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Date : 20160127


Dossier : IMM-2150-14

Référence : 2016 CF 95

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2016

En présence de monsieur le juge O'Reilly

ENTRE :

ARHET TECLEMARIAN TOCRURAI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Mme Arhet Teclemariam Tocrurai est arrivée au Canada en 2005, en provenance de l’Érythrée et y a obtenu le statut de réfugiée. En 2009, on lui a refusé la résidence permanente après qu’il a été déclaré qu’elle était interdite de territoire, sur le fondement de ses liens antérieurs avec le Front de libération de l’Érythrée (le FLE), un groupe qui aurait été engagé dans des activités terroristes et dont l’objectif était d’obtenir l’indépendance de l’Éthiopie pour l’Érythrée. Son implication au sein du FLE consistait à offrir, à la demande, de la nourriture, un refuge ainsi qu’une contribution financière symbolique aux membres du FLE dans son village éloigné. Elle avait l’impression de ne pas avoir le choix et de devoir acquiescer à ces demandes.

[2]               Mme Tocrurai a demandé à un agent d’immigration d’examiner à nouveau la décision relative à l’interdiction de territoire. Elle a également sollicité une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. La demande de réexamen a été rejetée, et la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’a fait l’objet d’aucune décision.

[3]               Bien qu’elle ait soulevé plusieurs arguments, la principale préoccupation de Mme Tocrurai concerne l’absence de décision sur sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Elle soutient que l’agent d’immigration avait l’obligation d’examiner sa demande. Elle me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent examine à nouveau sa demande de résidence permanente.

[4]               Je conviens que l’agent avait le devoir d’examiner sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, et je dois, par conséquent, accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. La seule question en litige est de savoir si l’agent avait l’obligation d’examiner la demande de Mme Tocrurai fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

A.                L’agent avait‑il le devoir d’examiner les facteurs relatifs aux considérations d’ordre humanitaire?

[5]               Le ministre soutient que l’agent n’avait aucun devoir d’examiner les facteurs relatifs aux considérations d’ordre humanitaire découlant de la demande de résidence permanente de Mme Tocrurai, puisque son conseil avait déclaré que des observations additionnelles seraient fournies plus tard. Dans une lettre à l’agent, le conseil de Mme Tocrurai a écrit ce qui suit :

[traduction]

Nous espérons pouvoir vous envoyer nos documents dans les prochaines semaines. Nous vous demandons de ne rendre aucune décision sur la demande de dispense jusqu’à ce que vous ayez reçu nos observations. Si le décideur est prêt à rendre une décision et que vous n’avez toujours pas reçu nos documents, veuillez alors nous en aviser pour que nous puissions vous fournir ce qui sera disponible à ce moment‑là.

[6]               Les observations attendues n’ont jamais été faites. Par conséquent, affirme le ministre, l’agent était en droit de faire abstraction des considérations d’ordre humanitaire.

[7]               Je ne suis pas d’accord.

[8]               Dans ses observations écrites, Mme Tocrurai a prévenu l’agent qu’il y avait des facteurs relatifs aux considérations d’ordre humanitaire en sa faveur, y compris les faits suivants :

         Elle est séparée de son mari depuis son arrivée au Canada en 2005;

         Elle n’a aucun casier judiciaire et a une vie sans histoire;

         Elle éprouve du stress et de l’anxiété en vivant sur des contrats, en raison du fait qu’elle n’a aucun statut;

         Elle travaillait dans une usine de volaille à Windsor, en Ontario, jusqu’à ce qu’elle soit frappée par une voiture en 2009;

         Les blessures physiques dont elle souffrait depuis l’accident l’empêchaient de travailler.

[9]               Dans les circonstances, l’agent avait l’obligation d’examiner les facteurs relatifs aux considérations d’ordre humanitaire dont il disposait, malgré le fait qu’il attendait des observations additionnelles. En réalité, même si Mme Tocrurai n’avait pas expressément demandé l’examen de ces facteurs (ce qu’elle a fait), l’agent était tenu d’examiner la preuve qui était pertinente à l’égard de sa protection en tant que réfugiée au sens de la Convention (Kathirgamathamby c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 811, au paragraphe 26; Abid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 164, aux paragraphes 35 et 36).

[10]           De même, je ne souscris pas à l’observation du ministre selon laquelle l’agent ne pouvait pas examiner les facteurs relatifs aux considérations d’ordre humanitaire, en raison de la lettre lui demandant d’attendre avant de rendre une décision. Je n’interprète pas la lettre comme une renonciation au droit de Mme Tocrurai à une décision sur les considérations d’ordre humanitaire.

[11]           Par conséquent, l’agent a commis une erreur en omettant d’examiner les facteurs pertinents relatifs aux considérations d’ordre humanitaire dégagés dans la demande de résidence permanente de Mme Tocrurai, ce qui a rendu déraisonnable le rejet de sa demande.

II.                Conclusion et dispositif

[12]           L’agent a omis de prendre en compte les facteurs relatifs aux considérations d’ordre humanitaire lorsqu’il a rendu sa décision sur la demande de résidence permanente de Mme Tocrurai. Dans les circonstances, la décision de l’agent qui a rejeté cette demande ne représente pas une issue pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent procède à un nouvel examen de la demande de Mme Tocrurai. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale pour que je la certifie, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2150-14

 

INTITULÉ :

ARHET TECLEMARIAN TOCRURAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 NOVEMBRE 2015

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O'REILLY

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 27 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Hilary Adams

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

SOLICITORS OF RECORD:

Leigh Salsberg

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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