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Date : 20160122


Dossier : T-2476-14

Référence : 2016 CF 77

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

LABORATOIRES NUCLÉAIRES CANADIENS

demandeur

et

NORBERT JONCAS

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’arbitre Ian R. Mackenzie, désigné en vertu du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 [le Code], par laquelle ce dernier a conclu que l’employeur demandeur avait mis fin abusivement à l’emploi du défendeur et a ordonné la réintégration du défendeur.

[2]               Le demandeur a mis fin à l’emploi du défendeur parce que celui-ci avait transgressé une règle de sécurité obligeant les employés à porter un équipement de protection individuelle (EPI) au moment d’entrer dans un poste extérieur. Selon l’arbitre, la preuve montrait que les règles de sécurité en vigueur au poste extérieur au moment de la transgression étaient ambiguës et aussi que, d’après les autres employés, la transgression ne constituait pas un manquement grave. Il a jugé que le congédiement du défendeur était excessif et sans commune mesure avec la transgression. Il a substitué au licenciement une suspension disciplinaire de deux semaines, sans rémunération.

[3]               Après avoir examiné le dossier ainsi que les observations orales et écrites des parties, je suis d’avis que la décision appartient aux issues possibles acceptables et que la demande devrait être rejetée.

I.                   Le contexte

[4]               Le demandeur, Énergie atomique du Canada limitée (EACL), a embauché le défendeur, Norbert Joncas, en avril 2007 comme électricien dans son installation nucléaire et son laboratoire de recherche de Chalk River (Ontario), en l’affectant à la zone de réacteur appelée NRU. Au début, le défendeur occupait un poste syndiqué, mais, deux mois plus tard, le demandeur l’a promu à un poste de superviseur.

[5]               Avant les événements en cause, le défendeur s’était vu attribuer de bonnes notations de rendement pour chacune des trois années précédant son licenciement, notations qui précisément indiquaient que le défendeur faisait grand cas de la sécurité. Toutefois, le défendeur fut mêlé à un incident de sécurité en juin 2013. Il a alors reçu une lettre disciplinaire faisant état d’inquiétudes à propos d’une entorse aux directives et d’un relâchement de la surveillance dans les activités se déroulant sous sa direction. Il était écrit dans la lettre que tout incident ultérieur analogue serait passible d’une autre mesure disciplinaire, qui pouvait aller jusqu’au licenciement. Le défendeur a été suspendu durant une journée.

A.                Les incidents survenus au poste extérieur

[6]               Le défendeur a été mêlé à deux incidents distincts en 2013, incidents au cours desquels il était entré dans le poste extérieur sans porter d’EPI. Le poste extérieur n’était pas le lieu de travail habituel du défendeur, et la preuve montrait qu’il ne connaissait pas très bien le poste extérieur, l’ayant visité une première fois le 6 octobre 2013, puis une deuxième fois le 27 octobre 2013. Dans les deux cas, il s’était trouvé dans le poste extérieur pour retirer les serrures des boîtiers de verrouillage. C’est la seconde visite du 27 octobre 2013 qui a entraîné le congédiement du défendeur.

[7]               La zone du poste extérieur se trouve à environ un kilomètre de l’aire de travail du défendeur, à savoir le NRU, et le défendeur n’était pas autorisé à retirer du NRU l’EPI porté dans le NRU. Il y avait déjà eu là un panneau indiquant qu’un EPI était requis dans le poste extérieur, mais, d’après la preuve, ce panneau avait été enlevé le 3 octobre 2013, avant la première visite du défendeur, sur la recommandation d’un conseiller en sécurité mandaté par EACL.

[8]               À chacune des fois où le défendeur s’était trouvé dans le poste extérieur, il croyait que l’équipement électrique du poste extérieur était hors tension par suite d’un arrêt pour maintenance ou en raison d’une panne de courant. Le défendeur a reconnu que, à chaque visite au poste extérieur, il ne portait pas d’EPI.

[9]               Selon le témoignage du défendeur, il avait, lors de sa première visite le 6 octobre 2013, demandé à Mike Robillard, un électricien sur place, s’il devait porter un EPI dans le poste extérieur, et l’électricien lui avait répondu non. Le défendeur a ajouté que M. McConnell, un électricien du poste extérieur, lui avait demandé ce qu’il portait, bien que M. McConnell eût témoigné ne pas se souvenir d’avoir travaillé ce jour-là. D’après le défendeur, M. Keenleyside, le technicien spécialisé responsable des lieux et point de contact unique pour le poste extérieur, n’avait pas réagi au fait qu’il ne portait pas d’EPI. Le défendeur a reconnu qu’il n’avait pas demandé d’instructions préalables et qu’il aurait pu à ce moment-là obtenir des éclaircissements sur la nécessité de porter un EPI.

[10]           Lors de la seconde visite du défendeur le 27 octobre 2013, un électricien du poste extérieur l’avait escorté vers le poste extérieur, et le défendeur avait alors été informé par M. Enright, le responsable de l’infrastructure électrique au poste extérieur, qu’il ne portait pas l’EPI réglementaire. Le défendeur lui avait répondu qu’il n’avait pas d’EPI parce qu’il ne pouvait pas retirer son EPI du NRU, et lui avait alors dit [traduction« Signalez-moi », voulant dire par là que M. Enright pouvait dresser un constat d’infraction aux règles de sécurité en accord avec la politique d’EACL. Un électricien avait sorti le boîtier de verrouillage et M. Enright avait laissé le défendeur en retirer les serrures. À ce stade, et à l’insu de M. Enright, le défendeur était entré dans l’édifice afin de téléphoner au NRU pour l’informer qu’il avait retiré les serrures. Au moment d’entrer dans l’édifice, il était tombé sur M. McConnell, qui lui avait dit qu’il devait porter un EPI. Le défendeur avait ensuite fait face à M. Keenleyside, qui a témoigné avoir dit au défendeur qu’il devait porter un EPI dans l’édifice, toutefois ce témoignage ne concordait pas avec une déposition faite par M. Keenleyside en novembre 2013. Quand M. Enright avait constaté que le défendeur était entré dans l’édifice sans porter l’EPI approprié, il y était entré lui aussi pour dire au défendeur qu’il devait quitter le poste extérieur parce qu’il ne portait pas l’EPI approprié. Il avait alors escorté le défendeur hors de l’édifice et, comme ils quittaient le poste extérieur, il lui avait expliqué que le port de l’EPI était de rigueur.

[11]           Le défendeur a reconnu que, même s’il croyait que la zone était hors tension, il aurait pu être plus respectueux et sortir immédiatement du poste extérieur une fois informé par M. Enright qu’il devait porter l’EPI approprié. Il a témoigné qu’il avait eu tort de ne pas s’enquérir davantage et qu’il aurait dû déposer un constat d’infraction aux règles de sécurité.

B.                 La suite des incidents survenus au poste extérieur

[12]           À la suite de l’incident du 27 octobre 2013, M. Enright a déposé un rapport d’observation et d’encadrement le 28 octobre 2013, et M. McConnell a déposé un constat d’infraction aux règles de sécurité, dans lequel il écrivait que le niveau d’importance de l’incident était faible, tout en recommandant, à titre de mesure corrective, que le défendeur fasse l’objet d’encadrement au sujet de la nécessité de porter l’EPI réglementaire.

[13]           Le défendeur a fait trois quarts de travail après l’incident du 27 octobre 2013. Son superviseur, M. Miller, a relaté dans son témoignage qu’il s’était entretenu avec le défendeur le 29 octobre 2013 après avoir eu vent de l’incident et qu’il était heureux que le défendeur soit de retour à son poste.

[14]           Le défendeur s’est présenté à un entretien avec les ressources humaines le 1er novembre 2013, au cours duquel il a affirmé qu’il était surchargé, qu’il n’était pas parfait, mais que personne n’était parfait. À l’issue de l’entretien, le demandeur a suspendu le défendeur avec rémunération. Le 4 décembre 2013, le demandeur lui a signifié par écrit qu’il mettait fin à son emploi.

II.                La décision contestée

[15]           L’arbitre a constaté que la violation des règles de sécurité par le défendeur, c’est-à-dire le fait qu’il ne portait pas l’EPI, et sa conduite inacceptable le 27 octobre 2013, n’étaient pas contestées. Dans la même veine, le défendeur a reconnu, la pertinence d’une mesure disciplinaire. La seule question était de savoir si, compte tenu des circonstances, le congédiement était une mesure excessive.

A.                Le droit et la politique de sécurité

[16]           Après avoir examiné la preuve en détail et exposé les positions des parties, l’arbitre commence son analyse par un rappel des dispositions du Code relatives au congédiement injuste, citant la décision Roberts c Bank of Nova Scotia, [1979] CLAD No 11, 1 LAC (3d) 259, à l’appui du principe selon lequel c’est à l’employeur qu’il appartient de prouver qu’il avait un motif valable de congédier l’employé. L’arbitre se réfère ensuite à l’arrêt McKinley c BC Tel, [2001] 2 RCS 161, pour affirmer que, avant de conclure à l’existence d’un motif valable, il faut déterminer la nature et l’étendue de l’inconduite, examiner les circonstances qui ont entouré cette inconduite et décider si le congédiement était une réponse proportionnée.

[17]           L’arbitre a relevé ensuite que la sécurité est une valeur fondamentale chez EACL et qu’un manquement aux règles ou politiques relatives à la sécurité peut conduire à un constat de rupture de la relation employeur-employé. L’arbitre cite l’arrêt Plester c PolyOne Canada Inc, 2013 ONCA 47, au paragraphe 10, 225 ACWS (3d) 1024, à l’appui du principe selon lequel un supérieur hiérarchique est en général astreint à une norme plus élevée que ne l’est un employé exécutant.

[18]           L’arbitre a aussi examiné la documentation d’EACL concernant ses politiques en matière de sécurité, notamment le port d’un EPI, et il relève que, selon cette documentation, advenant un manquement aux règles, les employés devront en répondre, encore que le but soit correctif et non punitif. L’arbitre conclut que cette documentation est la preuve manifeste que les conséquences d’un manquement aux règles de sécurité dépendent de plusieurs facteurs, dont le niveau de risque, la connaissance du risque et l’intention, et que ces conséquences devraient être correctives et non punitives.

B.                 Les conclusions de fait

[19]           Le défendeur a fait valoir l’argument selon lequel la lettre disciplinaire consécutive à l’incident de juin 2013 avait été annulée par suite. L’arbitre a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, il n’y avait eu aucune intention d’annuler la lettre disciplinaire et que cette lettre est restée au dossier disciplinaire du défendeur.

[20]           En ce qui concerne l’incident du 6 octobre 2013, l’arbitre a conclu que le témoignage non contredit du défendeur montrait qu’il était informé de l’existence de points de vue contraires sur l’obligation de porter un EPI dans le poste extérieur et qu’il n’avait pas cherché à éclaircir la question. Cela constituait selon l’arbitre une circonstance aggravante dans l’appréciation du caractère approprié de la mesure disciplinaire. L’arbitre s’est ensuite attardé sur l’incident du 27 octobre 2013 et il n’a constaté aucun désaccord majeur sur son contexte. Il a relevé que le défendeur avait reconnu qu’il s’était trompé et qu’il aurait dû se comporter autrement. Pour l’arbitre, cette admission constituait une circonstance atténuante.

[21]           L’arbitre a ensuite examiné la preuve se rapportant à la manière dont les autres employés, directeurs et superviseur jugeaient la conduite du défendeur, et pour lui le déroulement des faits montrait que les collègues du défendeur ne considéraient pas l’incident comme un manquement grave, de sorte que le licenciement n’était pas une réponse proportionnée à la transgression d’une règle de sécurité.

[22]           L’arbitre a conclu qu’il convenait d’examiner la manière dont les autres employés et directeurs voyaient la conduite du défendeur, parce que les documents de base d’EACL imposent à tous les employés l’obligation de se soucier de la sécurité. Les éléments dont il a tenu compte étaient les suivants : (1) le défendeur avait au départ été informé que l’EPI n’était pas obligatoire dans le poste extérieur, et (2) les employés qui avaient escorté le défendeur dans le poste extérieur le 6 octobre 2013 n’avaient pas fait de remarques sur le fait que le défendeur ne portait pas l’EPI réglementaire. L’arbitre en a déduit que le port d’un EPI par le défendeur ne constituait pas en l’occurrence une priorité pour ces employés.

[23]           L’arbitre a ensuite examiné le témoignage de M. Keenleyside, dans la mesure où il concernait l’incident du 27 octobre 2013, de même que la contradiction entre son témoignage et sa déposition, pour conclure que, de toute façon, M. Keenleyside n’avait pas cherché à escorter le défendeur vers la sortie de l’édifice. Au sujet de M. Enright, l’arbitre fait observer qu’il n’avait pas immédiatement escorté le défendeur vers la sortie du poste extérieur et qu’il ne l’avait pas prié de se munir de l’EPI réglementaire. L’arbitre a relevé qu’il s’était plutôt détourné du défendeur et qu’il ne l’avait pas regardé entrer dans le poste extérieur. L’arbitre en a déduit que M. Enright ne voyait pas comme une infraction sérieuse à la sécurité le fait que le défendeur ne portait pas d’EPI. M. Enright avait du reste considéré l’incident comme une occasion de rappeler les consignes de sécurité au défendeur après que celui-ci eut terminé sa tâche, il n’avait déposé un constat de manquement aux règles que le 12 novembre 2013, plus de deux semaines après l’incident, et il n’avait pas jugé l’affaire d’une importance suffisante pour qu’elle soit signalée au superviseur du défendeur. Et même si M. Enright avait finalement remis à son directeur un constat de manquement, l’affaire n’avait pas cependant été portée à l’attention du superviseur du défendeur ou à celle des Ressources humaines. Selon l’arbitre, l’attitude de ceux qui occupaient des postes de responsabilité montrait que le défendeur n’était pas considéré comme ayant commis une infraction grave aux règles de sécurité.

[24]           L’arbitre a fait remarquer que le demandeur avait laissé le défendeur se présenter au travail durant quatre jours après l’incident du 27 octobre 2013 et que son superviseur s’était réjoui que le défendeur puisse continuer d’occuper son poste.

[25]           Enfin, l’arbitre a relevé que le demandeur n’avait pris aucune mesure à l’encontre de M. Enright, qui est chargé de surveiller les entrées dans le poste extérieur. Il a appelé l’attention sur la thèse du demandeur qui affirmait en attendre davantage du personnel de direction, et il en a déduit que le congédiement du défendeur était disproportionné au regard du sort réservé au directeur responsable.

C.                 Les circonstances atténuantes

[26]           L’arbitre a recensé et considéré les circonstances atténuantes suivantes :

1)                  aucun panneau ne signalait l’obligation de porter un EPI;

2)                  aucune politique ni aucun protocole ne prévoyait la nécessité d’informer les visiteurs au sujet des règles de sécurité à observer dans le poste extérieur;

3)                  le défendeur avait de bons antécédents en matière de sécurité avant les deux incidents de 2013 et c’était donc là un point fort;

4)                  le défendeur avait un bon rendement global dans l’accomplissement de ses tâches;

5)                  le défendeur travaillait pour le demandeur depuis six ans et demi;

6)                  le demandeur est le principal employeur de la région et les autres possibilités d’emploi sont peu nombreuses; et

7)                  le défendeur est d’âge moyen et il a une famille.

[27]           L’arbitre a finalement conclu, après avoir examiné la gravité du manquement, la proportionnalité de la mesure disciplinaire et les circonstances aggravantes et atténuantes, que le congédiement était une mesure disciplinaire excessive au vu de l’infraction. Il a remplacé le congédiement par une suspension de deux semaines sans rémunération, à titre de mesure corrective adéquate. Il a aussi ordonné la réintégration du défendeur au motif que la preuve ne faisait pas état d’inquiétudes particulières et qu’elle militait en réalité en faveur du retour du défendeur à son lieu de travail.

III.             Les positions des parties

A.                La position du demandeur

[28]           Selon le demandeur, la décision de l’arbitre est déraisonnable, à la fois par le raisonnement qui la sous-tend que par son résultat. Il affirme que l’arbitre s’est mépris sur la preuve portant sur la gravité des infractions aux règles de sécurité et qu’il s’est égaré dans l’appréciation des circonstances atténuantes. Il est d’avis que les manquements aux règles de sécurité commis par une personne occupant un poste de responsabilité, ce à quoi s’ajoutait l’attitude désinvolte du défendeur, ont rendu les manquements d’autant plus graves et entraîné un abus de confiance irréparable ayant conduit à son congédiement.

[29]           Le demandeur décrit dans certains détails les conséquences possibles de la conduite du défendeur, les politiques du demandeur en matière de sécurité, ainsi que l’importance du port d’un EPI afin de réduire le risque de lésions corporelles provoquées par les arcs électriques et autres dangers. Il évoque ensuite les règles régissant la sécurité sur les lieux de travail, citant la décision Ontario Power Generation c Power Workers’ Union (RF Grievance), [2014] OLAA No 292, au paragraphe 140, 245 LAC (4th) 292, et la décision Vale Canada Inc c United Steel, et al, [2014] OLAA No 287, au paragraphe 54, pour faire ressortir la nécessité de régimes de sécurité dans les environnements à haut risque et celle de renforcer la sécurité par l’imposition de lourdes sanctions lorsque les procédures de sécurité ne sont pas respectées par les employés.

[30]           Le demandeur renvoie ensuite à la décision Bakery, Confectionary, et al c Imperial Tobacco Canada Ltd (Lambert Grievance), [2001] OLAA No 565, au paragraphe 27, qui donne une liste non limitative des principes à observer pour savoir si un congédiement est indiqué dans un cas précis. Invoquant ce cadre, le demandeur affirme que la décision de l’arbitre est déraisonnable, parce qu’elle est fondée sur la conclusion boiteuse selon laquelle les collègues du défendeur, à la date de l’incident, ne considéraient pas le manquement du défendeur aux règles de sécurité comme une infraction grave. Selon le demandeur, l’arbitre aurait plutôt dû faire reposer son analyse sur ses règles de sécurité et sur le fait que le défendeur, membre du personnel-cadre, avait, de son propre aveu, transgressé deux fois. L’arbitre avait consacré [traduction« un bref paragraphe de sa décision » aux règles de sécurité du demandeur, et celui-ci considère que c’est insuffisant. Selon le demandeur, l’arbitre ne pouvait, sans faire une analyse détaillée des règles de sécurité, se fonder simplement sur le fait que le défendeur avait admis que la sécurité était une valeur fondamentale chez EACL, qu’il était au courant de la politique du demandeur en la matière et qu’il avait bénéficié de la formation pertinente.

[31]           Par conséquent, selon le demandeur, rien n’indique que l’arbitre a dûment tenu compte de l’importance de protéger les employés contre les conséquences d’une violente explosion qui pouvait être provoquée par un arc électrique.

[32]           Finalement, le demandeur affirme que l’arbitre s’est à tort fondé sur le fait que M. Enright n’avait pas immédiatement escorté le défendeur vers la sortie du poste extérieur ou qu’il avait attendu deux semaines après l’incident pour déposer un constat d’infraction. Il soutient que ces points ne sont pas convaincants, parce que M. Enright avait bien dit au défendeur qu’il devait porter un EPI, pour l’escorter finalement vers la sortie de la zone. En outre, il avait ensuite bel et bien rempli un constat d’infraction aux règles de sécurité.

[33]           En ce qui concerne l’analyse des circonstances atténuantes effectuée par l’arbitre, le demandeur dit que ce dernier devait évaluer si le défendeur allait récidiver, mais il ne l’a pas fait, et son examen des circonstances atténuantes était donc incomplet. Le demandeur regrette par ailleurs que l’arbitre ait accordé du poids au fait que le défendeur avait avoué avoir mal agi, puisque cette admission n’a eu lieu qu’à l’audience devant. Il soutient aussi que l’arbitre aurait dû accorder davantage de poids à la réaction du défendeur au cours de l’entretien du 1er novembre 2013.

[34]           Pareillement, le demandeur affirme que l’arbitre a eu tort de s’attarder sur l’absence d’un panneau exigeant le port d’un EPI. Selon lui, l’arbitre aurait dû plutôt s’intéresser davantage au fait que les autres employés avaient dit au défendeur qu’il aurait dû se munir d’un EPI, ainsi qu’à la manière dont le défendeur leur avait répondu.

[35]           Finalement, le demandeur soutient que la situation personnelle du défendeur, à savoir le fait qu’il est d’âge moyen, qu’il a une famille et que EACL est le principal employeur de la région, est d’une importance minime quand on sait que le défendeur a commis, en cinq mois, un deuxième manquement aux règles de sécurité.

B.                 La position du défendeur

[36]           Selon le défendeur, la décision de l’arbitre appartient aux issues raisonnables, compte tenu de la preuve soumise à l’arbitre. Il soutient que l’arbitre a correctement effectué l’analyse contextuelle requise par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt McKinley c BC Tel, [2001] 2 RCS 161, au paragraphe 57, et exposée par la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Payne c Banque de Montréal, 2013 CAF 33, 33 NR 253, en portant son attention, comme il le convenait, sur la nature et l’étendue de l’inconduite.

[37]           Le défendeur affirme que l’arbitre a soigneusement examiné la preuve ainsi que la jurisprudence applicable et qu’il a bien saisi les arguments se rapportant au volet sécuritaire de la question, tout en sachant qu’un manquement à une politique ou à règle de sécurité pouvait se solder par un constat de rupture de la relation employeur-employé.

[38]           Selon le défendeur, en procédant à cette analyse contextuelle, l’arbitre a estimé avec raison que le congédiement constituait en l’occurrence une mesure disciplinaire excessive. L’arbitre a apprécié la gravité de l’inconduite admise par le défendeur et il s’est validement acquitté de son obligation d’examiner le contexte dans lequel avait eu lieu l’inconduite, y compris la réaction des personnes en situation d’autorité présentes dans le poste extérieur.

[39]           Le défendeur entreprend ensuite un examen des témoignages de M. Enright, de M. Keenleyside et de M. Miller, en faisant valoir que les conclusions de l’arbitre appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Il aborde aussi l’argument avancé par le demandeur dans son exposé des faits et du droit, selon lequel M. Enright n’est pas un superviseur ou directeur, mais plutôt un employé syndiqué, et il relève qu’il n’a pas été établi devant l’arbitre que M. Enright n’était pas un superviseur ou qu’il était un employé syndiqué, ajoutant qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le contexte du contrôle judiciaire, de statuer de novo sur les aspects qui ont été soumis à l’arbitre (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22, aux paragraphes 19 et 20, 428 NR 297 [Canadian Copyright Licensing Agency]; Canada (Procureur général) c Select Brand Distributeurs Inc, 2010 CAF 3, au paragraphe 44, 400 NR 76 [Select Brand Distributeurs]). Le défendeur ajoute que le demandeur était d’avis, devant l’arbitre, que M. Enright exerçait des fonctions de cadre, et qu’il était raisonnable pour l’arbitre de conclure que M. Enright était le superviseur responsable du poste extérieur.

[40]           Le défendeur affirme, au sujet des circonstances atténuantes, que l’arbitre a soigneusement apprécié la preuve portant sur la question de savoir si le défendeur présentait un risque de récidive et que sa conclusion était confortée par les supérieurs et collègues du défendeur, lesquels n’avaient aucune réserve sur un retour du défendeur à ses responsabilités. Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas apporté la preuve de préoccupations particulières concernant un retour du défendeur à son lieu de travail.

IV.             La question en litige

[41]           La seule question en litige est de savoir si la conclusion de l’arbitre selon laquelle le congédiement du défendeur était excessif en l’espèce est raisonnable.

V.                La norme de contrôle applicable

[42]           Les parties conviennent que c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique à la décision de l’arbitre portant sur une plainte de congédiement injuste. Je partage leur avis.

[43]           Lorsqu’il applique la norme de la raisonnabilité, l’arbitre désigné conformément à la partie III du Code jouit d’une marge d’appréciation relativement large, et la Cour ne saurait donc conclure à la légère que sa décision était déraisonnable (Payne c Banque de Montréal, 2013 CAF 33, aux paragraphes 36 à 43, 33 NR 253).

[44]           La décision de l’arbitre rendue aux termes de la partie III du Code est assortie d’une clause privative, énoncée à l’article 243 du Code :

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

[45]           Dans l’arrêt Payne, le juge Evans insiste sur la nécessité pour les cours siégeant en révision de se montrer circonspectes à l’égard des décisions des tribunaux administratifs spécialisés, ajoutant qu’elles n’ont pas à examiner dans leurs motifs chacun des arguments avancés ni chacune des questions soulevées, et qu’il n’appartient pas à une cour de justice, dans une instance de contrôle judiciaire, d’apprécier à nouveau la preuve qui a été soumise à l’arbitre :

36        Par l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a fourni des orientations quant à l’application de la norme de contrôle du caractère raisonnable. Premièrement, elle nous rappelle au paragraphe 47 qu’il s’agit d’une norme de déférence qui reconnaît le fait que, bien souvent, les questions déférées aux tribunaux administratifs ne donnent pas lieu à une seule réponse correcte et, au paragraphe 49, que le législateur confie en premier lieu le pouvoir décisionnel à un tribunal spécialisé en raison de son expérience dans le domaine visé et de sa bonne connaissance du régime législatif qui relève de sa responsabilité. Selon la norme du caractère raisonnable, les cours réformatrices doivent faire preuve de respect à l’égard des décisions des tribunaux administratifs spécialisés [non souligné dans l’original] (au paragraphe 48).

[...]

38        La Cour suprême a donné des précisions sur la méthode indiquée en matière de contrôle selon la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 R.C.S. 708 (Newfoundland Nurses). Elle a déclaré en particulier au paragraphe 14 que l’insuffisance des motifs du tribunal ne rend pas nécessairement sa décision déraisonnable. La cour réformatrice peut toujours confirmer la décision si elle s’inscrit dans l’éventail des issues possibles acceptables dont fait état l’arrêt Dunsmuir. Il faut analyser de concert et non séparément les motifs et le résultat, dans le cadre d’un « exercice […] global », aux termes de la juge Abella, qui s’exprimait au nom de la Cour suprême. La juge a ainsi déclaré au paragraphe 14 que « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ».

39        Aux paragraphes 16 à 18, la Cour suprême a également conseillé aux cours réformatrices de ne pas fixer des critères trop stricts pour rechercher si les motifs des tribunaux administratifs remplissent les exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité. Il n’est pas nécessaire de discuter chaque question ou argument soulevé, ni de procéder à l’examen en profondeur des questions. [Non souligné dans l’original.] La cour réformatrice peut aussi examiner le dossier du tribunal afin d’apprécier le caractère raisonnable de la décision, bien qu’elle ne puisse pas substituer ses propres motifs à ceux du tribunal (au paragraphe 15). La juge Abella a ajouté (au paragraphe 16) :

[…] les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

40        Comme on l’a vu, l’arbitre devait décider en l’espèce si le congédiement de M. Payne était injuste au sens du paragraphe 242(3) du Code. La BMO attaque les motifs de la décision de l’arbitre parce qu’il n’aurait pas tenu valablement compte de certains éléments factuels pertinents sur le plan du droit et aurait accordé trop d’importance à certains autres. [Non souligné dans l’original.]

41        Toutefois, la cour qui procède au contrôle selon la norme du caractère raisonnable n’a pas habituellement pour rôle de substituer son opinion à celle du tribunal quant à l’importance relative des faits examinés par ce dernier. [Non souligné dans l’original.] La cour doit néanmoins rechercher, sur le fondement des motifs donnés par le tribunal, complétés lorsque cela est nécessaire par le dossier administratif, si la décision peut se justifier sur le plan rationnel eu égard à la marge d’appréciation que les cours de justice accordent aux tribunaux spécialisés, laquelle se traduit par l’application de la norme déférente du caractère raisonnable.

42        Selon la jurisprudence McKinley, il faut procéder à un examen du contexte essentiellement factuel qui tienne compte de multiples facteurs pour établir si, en fonction des faits de l’affaire, les écarts de conduite d’un employé sont suffisamment graves pour justifier son congédiement. L’arbitre en cause en l’espèce dispose, par conséquent, d’une marge d’appréciation relativement large. [Non souligné dans l’original.] Le juge Iacobucci fait les observations suivantes à ce sujet (au paragraphe 34) :

Il ressort en outre de la jurisprudence que, selon l’approche contextuelle – qui tient compte autant des circonstances ayant entouré le comportement que de sa nature ou gravité –, le juge des faits a le pouvoir discrétionnaire de décider si [les écarts de conduite] constitue[nt] un motif valable de congédiement.

La BMO a une longue pente à remonter pour établir que la décision de l’arbitre était déraisonnable. [Non souligné dans l’original.]

43        On ne peut pas conclure à la légère non plus que la mesure était déraisonnable en l’espèce étant donné le large pouvoir discrétionnaire conféré aux arbitres en la matière par le paragraphe 242(4) du Code et le fait que la décision relative à la mesure qu’il convient d’accorder relève tout particulièrement de leur champ d’expertise [Non souligné dans l’original.].

[46]           J’examinerai maintenant la question de savoir si la décision de l’arbitre est ou non raisonnable, à la lumière des principes énoncés par le juge Evans dans l’arrêt Payne.

VI.             Analyse

[47]           Je suis d’avis que la décision de l’arbitre traduit un examen approfondi de la preuve qui lui a été soumise et qu’elle répond aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence, pour en arriver finalement sur une conclusion qui appartient aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[48]           L’arbitre a reconnu que les témoignages concernant ce qu’il avait été dit au défendeur à propos de l’obligation de porter un EPI dans le poste extérieur, l’attitude du défendeur et l’attitude des employés avec lesquels le défendeur avait conversé dans le poste extérieur durant l’incident du 6 octobre 2013 et celui du 27 octobre 2013 ne concordaient pas totalement. Il a examiné ces témoignages et il a finalement estimé que la politique et les attentes se rapportant au port d’un EPI dans le poste extérieur étaient ambiguës. Il a aussi conclu, en se fondant sur la réaction, voire l’absence de réaction, de plusieurs employés qui avaient conversé avec le défendeur au cours des incidents d’octobre, que ces employés ne considéraient pas le manquement du défendeur comme une faute grave. L’arbitre relève que tous ces employés, selon la politique d’EACL en matière de sécurité, devaient s’efforcer de promouvoir et d’assurer un milieu de travail sûr. Ces conclusions factuelles sont à mon avis raisonnables, compte tenu de la preuve soumise à l’arbitre, et elles s’accordent également avec la conclusion selon laquelle le congédiement du défendeur était disproportionné au regard du manquement du défendeur aux règles de sécurité.

[49]           Le demandeur soutient qu’une conclusion autre aurait dû être tirée, mais le fait qu’il existe d’autres conclusions possibles acceptables ne rend pas pour autant la décision déraisonnable (Dunsmuir, au paragraphe 47; Payne, au paragraphe 80).

[50]           Je suis également persuadé que l’arbitre a reconnu et pris en compte l’importance des règles de sécurité à l’intérieur des installations du demandeur. Il a reconnu à la fois que (1) la sécurité en tant que valeur fondamentale dans le milieu de travail n’était pas contestée, et (2) le défendeur avait admis avoir mal agi en ne portant pas un EPI au moment de pénétrer dans le poste extérieur, transgressant ainsi une règle de sécurité. Je ne peux souscrire à la position du demandeur selon laquelle l’arbitre aurait dû entreprendre une analyse détaillée des exigences de sécurité en cause, au regard de sa conclusion selon laquelle les parties ne divergeaient pas d’opinion sur ce point. Il n’était pas selon moi déraisonnable pour l’arbitre, dans ces conditions, de ne pas aborder la question en détail. Il n’est pas nécessaire que chaque question soit examinée en profondeur (Payne, au paragraphe 39, et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, aux paragraphes 14 à 17).

[51]           L’arbitre a aussi reconnu que la sécurité constitue une valeur fondamentale du demandeur quand il a accordé du poids à la réaction des autres employés pour évaluer la gravité des manquements. Comme l’a soutenu le défendeur, l’arbitre a fondé son analyse des incidents en cause sur le document d’EACL intitulé « Règles à respecter – questions et réponses », où l’on peut lire ce qui suit :

[traduction]

Q         À quoi devrais-je m’attendre si je contreviens à l’une des règles?      [Non souligné dans l'original.]

Réponse : Si vous mettez votre vie ou celle d’autrui en danger, vous pouvez vous attendre à devoir en répondre. Le niveau de responsabilité dépendra du résultat de l’enquête et du niveau de risque auquel vous vous êtes exposé ou auquel vous avez exposé autrui. Seraient considérés de nombreux autres facteurs, tels que la formation, la connaissance du risque ou l’intention. L’objet des mesures serait correctif, et non punitif.

[52]           L’arbitre a d’ailleurs noté dans son analyse que M. Enright avait considéré l’incident du 27 octobre 2013 uniquement comme une occasion de rappeler au défendeur les règles à respecter.

[53]           C’est pourquoi l’arbitre, dans son analyse, s’est attardé et s’est fondé sur les témoignages contradictoires relativement à l’obligation de porter un EPI dans le poste extérieur, sur les diverses réactions des employés au fait que le défendeur ne portait pas d’EPI le 6 octobre 2013 et le 27 octobre 2013, et sur la nature et le contenu du compte rendu de l’incident du 27 octobre 2013, pour apprécier la gravité du manquement. Le demandeur soutient que c’était là une erreur. La gravité du manquement aurait dû, selon lui, être mesurée d’après les règles essentielles et fondamentales suivies par l’employeur en matière de sécurité, lesquelles furent transgressées à deux reprises par le défendeur au cours d’une période de cinq mois. Là encore, avec égards, je ne souscris pas à sa prétention. Le demandeur voudrait en fait que la Cour apprécie à nouveau la preuve et qu’elle substitue l’interprétation préconisée par le demandeur à l’interprétation rationnelle de la preuve par l’arbitre.

[54]           Le demandeur s’oppose au fait que l’arbitre se soit fondé sur la réaction, ou l’absence de réaction, de M. Enright durant et après l’incident du 27 octobre 2013, mais c’est également là, à mon avis, une question qui concerne l’appréciation de la preuve et qui ne justifie donc pas l’intervention de la Cour. Par ailleurs, comme l’a affirmé le défendeur, il n’appartient pas à la Cour de procéder à une appréciation de novo du poste occupé par M. Enright. D’après la preuve soumise à l’arbitre, M. Enright était le superviseur responsable du poste extérieur, ce dont l’arbitre a tenu compte dans son appréciation des circonstances de cette affaire (Canadian Copyright Licensing Agency, aux paragraphes 19 et 20; Select Brand Distributeurs, au paragraphe 44).

[55]           En ce qui concerne la manière dont l’arbitre a traité les circonstances atténuantes, le demandeur fait valoir qu’il a commis une erreur en ne tenant pas compte des risques de récidive du défendeur. Je suis une fois de plus en désaccord avec le demandeur. Les circonstances atténuantes recensées par l’arbitre sont les antécédents du défendeur en matière de sécurité, y compris les deux incidents de 2013, les évaluations de son rendement et son rendement global au travail. L’arbitre relève aussi que le superviseur du défendeur, un électricien travaillant pour le demandeur, ainsi que l’agent d’affaires de la FIOE ont tous exprimé l’avis portant que le retour du défendeur au travail ne leur causait aucune inquiétude. Encore une fois, les doutes du demandeur à propos de la manière dont l’arbitre considère les circonstances atténuantes portent sur le poids que l’arbitre a accordé aux circonstances qu’il a recensées. Un désaccord sur le poids accordé à certaines éléments de preuve plutôt qu’à d’autres ne donne pas ouverture à une procédure de contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 61; Payne, au paragraphe 40).

[56]           La question soumise à l’arbitre n’était pas de savoir si une mesure disciplinaire était ou non justifiée en l’espèce, mais celle de savoir si la mesure disciplinaire imposée était excessive. La nécessité d’une mesure disciplinaire est reflétée dans la décision de l’arbitre : il a ordonné la réintégration du défendeur, mais a substitué à son licenciement une suspension disciplinaire de deux semaines sans rémunération. Encore une fois, le désaccord du demandeur avec la manière dont l’arbitre a examiné la preuve ou avec la conclusion qu’il a tirée ne rend pas sa décision déraisonnable.

VII.          Conclusion

[57]           Je suis d’avis que la décision de l’arbitre est justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les dépens sont adjugés au défendeur.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

T-2476-14

 

INTITULÉ :

LABORATOIRES NUCLÉAIRES CANADIENS c NORBERT JONCAS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 OCTOBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Frank Cesario

 

POUR LE demandeur

 

Phillip G. Hunt

 

POUr Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

Shields & Hunt

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

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