loi exige que l’on tienne compte de la considération dont jouit l’administration de la justice, et la Loi précise ensuite les facteurs précis que la CNLC peut prendre en compte au moment de trancher la question de cette considération. Rien ne l’empêche de prendre en compte des facteurs atténuants ou de relever et de tenir compte de facteurs aggravants autres que ceux dont la Loi et le Règlement font état. Les facteurs sur lesquels il faut se fonder, qu’ils soient aggravants ou atténuants, de même que le poids à leur accorder sont laissés à la discrétion de la CNLC.

[34]           Si l’on examine la lettre de [traduction« Proposition de refuser la réhabilitation » de M. Hummell, il est évident que la CNLC était au fait des aspects positifs de la demande du demandeur et qu’elle savait qu’il fallait les mettre en balance avec les préoccupations qu’elle avait à propos de la considération dont jouit l’administration de la justice : [traduction« La Commission conclurait que vous répondez aux critères d’une bonne conduite, de l’obtention d’un bénéfice mesurable et du soutien de votre réadaptation au sein de la société. Ce qui pose problème à la Commission c’est que votre réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. » À mon avis, la CNLC n’a pas fait abstraction de ces facteurs positifs.

[35]           L’octroi de la suspension du casier est une décision hautement discrétionnaire qui est confiée à la CNLC en vertu du paragraphe 4.1(1) de la Loi, où il est indiqué que la Commission « peut » ordonner qu’un casier judiciaire soit suspendu (Saini, au paragraphe 26; Conille, au paragraphe 14; Therrien (Re), [2001] 2 RCS 3, aux paragraphes 113 et 115). Je ne suis pas persuadé que la CNLC a commis une erreur susceptible de contrôle dans la façon dont elle a mentionné les facteurs pertinents à l’égard de son analyse de la question de savoir si l’octroi de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

C.                 Question no 3 – La décision de la CNLC de ne pas accorder la suspension du casier est‑elle par ailleurs raisonnable?

[36]           Je suis convaincu que la CNLC n’a pas commis d’erreur dans son interprétation de l’alinéa 4.1(1)b) de la Loi, mais je suis d’avis que la décision manque de transparence et d’intelligibilité lorsqu’elle conclut que l’octroi au demandeur de la suspension de son casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, et cela rend la décision déraisonnable (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[37]           Ni la lettre de [traduction« Proposition de refuser la réhabilitation » de M. Hummell, ni la lettre de décision de M. Luciuk ne comportent une explication quelconque à l’appui de la conclusion de la CNLC selon laquelle l’octroi de la suspension du casier heurterait la conscience collective du public et serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[38]           La lettre de M. Hummell se borne plutôt à passer en revue la conduite frauduleuse du demandeur, qui a eu pour effet de trahir la confiance de la collectivité à l’époque où les infractions ont été perpétrées. La CNLC reconnaît que la suspension du casier apporterait au demandeur un bienfait mesurable et qu’elle soutiendrait sa réadaptation. Elle indique ensuite qu’elle se préoccupe du fait que la nature et la gravité des infractions, et la durée de leur perpétration, les circonstances entourant la perpétration des infractions, ainsi que les renseignements concernant les antécédents criminels sont de nature telle que l’octroi de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Les préoccupations à cet égard sont qualifiées de [traduction« crédibles », mais elles ne sont ni expliquées ni énumérées.

[39]           Dans le même ordre d’idées, bien que je sois persuadé que la décision dénote que la CNLC était au fait des facteurs positifs de la demande et savait qu’il fallait les mettre en balance avec les facteurs aggravants, elle n’explique pas en quoi les facteurs liés aux infractions du demandeur avaient plus de poids que les aspects positifs de la demande.

[40]           Enfin, même si la lettre de décision de M. Luciuk prend acte des observations de décembre 2013 du demandeur, ainsi que des pièces qui y étaient jointes, ces informations ne sont pas examinées de manière approfondie dans la lettre. Le défaut de la CNLC d’expliquer pourquoi les preuves pertinentes et directement contradictoires qui figuraient dans les observations de décembre 2013 n’ont pas atténué le fait qu’elle [traduction] « se préoccup[ait] du fait que l’octroi d’une réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice » permet plus facilement de conclure que la décision est déraisonnable.

[41]           Je m’empresse de signaler que la Cour suprême du Canada a établi que les lacunes des motifs d’un décideur administratif ne rendent pas, en soi, une décision déraisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 14 [Newfoundland Nurses]). L’arrêt Newfoundland Nurses conclut qu’il n’est pas nécessaire qu’un décideur examine en détail chaque argument invoqué ou chaque question soulevée qui « ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision » (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16). Cependant, les motifs doivent permettre à une cour de contrôle de comprendre pourquoi le décideur est arrivé à une décision particulière et de déterminer si cette décision appartient aux issues possibles, compte tenu des faits et du droit (Newfoundland Nurses, au paragraphe 14; Dunsmuir, au paragraphe 47). Après avoir examiné avec soin le dossier, il me semble que les motifs de la CNLC ne satisfont pas à cette norme.

[42]           La Cour et le demandeur ont entre les mains une décision qui rejette la demande de suspension du casier, mais sans expliquer pourquoi. On en est donc réduit à conjecturer quelles sont les préoccupations crédibles de la CNLC et ce que le demandeur pourrait faire dans l’avenir, si tant est qu’il le puisse, pour y répondre. Ces préoccupations crédibles n’ont pas trait à une question ou à un argument subsidiaire; elles constituent plutôt le fondement même de la décision de la CNLC de rejeter la demande de suspension du casier parce qu’une telle mesure serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Leur absence met en doute la validité des motifs et de l’issue (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16).

VI.             Conclusion

[43]           Je suis d’avis que la décision de la Commission manque de transparence et d’intelligibilité et elle est déraisonnable. Elle est annulée et renvoyée à la CNLC en vue d’un nouvel examen.

[44]           Les dépens sont adjugés au demandeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande soit accueillie et l’affaire renvoyée à une formation différente de la Commission en vue d’une nouvelle décision. Les dépens sont adjugés au demandeur.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


ANNEXE « A »

Quelques définitions tirées du paragraphe 2(1), de même que les articles 2.1, 4 et 4.1 de la Loi sur le casier judiciaire, LRC 1985, c. C-47 :

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« Commission » La Commission des libérations conditionnelles du Canada.

« suspension du casier » Mesure ordonnée par la Commission en vertu de l’article 4.1.

[…]

2.1 La Commission a toute compétence et latitude pour ordonner, refuser ou révoquer la suspension du casier.

4. (1) Nul n’est admissible à présenter une demande de suspension du casier avant que la période consécutive à l’expiration légale de la peine, notamment une peine d’emprisonnement, une période de probation ou le paiement d’une amende, énoncée ci-après ne soit écoulée

a) dix ans pour l’infraction qui a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation ou qui est une infraction d’ordre militaire en cas de condamnation à une amende de plus de cinq mille dollars, à une peine de détention de plus de six mois, à la destitution du service de Sa Majesté, à l’emprisonnement de plus de six mois ou à une peine plus lourde que l’emprisonnement pour moins de deux ans selon l’échelle des peines établie au paragraphe 139(1) de la Loi sur la défense nationale;

b) cinq ans pour l’infraction qui est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou qui est une infraction d’ordre militaire autre que celle visée à l’alinéa a).

4.1 (1) La Commission peut ordonner que le casier judiciaire du demandeur soit suspendu à l’égard d’une infraction lorsqu’elle est convaincue :

a) que le demandeur s’est bien conduit pendant la période applicable mentionnée au paragraphe 4(1) et qu’aucune condamnation, au titre d’une loi du Parlement, n’est intervenue pendant cette période;

b) dans le cas d’une infraction visée à l’alinéa 4(1)a), que le fait d’ordonner à ce moment la suspension du casier apporterait au demandeur un bénéfice mesurable, soutiendrait sa réadaptation en tant que citoyen respectueux des lois au sein de la société et ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice

(2) Dans le cas d’une infraction visée à l’alinéa 4(1)a), le demandeur a le fardeau de convaincre la Commission que la suspension du casier lui apporterait un bénéfice mesurable et soutiendrait sa réadaptation en tant que citoyen respectueux des lois au sein de la société.

(3) Afin de déterminer si le fait d’ordonner la suspension du casier serait susceptible de dé- considérer l’administration de la justice, la Commission peut tenir compte des critères suivants :

a) la nature et la gravité de l’infraction ainsi que la durée de sa perpétration;

b) les circonstances entourant la perpétration de l’infraction;

c) les renseignements concernant les antécédents criminels du demandeur et, dans le cas d’une infraction d’ordre militaire, concernant ses antécédents à l’égard d’infractions d’ordre militaire qui sont pertinents au regard de la demande;

d) tout critère prévu par règlement

2. (1) In this Act,

"Board" means the Parole Board of Canada;

"record suspension" means a measure ordered by the Board under section 4.1;

[…]

2.1 The Board has exclusive jurisdiction and absolute discretion to order, refuse to order or revoke a record suspension.

4. (1) A person is ineligible to apply for a record suspension until the following period has elapsed after the expiration according to law of any sentence, including a sentence of imprisonment, a period of probation and the payment of any fine, imposed for an offence:

(a) 10 years, in the case of an offence that is prosecuted by indictment or is a service offence for which the offender was punished by a fine of more than five thousand dollars, detention for more than six months, dismissal from Her Majesty’s service, imprisonment for more than six months or a punishment that is greater than imprisonment for less than two years in the scale of punishments set out in subsection 139(1) of the National Defence Act; or

(b) five years, in the case of an offence that is punishable on summary conviction or is a service offence other than a service offence referred to in paragraph (a).

4.1 (1) The Board may order that an applicant’s record in respect of an offence be suspended if the Board is satisfied that

(a) the applicant, during the applicable period referred to in subsection 4(1), has been of good conduct and has not been convicted of an offence under an Act of Parliament; and

(b) in the case of an offence referred to in paragraph 4(1)(a), ordering the record suspension at that time would provide a measurable benefit to the applicant, would sustain his or her rehabilitation in society as a law abiding citizen and would not bring the administration of justice into disrepute.

(2) In the case of an offence referred to in paragraph 4(1)(a), the applicant has the onus of satisfying the Board that the record suspension would provide a measurable benefit to the applicant and would sustain his or her rehabilitation in society as a law-abiding citizen.

(3) In determining whether ordering the record suspension would bring the administration of justice into disrepute, the Board may consider

(a) the nature, gravity and duration of the offence;

(b) the circumstances surrounding the commission of the offence;

(c) information relating to the applicant’s criminal history and, in the case of a service offence, to any service offence history of the applicant that is relevant to the application; and

(d) any factor that is prescribed by regulation.

L’alinéa 1.1g) du Règlement sur le casier judiciaire, DORS/2000-303

1.1 Pour l’application de l’alinéa 4.1(3)d) de la Loi, la Commission, afin de déterminer si le fait d’octroyer la réhabilitation à un demandeur serait susceptible de dé- considérer l’administration de la justice, peut tenir compte de ce qui suit :

[…]

g) l’infraction constitue une opération frauduleuse en matière de contrats et de commerce prévue à la partie X du Code Criminel et l’un des faits ci-après s’y applique

(i) la fraude commise a une valeur supérieure à un million de dollars,

(ii) l’infraction a nui - ou pouvait nuire - à la stabilité de l’économie canadienne, du système financier canadien ou des marchés financiers au Canada ou à la confiance des investisseurs dans un marché financier au Canada,

(iii) l’infraction a causé des dommages à un nombre élevé de victimes,

(iv) le demandeur a indûment tiré parti de la réputation dont il jouissait dans la collectivité;

1.1 For the purposes of paragraph 4.1(3)(d) of the Act, in determining whether granting a pardon to an applicant would bring the administration of justice into disrepute, the Board may consider whether

[…]

(g) the offence constituted a fraudulent transaction relating to contracts and trade within the meaning of Part X of the Criminal Code, and any of the following apply:

(i) the value of the fraud committed exceeded one million dollars,

(ii) the offence adversely affected, or had the potential to adversely affect, the stability of the Canadian economy or financial system or any financial market in Canada or investor confidence in such a financial market,

(iii) the offence involved a large number of victims,

(iv) in committing the offence, the applicant took advantage of the high regard in which the applicant was held in the community;

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

T-1944-14

 

INTITULÉ :

HAROLD SPRING c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 OctobrE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Brian H. Greenspan

Robin K. McKechney

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Shain Widdifield

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Greenspan Humphrey Lavine

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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