Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160120


Dossier : T‑1623‑15

Référence : 2016 CF 66

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 20 janvier 2016

En présence du protonotaire Roger R. Lafrenière

ENTRE :

MAO LAN FENG

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

(LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

VU LA REQUÊTE écrite, présentée en date du 16 décembre 2015, pour le compte de la défenderesse conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales en vue d’obtenir :

a)                  une ordonnance de radiation de la demande déposée le 24 septembre 2015 (la demande), en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106);

b)                  subsidiairement, une ordonnance prorogeant le délai que l’article 307 des Règles accorde au défendeur pour signifier les affidavits et pièces documentaires qu’il entend utiliser au soutien de sa position, ainsi que pour déposer une preuve de leur signification, et ceux qui sont impartis pour le contre‑interrogatoire des auteurs de ces affidavits et pour la signification et le dépôt du dossier du défendeur;

c)                  l’adjudication des dépens de la présente requête;

d)                 toute autre mesure de réparation que cette Cour estime appropriée.

ET APRÈS lecture des dossiers de requête déposés pour le compte des parties ainsi que des observations écrites déposées par le défendeur en réponse;

[1]               Le 24 septembre 2015, la demanderesse a déposé un avis de demande dans lequel elle a sollicité le contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales [LCF], de la décision du 25 août 2015 par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé de proroger le délai prescrit pour le dépôt par la demanderesse de l’avis d’opposition à un avis de (nouvelle) cotisation de TPS daté du 3 décembre 2009. La demanderesse sollicite une ordonnance de mandamus obligeant le ministre à proroger le délai pour déposer un avis d’opposition et lui enjoignant d’accepter que l’avis d’opposition constitue une opposition valide aux fins de l’article 301 de la Loi sur la taxe d’accise [LTA].

[2]               Les faits pertinents, tels qu’allégués dans l’avis de demande, peuvent être ainsi résumés. En 2009, la demanderesse et son époux ont fait l’objet d’une vérification combinée en matière d’impôt sur le revenu et de taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) de la part de l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour les périodes de déclaration de 2005, 2006 et 2007 (la période pertinente). Dans un avis de (nouvelle) cotisation daté du 3 décembre 2009, le ministre a fixé l’obligation fiscale de la demanderesse sous le régime de la LTA quant à la TPS nette à payer, aux pénalités et aux intérêts sur arriérés pour la période pertinente, à la somme totale de 42 089,95 $.

[3]               La demanderesse a été informée par son représentant autorisé qu’il n’était pas nécessaire de déposer un avis d’opposition à la cotisation de TPS parce qu’une modification de l’impôt sur le revenu payable par la demanderesse pour la période pertinente entraînerait automatiquement l’établissement à son égard de nouvelles cotisations de TPS. La demanderesse a interjeté appel de la nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu devant la Cour canadienne de l’impôt (Cour de l’impôt) en 2012 et elle s’est finalement désistée de son appel à la suite d’une autre cotisation d’impôt sur le revenu établie par le ministre le 28 novembre 2014.

[4]               Dans une lettre datée du 10 juin 2015, la demanderesse a demandé au ministre de proroger le délai pour déposer un avis d’opposition à la (nouvelle) cotisation de TPS conformément au paragraphe 281(1) de la LTA. Le ministre a refusé la demande de prorogation au motif que la demanderesse n’avait pas déposé un avis d’opposition ou demander une prorogation pour le faire dans les délais prévus au paragraphe 303(7) de la LTA.

[5]               Conformément à l’article 221 des Règles des Cours fédérales (les Règles), la défenderesse (qui est incorrectement désignée comme Sa Majesté la Reine du chef du Canada dans l’intitulé plutôt que le Procureur général du Canada) a présenté une requête en radiation de l’avis d’opposition au motif que la demande n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie.

[6]               L’article 221 se trouve dans la partie 4 des Règles, laquelle s’applique aux instances, autres que les demandes et les appels. L’article 221(1) des Règles dispose qu’une déclaration peut être radiée au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable. Il n’existe aucune règle ayant pour objet la radiation d’un avis de demande dans la partie 5 des Règles, laquelle s’applique aux instances engagées par voie de demande. Le juge Barry Strayer de la Cour d’appel fédérale traite de cette particularité dans l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc c Pharmacia Inc, 1994 CanLII 3529 (CAF), (David Bull), aux pages 596 et 597 :

[...] le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d’instance qu’elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l’audition de la requête même. [...]

[7]               À la page 600, le juge Strayer a néanmoins conclu que la Cour avait, dans des cas très exceptionnels, compétence pour radier un avis de demande :

[...] Nous n’affirmons pas que la Cour n’a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d’autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l’avis de requête.

[8]               À mon avis, la présente cause relève nettement de l’exception établie dans l’arrêt David Bull. La demande de contrôle judiciaire n’a manifestement aucune chance d’être accueillie, car l’existence du droit, qu’il soit exercé ou non, d’interjeter appel de la décision du ministre devant la Cour de l’impôt interdit la présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

[9]               Le paragraphe 303(1) de la LTA dispose que dans les cas où une personne n’a pas fait opposition à une cotisation en application de l’article 301, ou de requête en application du paragraphe 274(6), dans le délai par ailleurs imparti, elle peut présenter au ministre une demande visant à proroger le délai pour produire un avis d’opposition. La personne qui a présenté une demande en application de l’article 303 peut, conformément au paragraphe 304(1), demander à la Cour de l’impôt d’y faire droit après son rejet par le ministre, dans un délai de trente jours suivant l’envoi de la décision à la personne selon le paragraphe 303(5).

[10]           En adoptant les articles 301 à 306, le législateur a fourni un cadre législatif complet qui régit l’exercice du droit de contester la validité d’une cotisation d’impôt, et a assujetti cet exercice à des délais clairs et très serrés. La présente demande de contrôle judiciaire n’est essentiellement qu’une contestation indirecte de la validité de la cotisation établie par le ministre, laquelle est non seulement prescrite sous le régime de la LTA, mais aussi irrecevable en vertu de l’article 18.5 de la LCF.

[11]           L’article 18.5 dispose que, dans la mesure où une loi fédérale prévoit qu’il peut être interjeté appel d’une décision, celle‑ci ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Conformément à l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, la Cour de l’impôt a compétence exclusive pour entendre les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies en vertu de la LTA et les demandes de prorogations de délai présentées en vertu de l’article 304 de la LTA.

[12]           Le fait que la Cour de l’impôt puisse ne pas être en mesure d’accorder à la demanderesse la réparation prévue à l’article 304(1), en raison de la prescription du délai prévu par la loi pour déposer un avis d’opposition ou pour demander une prorogation de délai, ne permet pas à la demanderesse de contourner le régime complet de cotisation et d’appel en matière fiscale établi par le législateur. Il n’est tout simplement pas loisible à la demanderesse de contester de façon indirecte la décision du ministre devant la Cour en affirmant de façon incorrecte que cette décision est un refus découlant de l’application du paragraphe 281(1) de la LTA.

[13]           Souscrivant substantiellement aux observations écrites déposées par la défenderesse, et plus particulièrement à ses observations en réponse, que j’adopte et reprends à mon compte, je conclus que la demande devrait être rejetée parce qu’elle n’a aucune chance d’être accueillie. La demande est une contestation indirecte irrégulière de la décision rendue par le ministre en date du 25 août 2015 et elle constitue un abus de procédure.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  L’intitulé est modifié par la suppression de Sa Majesté la Reine du Chef du Canada (le ministre du Revenu national) et son remplacement par le Procureur général du Canada en tant que défendeur.

2.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

3.                  La demanderesse paiera au défendeur les dépens de la requête, dont le montant est fixé à 750 $, incluant les débours et les taxes.

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Jean‑Jacques Goulet, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1623‑15

 

INTITULÉ :

MAO LAN FENG c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

(LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

LE 20 JANVIER 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 20 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Michelle Moriartey

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jasmine Sidhu

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Legacy Tax + Trust Lawyers

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.