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Date : 20160122


Dossier : IMM-3576-15

Référence : 2016 CF 78

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie­Britannique), le 22 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

ALIREZA KALANTARI GHOMI NEJA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Dans la décision Lally c. Telus Communications Inc., 2014 CAF 214, au paragraphe 27, le juge Scott a affirmé qu’un tribunal administratif a pour responsabilité de « tenir compte du fait que, bien souvent, les parties qui comparaissent en personne ne connaissent pas les procédures. Il appartient donc aux membres de veiller à ce que les plaignants qui comparaissent en personne comprennent la procédure et les règles à suivre dès le début de l’audience ».

II.                Introduction

[2]               Le demandeur se représentant lui­même en l’espèce comprend que la question portée devant le tribunal concerne sa demande de citoyenneté, et non pas une demande visant à annuler la décision selon laquelle il est un réfugié au sens de la Convention.

[3]               En ce qui concerne sa compréhension de l’anglais, le demandeur a indiqué clairement qu’il ne [traduction« ne comprend pas l’anglais très bien », mais qu’il « comprend ». Ce n’est pas suffisant quant au langage juridique employé dans ce genre d’audience relativement à la compréhension de la procédure juridique à laquelle le demandeur a été soumis.

III.             Faits et procédures

[4]               Le demandeur adhère au baha’isme, une religion bannie en Iran.

[5]               Le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en Turquie (Ankara) a accepté de conférer le statut de personne protégée au demandeur en raison du traitement réservé aux baha’is en Iran.

[6]               Le demandeur a été envoyé au Canada, où il a été accepté comme résident permanent dès son arrivée.

[7]               En juillet 2014, le demandeur a été soumis à un contrôle, l’une des étapes nécessaires à l’obtention de la citoyenneté au Canada. En mars 2014, le demandeur a passé une entrevue auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui selon lui devait faire avancer le traitement de sa demande de citoyenneté.

[8]               À la suite de cette entrevue, en raison de voyages que le demandeur a effectués en Iran, le défendeur a demandé à la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) de résilier le statut de réfugié du demandeur (en vertu du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés). Subséquemment, le demandeur a été convoqué à une audience à la CISR, où il s’est présenté sans avocat et sans interprète.

IV.             Discussion

[9]               Le demandeur n’était pas conscient des conséquences de cette audience devant la SPR.

[10]           Le président de la SPR, à la suite de l’audience, a dépossédé le demandeur de son statut de réfugié et de son statut de résident permanent.

[11]           Comme la norme de contrôle relativement aux questions de droit et d’équité procédurale est axée sur le bien­fondé, la décision ne peut être maintenue telle quelle, à moins que la question de l’équité procédurale ne soit résolue, quel que soit le résultat d’une nouvelle audience.

[12]           De par sa nature, un processus de détermination doit non seulement permettre d’obtenir justice fondamentale dans l’application de la loi, mais être perçu comme tel.

[13]           Il incombait au président de la SPR de voir à ce que les critères établis dans la décision Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, au paragraphe 21, pour un ajournement au moyen duquel on pourrait offrir les services d’un avocat au demandeur soient respectés. Cela aurait dû être fait, tout comme une explication des conséquences sérieuses aurait dû être donnée au demandeur dans un langage vulgarisé clair. Aussi, on a présenté pendant l’audience des documents dont le demandeur n’avait pas pu prendre connaissance au préalable.

[14]           De plus, la demande que le défendeur a présentée à la SPR n’était pas conforme au paragraphe 34(3) et à l’alinéa 64(2)d) des Règles de la Section de la protection des réfugiés quant au délai prescrit et à la réception des documents. Conformément au paragraphe 64(1), la demande d’annulation ou de constat de perte de l’asile doit être faite par écrit conformément à cette règle.

Contenu de la demande

Content of application

(2) Dans sa demande, le ministre inclut :

(2) In the application, the Minister must include

d) dans le cas de la personne dont la demande de protection a été acceptée à l’étranger, son numéro du dossier, une copie de la décision et le lieu où se trouve le bureau qui l’a rendue;

(d) in the case of a person whose application for protection was allowed abroad, the person’s file number, a copy of the decision and the location of the office;

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[15]           Au tout début de l’audience de la SPR, lorsqu’on lui a demandé s’il comprenait l’acte de procédure, le demandeur, un plaideur se représentant lui­même, a répondu qu’il comprenait, [traduction] « mais pas très bien  ». À la fin de l’audience, encore, il est significatif que le demandeur a répondu clairement à une question que lui a posée le président de l’audience, [traduction] « Dans quelle mesure avez­vous compris? », à laquelle il a fourni la réponse suivante : [traduction« Je n’étais pas au courant de certains éléments ». L’affaire à la SRP se termine comme elle a commencé, mais le demandeur a clairement démontré qu’il n’avait pas compris la nature de l’acte de procédure, pensant qu’il concernait sa demande de citoyenneté plutôt que l’annulation de son statut de réfugié.

[16]           Il importe de tenir compte de la décision Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 927, au paragraphe 37, dans laquelle le juge James Russell affirme :

Dans le cas des parties qui se représentent elles­mêmes, la Commission peut être obligée d’expliquer le processus au demandeur et de préciser la nature de la décision rendue. Les conséquences de la décision et la complexité de l’affaire peuvent avoir une incidence lorsqu’il s’agit de décider si une audience est équitable.

V.                Conclusion

[17]           En l’espèce, une nouvelle audience se tiendra subséquemment à la présente audience, quel qu’en soit le résultat final; la question, telle qu’elle est établie actuellement, est injuste et perçue comme telle; aucune équité procédurale n’a été appliquée. Pour ces motifs uniquement, l’affaire sera soumise à une nouvelle audience devant un autre président de la SPR.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la décision de la SPR doit être annulée. Une nouvelle audience devra être tenue devant un tribunal de la SPR constitué différemment. Aucune question de portée générale n’est soumise aux fins de certification.

OPINION INCIDENTE

Compte tenu du traitement inhumain infligé aux baha’is sous le régime iranien actuel et à l’histoire tragique de ceux­ci, comme il a été discuté clairement dans la jurisprudence de la Cour (décision Oraminejad c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2011 CF 997), si le demandeur est bel et bien de confession baha’ie, comme l’a déclaré et affirmé le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Canada, en tant que signataire de la Convention relative au statut des réfugiés, doit accorder le plus grand soin à l’affaire, en reconnaissance de la situation grave de nombreux baha’is en Iran. Par conséquent, si la question de la compréhension du langage n’est pas résolue, ce que la transcription démontre clairement, un manque de compréhension de l’anglais et de la terminologie juridique demeure prédominant chez le demandeur, qui se représente lui­même, relativement à l’acte de procédure qu’il a engagé dans l’affaire susmentionnée. Cette situation ne changera pas pour le demandeur tant que l’affaire ne sera pas soumise à une nouvelle audience devant un autre président de la SPR.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3576-15

INTITULÉ :

ALIREZA KALANTARI GHOMI NEJA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie­Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 janvier 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

Le 22 janvier 2016

COMPARUTIONS :

Mojdeh Shahriari

POUR LE DEMANDEUR

Brett Nash

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mojdeh Shahriari

Avocat­procureur

Vancouver (Colombie­Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Vancouver (Colombie­Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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