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Date : 20160122


Dossier : T-317-15

Référence : 2016 CF 75

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

ZONE3-XXXVI INC.

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse recherche l’annulation d’une décision finale rendue le 2 février 2015, par et au nom du ministre du Patrimoine canadien [ministre], refusant la délivrance d’un certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne [certificat], ainsi qu’une déclaration judiciaire à l’effet que la série télévisée, On passe à l’histoire [la Production], se qualifie à un crédit d’impôt pour une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne [CIPC].

[2]               Le défendeur, le Procureur général du Canada, soutient la légalité du refus ministériel et sollicite le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]               La Cour rejette toute objection préliminaire du défendeur quant à l’admissibilité ou la pertinence de tout élément de preuve particulier considéré dans les présents motifs, et s’en remet, mutatis mutandis, aux critères et motifs mentionnés dans la décision interlocutoire disposant de la requête en radiation du défendeur (Zone3-XXXVI Inc c Procureur général du Canada, 2015 FC 7), ainsi qu’aux arguments de rejet de la demanderesse.

[4]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie en partie.

I                     Cadre législatif et réglementaire

[5]               La décision contestée a été rendue sous l’autorité présumée de l’article 125.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e supp) [Loi] et de l’article 1106 du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, ch 945 [Règlement]. Des extraits pertinents de ces dispositions sont reproduits à l’annexe A. Dans les présents motifs, nous utiliserons la forme masculine que l’on retrouve dans la Loi, bien que, dans les faits, le ministre en titre à l’époque était l’honorable Shelly Glover.

[6]               En vertu des paragraphes 125.4(1) et (3) de la Loi, une « société admissible » peut réclamer un CIPC à l’égard d’une « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » visée au paragraphe 1106(4) du Règlement [production admissible] – c’est-à-dire à l’égard d’une production autre qu’une « production exclue » au sens du paragraphe 1106(1) du Règlement.

[7]               Les sous-alinéas 1106(1)b)(i) à (xi) du Règlement énumèrent onze genres de production qui sont inadmissibles à titre de « production exclue ». En l’espèce, le ministre a refusé la demande de certificat [partie A] présentée par la demanderesse le 25 septembre 2013 à l’égard de la première saison (26 épisodes) de la Production – On passe à l’histoire (I) – pour le motif qu’il s’agit d’une « production exclue », conformément au sous-alinéa 1106(1)b)(iii) du Règlement, qui vise :

(iii) une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours, sauf celle qui s’adresse principalement aux personnes mineures,

 

(iii) a production in respect of a game, questionnaire or contest (other than a production directed primarily at minors),

[Soulignements ajoutés]

 

[Emphasis added]

[8]               À cause de cette inadmissibilité, la demanderesse ne peut pas obtenir la délivrance d’un certificat d’achèvement [partie B] pour On passe à l’histoire (I), de sorte que cette production ne se qualifie pas à un CIPC. La deuxième saison de la série, On passe à l’histoire (II), emprunte la même formule. Il s’en suit également que cette dernière production ne peut se qualifier à titre de « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » en vertu de la Loi et du Règlement.

[9]               Le programme de CIPC est géré paritairement par le ministère de Patrimoine canadien [ministère], par l’intermédiaire du Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens [BCPAC], et l’Agence du revenu du Canada [ARC]. Le BCPAC détermine en pratique si une production répond aux exigences de l’article 125.4 de la Loi et l’article 1106 du Règlement, tandis que l’ARC vérifie la dépense de main-d’œuvre admissible utilisée pour déterminer le montant du CIPC.

[10]           Pour obtenir un CIPC, une société admissible doit présenter avec sa déclaration T2 soumise à l’ARC : un certificat de production cinématographique ou magnétoscopique [certificat partie A]; le formulaire de demande de CIPC (T1131) de l’ARC; et un certificat d’achèvement [certificat partie B], une fois la production terminée. Le producteur doit présenter toute demande de certificat [A et B] par l’entremise du système en ligne Cybersoumission du BCPAC. Administrativement parlant, le certificat partie A est délivré pour et au nom du ministre, sur recommandation positive du BCPAC, après analyse des estimations détaillées des coûts, des plans de financement, y compris les montants d’aide pressentis, et du respect des exigences du programme de CIPC relatives au contenu canadien.

[11]           Le certificat partie A est délivré sous condition suspensive. En effet, il existe des échéances strictes pour la délivrance d’un certificat d’achèvement [certificat partie B]. À cet égard, le sous-alinéa 1106(1)a)(ii) définit une « production exclue » comme une « une production à l’égard de laquelle [...] aucun certificat d’achèvement la concernant n’a été délivré avant la date limite d’attestation de la production ». Le Programme du CIPC fixe une échéance stricte pour qu’un certificat partie B soit émis par le ministre. Celle-ci est calculée à partir de la fin de la première d’année d’imposition au cours de laquelle les principaux travaux de prise de vue ont commencé. Le certificat d’achèvement confirme qu’une « production admissible » au CIPC s’est achevée dans les délais prévus dans le certificat de la partie B, soit 30 mois à partir de la date de fin de la première année d’imposition de la société suivant le début des principaux travaux de prise de vue ou 48 mois à partir de cette date si une déclaration de renonciation à la demande de la partie B a été remplie pour la production (voir le paragraphe 1106(1) du Règlement).

[12]           Comme on peut le constater, le respect des délais, tant par le producteur que par le BCPAC, est très important. Le producteur ne pourra pas obtenir un certificat d’achèvement – ou pourra même voir son certificat [partie A] révoqué – s’il s’avère que les délais sont échus, ce qui lui fera perdre tout crédit d’impôt auquel il pourrait autrement avoir droit. En pareil cas, même si le ministre et le BCPAC sont eux-mêmes responsables des délais, la Cour fédérale a décidé dans Productions Tooncan (XIII) Inc c Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 1520 au para 85 [Tooncan] que même s’il s’agissait d’« une situation difficile [...] que l’on ne peut que déplorer, [...]  [la Cour] ne peut ordonner de livrer un certificat en contravention à des dispositions claires de la Loi ».

[13]           En pratique, l’analyse de chaque demande de certificat est effectuée par un analyste du BCPAC [agent de crédit]. En principe, l’agent de crédit n’a aucune discrétion. Ce dernier se contente de vérifier si les exigences réglementaires sont satisfaites. Si la demande est incomplète, l’agent de crédit communiquera avec le producteur pour obtenir les renseignements ou documents manquants. Il peut toutefois faire appel, au besoin, au comité consultatif du BCPAC, lequel est composé d’analystes principaux du BCPAC. D’autre part, lorsque l’agent de crédit entend recommander un refus ou une révocation du certificat, le dossier est soumis à l’examen du comité de conformité du BCPAC, lequel est composé de gestionnaires et d’analystes principaux.

[14]           Les comités consultatif et de conformité du BCPAC n’ont qu’un pouvoir de recommandation et n’ont pas le pouvoir en vertu de la Loi de trancher de façon finale des questions de droit ou de décider du mérite d’une demande de certificat. C’est uniquement un processus interne mis en place visant à assurer une certaine cohérence administrative dans l’application de la Loi et du Règlement. Il n’empêche, les recommandations du BCPAC ont un poids déterminant dans la prise de décision finale par le ministre ou son représentant. Aussi, en pratique, lorsque le BCPAC entend faire une recommandation négative au ministre, il adressera au producteur un préavis de refus, exposant son raisonnement et ses conclusions, afin que le producteur puisse faire des représentations et soumettre tout élément de preuve supplémentaire de nature à influer sur la recommandation finale du BCPAC.

II                  Importance du programme de CIPC et critères d’admissibilité

[15]           Le programme de CIPC est destiné à encourager et stimuler le développement d’un secteur national de production du film et de la vidéo. Le CIPC est un crédit d’impôt fédéral qui peut aller jusqu’à 25 % des dépenses de main-d’œuvre professionnelle d’une production admissible en vertu du paragraphe 1106(4) du Règlement. Ainsi, si aucun impôt fédéral n’est payable pour un exercice donné, le montant du crédit d’impôt sera remboursé au producteur, sous réserve du droit qu’a l’ARC de déduire tout autre montant dû par la société.

[16]           On retrouve le pendant du programme de CIPC du côté provincial. Ainsi, dans la province de Québec, les entreprises culturelles éligibles impliquées dans la production de films et vidéos diffusés par une chaîne canadienne peuvent réclamer un crédit d’impôt remboursable pour la production cinématographique ou télévisuelle québécoise [crédit d’impôt provincial]. À ce chapitre, la Société de développement des entreprises culturelles [SODEC] joue un rôle similaire à celui joué par le BCPAC du côté fédéral. Ainsi, la délivrance d’un certificat par la SODEC permettra au producteur de réclamer son crédit d’impôt auprès de Revenu Québec (Loi concernant les paramètres sectoriels de certaines mesures fiscales, RLRQ, c P-5.1).

[17]           Rappelons également que pour atteindre les objectifs qui sont inscrits dans la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11, les entreprises de radiodiffusion et de programmation sont assujetties à diverses conditions de licence les obligeant à diffuser un certain pourcentage d’émissions canadiennes au cours de l’année de radiodiffusion et durant les périodes précisées de chaque journée de radiodiffusion. Les émissions certifiées par le ministère sur recommandation de Téléfilm Canada et du BCPAC seront reconnues comme canadiennes par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC]. Par contre, pour des raisons d’ordre fiscal, le BCPAC ne reconnaît pas automatiquement les émissions certifiées par le CRTC aux fins du CIPC.

[18]           Lorsqu’une production bénéficie d’un CIPC, la société de production doit mentionner au générique de chaque émission : « Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » et le mot-symbole Canada. Le genre, la formule générale de la série et le contenu particulier d’une émission deviennent eux-mêmes de notoriété publique lorsque l’émission est diffusée à la télévision canadienne (le diffuseur tenant d’ailleurs un registre à ces fins en vertu des règles du CRTC), et ce, bien que les renseignements et documents fournis par le producteur dans sa demande de certification ou de crédit puissent être confidentiels en vertu de l’article 241 de la Loi.

[19]           D’autre part, le ministre possède un pouvoir « quasi-réglementaire » en vertu du paragraphe 125.4(7) de la Loi. Ainsi, le ministre peut adopter « des lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles les conditions, énoncées dans la définition de « certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » au paragraphe (1), sont remplies ». Bien que ces lignes directrices ne soient pas des « textes réglementaires » au sens de la Loi sur les textes règlementaires, LRC 1985, c S-22, le paragraphe 125.4(7) de la Loi exige que celles-ci soient néanmoins publiées par le ministre.

[20]           En pratique, les producteurs se fient aux Lignes directrices et aux pratiques établies du BCPAC pour planifier la mise en chantier de nouvelles productions. On imagine mal un producteur expérimenté proposer à un radiodiffuseur un projet de série, qui sera diffusée à une heure de grande écoute, sans avoir préalablement examiné les précédents et évalué ses chances d’obtenir un crédit d’impôt.

[21]           Le 2 avril 2012, le ministre a publié un guide de 58 pages, intitulé « Programme du CIPC Lignes directrices » [Lignes directrices], qui reprend les conditions d’admissibilité que l’on retrouve dans la Loi et le Règlement (Partie 1 – Exigences), qui fournit des précisions techniques sur les documents et renseignements exigés (Partie II – Présentation d’une demande), et qui comprend également un glossaire de définitions des différents genres de production acceptées par l’industrie du cinéma et de la télévision (Partie III – Définitions). Les Lignes directrices sont donc conçues afin d’aider les producteurs à prévoir la façon dont le ministre est susceptible de déterminer l’admissibilité d’une production afin de leur permettre d’organiser leurs affaires en conséquence.

[22]           Une version préliminaire des nouvelles Lignes directrices a été diffusée préalablement sur le site web du ministère le 31 mars 2010 et sur le système de demande en ligne du BCPAC. Tous les intervenants intéressés de l’industrie du cinéma et de la télévision ont alors pu faire des observations. Dans une lettre officielle en date du 8 février 2011, adressée à l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec [APFTQ], la directrice générale associée, Industries culturelles, de Patrimoine canadien a avisé la directrice générale adjointe de l’APFTQ que la mise à jour des Lignes directrices du BCPAC ne devait entraîner aucun changement de politique au niveau des définitions de genres et des critères d’admissibilité.

[23]           Ainsi, la directrice générale associée précise que le ministère n’a pas « l’intention de modifier [les] conditions d’admissibilité au programme [de CIPC], ni la portée des définitions des genres non admissibles. Le BCPAC continuera d’appliquer les définitions de ces genres, de même que d’autres politiques liées au CIPC, de manière à rester conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi) et à son règlement ainsi qu’aux pratiques établies », de sorte que les membres de l’industrie peuvent légitimement s’attendre à ce que le ministre et le BCPAC continuent d’interpréter et d’appliquer la Loi et le Règlement de la même façon et de manière conforme aux pratiques établies, à moins bien entendu que le ministre annonce publiquement qu’il a décidé de modifier ses politiques ou l’interprétation qu’il a pu donner dans le passé à la définition de « production exclue » ou de « production admissible ».

[24]           En plus des Lignes directrices, le ministère du Patrimoine canadien publie à l’occasion des avis publics décrivant la politique suivie ou les critères appliqués par le BCPAC dans le traitement des demandes de certificat. À titre d’exemple, l’Avis public 2014‑01 diffusé sur le site web du ministère décrit la politique définitive visant à clarifier la façon dont le BCPAC déterminera quels artistes sont admissibles aux points attribués aux artistes principaux aux fins du CIPC. À ce chapitre, le ministère n’a publié aucun avis public concernant les jeux télévisés et les critères qui sont utilisés pour déterminer si une production d’un genre hybride – c’est-à-dire qui combine des éléments d’un genre exclu avec des éléments d’un ou de plusieurs genres non exclus – constitue principalement un jeu télévisé.

III               Cheminement de la demande de certification de la Production

[25]           La demanderesse est une société de productions télévisuelles et cinématographiques constituée suivant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44. C’est une filiale de production de Zone3 Inc., chef de file de la production télévisuelle au Québec et parmi les grands joueurs du domaine au Canada. De fait, Zone3 Inc. produit plus de 850 heures de télévision par année tant pour le marché francophone que pour le marché anglophone. Dans le cadre du financement de ses productions d’émissions de télévision, les filiales de Zone3 Inc. obtiennent fréquemment des crédits d’impôts tant au niveau provincial que fédéral. La demanderesse et son personnel sont donc très familiers avec le fonctionnement et les critères d’éligibilité à ces crédits d’impôt.

[26]           En 2013, la demanderesse a notamment produit vingt-six épisodes de la première saison de la Production On passe à l’histoire (i), et en 2014, vingt-six épisodes de la deuxième saison, On passe à l’histoire (Ii). Toutes ces émissions ont depuis été diffusées sur la chaîne francophone spécialisée TV5 Québec Canada [TV5] en 2014 et 2015. La demanderesse a assumé l’ensemble des coûts associés de la Production. En date du 22 août 2013, la structure de financement de ON passe à l’histoire (i) impliquait pour environ les deux tiers une participation de TV5 qui s’engageait à préacheter les droits de diffusion. Le tiers restant du financement devait provenir du Fonds de la radiodiffusion et les nouveaux médias de Bell sous la forme d’un supplément de droits de diffusion; du Trésor public sous la forme du crédit d’impôt provincial et du CIPC; et enfin, de la demanderesse sous la forme d’investissement privé.

[27]           Dans le contrat de préachat de droits de diffusion que la demanderesse a conclu le 19 septembre 2013 avec TV5, les modalités de livraison et d’acceptation des 26 épisodes de On passe à l’histoire (i) suivent un échéancier strict se terminant le 6 décembre 2013. Or, pour recevoir les derniers montants dus par TV5, la demanderesse doit lui remettre le certificat partie A, ainsi que le certificat de contenu canadien (CRTC) ou de la partie B du BCPAC.

[28]           Le 25 septembre 2013, la demanderesse a déposé par voie électronique sa demande de certificat partie A. Pour obtenir son CIPC, une fois la production achevée, il faut toutefois que celle-ci ait reçu sa certification (A et B) le ou avant le 31 octobre 2017. Le montant du CIPC est estimé à 188 396 $.

[29]           La Production est identifiée dans la soumission de la demanderesse comme une production du genre « magazine » – soit un genre admissible au Programme du CIPC et qui n’est pas expressément visé par la définition de « production exclue » (voir les sous-alinéas 1101(1)b)(i) à (xi) du Règlement). Les Lignes directrices fournissent la définition suivante de « magazine » :

Magazine : Genre qui n’est pas de la fiction et qui traite de sujets variés et contemporains portant notamment sur le style de vie et la culture, ou fournissant des directives ou du divertissement.

[30]           De fait, selon le synopsis fourni par la demanderesse, la Production « est un nouveau jeu-questionnaire de culture générale, à la fois amusant et enrichissant, dont chaque émission porte sur l’univers et sur l’époque d’une personnalité réelle – historique ou contemporaine ». Mais voilà, bien que la Production se présente sous la forme d’un « jeu-questionnaire », on précise qu’il s’agit d’un « prétexte » :

La prémisse est simple : on fouille l’histoire de Cléopâtre, celle de Molière, ou encore celle de J.F. Kennedy ... À partir de ce prétexte, pendant 60 minutes s’enchaînent une ribambelle de questions de différentes catégories – encyclopédique, insolite ou culture populaire – au sujet de la personnalité choisie et du monde dans laquelle elle vie. Les trois concurrents à ce jeu – tous des vedettes ou personnalités québécoises – ont de l’esprit, de la répartie, beaucoup d’humour.

Pour étoffer la valeur informative de l’émission, l’animatrice est épaulée par un « historien-savant » qui vient apporter un éclairage supplémentaire sur tel ou [tel] sujet. De son côté, un multi-instrumentaliste veille sur l’ambiance musicale grâce à des indicatifs sonores faits sur mesure.

[Soulignements ajoutés]

[31]           En date du 1er octobre 2013, la demanderesse avait acquitté tous les frais requis et sa demande de certificat partie A était complète. Selon la preuve au dossier de la Cour, le délai habituel pour rendre une décision, lorsque la demande est complète, est de 90 jours (contre-interrogatoire sur affidavit de la directrice du BCPAC, réponses aux questions 57 à 60). Malgré le fait que le ministre n’avait pas émis de certificat, le président de la demanderesse se disait confiant quant aux chances de la demanderesse d’obtenir un CIPC. La demanderesse se fondait sur le fait que, par le passé, le ministre avait certifié plusieurs émissions de jeux-questionnaires et de concours où des artistes participaient à des compétitions amicales et où l’argent n’est pas un enjeu.

[32]           En l’espèce, selon le Rapport du dossier préparé postérieurement par l’agent de crédit (version 3), – on parle ici de la première saison dont le tournage a débuté le 11 avril 2013 et qui a été achevé le 13 décembre 2013 – la Production satisfait aux exigences suivantes du programme de CIPC :

a)      le producteur canadien a et conserve intégralement le contrôle du développement du projet, à partir du moment où il a obtenu les droits d’origine;

b)      le producteur canadien a et conserve intégralement la responsabilité et le contrôle de l’ensemble des aspects (créatifs et financiers) de la production du projet;

c)      le producteur canadien a et conserve intégralement la responsabilité et le contrôle de la négociation des ententes initiales d’exploitation;

d)     le producteur a droit à une participation monétaire raisonnable et démontrable par l’inscription au budget des frais de productions et d’administration, et à la participation aux recettes de l’exploitation;

e)      le budget et/ou l’état financier a été vérifié ou le rapport de mission d’examen et ils ne contiennent pas d’irrégularités;

f)       toutes les échéances applicables à la demande ainsi que la déclaration de renonciation (T2029) et la production respecte les échéances applicables;

g)      la société de production est une société canadienne imposable admissible;

h)      il n’y a pas eu de distribution au Canada par une entité étrangère dans les deux ans suivant le moment où elle était exploitable sur le marché.

i)        toutes les ententes de financement ont été examiné et vérifié et la production est entièrement financée;

j)        les points relatifs aux principaux postes de création clé obligatoires ont été obtenus. S’agissant d’une série, chaque épisode a obtenu les points obligatoires;

k)      la production sera distribuée/diffusée au Canada dans les deux (2) ans suivant le moment où elle sera exploitable sur le marché; et

l)        la société de production canadienne est le titulaire exclusif du droit d’auteur mondial sur la production pour la période de vingt-cinq ans qui commence dès que la production est exploitable sur le marché.

[33]           Or, le seul critère règlementaire qui reçoit une réponse négative de la part de l’agent de crédit est le suivant : « J’ai examiné le genre et je confirme qu’il ne s’agit pas d’une « production exclue » ». La réponse de l’agent est : « non » [soulignements ajoutés].

[34]           Le 11 octobre 2013, l’agent de crédit a demandé à la demanderesse de lui fournir une copie du DVD d’un épisode de la Production. Le 13 novembre 2013, le DVD de l’épisode sur Catherine de Russie lui a été communiqué. Le 28 novembre 2013, l’agent de crédit a visionné le DVD et a procédé à une vérification du genre de production (rapport d’analyse du BCPAC, page 16). Toutefois, pour une raison qui n’a pas été expliquée par la directrice du BCPAC dans son affidavit et son contre-interrogatoire, il s’écoulera plusieurs mois avant que l’agent de crédit ne s’adresse au comité consultatif et au comité de conformité du BCPAC.

[35]           Entretemps, la demanderesse est avisée par la SODEC, le 4 février 2014, que la première saison de la série a été reclassée comme une « série documentaire » et non comme un « magazine », mais que ceci n’aura « aucune incidence » sur le crédit d’impôt provincial. Au passage, notons que dans les Lignes directrices, le genre « documentaire – un autre genre non exclu par le Règlement – est ainsi défini :

Documentaire : Œuvre originale non fictive conçue dans le but principal d’informer, mais qui peut aussi éduquer et divertir en présentant une analyse critique approfondie d’un sujet ou d’un point de vue.

[36]           N’ayant toujours pas eu de décision du ministre, le 12 juin 2014, la demanderesse dépose par voie électronique au BCPAC sa demande de certification à l’égard de la deuxième saison de la série, On passe à l’histoire (II), dont le tournage a débuté le 18 février 2014 et qui doit être achevé le 15 août 2014. Dans le sommaire de la nouvelle soumission, il est indiqué que le CIPC estimé est de 178 209 $. Or, pour obtenir son CIPC, une fois la production achevée, il faut que celle-ci dit reçu sa certification [A et B] le ou avant le 31 octobre 2018.

[37]           Le 25 août 2014, le BCPAC du ministère fait parvenir à la demanderesse un préavis de refus concernant la première saison de la série. Il se lit comme suit :

Je vous écris au sujet de la demande de certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (communément appelé partie A) pour la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) (26 épisodes) que vous avez produite au nom de la société Zone3-XXXVI inc.

L’analyse du dossier révèle que la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) n’est pas une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne au sens de l’article 125.4 de la Loi sur le revenu (« Loi ») et de l’article 1106 du Règlement de l’impôt sur le revenu (« Règlement ») pour le motif suivant : la production est une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours et elle est donc une « production exclue » conformément au sous-alinéa 1106(1)b)(iii) du Règlement (définition de « production exclue »).

Les lignes directrices publiées par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens (BCPAC) dans le cadre de l’administration du programme de Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC) fournissent davantage de détails sur les différents types de productions exclues qui sont inéligibles au CIPC. Le BCPAC considère qu’une production est un « jeu télévisé » lorsque celle-ci présente « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux questionnaires. »

Le visionnement de la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) par le BCPAC révèle que chaque épisode adopte un format propre aux jeux télévisés en utilisant l’histoire en toile de fond. La présentatrice de l’émission introduit des concurrents qui s’affrontent en répondant à une série de questions sur le ou les sujets retenus pour l’émission. Par ailleurs, ON PASSE À L’HISTOIRE (I) est associé à une application informatique de type « jeu questionnaire » qui permet aux téléspectateurs de jouer à la maison avec les concurrents tout au long de l’émission.

La ministre du Patrimoine canadien ne peut pas émettre de certificat à une production qui ne rencontre pas une exigence de la Loi et du Règlement.

Vous pouvez soumettre à l’attention de la soussignée, dans les trente (30) jours suivant la date de ce préavis, tout nouveau renseignement qui pourrait influer l’évaluation de ce dossier. À l’expiration de ce délai, le BCPAC recommandera à la ministre du Patrimoine canadien de refuser la certification à moins que les renseignements additionnels fournis ne démontrent l’admissibilité de la production.

[38]           En réponse aux divers points soulevés dans le préavis de refus, le 23 septembre 2014, le représentant de la demanderesse fournit une argumentaire écrit expliquant pourquoi la Production n’est pas un « jeu télévisé », mais principalement une « émission de type magazine caractérisée par son fort contenu informatif lequel est présentée de manière divertissante et enjouée ». De plus, bien que « dans sa forme », l’émission adopte « certains aspects » de la formule « questions et réponses », ceci ne sert que « de prétexte et d’outil pour rendre le contenu informatif de l’émission plus vivant. » Les règles du « jeu » sont elles-mêmes très « flexibles », tandis que la détermination du « gagnant » ne revêt que très peu ou pas d’importance : « Très souvent, il est même difficile de déterminer à la fin de l’épisode lequel des artistes est le « gagnant » et comment furent attribués les « honneurs » du vainqueur tellement les règles d’attribution des « points » sont peu suivies ». D’autre part, la demanderesse fait également valoir que plusieurs autres « émissions similaires » à la Production ont par le passé obtenu un certificat du BCPAC. De plus, la SODEC a classé la Production comme une série du genre « documentaire ».

[39]           Le 29 septembre 2014, le Comité de conformité se réunit pour examiner le dossier et formule une demande de précisions supplémentaires relativement aux émissions dites « similaires » qui ont été certifiées antérieurement par le ministre. Le 17 octobre 2014, le représentant de la demanderesse fournit au BCPAC avec des explications détaillées une liste non exhaustive et illustrative d’émissions « présentant des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux-questionnaires », qui ont toutes obtenu des certificats du ministre. On y retrouve des émissions mettant en vedette des artistes s’affrontant dans des concours d’adresse ou des jeux-questionnaires : la série Fidèles au poste « [c]haque semaine, deux équipes formées de trois personnalités du monde artistique participaient à des jeux de toutes sortes, originaux et divertissants »; la série Dieu Merci! où chaque semaine « quatre artistes participaient à une compétition amicale où leur sens de répartie et faculté d’improvisation sont mis à profit »; la série Le match des étoiles « [c]haque semaine, les artistes invités participaient à une compétition amicale de danse ». Parmi les émissions où ce sont des non-artistes, le représentant de la demanderesse mentionne les séries suivantes : Occupation Double et Loft Story « où chaque semaine on assiste à l’élimination d’un ou plusieurs participants »; Allume-moi, qui est « une émission de divertissement où 3 ou 4 prétendants font face à un groupe de 30 célibataires dans le cadre d’une processus élaboré de « sélection », le tout, dans une ambiance de fête »; et La course Évasion autour du monde, qui est « une course de 10 semaines autour du monde avec le participation de jeunes devant chaque semaine produire un reportage ». Dans ce contexte, le représentant de la demanderesse conclut que « lorsque la présentation d’un « jeu », « questionnaire » ou « concours » n’est que secondaire à l’objectif premier de divertissement de l’émission, l’utilisation d’une telle formule n’a pas été considérée comme motif de refus aux fins du crédit d’impôt de production du Canada ».

IV               Décision contestée par la demanderesse

[40]           Le 2 février 2015, soit près d’un an et demi après le dépôt de la demande de certificat à l’égard de ON PASSE À L’HISTOIRE (I), la décision finale du ministre à l’égard de la première saison de la série est communiquée à la demanderesse sous la forme d’un avis de refus, dont le contenu se lit comme suit :

Je vous écris au sujet de la demande de certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (communément appelé partie A) « certificat » pour la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) (26 épisodes) que vous avez produite au nom de la société Zone3-XXXVI inc.

Le 25 août 2014, le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens (BCPAC) vous faisait parvenir un préavis de refus relativement à votre demande de certificat pour cette production. Le BCPAC vous informait alors que la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) n’est pas une production cinématographique ou magnétoscopique au sens de l’article 125.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu (« Loi ») et de l’article 1106 du Règlement de l’impôt sur le revenu (« Règlement ») pour le motif suivant : la production est une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours et elle est donc une « production exclue » conformément au sous-alinéa 1106(1)b)(iii) du Règlement (définition de « production exclue »). Le BCPAC considère qu’une production est un « jeu télévisé » lorsque celle-ci présente « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des questionnaires. »

Vous avez soumis au BCPAC, par l’intermédiaire de votre représentant légal Me André Véronneau, des représentations en réponse au préavis de refus dans des correspondances datées du 23 septembre 2014 et du 17 octobre 2014. Le BCPAC a procédé à une évaluation des arguments énumérés dans ces correspondances. Le BCPAC est d’avis que les renseignements additionnels fournis ne démontrent pas l’admissibilité de la production.

Ainsi, pour les motifs détaillés dans le préavis de refus qui vous a été communiqué par le BCPAC, je suis d’accord avec la recommandation du BCPAC selon laquelle la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) est une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours. La qualification de la production à titre d’émission de « divertissement général », ou la présence de « vedettes » à titre de participants, n’altère en rien le fait que la production comporte effectivement un jeu, un questionnaire ou un concours et que ce genre de production est exclu par le Règlement. Par ailleurs, le traitement de cette production par la SODEC n’est pas un élément pertinent pour la détermination du statut de cette production dans le cadre du régime du programme de Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC). Finalement, chaque application au programme de CIPC est évaluée selon ses circonstances propres et la détermination de l’admissibilité de chaque production est faite en conformité avec les exigences de la Loi et du Règlement.

En conséquence, j’ai le regret de vous informer, pour et au nom du ministre du Patrimoine canadien, que votre demande de certificat pour la production ON PASSE À L’HISTOIRE (I) est refusée. Soyez avisé qu’il s’agit d’une décision finale.

[41]           L’avis de demande de contrôle judiciaire a été signifié et déposé à la Cour le 2 mars 2015 et a été amendé le 2 octobre 2015 à la suite de la découverte par la demanderesse de faits nouveaux qui ont un impact déterminant dans la présente affaire. En effet, ce n’est qu’après le dépôt de l’affidavit de la directrice du BCPAC et son contre-interrogatoire, que la demanderesse a été informé au cours de l’été 2015 des véritables critères ayant été utilisés en l’espèce pour déterminer si la Production comporte « un jeu, un questionnaire ou un concours » au sens du Règlement, et a appris l’existence du « Decision Tree » [« arbre décisionnel » en français] [traduction] reproduit à l’annexe B des présents motifs, et qui a été utilisé en l’espèce par le BCPAC pour décider si la Production appartient à un genre de « jeu télévisé » admissible.

V                  Prétentions générales des parties

[42]           Essentiellement, la demanderesse prétend que le BCPAC et/ou le ministre ont fait défaut d’observer un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale dans le traitement de la demande de certification de la Production, alors que le refus ministériel de délivrer un certificat va à l’encontre des attentes légitimes de la demanderesse, est contraire à la Loi et au Règlement, ou est autrement déraisonnable en l’espèce. En l’espèce, le ministre a rendu une décision arbitraire et imprévisible, qui fait complétement fi des précédents antérieurs en matière de certification d’émissions « présentant des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux-questionnaires ». De plus, le préavis et l’avis de refus sont gravement déficients et ne font pas mention des véritables critères utilisés en l’espèce. La demanderesse a été privée de son droit de faire des représentations utiles concernant l’utilisation de l’arbre décisionnel et les critères pertinents utilisés par le BCPAC pour déterminer si tel ou tel genre d’émission « comportant un jeu, un questionnaire ou un concours » est ou non visé par l’exclusion que l’on retrouve au sous-alinéa 1106(1)b) du Règlement. De plus, la demanderesse fait valoir qu’elle subit un lourd préjudice pécuniaire, qui est accentué par le délai déraisonnablement long qui a été pris pour traiter la demande de certification. Ainsi, en plus de requérir l’annulation de la décision contestée, la demanderesse invite la Cour, dans l’exercice de sa discrétion, à déclarer que la Production se qualifie pour la certification à titre de « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » lui donnant droit à un CIPC.

[43]           Le défendeur s’oppose à la présente demande de contrôle judiciaire. En l’espèce, le processus d’évaluation a été transparent et la demande de certificat a été traitée dans un délai raisonnable. La décision contestée est motivée et s’appuie sur la preuve au dossier. La doctrine des attentes légitimes ne confère aucun droit substantif mais uniquement des droits procéduraux. Le préavis de refus était suffisant en l’espèce. Le fait que la Production ait été certifiée par la SODEC comme production admissible à un crédit d’impôt provincial n’est pas pertinent et le ministre n’est pas lié par les précédents positifs de jeux télévisés admissibles à un CIPC. Le refus ministériel est raisonnable en l’espèce. On doit présumer que le ministre a considéré l’ensemble de la preuve au dossier et les prétentions de la demanderesse à l’effet que la Production est similaire aux productions antérieures présentant « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux questionnaires » ayant été considérées par le passé comme admissibles par le BCPAC. Même si la Cour détermine qu’une erreur révisable a été commise, le dossier ne devrait pas être renvoyé au ministre parce que le résultat sera le même. Lorsqu’une production comporte « un jeu, un concours ou un questionnaire », le BCPAC ne se limite pas à se demander, selon les Lignes directrices, si celle présente « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux questionnaires » mais il applique une grille d’analyse – « Decision Tree » (arbre décisionnel) – pour déterminer si la production est ou non une « production exclue » en vertu du sous-alinéa 1106(1)b) (iii) du Règlement. En l’espèce, si la Cour répond elle-même aux questions de l’arbre décisionnel, la Production doit être exclue à la lumière de la preuve au dossier parce que les jeux-questionnaires ont des « résultats objectifs », plutôt que des « résultats subjectifs ».

VI               Portée de l’examen de la légalité du refus ministériel

[44]           La norme de contrôle qui s’applique aux questions ayant trait au respect ou non par le décideur des règles d’équité procédurale est celle de la décision correcte, tandis que la norme qui s’applique à l’examen des questions de fait et/ou de droit relevant de l’expertise du décideur est celle de la décision raisonnable : Tooncan aux para 41 et 42; Tricon Television29 Inc. c Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 435 au para 31 [Tricon]. En l’espèce, les conditions d’admissibilité au programme de CIPC se retrouvent non seulement dans la Loi et le Règlement, mais en vertu du paragraphe 125.4(7) de la Loi, le ministre peut adopter des Lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles les conditions énoncées dans la définition de « certificat cinématographique ou magnétoscopique canadienne » sont remplies.

[45]           S’agissant de la portée de l’examen de la raisonnabilité de la décision contestée, la cour de justice ne doit pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 15, [2011] 3RCS 708 [Newfoundland Nurses Union]. D’un autre côté, l’invitation à porter une « attention respectueuse aux motifs » qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision administrative ne confère pas à la cour de justice le pouvoir absolu de reformuler celle-ci en substituant à l’analyse qu’elle juge déraisonnable sa propre justification du résultat, et celle-ci ne doit pas non plus être interprétée comme atténuant l’importance de motiver adéquatement une décision administrative : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61 au para 54, [2011] 2 RCS 654; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 63, [2009] 1 RCS 339) [Khosa].

[46]           Ainsi, au niveau de la transparence et de l’intelligibilité de la décision administrative sous étude, lorsque le ministre décide de donner suite à la recommandation du BCPAC de ne pas certifier une production, on doit être capable de lire dans l’avis de refus, ou à défaut dans le préavis de refus du BCPAC, les critères particuliers qui ont été utilisés pour déterminer qu’une production n’est pas admissible en vertu de la Loi et du Règlement, ainsi que les raisons pour lesquelles, cette production n’entre pas – en regard de la preuve au dossier – dans le genre admissible ayant été identifié par le producteur dans sa demande de certification. (Pour un exemple de motifs dits « suffisants, voire exemplaires », fournis par le BCPAC dans une affaire de refus, voir Tricon aux para 22, 28, 38 et 39).

[47]           D’un autre côté, l’obligation d’équité procédurale est souple et variable et repose sur une appréciation du contexte de la loi et des droits visés (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC) au para 21, [1999] 2 RCS 817 [Baker]. Or, les facteurs suivants ont été identifiés dans Baker pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité procédurale : (1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l'organisme; (3) l'importance de la décision pour les personnes visées; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; et (5) les choix de procédure que l'organisme fait lui-même. Cette liste de facteurs n'est pas exhaustive. La Cour peut considérer tout autre facteur pertinent adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision (Baker aux para 23-28). Nous ne reviendrons pas ici en détail sur chacun des aspects déjà soulignés aux paragraphes 5 à 14 (cadre législatif et réglementaire) et aux paragraphes 15 à 24 (importance du programme de CIPC et critères d’admissibilité), sinon pour dire que nous les avions à l’esprit dans le cadre de l’analyse des cinq facteurs indicatifs mentionnés dans Baker.

[48]           En pratique, les pouvoirs du ministre à l’égard de la délivrance des certificats A et B dont l’obtention est nécessaire pour obtenir un CIPC sont exercés par un cadre désigné agissant en son nom. Toutefois, avant qu’un avis de refus ne soit communiqué au producteur, le producteur aura reçu un préavis de refus afin de faire valoir son point de vue et présenter des preuves supplémentaires. Bien qu’il n’ait aucun pouvoir décisionnel, on peut s’attendre que les recommandations du BCPAC auront généralement un poids déterminant dans la prise de décision finale par le ministre. Puisque c’est le ministre qui délivre les certificats, ses décisions ont un caractère très important dans l’organisation des futures activités des sociétés de production (VIA Rail Canada Inc. c Office national des transports (CA), [2001] 2 FCR 25 au para 20).

[49]           Or, il n’y a rien dans l’arrêt Baker qui donne à penser que les décisions administratives qui ont une incidence sur des droits économiques sont, par définition, moins importantes que les décisions judiciaires ou quasi judiciaires qui ont une incidence sur les droits individuels, et ce serait une erreur, sur le plan conceptuel, de considérer dès le départ comme moins importantes pareilles décisions : Uniboard Surfaces Inc. c Kronotex Fussboden GmbH et Co. KG, 2006 CAF 398 au para 27 [Uniboard Surfaces Inc.]. Certes, les décisions du ministre n’affectent pas la vie des personnes, mais elles jouent un rôle clé dans le secteur de cinéma et de la télévision en favorisant le financement et la production d’émissions canadiennes qui seront diffusées ou distribuées dans l’ensemble du pays.

[50]           Or, faut-il le rappeler, la production de films et d’émissions de télévision par des sociétés de production canadienne admissibles constitue un aspect névralgique de l’expression de l’identité des Canadiens et Canadiennes. Le financement de ces productions participe activement à l’enrichissement du patrimoine canadien et à la diversité culturelle des populations à travers le pays, et ce, compte tenu des particularités régionales et des besoins propres des marchés de langue française et de langue anglaise. En l’espèce, le préjudice économique que subira la demanderesse si elle n’obtient pas les crédits d’impôt demandés à l’égard de la Production (tout près de 500 000 $) est important. C’est autant d’argent que la demanderesse devra investir dans la Production et qui ne sera pas, par conséquent, disponible pour le financement d’autres productions indépendantes canadiennes.

[51]           Produire une série de 26 épisodes par saison représente pour un producteur indépendant des défis humains et financiers importants. C’est une entreprise complexe exigeant beaucoup de travail et de temps car le producteur doit déposer des demandes auprès de plusieurs agences et obtenir d’une institution financière un préfinancement ou un financement provisoire. Si « la doctrine de l’attente légitime ne peut pas donner naissance à des droits matériels en dehors du domaine de la procédure » (Baker au para 26), elle assure toutefois au producteur une certaine assurance au niveau du cadre d’analyse et des critères utilisés par le BCPAC et le ministre pour déterminer si une production est admissible. C’est toute l’idée d’avoir des Lignes directrices et de ne pas recourir à des outils d’analyse ésotériques connus seulement de quelques initiés et non généralement accessibles aux producteurs sur le site web du ministère.

[52]           L’équité procédurale commande que les critères utilisés par le BCPAC et le ministre soient intelligibles et transparents, et on doit présumer que ces critères ne sont pas eux-mêmes discriminatoires, capricieux ou arbitraires. Par conséquent, si le BCPAC et le ministre décident de modifier unilatéralement leurs pratiques et interpréter différemment les cas de productions admissibles au programme du CIPC, le producteur peut légitimement s’attendre à ce que tout tel changement soit publicisé par les autorités responsables.

[53]           Ayant considéré l’ensemble de la preuve soumise par les parties à la lumière des facteurs pertinents mentionnés dans Baker, et en accordant une importance particulière aux attentes légitimes ainsi qu’au contexte légal, institutionnel et social de la décision contestée, je suis d’avis que l’obligation d’équité procédurale exige que le BCPAC et le ministre fassent preuve de transparence et de prévisibilité dans l’adoption de critères et l’application pratique de tout cadre général d’analyse, et ce, tout particulièrement lorsqu’on a affaire à un genre de production apparemment hybride, ce qui est le cas en l’espèce selon la preuve non contredite au dossier.

[54]           Pour les motifs qui suivent, je conclus que le BCPAC et le ministre ont manqué leur obligation d’équité procédurale envers la demanderesse, tandis que les motifs de refus sont eux-mêmes gravement défectueux, ce qui à tous égards rend la décision contestée révisable par la Cour.

VII            Caractère révisable de la décision contestée

[55]           Le ministre devait trancher la question de savoir si en vertu des paragraphes 125.4(1) et (3) de la Loi, la Production est une « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne », c’est-à-dire qui n’est pas autrement exclue par les paragraphes 1106(1) et (4) du Règlement. Or, la logique que l’on retrouve au Règlement fait en sorte qu’une production est en principe admissible, à moins d’être principalement une production d’un genre exclu mentionné à l’un ou l’autre des sous-alinéas (i) à (xi) de l’alinéa b) du paragraphe (1) de l’article 1106 du Règlement.

[56]           Dans l’examen de la raisonnabilité des motifs du refus ministériel, la Cour doit considérer l’avis de refus en conjonction avec le préavis de refus. Le ministre conclut ici que la Production est « une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours » et elle est donc une « production exclue » conformément au sous-alinéa 1106(1)b)(iii) du Règlement (définition de « production exclue »). Suivant les Lignes directrices, une production est un « jeu télévisé » lorsque celle-ci présente « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux questionnaires ». Or, « [l]e visionnement de la production On passe à l’histoire (I) par le BCPAC révèle que chaque épisode adopte un format propre aux jeux télévisés en utilisant l’histoire en toile de fond », alors que « [l]a présentatrice de l’émission introduit des concurrents qui s’affrontent en répondant à une série de questions sur le ou des sujets retenus pour l’émission ». En l’espèce, la Production « est associé à une application informatique de type « jeu questionnaire » qui permet aux téléspectateurs de jouer à la maison avec les concurrents tout au long de l’émission ». D’autre part, « [l]a qualification de la production à titre de « divertissement général », ou la présence de « vedettes » à titre de participants, n’altère en rien le fait que la production comporte effectivement un jeu, un questionnaire ou un concours et que ce genre de production est exclue par le Règlement ».

[57]           La demanderesse prétend que les motifs susmentionnés sont nettement insuffisants et gravement déficients compte tenu des points en litige ayant été véritablement soulevés lors de l’examen de l’admissibilité de la Production à un CIPC. Je partage le même avis. En l’espèce, la demanderesse et le défendeur s’entendent au moins sur un point fondamental. Une production n’est pas nécessairement exclue si elle présente « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux questionnaires » : tout dépend des circonstances et de la preuve particulière soumise à l’attention du BCPAC et du ministre. Partant, le vice fondamental du préavis et de l’avis de refus dans le présent dossier, c’est que les motifs ne comportent aucune analyse sérieuse de la nature véritable ou du caractère principal de la Production, et ce, à la lumière des nombreuses preuves matérielles et documentaires fournies par la demanderesse au BCPAC.

[58]           Le DVD de l’épisode de Catherine de Russie parle par lui-même : l’émission n’est tout simplement pas une suite ininterrompue de « jeux questionnaires ». D’ailleurs, les motifs de refus eux-mêmes ne remettent pas directement en cause le fait que, selon la preuve au dossier, la série On passe à l’histoire est une émission de divertissement général comportant un très fort contenu informatif et/ou didactique et que le format « questions et réponses » utilisé ne sert que de prétexte et d’outil pour véhiculer efficacement le contenu informatif.

[59]           Or, selon la preuve au dossier, chacune des émissions de la série ON PASSE À L’HISTOIRE se déroule de la même façon et présente un contenu historique et culturel en dehors des questions posées aux artistes invités :

         Chaque émission commence par une capsule vidéo produite par la demanderesse qui permet de donner un aperçu du personnage présenté;

         Tout au long de l’émission un historien est présent pour ajouter du contenu informatif (tandis que la recherche avant l’émission est effectuée par deux historiens);

         Deux autres capsules vidéos produites par la demanderesse ainsi qu’un extrait de film commenté par un des historiens sont présentés en cours d’émission afin de compléter le contenu informatif sur le personnage dont on raconte l’histoire.

[60]           De plus, les motifs fournis par le BCPAC et le ministre ne traitent pas véritablement de l’argument principal de la demanderesse relativement à la qualification de la Production comme un « magazine » ou une série « documentaire » – ce qui rend la Production admissible à un CIPC parce que ces deux genres d’émission ne sont pas mentionnés aux alinéas 1701(1)b)(i) à (xi) du Règlement. En l’absence d’un raisonnement articulé, le résultat final est arbitraire et capricieux. En effet, les motifs laconiques du préavis et de l’avis de refus ne permettent pas à cette Cour de vérifier si le ministre s’est effectivement demandé si la Production est principalement un « jeu » ou un « concours » en vertu du sous-alinéa 1106(1)b)(iii) du Règlement. Les motifs actuels ne permettent pas de comprendre comment il se fait, qu’en pratique, plusieurs productions présentant également « des jeux d’adresse et de chance ainsi que des jeux questionnaires » ont pu être certifiées dans le passé par le ministre à titre de « productions admissibles ».

[61]           Lorsque, comme en l’espèce, il existe des facteurs, des précédents ou des éléments favorables à la qualification donnée par le demandeur à la Production, les motifs fournis doivent permettre à la Cour de déterminer que ceux-ci ont été effectivement examinés par le ministre. Des phrases creuses ou passe-partout du type « la preuve, les précédents ou les facteurs pertinents ont été considérés par le décideur » ne sont pas suffisants pour permettre à la révision de déterminer si le résultat constitue une issue acceptable. S’il est vrai également que le ministre n’est pas lié par la décision positive de la SODEC, pour les fins de déterminer si la Production est ou non admissible à un CIPC, on peut se demander pourquoi celle-ci a été classée comme « série documentaire » par un organisme possédant un degré élevé d’expertise du côté provincial dans le même secteur d’activités.

[62]           Tel que le rappelle la Cour d’appel fédérale dans Turner c Canada (Procureur général), 2012 CAF 159 au para 40 [Turner], le décideur n’est pas tenu d’aborder chacun des arguments formulés par une partie. Il n’empêche, celui-ci doit examiner les points importants en litige, et ses motifs doivent rendre compte d’un examen des principaux facteurs pertinents (Turner au para 41). Par conséquent, lorsqu’un demandeur établit qu’il a soulevé un point pertinent important, et lorsque, compte tenu du dossier pris dans son ensemble, les motifs ne permettent pas à une cour de révision de comprendre pourquoi ce point n’a pas été examiné, il s’agit d’une erreur révisable (Turner au para 42). Lorsque la cour de révision n’est pas en mesure de déterminer si la décision sur ce point ou cet argument appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, la décision sera normalement jugée déraisonnable, à moins que la cour de révision puisse elle-même raisonnablement conclure que l’issue de l’instance n’aurait pas été différente même si le tribunal s’était prononcé sur le point ou l’argument d’une quelconque manière (Turner au para 45). Le même raisonnement s’applique au cas sous étude.

[63]           Certes, les motifs actuels manquent de précision et ne répondent pas vraiment à l’argument principal de la demanderesse. Qu’à cela ne tienne, le défendeur invite aujourd’hui la Cour à aller au-delà des motifs actuels et du contenu du dossier certifié. Selon le défendeur, les précisions supplémentaires offertes à ce chapitre par la directrice générale du BCPAC, Madame Mennie, dans son affidavit du 1er juin 2015 permettent néanmoins de suppléer à toute carence manifeste dans les motifs de refus donnés à la demanderesse.

[64]           Ainsi, la directrice du BCPAC explique aux paragraphes 40 et 41 de son affidavit :

40.       Lorsqu’un dossier se prête à être un « jeu », le BCPAC considère généralement les questions suivantes :

a.   Est-ce que l’un des concurrents est déclaré gagnant du jeu, du concours ou du jeu questionnaire?

b.   La production présente-t-elle des participants ou des personnages que le public voit évoluer d’un épisode à l’autre?

c.   Les jeux ou questions dans la production sont-ils de nature objectifs (vrai ou faux) ou subjectifs (sujet à la décision d’une juge)?

41.       Les caractéristiques d’une production révélées par ces questions servent à identifier les éléments clés des productions de genre « jeu ou questionnaire ». En appliquant un tel cadre d’analyse dans chaque dossier pouvant comporter une production présentant un jeu, un jeu questionnaire ou un concours, le BCPAC a pour objectif d’assurer la cohérence de ses analyses afin d’accorder un traitement équitable à chaque dossier.

[65]           Le 15 juillet 2015, la directrice du BCPAC a été longuement contre-interrogée par la procureure de la demanderesse au sujet des faits susmentionnés. Elle a admis que, dans le présent dossier et des dossiers antérieurs, le BCPAC s’est servi d’« un outil de travail » – l’arbre décisionnel. Or, son utilisation dans le présent dossier a eu un effet déterminant sur le résultat. Au demeurant, la nouvelle preuve soumise par le défendeur – laquelle n’était pas connue de la demanderesse – corrobore le fait, cependant, qu’en pratique, le BCPAC et le ministre ont toujours interprété administrativement de façon restrictive la notion de « jeu télévisé » et la portée de l’exclusion mentionnée au sous-alinéa 1106(1)b)(iii) du Règlement.

[66]           Le problème fondamental dans ce dossier c’est que non seulement le raisonnement et la justification fournies a posteriori par la directrice du BCPAC dans son affidavit et son interrogatoire ne se retrouvent pas dans les motifs de la décision contestée mais qu’ils viennent même en contredire certains aspects importants. Par exemple, le préavis de refus fait état d’un motif particulier de refus, soit l’utilisation d’une application informatique qui permet aux téléspectateurs de jouer à la maison, qui, de l’aveu même de la directrice du BCPAC dans son interrogatoire, n’est pas un facteur pertinent ou déterminant en l’espèce (réponses de Madame Mennie aux questions 154-157).

[67]           Le défendeur invoque l’arrêt Newfoundland Nurses Union, mais l’insuffisance des motifs n’est pas une vétille sans conséquence pouvant être résolue par un exercice de créativité judiciaire. Pour reprendre les propos tenus par cette Cour dans l’affaire Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431 au para 11, « [i]l est ironique que l’arrêt Newfoundland Nurses Union, une affaire qui concerne essentiellement la déférence et la norme de contrôle, soit invoqué comme le précédent qui commanderait au tribunal ayant le pouvoir de surveillance de faire le travail omis par le décideur, de fournir les motifs fournis qui auraient pu être donnés et de formuler les conclusions de fait qui n’ont pas été tirées. »

[68]           Certes, l’application de « la doctrine de l’attente légitime ne peut pas donner naissance à des droits matériels en dehors du domaine de la procédure » (Baker au para 26). Il n’empêche,

[l]es valeurs qui sous-tendent l’obligation d’équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.

[Soulignements ajoutés] (Baker au para 28).

[69]           À la vérité, si l’on examine le document reproduit à l’annexe B et le type de questions pointues qu’on y retrouve, force est de constater que l’arbre décisionnel est bien plus qu’un simple « outil de travail ». En effet, l’arbre décisionnel fait état de « critères » supplémentaires et nouveaux que l’on ne retrouve ni dans le Règlement ni dans les Lignes directrices pour déterminer si une « [é]mission présentant des jeux d’adresse et de chance, ainsi que des jeux questionnaires » sera ou non admissible à un CIPC. Par exemple, selon l’arbre décisionnel – un « jeu télévisé » sera considéré comme une « production admissible » en vertu du Règlement si « les tâches ou les jeux » ont des « résultats » qui sont « subjectifs » plutôt qu’« objectifs » – ou encore si « les participants sont les mêmes tout au long de la série ». Dans ce dernier cas, la directrice du BCPAC parle alors de « personnages à développement de caractère » de sorte qu’une telle production est admissible à un CIPC même si les participants s’affrontent dans des concours d’adresse ou des jeux-questionnaires (transcription, réponses de Madame Mennie aux questions 112 à 145).

[70]           Aussi, la demanderesse était légitimement en droit de s’attendre à ce que le préavis de refus fasse état des véritables critères utilisés par le BCPAC, et ce afin de lui permettre d’effectuer, en temps utile, des représentations utiles et de soumettre des informations additionnelles afin de convaincre le BCPAC qu’elle rencontrait ces derniers critères, ou encore, que ceux-ci n’étaient pas pertinents ou applicables dans le cas de la Production.

[71]           Comme l’a rappelé la Cour suprême dans Canada (Procureur général du Canada) c Mavi, 2011 CSC 30 au para 39, [2011] 2 RCS 504, dans ce contexte, « on ne peut certainement pas présumer que la législateur a voulu permettre à l’administration de traiter inéquitablement ses administrés. » Or, il est manifeste que le processus suivi en l’espèce n’a pas été équitable et ouvert, et n’a pas permis à la demanderesse de présenter son point de vue complètement. Le manque de transparence fait en sorte que la demanderesse souffre divers préjudices qui ne peuvent aujourd’hui être corrigés à cette étape du dossier.

[72]           En bref, que l’on examine la légalité du refus ministériel sous l’angle de la raisonnabilité des motifs ou celui du respect de l’équité procédurale, il s’agit d’un cas manifeste où la Cour est justifiée d’intervenir.

VIII         Redressement judiciaire

[73]           La demanderesse voudrait ici qu’en plus d’annuler la décision contestée, la Cour rende également un jugement déclaratoire en sa faveur, tandis que le défendeur invite la Cour à rejeter la demande de contrôle parce qu’en répondant aux questions de l’arbre décisionnel, la Production n’est pas admissible. Même si la décision qu’a rendue le ministre est révisable, tout redressement que peut accorder la Cour est discrétionnaire (Khosa au para 36).

[74]           En premier lieu, je ne suis pas satisfait, comme le soumet le défendeur, qu’il s’agit d’un cas où la Cour, dans l’exercice de la discrétion judiciaire, devrait rejeter la demande de contrôle judiciaire au motif que le résultat final sera le même (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, 1994 CanLII 114 (CSC) à la p 228).

[75]           D’une part, on ne peut pas dire ici que le manquement à l’équité procédurale « ne tire pas à conséquence, est sans importance ou est purement formel » (Uniboard Surfaces Inc. au para 24). En l’espèce, la demanderesse subit ici un préjudice réel et le résultat final n’est pas prédéterminé. Plusieurs issues sont possibles, tout dépendant de l’interprétation et de l’application donnée aux définitions de production admissible et de production exclue. La présente situation est donc très différente de l’affaire Tooncan où, en l’absence d’un traité international et alors que le délai réglementaire de 48 mois était échu, le ministre ne pouvait pas légalement certifier une coproduction, alors que la Cour ne pouvait ordonner au ministre « de livrer un certificat en contravention à des dispositions claires de la Loi » (Tooncan au para 85).

[76]           D’autre part, l’arbre décisionnel (annexe B) sur lequel s’appuie aujourd’hui le défendeur pour demander le rejet de la présente demande n’est pas un règlement à caractère contraignant – ni même une ligne directrice à caractère indicatif. Par conséquent, l’arbre décisionnel ne peut d’aucune manière limiter l’exercice du pouvoir d’appréciation du ministre. Le ministre doit examiner le caractère véritable ou principal d’une production aux fins de déterminer s’il s’agit d’une « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » visée au paragraphe 1106(4) du Règlement ou bien d’une « production exclue » au sens du paragraphe 1106(1) du Règlement.

[77]           Or, selon la preuve au dossier, la Production comporte plusieurs éléments extrinsèques – animation, images d’archives, reportages, documentaires – qui n’ont rien à voir avec la formule habituelle de « jeux-questionnaires ». D’ailleurs, le défendeur ne conteste pas le fait que la Production comporte un fort contenu informatif (pouvant aller jusqu’à 30%), alors que chaque épisode raconte une histoire différente, celle du personnage réel ou fictif au sujet duquel les interventions d’un historien et les capsules vidéo produites par la demanderesse viennent dessiner le portrait global. Le ministre doit donc déterminer si, dans les faits, la Production est principalement un « jeu télévisé », un « magazine » ou un « documentaire », ce que précise d’ailleurs l’une des « notes » de l’arbre décisionnel: « s’il y a des éléments qui ne font pas partie du jeu ou du concours, alors nous devons déterminer s’il s’agit « principalement » d’un jeu/concours ou pas [...]. »

[78]           La demanderesse, citant des exemples spécifiques d’autres productions présentant des jeux-questionnaires ou des jeux d’adresse ayant bénéficié du CIPC, soutient que certains critères particuliers qui figurent dans l’arbre décisionnel sont irrationnels, incohérents et sans aucun lien avec les objectifs du programme de CIPC, alors que leur application par le ministre est également incohérente. La demanderesse devrait faire valoir ces arguments directement devant le ministre. Il n’appartient pas à la Cour de décider si les arguments que la demanderesse fait valoir à l’encontre de l’utilisation des critères que l’on retrouve dans l’arbre décisionnel sont ou non bien fondés, ni de soupeser à nouveau les éléments de preuve et de substituer son interprétation à celle que le BCPAC et le ministre ont pu donner ou pourront donner à l’article 1106 du Règlement.

[79]           Je ne suis pas prêt, aujourd’hui, à émettre une déclaration judiciaire à l’effet que la série télévisée, ON PASSE À L’HISTOIRE se qualifie à un CIPC, ou encore, à ordonner au ministre de délivrer un certificat à la demanderesse. Il n’y a aucune preuve de mauvaise foi à l’endroit du BCPAC et de l’ancienne ministre. À ce stade, il y a également lieu de présumer de la bonne foi du ministre en poste aujourd’hui (l’honorable Mélanie Joly) et du fait qu’elle tiendra compte des présents motifs de la Cour. C’est ce qui distingue la présente instance de l’affaire LeBon c Canada (Sécurité publique et Protection civile, 2012 CF 1500 aux para 25 à 27, confirmé par 2013 CAF 55 aux para 10 à 15, où la Cour a rendu une ordonnance forçant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à agir d’une certaine façon. À la suite de l’annulation par la Cour d’appel fédérale de sa décision de refuser une demande de transfèrement (LeBon c Canada (Procureur général), 2012 CAF 132 aux para 25 à 28), le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile avait en effet manifestement choisi d’ignorer les directives et les motifs de la Cour d’appel fédérale.

[80]           En l’espèce, le ministre semble par le passé avoir interprété libéralement la définition de « production admissible » et le défendeur n’a jamais prétendu devant cette Cour que les productions antérieures similaires invoquées par la demanderesse n’auraient pas dues être certifiées parce qu’il s’agirait de « productions exclues » en vertu d’une interprétation nouvelle et correcte de la Loi et du Règlement. D’un autre côté, les précédents positifs cités par la demanderesse n’ont de valeur que dans l’interprétation et l’application qui en sera faite par le ministre. Il ne faut pas non plus présumer du résultat ni de l’interprétation qui pourra être faite dans le futur à la notion de « jeu télévisé », notamment si les Lignes directrices sont modifiées entretemps à la suite de consultations publiques avec les joueurs de l’industrie ou d’un changement d’orientation politique du nouveau gouvernement à l’égard des conditions d’admissibilité au Programme de CIPC.

[81]           La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie en partie. La demande de déclaration judiciaire à l’effet que la série télévisée, ON PASSE À L’HISTOIRE, se qualifie à un CIPC est refusée. Dans l’exercice de ma discrétion, il m’apparaît suffisant en l’espèce de simplement casser la décision contestée et de retourner l’affaire pour redétermination par la ministre dans un délai de 90 jours, ce qui m’apparaît un délai raisonnable, compte tenu du fait que le dossier est complet et que nous ne sommes pas près de l’expiration des délais pour la délivrance de certificats d’achèvement à l’égard de la Production.

[82]           Compte tenu du résultat, la demanderesse a droit à ses dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. La demande de déclaration judiciaire à l’effet que la série télévisée, ON PASSE À L’HISTOIRE [la Production], se qualifie à un crédit d’impôt pour une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne [CIPC] est refusée. La décision du 2 février 2015 est cassée et le dossier renvoyé au ministre pour redétermination dans un délai de 90 jours suivant la date du présent jugement. La ministre devra tenir compte des motifs accompagnant le présent jugement et permettre à la demanderesse de faire valoir son point de vue sur tout aspect relatif à l’utilisation de l’arbre décisionnel et à l’admissibilité de la Production à un CIPC. Le tout avec dépens en faveur de la demanderesse.

« Luc Martineau »

Juge


ANNEXE A

Article 125.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e supp)

Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne

 

Canadian Film or Video Production Tax Credit

 

Définitions

 

Definitions

 

125.4 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

125.4 (1) The definitions in this subsection apply in this section.

 

certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne Certificat délivré par le ministre du Patrimoine canadien relativement à une production et attestant qu’il s’agit d’une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne relativement à laquelle ce ministre est convaincu que, sauf s’il s’agit d’une coproduction prévue par un accord, au sens du paragraphe 1106(3) du Règlement de l’impôt sur le revenu, une part acceptable des recettes provenant de l’exploitation de la production sur les marchés étrangers est retenue, selon les modalités d’une convention, par :

 

Canadian film or video production certificate means a certificate issued in respect of a production by the Minister of Canadian Heritage certifying that the production is a Canadian film or video production in respect of which that Minister is satisfied that, except where the production is a treaty co-production (as defined in subsection 1106(3) of the Income Tax Regulations), an acceptable share of revenues from the exploitation of the production in non-Canadian markets is, under the terms of any agreement, retained by

a) une société admissible qui est ou était propriétaire d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit sur la production;

 

(a) a qualified corporation that owns or owned an interest in, or for civil law a right in, the production;

b) une société canadienne imposable visée par règlement qui est liée à la société admissible;

 

(b) a prescribed taxable Canadian corporation related to the qualified corporation; or

 

c) toute combinaison de sociétés visées aux alinéas a) ou b). (Canadian film or video production certificate)

 

(c) any combination of corporations described in paragraph (a) or (b). (certificate de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne)

[...]

 

[...]

production cinématographique ou magnétoscopique canadienne

S’entend au sens du Règlement de l’impôt sur le revenu. (Canadian film or video production)

 

Canadian film or video production has the meaning assigned by regulation. (production cinématographique ou magnétoscopique canadienne)

 

[...]

 

[...]

Crédit d’impôt

 

Tax credit

 

(3) La société qui est une société admissible pour une année d’imposition est réputée avoir payé, à la date d’exigibilité du solde qui lui est applicable pour l’année, un montant au titre de son impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie égal à 25 % de sa dépense de main-d’oeuvre admissible pour l’année relativement à une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, si les conditions suivantes sont réunies :

 

(3) Where

 

a) la société joint les documents suivants à la déclaration de revenu qu’elle produit pour l’année :

 

(a) a qualified corporation for a taxation year files with its return of income for the year

 

(i) le certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne délivré relativement à la production,

 

(i) a Canadian film or video production certificate issued in respect of a Canadian film or video production of the corporation,

 

(ii) un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits,

 

(ii) a prescribed form containing prescribed information, and

 

(iii) tout autre document visé par règlement relativement à la production;

 

(iii) each other document prescribed in respect of the production, and

 

b) les principaux travaux de prise de vue ou d’enregistrement de la production ont commencé avant la fin de l’année.

 

(b) the principal filming or taping of the production began before the end of the year,

the corporation is deemed to have paid on its balance-due day for the year an amount on account of its tax payable under this Part for the year equal to 25% of its qualified labour expenditure for the year in respect of the production.

 

[...]

 

[...]

Révocation d’un certificat

 

Revocation of certificate

 

(6) Si une omission ou un énoncé inexact a été fait en vue d’obtenir un certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne relativement à une production ou s’il ne s’agit pas d’une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, les règles ci-après s’appliquent :

 

(6) If an omission or incorrect statement was made for the purpose of obtaining a Canadian film or video production certificate in respect of a production, or if the production is not a Canadian film or video production,

 

a) le ministre du Patrimoine canadien peut :

 

(a) the Minister of Canadian Heritage may

 

(i) soit révoquer le certificat,

 

(i) revoke the certificate, or

 

(ii) soit, si le certificat a été délivré relativement à des productions faisant partie d’une série télévisuelle à épisodes, révoquer le certificat relatif à un ou plusieurs épisodes de la série;

 

(ii) if the certificate was issued in respect of productions included in an episodic television series, revoke the certificate in respect of one or more episodes in the series;

 

b) il est entendu que, pour l’application du présent article, les dépenses et le coût de production relatifs à des productions faisant partie d’une série télévisuelle à épisodes qui se rapportent à un épisode de la série relativement auquel un certificat a été révoqué ne sont pas attribuables à une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne;

 

(b) for greater certainty, for the purposes of this section, the expenditures and cost of production in respect of productions included in an episodic television series that relate to an episode in the series in respect of which a certificate has been revoked are not attributable to a Canadian film or video production; and

 

c) pour l’application du sous-alinéa (3)a)(i), le certificat révoqué est réputé ne jamais avoir été délivré.

 

(c) for the purpose of subparagraph (3)(a)(i), a certificate that has been revoked is deemed never to have been issued.

 

Lignes directrices

 

Guidelines

(7) Le ministre du Patrimoine canadien publie des lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles les conditions énoncées dans la définition de certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne au paragraphe (1) sont remplies. Il est entendu que ces lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires.

 

(7) The Minister of Canadian Heritage shall issue guidelines respecting the circumstances under which the conditions in the definition Canadian film or video production certificate in subsection (1) are satisfied. For greater certainty, those guidelines are not statutory instruments as defined in the Statutory Instruments Act.

[Soulignements ajoutés]

 

[Emphasis added]

Article 1106 du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, ch 945

SECTION VII

Certificats délivrés par le ministre du Patrimoine canadien

 

DIVISION VII

Certificates Issued by the Minister of Canadian Heritage

 

Définitions

 

Interpretation

1106 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section et à l’alinéa x) de la catégorie 10 de l’annexe II.

 

1106 (1) The following definitions apply in this Division and in paragraph (x) of Class 10 in Schedule II.

 

[...]

 

[...]

certificat d’achèvement Certificat attestant l’achèvement d’une production cinématographique ou magnétoscopique d’une société, délivré par le ministre du Patrimoine canadien avant le jour (appelé « date limite d’attestation de la production » à la présente section) qui suit de six mois la date limite de demande relative à la production. (certificate of completion)

 

certificate of completion, in respect of a film or video production of a corporation, means a certificate certifying that the production has been completed, issued by the Minister of Canadian Heritage before the day (in this Division referred to as “the production’s certification deadline”) that is six months after the production’s application deadline. (certificat d’achèvement)

[...]

 

[...]

demande de certificat d’achèvement

Demande relative à une production cinématographique ou magnétoscopique qu’une société canadienne imposable visée présente au ministre du Patrimoine canadien avant le jour (appelé « date limite de demande relative à la production » à la présente section) qui correspond au dernier en date des jours suivants :

 

application for a certificate of completion, in respect of a film or video production, means an application by a prescribed taxable Canadian corporation in respect of the production, filed with the Minister of Canadian Heritage before the day (in this Division referred to as “the production’s application deadline”) that is the later of

 

a) le jour qui suit de 24 mois la fin de l’année d’imposition de la société au cours de laquelle ont débuté les principaux travaux de prise de vue relatifs à la production;

 

(a) the day that is 24 months after the end of the corporation’s taxation year in which the production’s principal photography began, or

 

b) le jour qui suit de 18 mois le jour visé à l’alinéa a), si la société a présenté à l’Agence du revenu du Canada la renonciation visée au sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi — et en a fourni une copie au ministre du Patrimoine canadien — au cours de la période normale de nouvelle cotisation qui lui est applicable pour les première et deuxième années d’imposition se terminant après le début des principaux travaux de prise de vue relatifs à la production.

 

(b) the day that is 18 months after the day referred to in paragraph (a), if the corporation has filed, with the Canada Revenue Agency, and provided to the Minister of Canadian Heritage a copy of, a waiver described in subparagraph 152(4)(a)(ii) of the Act, within the normal reassessment period for the corporation in respect of the first and second taxation years ending after the production’s principal photography began.

 

producteur Est le producteur d’une production cinématographique ou magnétoscopique le particulier qui, à la fois :

 

producer means a producer of a film or video production,

except that it does not include a person unless the

person is the individual who

 

a) contrôle la production et en est le principal décideur;

 

(a) controls and is the central decision maker in respect

of the production;

 

b) est directement responsable de l’acquisition de l’intrigue ou du scénario de la production ainsi que de l’élaboration, du contrôle créatif et financier et de l’exploitation de la production;

 

(b) is directly responsible for the acquisition of the

production story or screenplay and the development,

creative and financial control and exploitation of the

production; and

 

c) est identifié dans la production comme en étant le producteur.

 

(c) is identified in the production as being the producer of the production. (producteur)

 

production exclue Production cinématographique ou magnétoscopique d’une société canadienne imposable visée (appelée « société donnée » à la présente définition), qui, selon le cas :

 

excluded production means a film or video production, of a particular corporation that is a prescribed taxable Canadian corporation,

 

a) est une production à l’égard de laquelle l’un des faits suivants se vérifie :

 

(a) in respect of which

 

(i) la société donnée n’a pas présenté de demande de certificat d’achèvement la concernant avant la date limite de demande relative à la production,

 

(i) the particular corporation has not filed an application for a certificate of completion before the production’s application deadline,

(ii) aucun certificat d’achèvement la concernant n’a été délivré avant la date limite d’attestation de la production,

 

(ii) a certificate of completion has not been issued before the production’s certification deadline,

 

(iii) dans le cas où elle n’est pas une coproduction prévue par un accord, une personne (sauf la société donnée ou une personne visée) :

 

(iii) if the production is not a treaty co-production, a person (other than the particular corporation or a prescribed person)

 

(A) ou bien est titulaire du droit d’auteur sur la production en vue de son exploitation commerciale à tout moment de la période de vingt-cinq ans qui commence dès que la production est exploitable commercialement après son achèvement,

 

(A) is a copyright owner of the production for any commercial exploitation purposes at any time during the 25-year period that begins at the earliest time after the production was completed that it is commercially exploitable, or

 

(B) ou bien contrôle le processus de concession de la licence d’exploitation commerciale initiale,

 

(B) controls the initial licensing of commercial exploitation,

 

(iv) aucune convention écrite, faisant état d’une contrepartie à la juste valeur marchande, n’a été conclue à son égard avec l’une des personnes suivantes pour qu’elle soit diffusée au Canada au cours de la période de deux ans qui commence dès qu’elle est exploitable commercialement après son achèvement :

 

(iv) there is not an agreement in writing, for consideration at fair market value, to have the production shown in Canada within the 2-year period that begins at the earliest time after the production was completed that it is commercially exploitable,

 

(A) une société, ayant la qualité de Canadien, qui est distributrice de productions cinématographiques ou magnétoscopiques,

 

(A) with a corporation that is a Canadian and is a distributor of film or video productions, or

 

(B) une société titulaire d’une licence de radiodiffusion délivrée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour les marchés de la télévision,

 

(B) with a corporation that holds a broadcasting license issued by the Canadian Radio-television and Telecommunications Commission for television markets, or

 

(v) la production a été distribuée au Canada au cours de la période de deux ans qui commence dès qu’elle est exploitable commercialement, après son achèvement, par une personne qui n’a pas la qualité de Canadien;

 

(v) distribution is made in Canada within the 2-year period that begins at the earliest time after the production was completed that it is commercially exploitable by a person that is not a Canadian, or

 

b) est une production qui est, selon le cas :

 

(b) that is

 

(i) une émission d’information, d’actualités ou d’affaires publiques ou une émission qui comprend des bulletins sur la météo ou les marchés boursiers,

 

(i) news, current events or public affairs programming, or a programme that includes weather or market reports,

 

(ii) une interview-variétés,

 

(ii) a talk show,

 

(iii) une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours, sauf celle qui s’adresse principalement aux personnes mineures,

 

(iii) a production in respect of a game, questionnaire or contest (other than a production directed primarily at minors),

 

(iv) la présentation d’une activité ou d’un événement sportif,

 

(iv) a sports event or activity,

 

(v) la présentation d’un gala ou d’une remise de prix,

 

(v) a gala presentation or an awards show,

 

(vi) une production visant à lever des fonds,

 

(vi) a production that solicits funds,

 

(vii) de la télévision vérité,

 

(vii) reality television,

 

(viii) de la pornographie,

 

(viii) pornography,

 

(ix) de la publicité,

 

(ix) advertising,

 

(x) une production produite principalement à des fins industrielles ou institutionnelles,

 

(x) a production produced primarily for industrial, corporate or institutional purposes, or

 

(xi) une production, sauf un documentaire, qui consiste en totalité ou en presque totalité en métrage d’archives.

 

(xi) a production, other than a documentary, all or substantially all of which consists of stock footage.

 

[...]

 

[...]

Production cinématographique ou magnétoscopique canadienne

(4) Sous réserve des paragraphes (6) à (9), pour l’application de l’article 125.4 de la Loi, de la présente partie et de l’annexe II, production cinématographique ou magnétoscopique canadienne s’entend d’une production cinématographique ou magnétoscopique, à l’exception d’une production exclue, d’une société canadienne imposable visée, à l’égard de laquelle le ministre du Patrimoine canadien a délivré un certificat (sauf un certificat qui a été révoqué en vertu du paragraphe 125.4(6) de la Loi) et qui, selon le cas :

 

Canadian Film or Video Production

(4) Subject to subsections (6) to (9), for the purposes of section 125.4 of the Act, this Part and Schedule II, Canadian film or video production means a film or video production, other than an excluded production, of a prescribed taxable Canadian corporation in respect of which the Minister of Canadian Heritage has issued a certificate (other than a certificate that has been revoked under subsection 125.4(6) of the Act) and that is

 

a) est une coproduction prévue par un accord;

 

(a) a treaty co-production; or

 

b) remplit les conditions suivantes :

 

(b) a film or video production

 

(i) son producteur a la qualité de Canadien tout au long de sa production,

 

(i) whose producer is a Canadian at all times during its production,

 

(ii) le ministre du Patrimoine canadien y a attribué au moins six points en conformité avec le paragraphe (5),

 

(ii) in respect of which the Minister of Canadian Heritage has allotted not less than six points in accordance with subsection (5),

 

(iii) au moins 75 % du total des coûts des services fournis dans le cadre de sa production, à l’exception des coûts exclus, était à payer relativement à des services fournis à ou par des particuliers qui ont la qualité de Canadien; pour l’application du présent sous-alinéa, sont des coûts exclus :

 

(iii) in respect of which not less than 75% of the total of all costs for services provided in respect of producing the production (other than excluded costs) was payable in respect of services provided to or by individuals who are Canadians, and for the purpose of this subparagraph, excluded costs are

 

(A) les coûts déterminés en fonction du revenu provenant de la production,

 

(A) costs determined by reference to the amount of income from the production,

 

(B) la rémunération payable au producteur ou aux particuliers visés à l’un des sous-alinéas (5)a)(i) à (viii) et b)(i) à (vi) ou à l’alinéa (5)c), ou à leur égard, (y compris les particuliers qui seraient visés à l’alinéa (5)c) s’ils avaient la qualité de Canadien),

 

(B) remuneration payable to, or in respect of, the producer or individuals described in any of subparagraphs (5)(a)(i) to (viii) and (b)(i) to (vi) and paragraph (5)(c) (including any individuals that would be described in paragraph (5)(c) if they were Canadians),

 

(C) les sommes à payer au titre des frais d’assurance, de financement et de courtage et des frais juridiques et comptables et les sommes semblables,

 

(C) amounts payable in respect of insurance, financing, brokerage, legal and accounting fees, and similar amounts, and

 

(D) les coûts visés au sous-alinéa (iv),

 

(D) costs described in subparagraph (iv), and

 

(iv) au moins 75 % du total des coûts se rapportant à sa postproduction, y compris les travaux de laboratoire, la prise de son et le montage de la bande sonore et de l’image, (à l’exception, d’une part, des coûts déterminés en fonction du revenu provenant de la production et, d’autre part, de la rémunération payable au producteur ou aux particuliers visés à l’un des sous-alinéas (5)a)(i) à (viii) et b)(i) à (vi) ou à l’alinéa (5)c), ou à leur égard, y compris aux particuliers qui seraient visés à l’alinéa (5)c) s’ils avaient la qualité de Canadien) ont été engagés relativement à des services fournis au Canada.

 

(iv) in respect of which not less than 75% of the total of all costs incurred for the post-production of the production, including laboratory work, sound re-recording, sound editing and picture editing, (other than costs that are determined by reference to the amount of income from the production and remuneration that is payable to, or in respect of, the producer or individuals described in any of subparagraphs (5)(a)(i) to (viii) and (b)(i) to (vi) and paragraph (5)(c), including any individuals that would be described in paragraph (5)(c) if they were Canadians) was incurred in respect of services provided in Canada.

 

[...]

 

[...]

[Soulignements ajoutés]

 

[Emphasis added]


ANNEXE B

[Traduction de l’anglais]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-317-15

 

INTITULÉ :

ZONE3-XXXVI INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 décembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Madeleine Renaud

Me Anne Elisabeth

 

Pour la demanderesse

Me Michelle Khellam

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.R.C.L., S.R.L.

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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