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Date : 20160119


Dossier : T-1570-15

Référence : 2016 CF 44

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

MOHAMAD RAAFAT MONLA,

HAMED MOUNLA,

ET RACHID MOUNLA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La présente est l’une des nombreuses demandes dont la gestion en instance a été assumée par la Cour ayant été entamées après que le ministre a signifié un avis de son intention de produire un rapport pouvant se traduire par la révocation de la citoyenneté canadienne au motif qu’elle aurait été acquise frauduleusement ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[2]               M. Waldman, l’avocat de bon nombre des demandeurs concernés par ces procédures de gestion d’instance, et Mme Espejo Clarke, l’avocate du ministre, ont indiqué qu’ils comptaient présenter des requêtes préliminaires pour un certain nombre de ces demandes. La Cour a ordonné que ces requêtes soient entendues ensembles au cours d’une période de deux jours en lien avec les huit demandes suivantes : T-1570-15 (MONLA), T-1571-15 (BARAKAT), T-1572-15 (SAMER BIDEWI), T-1573-15 (AYMAN BIDEWI), T-1584-15 (HASSOUNA), T-1586-15 (KARIM), T-1696-15 (NADA) et T-1707-15 (KARIM) [ensembles, elles représentent les demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations]. D’autres demandes semblables gérées en instance dans ce groupe sont suspendues en attendant l’issue de ces requêtes [ensembles, elles représentent les demandes supplémentaires de contrôle judiciaire sur les révocations]. À la date de la présente ordonnance et des motifs de la présente ordonnance, les demandes supplémentaires de contrôle judiciaire sur les révocations sont énumérées à l’annexe A.

[3]               À la suite de l’établissement du calendrier de ces requêtes, la Cour a été informée du retrait de l’avis d’intention du ministre visant à révoquer la citoyenneté pour la demande T-1586-15 (KARIM). Puisqu’on ne donnera pas suite à cette demande de contrôle judiciaire, aucune décision ne sera prise pour cette dernière.

[4]               Une copie de la présente ordonnance et des motifs de la présente ordonnance jointe à une ordonnance distincte appliquant ces motifs sera classée dans chacune des demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations, exception faite de la demande T-1586-15 (KARIM). Une copie de la présente ordonnance et des motifs de la présente ordonnance sera également versée dans chacune des demandes supplémentaires de contrôle judiciaire sur les révocations et sera remise à l’avocat. La présente ordonnance et les motifs de la présente ordonnance ne lient pas ces demandes; elles ne lient que les parties des demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations pour lesquelles ces requêtes ont été présentées. Une autre conférence de gestion de l’instance doit avoir lieu pour discuter de l’incidence sur les autres dossiers gérés en instance.

Contexte juridique

[5]               La Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22, est entrée en vigueur le 28 mai 2015. Elle a permis d’apporter des modifications importantes aux dispositions relatives à la révocation de la citoyenneté figurant dans la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. Par souci de commodité, la Loi sur la citoyenneté dans sa version antérieure à la Loi renforçant la citoyenneté canadienne doit être désignée comme l’ancienne Loi et, ultérieurement, comme la Loi modifiée. Les dispositions pertinentes de l’ancienne Loi et de la Loi modifiée ainsi que les dispositions transitoires de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne sont reproduites aux annexes B, C et D, respectivement.

[6]               Aux termes de l’ancienne Loi, la citoyenneté d’une personne pouvait être révoquée en vertu de l’article 10 par décret du gouverneur en conseil lorsqu’il était convaincu que la citoyenneté avait été obtenue « par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ». La décision du gouverneur en conseil reposait sur un rapport du ministre.

[7]               Avant de publier son rapport, le ministre était tenu, aux termes de l’article 18 de l’ancienne Loi, d’envoyer à l’intéressé un avis d’intention de révoquer la citoyenneté dans lequel étaient décrits les motifs de révocation. L’intéressé pouvait demander que l’affaire soit renvoyée à la Cour fédérale afin que celle-ci détermine si la citoyenneté avait été acquise frauduleusement ou encore par fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[8]               Si l’intéressé ne renvoyait pas l’affaire à la Cour fédérale dans les 30 jours suivant la réception de l’avis, le ministre pouvait alors présenter un rapport au gouverneur en conseil dans lequel il recommandait la révocation de la citoyenneté.

[9]               Si l’intéressé demandait le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale, le ministre pouvait alors intenter une action devant la Cour fédérale visant à obtenir un jugement déclarant que l’intéressé avait obtenu la citoyenneté frauduleusement ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Si, à l’issue du procès, la Cour était convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’intéressé avait obtenu la citoyenneté frauduleusement ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, un jugement en ce sens était rendu.

[10]           Ce n’était qu’à cette étape que le ministre pouvait présenter son rapport au gouverneur en conseil. Le contenu du rapport soumis par le ministre au gouverneur en conseil était divulgué à l’intéressé, qui avait ensuite l’occasion de présenter des observations écrites. Le ministre prenait de telles observations en considération et les joignait au rapport final, qu’il soumettait au gouverneur en conseil. Si le gouverneur en conseil décidait alors de révoquer la citoyenneté de l’intéressé, il le faisait au moyen d’un décret portant révocation.

[11]           Sous réserve de la Loi modifiée, le ministre peut révoquer la citoyenneté d’une personne aux termes du paragraphe 10(1) « lorsqu’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ». Le ministère est tenu de renvoyer l’affaire à la Cour fédérale pour jugement uniquement lorsque des circonstances exceptionnelles aux termes de la Loi modifiée s’appliquent. Aucune de ces exceptions ne s’applique dans le cadre des demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations ou des demandes supplémentaires de contrôle judiciaire sur les révocations.

[12]           Aux termes du paragraphe 10(3) de la Loi modifiée, avant de révoquer la citoyenneté d’une personne, le ministre doit émettre un avis l’informant de « la possibilité pour celle-ci de présenter des observations écrites » et des « motifs sur lesquels le ministre fonde sa décision ». « Une audience peut être tenue si le ministre l’estime nécessaire compte tenu des facteurs réglementaires ».

[13]           L’article 7.2 du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, décrit les circonstances qui permettent la tenue d’une audience :

Une audience peut être tenue en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi compte tenu de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

a) l’existence d’éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

b) l’incapacité pour la personne en cause de présenter des observations écrites;

c) le fait que le motif de révocation est lié à une condamnation et à une peine infligées à l’étranger pour une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction de terrorisme au sens de l’article 2 du Code criminel.

[14]           La décision du ministre de révoquer la citoyenneté doit être rendue à l’écrit et peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire par la Cour.

[15]           La Loi renforçant la citoyenneté canadienne contient des dispositions transitoires visant à se prononcer sur des questions qui remontent à la période précédant la date de la mise en œuvre de la Loi modifiée. La disposition la plus pertinente aux fins des présentes requêtes est le paragraphe 40(1), selon lequel « [l]es instances en cours, à l’entrée en vigueur de l’article 8, devant la Cour fédérale à la suite d’un renvoi visé à l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur, sont continuées sous le régime de cette loi, dans cette version » [non souligné dans l’original].

Nature des requêtes

[16]           Certains faits uniques s’appliquent à chaque demandeur dans le cadre des demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations; il y a néanmoins des similitudes. Chaque demandeur a reçu un avis de révocation aux termes de la Loi modifiée. À une exception près, chaque demandeur a également reçu un avis aux termes de l’ancienne Loi. Tous les demandeurs ayant reçu un avis aux termes de l’ancienne Loi ont demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale, mais le ministre ne l’a pas fait.

[17]           Chaque demandeur sollicite une injonction visant l’arrêt de toute démarche ou procédure entreprise par le ministre dans le cadre de l’avis de révocation émis aux termes de la Loi modifiée jusqu’à l’évaluation et la décision finale concernant la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

[18]           En bref, les demandes sous-jacentes, à une exception près, sollicitent a) un jugement stipulant que les dispositions procédurales en matière de révocation de la citoyenneté aux termes de la Loi modifiée sont invalides, car elles contreviennent à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, et ne peuvent pas être sauvegardées aux termes de l’article 1; b) un jugement stipulant que l’avis de révocation est invalide, car il contrevient à l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits; c) un jugement stipulant que l’avis de révocation est invalide, car il contrevient aux dispositions transitoires de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne; et d) une ordonnance annulant l’avis de révocation en raison d’un abus de procédure découlant du retard.

[19]           Le ministre demande la radiation des demandes de brefs de prohibition et de jugement étant donné leur caractère prématuré pour les raisons suivantes : a) tout avis délivré dans le cadre de l’ancienne Loi cesse légalement d’être en vigueur et les avis délivrés dans le cadre de la Loi modifiée demeurent en vigueur grâce aux dispositions transitoires de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne; b) la délivrance des avis ne constitue qu’une mesure administrative du ministre et les demandeurs n’ont pas encore épuisé les recours offerts dans le cadre de la Loi modifiée; c) la contestation fondée sur la Charte ne devrait pas être débattue dans un vide factuel; et d) le recours des demandeurs à la révocation de la citoyenneté consiste à solliciter le contrôle de la décision devant la Cour fédérale.

Renseignements factuels sur les demandeurs

T-1570-15 (MONLA)

[20]           Mohammed Monla et ses enfants mineurs, Rachid Mounla et Hamed Mounla, sont tous nés au Liban; ils sont devenus des résidents permanents du Canada le 13 août 2003. Le 5 décembre 2006, M. Monla a soumis une demande de citoyenneté canadienne pour lui-même et pour ses deux fils, attestant qu’il avait résidé au Canada pendant 1 136 jours au cours des quatre années précédant sa demande. Le 28 mai 2008, M. Monla et ses deux fils sont devenus citoyens canadiens.

[21]           Le 30 septembre 2011, sous réserve du paragraphe 18(1) de l’ancienne Loi, le ministre a émis des avis de révocation à l’intention de M. Monla et de ses fils pour le motif que M. Monla avait omis de divulguer toutes ses absences du Canada et qu’il avait fourni de faux renseignements sur sa résidence au cours des quatre années ayant immédiatement précédé sa demande de citoyenneté.

[22]           L’avis résultait d’une enquête de la GRC à l’endroit de Nizar Zakka, un consultant en immigration, de son entreprise (Decision Immigration 2000 Inc.) et de ses partenaires. On allègue que les clients, y compris M. Monla, ont fait appel aux services de ces consultants et de cette entreprise pour faire de fausses déclarations quant à leur résidence au Canada, dans le but d’obtenir la citoyenneté canadienne.

[23]           Le 2 mars 2012, M. Monla et ses fils ont demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale. Le ministre n’a pas renvoyé l’affaire à la Cour fédérale au cours de la période de 3 ans et 88 jours qui s’est écoulée avant l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Cependant, le 6 août 2015, soit 70 jours suivant l’entrée en vigueur de la Loi, le ministre a émis des avis à l’intention de M. Monla et de ses deux fils aux termes de la Loi modifiée. Par souci de commodité, le premier avis reçu par M. Monla et les autres récipiendaires aux termes de l’ancienne Loi et de la Loi modifiée sera désigné comme étant l’avis de révocation initial et le second avis, comme étant le second avis de révocation.

[24]           Voici les passages pertinents du second avis de révocation envoyé à M. Monla : [TRADUCTION] « Compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, vous avez, semble-t-il, fourni de faux renseignements dans votre demande de citoyenneté canadienne au sujet de votre résidence, c’est-à-dire que vous avez omis de révéler toutes vos absences du Canada au cours des quatre (4) années précédant immédiatement la date de votre demande. » Le ministre a accordé à M. Monla un délai de 60 jours pour [traduction] « présenter des observations écrites expliquant pourquoi sa citoyenneté ne devrait pas être révoquée », et il a informé M. Monla qu’une décision sera ensuite prise [traduction] « en vue de déterminer si une audience est requise » selon les facteurs prévus à l’article 7.2 du Règlement sur la citoyenneté.

[25]           Le dossier laisse entendre que les renseignements à l’appui et les documents mentionnés dans le second avis de révocation précèdent la délivrance de l’avis de révocation initial le 30 septembre 2011, à l’exception d’une référence au profil de M. Monla dans LinkedIn en date du 10 juillet 2015.

T-1571-15 (BARAKAT)

[26]           Maaz Mohammad Barakat est né en Syrie, et il est devenu un résident permanent du Canada le 20 septembre 1988. Il a soumis des demandes de parrainage pour sa femme, Hassana Sidana, et son fils, Kareem Barakat. Ces derniers sont devenus des résidents permanents du Canada le 3 août 2002.

[27]           M. Barakat a soumis une demande de citoyenneté canadienne le 8 août 2002, dans laquelle il a déclaré n’avoir jamais quitté le Canada au cours de la période de quatre ans pertinente. Il a obtenu la citoyenneté canadienne le 1er avril 2003.

[28]           Au départ, l’épouse de M. Barakat était incluse en tant que demanderesse dans sa demande de contrôle judiciaire; cependant, l’avocat a ensuite présenté une demande distincte relative à l’avis de révocation à l’endroit de cette dernière, qui a été suspendue en attendant la décision rendue pour ces requêtes.

[29]           Le 22 septembre 2004, M. Barakat a déposé une demande de citoyenneté pour son fils d’âge mineur, Kareem, dans laquelle il a déclaré que ce dernier n’avait pas quitté le Canada pendant plus de six mois au cours de la période pertinente. Kareem a obtenu la citoyenneté canadienne le 20 décembre 2005.

[30]           Le 11 juin 2011, sous réserve du paragraphe 18(1) de l’ancienne Loi, le ministre a émis un avis de révocation à l’intention de M. Barakat selon les motifs qu’il aurait omis de divulguer toutes ses absences du pays et qu’il aurait fourni de faux renseignements sur sa résidence au cours des quatre années ayant immédiatement précédé sa demande de citoyenneté. Le même jour, un avis a également été envoyé à son fils, Kareem, pour le motif qu’il a obtenu sa citoyenneté directement en raison du fait que son père a obtenu sa citoyenneté de façon frauduleuse ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation de faits essentiels.

[31]           L’avis résultait d’une enquête de la GRC à l’endroit de Nizar Zakka, un consultant en immigration, de son entreprise (Decision Immigration 2000 Inc.) et de ses partenaires. On allègue que les clients, y compris M. Barakat, ont fait appel aux services de ces consultants et de cette entreprise pour faire de fausses déclarations quant à leur résidence au Canada, dans le but d’obtenir la citoyenneté canadienne.

[32]           Le 28 octobre 2011, M. Barakat et son fils ont demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale. Le ministre n’a pas renvoyé l’affaire à la Cour fédérale au cours de la période de 3 ans et 213 jours qui s’est écoulée avant l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Cependant, le 6 août 2015, soit 70 jours suivant l’entrée en vigueur de la Loi, le ministre a émis des avis à l’intention de M. Barakat et de son fils aux termes de la Loi modifiée.

[33]           Les passages pertinents du second avis de révocation sont identiques à ceux de l’avis envoyé à M. Monla.

[34]           Le dossier laisse entendre que tous les renseignements à l’appui et les documents mentionnés dans les seconds avis de révocation précèdent la délivrance de l’avis de révocation initial le 11 juin 2011, à l’exception d’une récente recherche sur Internet.

T-1573-15 (SAMER BIDEWI)

[35]           Samer Bidewi est né en Syrie. Il a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 30 août 1998. Dans sa demande de citoyenneté du 1er mars 2004, il a déclaré avoir quitté le Canada dans le cadre de deux voyages, totalisant 28 jours, et avoir été physiquement présent au Canada pendant 1 432 jours. Il a obtenu la citoyenneté canadienne le 7 mars 2005.

[36]           Le 27 février 2012, sous réserve du paragraphe 18(1) de l’ancienne Loi, le ministre a émis un avis à l’intention de M. Bidewi selon les motifs qu’il aurait omis de divulguer toutes ses absences du Canada et qu’il aurait fourni de faux renseignements sur sa résidence au cours des quatre années ayant immédiatement précédé sa demande de citoyenneté.

[37]           L’avis résultait d’une enquête de la GRC à l’endroit de Nizar Zakka, un consultant en immigration, de son entreprise (Decision Immigration 2000 Inc.) et de ses partenaires. On allègue que les clients, y compris M. Bidewi, ont fait appel aux services de ces consultants et de cette entreprise pour faire de fausses déclarations quant à leur résidence au Canada, dans le but d’obtenir la citoyenneté canadienne.

[38]           Le 2 mars 2012, M. Bidewi a demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale. Le ministre n’a pas renvoyé l’affaire à la Cour fédérale au cours de la période de 3 ans et 88 jours qui s’est écoulée avant l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Cependant, le 11 août 2015, soit 75 jours suivant l’entrée en vigueur de la Loi, le ministre a émis un avis à l’intention de M. Bidewi aux termes de la Loi modifiée.

[39]           Les passages pertinents du second avis de révocation sont identiques à ceux de l’avis envoyé à M. Monla.

[40]           Le dossier laisse entendre que tous les renseignements à l’appui et les documents mentionnés dans les seconds avis de révocation précèdent la délivrance de l’avis de révocation initial le 6 décembre 2011, à l’exception d’une récente recherche sur Internet.

T-1574-15 (AYMAN BIDEWI)

[41]           Ayman Bidewi est né en Syrie. Il a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 30 août 1998. Dans sa demande de citoyenneté du 19 juillet 2004, il a déclaré avoir quitté le Canada pendant 34 jours et avoir été physiquement présent au Canada pendant 1 426 jours. Il a obtenu la citoyenneté canadienne le 25 juillet 2005.

[42]           Le 23 février 2012, sous réserve du paragraphe 18(1) de l’ancienne Loi, le ministre a émis un avis à l’intention de M. Bidewi selon les motifs qu’il aurait omis de divulguer toutes ses absences du Canada et qu’il aurait fourni de faux renseignements sur sa résidence au cours des quatre années ayant immédiatement précédé sa demande de citoyenneté.

[43]           L’avis résultait d’une enquête de la GRC à l’endroit de Nizar Zakka, un consultant en immigration, de son entreprise (Decision Immigration 2000 Inc.) et de ses partenaires. On allègue que les clients, y compris M. Bidewi, ont fait appel aux services de ces consultants et de cette entreprise pour faire de fausses déclarations quant à leur résidence au Canada, dans le but d’obtenir la citoyenneté canadienne.

[44]           Le 2 mars 2012, M. Bidewi a demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale. Le ministre n’a pas renvoyé l’affaire à la Cour fédérale au cours de la période de 3 ans et 88 jours qui s’est écoulée avant l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Cependant, le 11 août 2015, soit 75 jours suivant l’entrée en vigueur de la Loi, le ministre a émis un avis à l’intention de M. Bidewi aux termes de la Loi modifiée.

[45]           Les passages pertinents du second avis de révocation sont identiques à ceux de l’avis envoyé à M. Monla.

[46]           Le dossier laisse entendre que tous les renseignements à l’appui et les documents mentionnés dans les seconds avis de révocation précèdent la délivrance de l’avis de révocation initial le 6 décembre 2011, à l’exception de récentes recherches sur Internet.

T-1584-15 (HASSOUNA)

[47]           M. Hassouna est né au Liban. Il a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 17 septembre 2001. Dans sa demande de citoyenneté du 24 mai 2005, il a déclaré avoir quitté le Canada pendant 92 jours et avoir été physiquement présent au Canada pendant 1 252 jours. Il a obtenu sa citoyenneté canadienne le 19 avril 2006 et a entamé le processus de parrainage de sa femme, Lina Emad Al Saber, et de son fils, Waleed Abdulla Hassouna, afin de les faire venir au Canada.

[48]           Le 5 février 2012, sous réserve du paragraphe 18(1) de l’ancienne Loi, le ministre a émis un avis de révocation à l’intention de M. Hassouna selon les motifs qu’il aurait omis de divulguer toutes ses absences du Canada et qu’il aurait fourni de faux renseignements sur sa résidence au cours des quatre années ayant immédiatement précédé sa demande de citoyenneté.

[49]           L’avis est le résultat d’une enquête sur les demandes de parrainage déposées pour sa femme et son fils. L’enquête a permis de conclure que M. Hassouna a résidé de façon ininterrompue au Koweït pendant la période pertinente précédant l’obtention de la citoyenneté.

[50]           Le 13 février 2012, M. Hassouna a demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale. Le ministre n’a pas renvoyé l’affaire à la Cour fédérale au cours de la période de 3 ans et 105 jours qui s’est écoulée avant l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Cependant, le 13 juillet 2015, soit 46 jours suivant l’entrée en vigueur de la Loi, le ministre a émis un avis à l’intention de M. Hassouna aux termes de la Loi modifiée.

[51]           Les passages pertinents du second avis de révocation sont identiques à ceux de l’avis envoyé à M. Monla.

[52]           Le dossier laisse entendre que tous les renseignements à l’appui et les documents mentionnés dans les seconds avis de révocation précèdent la délivrance de l’avis de révocation initial le 2 février 2012.

T-1696-15 (NADA)

[53]           M. Nada est né en Égypte. Il a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 9 avril 1997. Dans sa demande de citoyenneté, il a déclaré avoir quitté le Canada pendant 165 jours et avoir été physiquement présent au Canada pendant 1 096 jours. Il a obtenu la citoyenneté canadienne le 22 janvier 2002.

[54]           Le 19 août 2015, M. Nada a reçu un avis de révocation aux termes de la Loi modifiée selon les motifs qu’il aurait omis de divulguer toutes ses absences du pays et qu’il aurait fourni de faux renseignements sur sa résidence au cours des quatre années ayant immédiatement précédé sa demande de citoyenneté.

[55]           L’avis indique que, le 8 octobre 2003, le ministre a reçu des renseignements qui semblaient contredire la déclaration de M. Nada au sujet de sa résidence dans sa demande de citoyenneté. L’affaire a été renvoyée à la Direction générale du règlement des cas de Citoyenneté et Immigration Canada le 6 novembre 2003 en vue d’entamer des procédures de révocation. M. Nada n’a pas reçu d’avis de révocation aux termes de l’ancienne Loi. Aucune explication n’est donnée quant au fait qu’aucun avis de révocation n’a été émis aux termes de l’ancienne Loi au cours de la période de 11 ans et 233 jours précédant l’entrée en vigueur de la Loi modifiée.

[56]           M. Nada a reçu un avis de révocation aux termes de la Loi modifiée le 19 août 2015, soit 83 jours après l’entrée en vigueur de cette dernière.

Requêtes en radiation du ministre

[57]           Je propose de discuter d’abord des requêtes du ministre visant à rejeter ces demandes.

[58]           Le ministre soutient que les présentes demandes sont prématurées et qu’il faut les radier. On fait valoir que les avis envoyés aux termes de l’ancienne Loi ont cessé légalement d’être en vigueur conformément aux dispositions de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Le ministre soutient également qu’aucune décision n’a été prise concernant la révocation de la citoyenneté de ces demandeurs et que la Loi modifiée les autorise à faire des observations au ministre pour déterminer si une révocation est justifiée. Il affirme que les demandeurs doivent [traduction] « épuiser ce recours avant de demander un recours à la Cour ».

[59]           Le ministre convient que le critère de la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire est élevé. Les parties et la Cour admettent que le critère qui doit être respecté par le ministre est celui qui a été établi plus récemment par la Cour d’appel fédérale dans la décision Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 RFC 557, au paragraphe 47 :

La Cour effectuera la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire dans le cas où l’avis « est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli » : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), à la page 600. Il faut qu’il y ait une erreur monumentale ou irréparable – une lacune fatale et manifeste à la base de la capacité de la Cour à instruire la demande : Rahman c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, 2013 CAF 117, au paragraphe 7; Donaldson c. Western Grain Storage By-Products, 2012 CAF 286, au paragraphe 6; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959.

Les demandeurs allèguent que, contrairement à la suggestion du ministre, il est difficile de déterminer de façon [traduction] « claire » et [traduction] « manifeste » si les avis de révocation initiaux envoyés aux demandeurs dans le cadre des demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations, à l’exception de la demande T-1696-15 (NADA), ont cessé d’être en vigueur en raison des dispositions transitoires de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Les demandeurs soutiennent en outre que, même si les avis de révocation initiaux ont cessé d’être légalement en vigueur, l’envoi des seconds avis de révocation constitue un abus de procédure étant donné que le ministre n’a pas choisi l’option à sa disposition et celle réclamée par les demandeurs, soit le renvoi des avis de révocation initiaux à la Cour fédérale aux termes de l’ancienne Loi. Ils font valoir que la décision du ministre à cet égard, conjointement avec le retard accusé, les a privés des droits que leur conférait l’ancienne Loi et constitue un abus de procédure justifiant l’annulation des seconds avis de révocation. Enfin, ils soutiennent que, même si le processus administratif faisant actuellement l’objet d’une contestation n’est pas terminé, les faits de l’espèce représentent des [traduction] « circonstances très inhabituelles et exceptionnelles » qui justifient l’intervention de la Cour. Air Canada c. Lorenz, [2000] 1 RFC 494, au paragraphe 12; Almrei c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1002, au paragraphe 34.

[60]           Lorsqu’un juge a conclu, comme je l’ai fait en l’espèce, qu’une requête en radiation doit être rejetée, il vaut mieux limiter au maximum les commentaires, car le bien-fondé des opinions des parties sera déterminé après une audition complète de la preuve présentée.

[61]           Selon moi, les requêtes du ministre doivent être rejetées, car il n’a pas réussi à établir que les demandes de contrôle judiciaire n’ont aucune chance de réussite.

[62]           On ne peut affirmer sans l’ombre d’un doute à la présente étape du processus que les avis de révocation initiaux envoyés par le ministre à tous les demandeurs, sauf un, ont cessé légalement d’être en vigueur. Le ministre évoque le paragraphe 40(4) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne sur lequel repose son observation selon laquelle les avis de révocation initiaux ont cessé légalement d’être en vigueur. Les passages pertinents de ce paragraphe transitoire stipulent que : « Si, à l’entrée en vigueur de l’article 8, un avis a été donné en application du paragraphe 18(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur, et qu’il ne s’agit pas d’un cas prévu à l’article 32 ou à l’un des paragraphes (1) à (3), l’avis et toute instance qui en découle sont dès lors annulés et le ministre, au sens de cette loi, peut fournir à la personne à qui l’avis a été donné un avis en vertu du paragraphe 10(3) de cette loi... »

[63]           Les demandeurs soutiennent que le paragraphe 40(4) ne s’applique pas, car, c’est plutôt le paragraphe 40(1) qui s’applique aux faits de la présente affaire. Les passages pertinents du paragraphe 40(1) stipulent que : « Les instances en cours, à l’entrée en vigueur de l’article 8, devant la Cour fédérale [...] dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur, sont continuées sous le régime de cette loi, dans cette version. »

[64]           L’argument des demandeurs suggère que les avis de révocation initiaux envoyés par le ministre aux termes de l’ancienne Loi, conjointement avec la demande de renvoi de la révocation à la Cour fédérale créent des « instances en cours [...] devant la Cour fédérale » même si le ministre n’a pas encore renvoyé la question à la Cour fédérale. Les demandeurs citent deux décisions de la Cour à l’appui de leur argument : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Zakaria, 2015 CF 1130 [Zakaria] et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Rubuga, 2015 CF 1073 [Rubuga].

[65]           La décision Zakaria était un appel d’une décision d’un protonotaire rejetant la requête du ministre visant à modifier les actes de procédure de la mesure de révocation de la citoyenneté entamée par le ministre aux termes de l’ancienne Loi. Le ministre a tenté d’intégrer des allégations qui figuraient dans l’avis de révocation, mais qui ne figuraient pas dans la déclaration. Rejetant l’appel du ministre, le juge Russell a mentionné ce qui suit, au paragraphe 5 :

[traduction]

Les prétendues « nouvelles » réclamations contre [l’un des défendeurs] ne sont en réalité pas nouvelles. Les mêmes allégations ont été présentées dans l’avis de révocation. Le ministre a formulé les allégations dans l’avis de révocation à l’origine du processus judiciaire, puis il a omis de les intégrer dans la déclaration. [Non souligné dans l’original]

[66]           Les demandeurs soutiennent que cette décision appuie leur point de vue selon lequel [TRADUCTION] « une fois que le ministre formule des allégations dans l’avis d’intention de révocation, le processus judiciaire commence et l’instance est considérée comme en “cours” ».

[67]           Dans Rubuga, le ministre a présenté une requête en jugement par défaut dans son action en jugement déclaratoire voulant que M. Rubuga ait acquis la citoyenneté canadienne par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels, contrairement à l’ancienne Loi. Le ministre allègue que, lorsqu’il a obtenu le statut de réfugié et de résident permanent, M. Rubuga avait caché le fait qu’il avait participé au génocide s’étant produit au Rwanda entre avril et juillet 1994. Il a été avancé que si M. Rubuga avait divulgué ces renseignements sur son passé, il aurait été interdit de territoire au Canada et n’aurait pas obtenu la citoyenneté canadienne.

[68]           La Cour a conclu que, le 28 mars 2014, le ministre avait envoyé au défendeur un avis d’intention de recommander au gouverneur en conseil de révoquer sa citoyenneté. M. Rubuga a demandé le renvoi de l’affaire à la Cour fédérale. Le ministre a initié l’instance devant la Cour fédérale le 26 août 2014, « signifiant le procureur qui représentait alors le défendeur tout en laissant une copie de sa déclaration au domicile du défendeur, auprès de son épouse ». L’avocat à l’époque n’a pas accepté signification de la déclaration, comme le prévoit l’article 146 des Règles et, peu après, il a avisé le ministre qu’il avait cessé de représenter le défendeur.

[69]           La Cour a souligné que M. Rubuga n’a pas comparu à l’égard de la requête et que la déclaration ne lui a pas été signifiée à personne. Elle a, par la suite tenté de déterminer « si le défendeur [avait] été signifié en bonne et due forme et s’il [était] approprié de procéder en son absence ». La Cour s’est tournée vers les Règles des Cours fédérales à titre de lignes directrices. Le paragraphe 127(1) des Règles prévoit qu’un acte introductif d’instance soit « signifié à personne », mais le paragraphe 127(2) crée une exception en prévoyant qu’« [i]l n’est pas nécessaire de signifier ainsi l’acte introductif d’instance à une partie qui a déjà participé à l’instance ». La question étudiée par la juge Gleason était de savoir si M. Rubuga avait « déjà participé à l’instance », de sorte que la signification à personne ne soit pas requise.

[70]           La juge Gleason a conclu qu’il avait déjà participé à l’instance. Elle écrit, au paragraphe 45 :

Manifestement, le défendeur était au courant que la procédure de révocation de sa citoyenneté avait été initiée par le ministre avant que ce dernier ne signifie sa déclaration. Il avait déjà posé un geste positif dans le cadre de cette procédure en se prévalant de son droit de demander le renvoi de son dossier devant la Cour fédérale. Il avait également retenu les services d’un avocat, qui a accusé réception de la déclaration en son nom. J’en conclus que le défendeur avait « déjà participé à l’instance » au sens du paragraphe 127(2) des Règles, et que le demandeur n’était donc pas obligé de lui signifier la déclaration en mains propres.

[71]           Les demandeurs soutiennent que la décision Rubuga appuie leur position qu’une instance en vertu de l’ancienne Loi est [traduction] « en cours à partir du moment où un avis est émis et même avant le dépôt de la déclaration, car une fois que l’avis est émis, la procédure de révocation est en cours puisqu’il faut attendre la prise d’autres mesures par le défendeur, à savoir le dépôt de la déclaration ». [Souligné dans l’original]

[72]           En réponse, le ministre soutient qu’il ressort clairement de la jurisprudence [traduction] « qu’une procédure judiciaire doit être une affaire qui a commencé avec un acte introductif » et, en l’absence du dépôt d’une déclaration en vertu de l’ancienne Loi, il ne peut y avoir une instance en cours devant la Cour fédérale. Il estime que la jurisprudence invoquée par les demandeurs doit être interprétée dans son contexte et qu’elle n’appuie pas que la délivrance de l’avis d’intention de révoquer la citoyenneté en vertu de l’ancienne Loi engage « les instances en cours [...] devant la Cour fédérale », comme le décrit le paragraphe 40(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne.

[73]           Je suis d’accord avec le ministre qu’il ressort clairement de la jurisprudence et de l’article 62 des Règles des Cours fédérales qu’une procédure est introduite par la délivrance d’un acte introductif d’instance. Toutefois, le paragraphe 40(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne évoque les instances en cours devant la Cour fédérale et non les instances devant la Cour fédérale, ce qui donne lieu de croire qu’une instance en cours pourrait, comme les demandeurs soutiennent, être autre chose qu’une instance ayant été introduite par la délivrance d’un acte introductif d’instance. Il se peut en effet qu’une instance soit en cours une fois que le destinataire de l’avis demande le renvoi à la Cour fédérale. Il ne m’apparaît pas évident, dans le contexte de la révocation de la citoyenneté, que l’affirmation des demandeurs selon laquelle il existe une instance en cours les impliquant au sens du paragraphe 40(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne soit dépourvue de toute chance de succès.

[74]           Je note par ailleurs que, bien que le ministre n’ait pas encore rendu une décision finale quant à la révocation de la citoyenneté des demandeurs, il a, comme l’a reconnu à juste titre l’avocat, décidé que la provision transitoire énoncée au paragraphe 40(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne ne s’applique pas aux demandeurs. S’il a commis une erreur dans cette décision, alors le second avis de révocation qu’il a émis aux termes de la Loi modifiée est nul, et la procédure qu’il prévoit suivre s’impose.

[75]           Puisqu’on ne peut affirmer que la position des demandeurs à l’égard de l’application correcte des dispositions transitoires est dépourvue de toute chance de succès, la requête du ministre visant à faire radier les actes de procédure relativement à ces demandes pour lesquelles le ministre a émis un avis de révocation initial en vertu de l’ancienne Loi et pour lesquelles on a demandé le renvoi de l’affaire devant la Cour fédérale ne peut être accueillie.

[76]           Il reste à examiner la demande pour laquelle aucun avis de révocation initial n’a été émis, soit T-1696-15 (NADA).

[77]           En plus des allégations voulant que les dispositions pertinentes de la Loi modifiée portent atteinte à la Charte et la Déclaration des droits, M. Nada sollicite une ordonnance annulant l’avis d’intention du ministre de révoquer sa citoyenneté [TRADUCTION] « en raison d’abus de procédure découlant du retard, conformément à l’article 7 de la Charte et conformément aux principes du droit administratif ». Dans l’avis d’intention de révoquer la citoyenneté de M. Nada, le ministre reconnaît que, le 8 octobre 2003, il a été informé que M. Nada pourrait avoir obtenu sa citoyenneté canadienne en raison de fraude ou de fausse déclaration. Malgré le fait que le ministre ait transmis ces renseignements à la Direction générale du règlement des cas le 6 novembre 2003 en vue d’initier des procédures de révocation, aucune procédure n’a été initiée avant que l’avis en vertu de la Loi modifiée ait été fourni à M. Nada, le 19 août 2015, presque 12 ans plus tard.

[78]           Le ministre n’avait fourni aucun renseignement ni explication pour ce très long retard dans l’initiation des procédures. M. Nada soutient qu’il a subi un préjudice en raison de la perte d’éléments de preuve et du fait qu’il est difficile de se souvenir des événements qui se sont produits il y a si longtemps. Il est possible que le ministre soit en mesure de fournir une explication suffisante de ses actes au cours de la dernière décennie, et il est également possible que M. Nada ne soit pas en mesure de convaincre un juge qu’il a subi ou est susceptible de subir un préjudice découlant de ce retard. Cependant, à ce stade, compte tenu du dossier dont la Cour est saisie, on ne peut affirmer que l’allégation de M. Nada que l’avis doit être annulé pour le motif d’abus de procédure par le ministre est dépourvue de toute chance de succès. Par conséquent, et pour ce seul motif, la requête du ministre en radiation de la demande de M. Nada doit être rejetée.

[79]           Dans chacune des demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations, on soutient que la procédure de révocation prévue aux termes de la Loi modifiée porte atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de sa personne, en vertu de l’article 7 de la Charte, et au droit à une audition impartiale de sa cause, en vertu de l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits. Ces allégations sont fondées sur le fait que la procédure de révocation de la citoyenneté prévue par la Loi modifiée n’exige pas que le ministre divulgue à la personne concernée tous les renseignements pertinents en sa possession, n’accorde pas à la personne concernée une audience devant un décideur indépendant et impartial, et ne garantit pas une audience dans toutes les circonstances où elle s’impose.

[80]           Le ministre soutient que la plainte des demandeurs concerne réellement le fait qu’ils ne peuvent plus avoir recours à la procédure prévue par l’ancienne Loi, et il indique que les faits ne suffisent pas pour appuyer les violations alléguées. Je partage l’avis du ministre que le simple fait que la procédure plus officielle ait été modifiée n’appuie pas en elle-même les allégations de contravention à la Charte et à la Déclaration des droits. Cependant, on ne saurait dire que les allégations formulées à l’égard des présumées lacunes au chapitre de la procédure à laquelle les personnes dont la citoyenneté canadienne risque d’être révoquée font appel en vertu de la Loi modifiée sont frivoles ou vexatoires; on ne peut pas affirmer non plus qu’elles sont dépourvues de toute chance de succès. Les principes de droit administratif sont à eux seuls suffisants pour aborder l’argument du ministre. Plus les conséquences à l’endroit d’une personne sont graves, plus l’équité procédurale et la justice naturelle sont importantes. La révocation de la citoyenneté pour fausse déclaration ou pour fraude est une question très sérieuse, et les allégations faites par ces demandeurs, quoiqu’elles puissent ultimement être jugées irrecevables, soulèvent une question à laquelle le ministre doit donner réponse.

[81]           Enfin, le ministre soutient que les contestations fondées sur la Charte et la Déclaration des droits devraient être tranchées en se fondant sur un dossier complet, lequel sera seulement disponible après la fin de la procédure de révocation que le ministre entreprend en vertu de la Loi modifiée. On peut soutenir que des éléments de preuve additionnels seront recueillis et que ceux-ci pourraient s’avérer pertinents si ces contestations sont tranchées à la fin de la procédure de révocation, par exemple si les demandeurs se voient finalement accorder une audience, et les faits liés à la procédure de prise de décision utilisée par le ministre et, en particulier, le degré d’indépendance dont jouit le délégué qui prend la décision de révocation. Cependant, on peut également soutenir que ces faits ne sont pas pertinents en ce qui concerne la constitutionnalité de la procédure en tant que telle, mais qu’ils sont plutôt pertinents pour ce qui est de l’équité de décisions particulières que le ministre pourrait prendre en vertu de cette procédure.

[82]           Quoi qu’il en soit, les demandes sous-jacentes concernent beaucoup plus que les questions relativement à la Charte et à la Déclaration des droits. Si les demandeurs qui ont reçu l’avis de révocation initial parviennent ultimement à convaincre la Cour qu’ils sont visés par l’ancienne Loi et non la Loi modifiée, ces contestations constitutionnelles ne seront aucunement soulevées. De même, ces contestations ne seront pas soulevées si M. Nada parvient à convaincre la Cour que poursuivre la procédure de révocation constituerait un abus de procédure.

[83]           En général, les observations du ministre sont valides – les demandes ne doivent pas être tranchées en se fondant sur un dossier incomplet, et les questions soulevées ne devraient pas être scindées. Cependant, dans les circonstances très particulières dont la Cour est saisie, compte tenu de la sérieuse possibilité que ces questions constitutionnelles n’aient peut-être pas besoin d’être tranchées et des répercussions sur ces demandeurs si la procédure de révocation va de l’avant et qu’il s’avère que celle-ci est nulle ou constitue un abus de procédure, je suis convaincu que, même si les questions relativement à la Charte et à la Déclaration des droits peuvent avoir à être tranchées par la suite en se fondant sur un dossier complet, la justice exige que les demandes de contrôle judiciaire, dans la mesure du possible, soient tranchées avant que la procédure de révocation se poursuive. Il se peut que le juge qui entend ces demandes décide que, bien qu’il puisse trancher la plupart des questions soulevées, il n’est pas en mesure de trancher les questions constitutionnelles figurant au dossier puis étant soumises à la Cour, ou qu’il devrait s’abstenir de le faire. Si toutes les autres questions soulevées par ces demandeurs sont tranchées en faveur du ministre, le juge peut alors décider de reporter toute décision relative aux questions constitutionnelles jusqu’à ce que la procédure de révocation a été complétée et versée au dossier tel qu’elle est à ce moment. Cependant, les violations constitutionnelles alléguées ont trait au processus et à la procédure que prévoit la Loi modifiée et, à ce stade, elles ne dépendent évidemment pas de la preuve factuelle qui pourrait être divulguée à la suite de la procédure de révocation. Aucune des autres questions soulevées ne dépend de quelque façon que ce soit de la preuve factuelle susceptible d’être divulguée au cours de la procédure de révocation; ces questions peuvent toutefois être tranchées en se fondant sur un dossier qui comprend un témoignage par affidavit. Dans ces circonstances, et compte tenu des éventuelles conséquences graves pour les demandeurs, la décision à l’égard de la demande de contrôle judiciaire ne devrait pas avoir à être rendue seulement une fois que la décision définitive en lien avec la procédure de révocation aura été prise.

Requêtes des demandeurs visant la suspension de la procédure de révocation

[84]           Pour se voir accorder un sursis, les demandeurs doivent satisfaire à un critère à trois volets, soit 1) qu’une question étant ni frivole, ni vexatoire, a été soulevée; 2) que le demandeur subira un préjudice irréparable au cours de la période intérimaire, à savoir entre la date de la requête et le règlement de la demande, si le sursis est rejeté; et 3) que la prépondérance des inconvénients est favorable au demandeur.

[85]           La conclusion antérieure selon laquelle les demandes n’ont aucune chance d’être accueillies suffit pour établir qu’il y a au moins plus d’une question sérieuse ayant été soulevée. Ces questions sérieuses comprennent les suivantes : déterminer si les dispositions transitoires exigent que les avis de révocation soient nuls; déterminer si les avis devraient être annulés parce qu’ils constituent un abus de procédure; et déterminer si la procédure de révocation prévue aux termes de la Loi modifiée viole la Charte, la Déclaration des droits et les principes généraux du droit administratif.

[86]           Dans toutes les demandes, à une exception près, le ministre a initié une procédure de révocation en vertu de l’ancienne Loi, mais a choisi de ne pas renvoyer l’affaire à la Cour fédérale aux fins de décision. Dans ces demandes, on prétend que, compte tenu du fait que le ministre n’a pas donné suite aux demandes en vertu de l’ancienne Loi, ses nouveaux avis sont nuls et constituent en outre un abus de procédure. Dans la demande restante, T-1696-15 (NADA), l’avis est accepté comme ayant été délivré de manière valide conformément aux dispositions de la Loi modifiée, mais on affirme que le ministre a commis un abus de procédure en retardant sa signification depuis plus d’une décennie.

[87]           Je partage l’avis des demandeurs que les soumettre à la procédure prévue dans la Loi modifiée avant d’avoir établi la validité des avis les assujettirait à une procédure que l’on pourrait ultimement déterminer comme étant invalide et inconstitutionnelle. Je conviens également que les allégations selon lesquelles la procédure constitue un abus de procédure semblent vraisemblables. Enfin, je reconnais que le fait d’exiger que les demandeurs participent à une procédure les obligeant à dévoiler leur cas en répondant aux nouveaux avis risquerait fort bien de leur causer un préjudice s’il est déterminé par la suite qu’ils auraient dû se présenter devant la Cour fédérale pour une action dans laquelle le ministre doit assumer le fardeau de la preuve. Je conviens que chacune de ces réelles possibilités augmente la probabilité que l’omission de suspendre la procédure de révocation en attendant qu’une décision soit rendue concernant les demandes de contrôle judiciaire constitue un préjudice irréparable.

[88]           Je suis également convaincu que la prépondérance des inconvénients n’est pas favorable au ministre. Ce dernier a eu amplement l’occasion d’entamer les procédures, il y a de nombreuses années, en vue de révoquer la citoyenneté de ces demandeurs, ce qu’il a choisi de ne pas faire ou a omis de faire. Il ne peut pas, raisonnablement affirmer, maintenant, que le gouvernement du Canada et lui-même subiront un préjudice en raison du retard qui sera accusé par suite de l’octroi du sursis alors que lui-même a été responsable, des années durant, du retard occasionné dans la prise des mesures nécessaires pour faire progresser ces instances.

[89]           Pour ces motifs, une ordonnance sera rendue relativement à chacune de ces demandes initiales de contrôle judiciaire sur les révocations en vue de rejeter la requête du ministre en radiation de la demande et d’accueillir la requête du demandeur sollicitant la suspension de la procédure de révocation en attendant le règlement définitif de la demande de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête du ministre en radiation de la demande d’autorisation de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   La requête des demandeurs visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de prendre quelque mesure que ce soit ou d’engager quelque procédure que ce soit en vertu de l’avis de révocation émis aux termes de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, tel qu’elle a été modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22, avant que la demande d’autorisation de contrôle judiciaire ait été examinée et ait fait l’objet d’une décision définitive est accordée.

3.                  Une conférence de gestion de l’instance doit être prévue par la Cour afin de déterminer les prochaines étapes à prendre et leur date.

« Russel W. Zinn »

Juge


ANNEXE A

Demandes de contrôle judiciaire sur les révocations supplémentaires

T-1867-15 (SUMAN)

T-1963-15 (YAHYA)

T-2002-15 (DIB)

T-2026-15 (ASSRAN)

T-2067-15 (SIDANI)

T-2105-15 (S. KOPAHI)

T-2106-15 (A. KOPAHI)

T-2124-15 (NGUYEN)

T-2132-15 (LIU)

T-2133-15 (HAN)

T-22-16 (L. GUCAKE)

T-23-16 (C. GUCAKE)

T-24-16 (R. GUCAKE)

T-25-16 (K. GUCAKE)

T-27-16 (T. GUCAKE)

T-28-16 (F. C. GUCAKE)

T-29-16 (F. T. GUCAKE)

T-30-16 (S. GUCAKE)

T-31-16 (B. GUCAKE)

T-32-16 (R. C. GUCAKE)

T-55-16 (H. ASHOR)

T-56-16 (M. ASHOR)


ANNEXE B

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, selon sa version antérieure au 28 mai 2015

10 (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu’il est convaincu, sur rapport du ministre, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l’intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

10 (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

a) soit perd sa citoyenneté;

(a) the person ceases to be a citizen, or

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l’a acquise à raison d’une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l’un de ces trois moyens.

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.

18 (1) Le ministre ne peut procéder à l’établissement du rapport mentionné à l’article 10 sans avoir auparavant avisé l’intéressé de son intention en ce sens et sans que l’une ou l’autre des conditions suivantes ne se soit réalisée

18 (1) The Minister shall not make a report under section 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

a) l’intéressé n’a pas, dans les trente jours suivant la date d’expédition de l’avis, demandé le renvoi de l’affaire devant la Cour;

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

b) la Cour, saisie de l’affaire, a décidé qu’il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

(2) L’avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu’a l’intéressé, dans les trente jours suivant sa date d’expédition, de demander au ministre le renvoi de l’affaire devant la Cour. La communication de l’avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l’intéressé.

(2) The notice referred to in subsection (1) shall state that the person in respect of whom the report is to be made may, within thirty days after the day on which the notice is sent to him, request that the Minister refer the case to the Court, and such notice is sufficient if it is sent by registered mail to the person at his latest known address.

(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel.

(3) A decision of the Court made under subsection (1) is final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom.


ANNEXE C

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, telle qu’elle est rédigée actuellement

10 (1) Sous réserve du paragraphe 10.1(1), le ministre peut révoquer la citoyenneté d’une personne ou sa répudiation lorsqu’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

10 (1) Subject to subsection 10.1(1), the Minister may revoke a person’s citizenship or renunciation of citizenship if the Minister is satisfied on a balance of probabilities that the person has obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

(2) Le ministre peut révoquer la citoyenneté d’une personne si celle-ci, avant ou après l’entrée en vigueur du présent paragraphe, et alors qu’elle était un citoyen, selon le cas :

(2) The Minister may revoke a person’s citizenship if the person, before or after the coming into force of this subsection and while the person was a citizen,

a) a été condamnée au titre de l’article 47 du Code criminel soit à l’emprisonnement à perpétuité pour une infraction de trahison soit pour haute trahison;

(a) was convicted under section 47 of the Criminal Code of treason and sentenced to imprisonment for life or was convicted of high treason under that section;

b) a été condamnée à une peine d’emprisonnement de cinq ans ou plus soit pour une infraction de terrorisme au sens de l’article 2 du Code criminel, soit, à l’étranger, pour une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction de terrorisme au sens de cet article;

(b) was convicted of a terrorism offence as defined in section 2 of the Criminal Code - or an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute a terrorism offence as defined in that section - and sentenced to at least five years of imprisonment;

c) a été condamnée, au titre de l’un des articles 73 à 76 de la Loi sur la défense nationale, à l’emprisonnement à perpétuité pour s’être conduit en traître

(c) was convicted of an offence under any of sections 73 to 76 of the National Defence Act and sentenced to imprisonment for life because the person acted traitorously;

d) a été condamnée, au titre de l’article 78 de la Loi sur la défense nationale, à l’emprisonnement à perpétuité;

(d) was convicted of an offence under section 78 of the National Defence Act and sentenced to imprisonment for life

e) a été condamnée à l’emprisonnement à perpétuité au titre de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale relativement à tout acte ou omission punissable au titre de l’article 47 du Code criminel;

(e) was convicted of an offence under section 130 of the National Defence Act in respect of an act or omission that is punishable under section 47 of the Criminal Code and sentenced to imprisonment for life

f) a été condamnée à une peine d’emprisonnement de cinq ans ou plus au titre de la Loi sur la défense nationale pour une infraction de terrorisme au sens du paragraphe 2(1) de cette loi;

(f) was convicted under the National Defence Act of a terrorism offence as defined in subsection 2(1) of that Act and sentenced to at least five years of imprisonment;

g) a été condamnée à l’emprisonnement à perpétuité pour une infraction visée aux articles 16 ou 17 de la Loi sur la protection de l’information;

(g) was convicted of an offence described in section 16 or 17 of the Security of Information Act and sentenced to imprisonment for life; or

h) a été condamnée à l’emprisonnement à perpétuité au titre de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale relativement à tout acte ou omission punissable au titre des articles 16 ou 17 de la Loi sur la protection de l’information.

(h) was convicted of an offence under section 130 of the National Defence Act in respect of an act or omission that is punishable under section 16 or 17 of the Security of Information Act and sentenced to imprisonment for life.

(3) Avant de révoquer la citoyenneté d’une personne ou sa répudiation, le ministre l’avise par écrit de ce qui suit :

(3) Before revoking a person’s citizenship or renunciation of citizenship, the Minister shall provide the person with a written notice that specifies

a) la possibilité pour celle-ci de présenter des observations écrites;

(a) the person’s right to make written representations;

b) les modalités - de temps et autres - de présentation des observations;

(b) the period within which the person may make his or her representations and the form and manner in which they must be made; and

c) les motifs sur lesquels le ministre fonde sa décision.

(c) the grounds on which the Minister is relying to make his or her decision.

(4) Une audience peut être tenue si le ministre l’estime nécessaire compte tenu des facteurs réglementaires.

(4) A hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required.

(5) Le ministre communique sa décision par écrit à la personne.

(5) The Minister shall provide his or her decision to the person in writing.

10.1 (1) Si le ministre a des motifs raisonnables de croire que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté d’une personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels — concernant des faits visés à l’un des articles 34, 35 et 37 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, autre qu’un fait également visé à l’un des alinéas 36(1)a) et b) et (2)a) et b) de cette loi -, la citoyenneté ou sa répudiation ne peuvent être révoquées que si, à la demande du ministre, la Cour déclare, dans une action intentée par celui-ci, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

10.1 (1) If the Minister has reasonable grounds to believe that a person obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances, with respect to a fact described in section 34, 35 or 37 of the Immigration and Refugee Protection Act other than a fact that is also described in paragraph 36(1)(a) or (b) or (2)(a) or (b) of that Act, the person’s citizenship or renunciation of citizenship may be revoked only if the Minister seeks a declaration, in an action that the Minister commences, that the person has obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and the Court makes such a declaration.

(2) Si le ministre a des motifs raisonnables de croire qu’une personne, avant ou après l’entrée en vigueur du présent paragraphe, a servi, alors qu’elle était un citoyen, en tant que membre d’une force armée d’un pays ou en tant que membre d’un groupe armé organisé qui étaient engagés dans un conflit armé avec le Canada, la citoyenneté ne peut être révoquée que si, à la demande du ministre - présentée après que celui-ci ait donné un avis à cette personne -, la Cour déclare, dans une action intentée par celui-ci, que la personne, avant ou après l’entrée en vigueur du présent paragraphe, a ainsi servi alors qu’elle était un citoyen.

(2) If the Minister has reasonable grounds to believe that a person, before or after the coming into force of this subsection and while the person was a citizen, served as a member of an armed force of a country or as a member of an organized armed group and that country or group was engaged in an armed conflict with Canada, the person’s citizenship may be revoked only if the Minister - after giving notice to the person - seeks a declaration, in an action that the Minister commences, that the person so served, before or after the coming into force of this subsection and while they were a citizen, and the Court makes such a declaration.

(3) A pour effet de révoquer la citoyenneté de la personne ou sa répudiation :

(3) Each of the following has the effect of revoking a person’s citizenship or renunciation of citizenship:

a) soit la déclaration visée au paragraphe (1);

(a) a declaration made under subsection (1);

b) soit celle visée au paragraphe (2).

(b) a declaration made under subsection (2).

(4) Pour l’application du paragraphe (1), il suffit au ministre de prouver que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté d’une personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(4) For the purposes of subsection (1), the Minister need prove only that the person has obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

10.2 Pour l’application des paragraphes 10(1) et 10.1(1), a acquis la citoyenneté ou a été réintégrée dans celle-ci par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne ayant acquis la citoyenneté ou ayant été réintégrée dans celle-ci après être devenue un résident permanent, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, par l’un de ces trois moyens.

10.2 For the purposes of subsections 10(1) and 10.1(1), a person has obtained or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person became a permanent resident, within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of having acquired that status, the person subsequently obtained or resumed citizenship.

10.5 (1) À la requête du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le ministre demande, dans l’acte introductif d’instance de l’action intentée en vertu du paragraphe 10.1(1), que la personne soit déclarée interdite de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour criminalité organisée au titre, respectivement, du paragraphe 34(1), des alinéas 35(1)a) ou b) ou du paragraphe 37(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

10.5 (1) On the request of the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness, the Minister shall, in the originating document that commences an action under subsection 10.1(1), seek a declaration that the person who is the subject of the action is inadmissible on security grounds, on grounds of violating human or international rights or on grounds of organized criminality under, respectively, subsection 34(1), paragraph 35(1)(a) or (b) or subsection 37(1) of the Immigration and Refugee Protection Act.

(2) Dès lors que le ministre fait la demande visée au paragraphe (1), le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile devient partie à l’action intentée au titre du paragraphe 10.1(1).

(2) When a declaration is sought under subsection (1), the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness becomes a party to the action commenced under subsection 10.1(1).

(3) La déclaration portant interdiction de territoire constitue une mesure de renvoi contre l’intéressé aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui prend effet dès qu’elle est faite, sans qu’il soit nécessaire de procéder au contrôle ou à l’enquête prévus par cette loi. La mesure de renvoi constitue une mesure d’expulsion au sens des règlements pris en vertu de la même loi.

(3) A declaration that the person is inadmissible on one of the grounds referred to in subsection (1) is a removal order against the person under the Immigration and Refugee Protection Act that comes into force when it is made, without the necessity of holding or continuing an examination or an admissibility hearing under that Act. The removal order is a deportation order as provided for in regulations made under that Act.

(4) Lorsque la déclaration visée au paragraphe (1) est demandée, la Cour entend et tranche d’abord toute question relative à la déclaration demandée au titre du paragraphe 10.1(1). Le rejet par la Cour de la déclaration demandée au titre du paragraphe 10.1(1) vaut rejet de la déclaration visée au titre du paragraphe (1).

(4) If a declaration is sought under subsection (1), the Court shall first hear and decide all matters related to the declaration sought under subsection 10.1(1). If the Court denies the declaration sought under subsection 10.1(1), it shall also deny the declaration sought under subsection (1).

(5) Si elle n’a pas rejeté, en application du paragraphe (4), la demande faite au titre du paragraphe (1), la Cour :

(5) If a declaration sought under subsection (1) is not denied under subsection (4), the Court

a) apprécie les faits - actes ou omissions - qui sont allégués au soutien de la demande en fonction de l’existence de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir;

(a) shall assess the facts - whether acts or omissions - alleged in support of the declaration on the basis of reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur;

b) prend en compte les éléments de preuve qu’elle a déjà admis au soutien de la demande faite au titre du paragraphe 10.1(1) et est liée par toute décision qu’elle a déjà prise sur une question de fait s’y rapportant;

(b) shall take into account the evidence already admitted by it and consider as conclusive any finding of fact already made by it in support of the declaration sought under subsection 10.1(1); and

c) n’est pas liée, à l’égard des éléments de preuve supplémentaires, par les règles juridiques ou techniques de présentation de la preuve et peut recevoir les éléments de preuve déjà traités dans le cadre de l’instance qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sa décision sur eux.

(c) with respect to any additional evidence, is not bound by any legal or technical rules of evidence and may receive and base its decision on any evidence adduced in the proceedings that it considers credible or trustworthy in the circumstances.

(6) La Cour rend un seul jugement statuant sur les demandes faites au titre des paragraphes (1) et 10.1(1).

(6) The Court shall issue a single judgment in respect of the declarations sought under subsections (1) and 10.1(1).


ANNEXE D

Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22

40. (1) Les instances en cours, à l’entrée en vigueur de l’article 8, devant la Cour fédérale à la suite d’un renvoi visé à l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur, sont continuées sous le régime de cette loi, dans cette version.

40. (1) A proceeding that is pending before the Federal Court immediately before the day on which section 8 comes into force, as a result of a referral under section 18 of the Citizenship Act as that section 18 read immediately before that day, is to be dealt with and disposed of in accordance with that Act, as it read immediately before that day.

(2) Les instances en cours relatives à des allégations portant que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté d’une personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels - concernant des faits visés à l’un des articles 34, 35 et 37 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, autre qu’un fait également visé à l’un des alinéas 36(1)a) et b) et (2)a) et b) de cette loi  -, à l’entrée en vigueur de l’article 8, devant la Cour fédérale à la suite d’un renvoi visé à l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur, sont continuées sous le régime du paragraphe 10.1(1) de cette loi, édicté par l’article 8.

(2) Any proceeding with respect to allegations that a person obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances, with respect to a fact described in section 34, 35 or 37 of the Immigration and Refugee Protection Act other than a fact that is also described in paragraph 36(1)(a) or (b) or (2)(a) or (b) of that Act, that is pending before the Federal Court immediately before the day on which section 8 comes into force, as a result of a referral under section 18 of the Citizenship Act as that section 18 read immediately before that day, is to be continued as a proceeding under subsection 10.1(1) of the Citizenship Act, as enacted by section 8.

(3) Dans le cadre des instances continuées conformément au paragraphe (2), à la requête du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration peut demander que l’intéressé soit déclaré interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour criminalité organisée, aux termes, respectivement, du paragraphe 34(1), des alinéas 35(1)a) ou b) et du paragraphe 37(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

(3) In a proceeding that is continued as set out in subsection (2), the Minister of Citizenship and Immigration, on the request of the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness, may seek a declaration that the person is inadmissible on security grounds, on grounds of violating human or international rights or on grounds of organ­ized criminality under, respectively, subsection 34(1), paragraph 35(1)(a) or (b) or subsection 37(1) of the Immigration and Refugee Protection Act.

(4) Si, à l’entrée en vigueur de l’article 8, un avis a été donné en application du paragraphe 18(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur, et qu’il ne s’agit pas d’un cas prévu à l’article 32 ou à l’un des paragraphes (1) à (3), l’avis et toute instance qui en découle sont dès lors annulés et le ministre, au sens de cette loi, peut fournir à la personne à qui l’avis a été donné un avis en vertu du paragraphe 10(3) de cette loi, édicté par l’article 8, ou intenter une action pour obtenir une déclaration relativement à cette personne en vertu du paragraphe 10.1(1) de cette loi, édicté par l’article 8.

(4) If, immediately before the coming into force of section 8, a notice has been given under subsection 18(1) of the Citizenship Act, as that subsection read immediately before that coming into force, and the case is not provided for under section 32 or any of subsections (1) to (3), the notice is cancelled and any proceeding arising from it is terminated on that coming into force, in which case the Minister, within the meaning of that Act, may provide the person to whom that notice was given a notice under subsection 10(3) of that Act, as enacted by section 8, or may commence an action for a declaration in respect of that person under subsection 10.1(1) of that Act, as enacted by section 8.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1570-15

 

INTITULÉ :

MOHAMAD RAAFAT MONLA ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 DÉCEMBRE 2015

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman

Warda Shazadi

Pour les demandeurs

 

Jocelyn Espejo Clarke

Meva Motwani

Nadine Silverman

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

 

Willian F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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