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Date : 20160208


Dossier : IMM-846-15

Référence : 2016 CF 155

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2016

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

STEVEN OSAZUWA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

I.                   INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi) de la décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 4 février 2015 dans laquelle il a été conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger [la décision], confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR).

II.                CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen nigérian âgé de 41 ans qui alléguait une crainte raisonnable de retourner au Nigeria fondée sur une prétendue croyance que les autorités policières de ce pays le considéraient comme un membre du Mouvement pour l’actualisation de l’État souverain du Biafra [MASSOB], une organisation nigériane illégale. Le demandeur allègue également avoir reçu des menaces de membres du MASSOB.

[3]               Le demandeur affirme que, par crainte de persécution du MASSOB, il s’est enfui en Italie en 2010. Il allègue que le MASSOB croyait qu’il avait divulgué de l’information sur son organisation à la police au Nigeria. Il est arrivé aux États­Unis en juin 2013 et est reparti en août 2013, après un incident dans lequel le demandeur affirme avoir été abordé dans un magasin par deux hommes noirs qui lui ont demandé son nom et s’il était nigérian. Avec l’aide d’un ami, le demandeur a trouvé un agent qui l’a aidé à se rendre au Canada, pour en fin de compte présenter une demande d’asile dans un bureau intérieur le 10 septembre 2013.

[4]               Sa demande d’asile a été entendue le 10 juin 2014 par la SPR. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] est intervenu à l’audience de la SPR, faisant valoir que par application de la section E de l’article premier de la Convention sur les réfugiés [la Convention], l’asile ne pouvait être accordé au demandeur parce qu’il est résident permanent en Italie et n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État dans ce pays. Le ministre a en outre allégué que, en raison de la section F de l’article premier de la Convention, le demandeur est exclu du bénéfice de la protection accordée aux réfugiés au Canada parce qu’il a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié. La SPR a finalement rejeté sa demande d’asile, invoquant son exclusion par application de la section E de l’article premier.

[5]               Le demandeur a interjeté appel devant la SAR le 18 août 2014, lui demandant de casser la décision défavorable de la SPR, et de renvoyer sa demande d’asile devant un tribunal constitué différemment. La SAR a procédé sans tenir d’audience et le demandeur a reçu ses motifs écrits de décision le 16 février 2015.

III.             DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[6]               La SAR a estimé que la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Huruglica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799 lui fournissait des indications sur la norme à appliquer à la décision de la SPR. Par conséquent, la SAR a procédé à sa propre évaluation de la décision de la SPR et a évalué de façon indépendante si le demandeur avait qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger. La SAR reconnaît et respecte les conclusions de la SPR quant à la crédibilité ou lorsque la SPR jouit d’un avantage particulier pour tirer ses conclusions.

[7]               La SAR a d’abord examiné l’application par la SPR de l’analyse de la section E de l’article premier de l’arrêt Zeng énoncée dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Zeng, 2010 CAF 118 [Zeng]. La section E de l’article premier stipule que « cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays ». Dans l’arrêt Zeng, la Cour d’appel fédérale a établi un critère à appliquer en le formulant dans les termes suivants :

         Compte tenu de tous les facteurs pertinents existant à la date de l’audience, le demandeur a­t­il, dans le tiers pays, un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants de ce pays? Si la réponse est affirmative, le demandeur est exclu.

         Si la réponse est négative, il faut se demander si le demandeur avait précédemment ce statut et s’il l’a perdu, ou s’il pouvait obtenir ce statut et qu’il ne l’a pas fait. Si la réponse est négative, le demandeur n’est pas exclu en vertu de la section 1E.

         Si la réponse est affirmative, la SPR doit examiner et soupeser différents facteurs. Notamment la raison de la perte du statut (volontaire ou involontaire), la possibilité, pour le demandeur, de retourner dans le tiers pays, le risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine, les obligations internationales du Canada et tous les autres faits pertinents.

[8]               Les éléments de preuve présentés à l’audience de la SPR ont démontré que le demandeur était titulaire d’un permis de séjour en Italie quand il est arrivé au Canada et avait donc droit à l’assistance sociale, aux soins de santé et aux prestations d’emploi et qu’il n’y avait aucun obstacle à son retour. Dans la décision Shamlou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1995), 32 Imm. L.R. (2e) 135 (CFPI) [Shamlou], la Cour fédérale a conclu que les « droits et obligations » énoncés à la section E de l’article premier comprenaient le droit de retourner dans le pays de résidence, d’y travailler sans restriction aucune, d’y étudier et d’y utiliser sans restriction les services sociaux.

[9]               Les éléments de preuve objective ont établi que, comme titulaire d’un permis, le demandeur jouissait d’un statut en Italie qui lui conférait les mêmes droits et avantages que les ressortissants italiens. Le demandeur n’a pas présenté à la SPR ni à la SAR d’élément de preuve permettant de confirmer que les résidents permanents ou temporaires ont moins de droits que les ressortissants de l’Italie. Il n’est pas nécessaire que les avantages soient identiques pour que la section E de l’article premier s’applique; le statut doit être « essentiellement semblable » : Zeng, précité, au paragraphe 28. La SAR, après son propre examen des éléments de preuve objective, est arrivée à la même conclusion que la SPR : les droits et obligations des résidents temporaires en Italie sont sensiblement similaires à ceux des ressortissants italiens.

[10]           La SAR a répondu à la première question de Zeng par la négative, le demandeur n’ayant pas de statut en Italie au moment de l’audience de la SPR. Le demandeur avait laissé son permis de séjour venir à expiration et, en conséquence, avait perdu ses « droits similaires ». En ce qui concerne la deuxième question, la SPR avait constaté que l’appelant avait bien un statut similaire aux ressortissants de l’Italie, nécessitant d’examiner et soupeser différents facteurs énoncés au troisième volet du critère prévu dans l’arrêt Zeng. La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur de droit par sa décision de se pencher sur la question de l’exclusion qui était étayée par la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Zeng. En conséquence, la SAR a jugé que les autres doutes soulevés par l’appelant (contamination du raisonnement de la SPR et non­reconnaissance des risques au Nigeria) n’avaient plus raison d’être.

[11]           En évaluant les éléments de preuve dont elle disposait, la SAR est parvenue à la même conclusion que la SPR, soit que le demandeur pourrait retourner en Italie et obtenir à nouveau son statut de résident et obtenir une protection. Il était donc inutile d’analyser le risque auquel l’appelant s’exposait au Nigeria, même si ce facteur est énoncé au troisième volet du critère établi dans l’arrêt Zeng. La SAR a conclu que la SPR n’a pas erré à cet égard.

[12]           En ce qui concerne la crainte du demandeur d’être persécuté en Italie, la SAR a conclu qu’aucun élément de preuve corroborant des incidents de menaces de préjudice ou de persécution survenus en Italie n’étayait ses allégations de crainte. Il existe une présomption selon laquelle, sauf dans le cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique, l’État est capable de protéger ses résidents. Un demandeur doit fournir une preuve claire et convaincante à l’effet contraire pour réfuter cette présomption. Le critère pertinent est de savoir si la protection offerte est adéquate : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 [Ward].

[13]           Selon la SAR, il est bien établi dans le droit canadien sur les réfugiés que l’omission du demandeur d’asile de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l’État aurait pu raisonnablement être assurée. Voir Ward, précité. Étant donné que le demandeur avait déjà eu un statut dans un pays démocratique et qu’il n’a produit aucun élément de preuve selon lequel il ne pouvait pas obtenir à nouveau ce statut dans cet État, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il demande aux autorités de le protéger, notamment contre les représailles des membres présumés du MASSOB. La SAR a déterminé que la conclusion de la SPR selon laquelle l’appelant n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État était raisonnable. L’Italie demeure un pays visé à la section E de l’article premier, puisqu’aucun risque de préjudice n’a été établi.

[14]           Le demandeur n’a pas contesté l’application de la section F de l’article premier. En conséquence, la SAR a été en mesure de rendre une décision à l’égard de l’appel sur la question de la section E de l’article premier et est arrivée à la même conclusion que la SPR : le statut du demandeur en Italie l’empêchait de demander l’asile en vertu de la section E de l’article premier. L’appel a été rejeté.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[15]           Le demandeur a soulevé la question dans la présente instance à savoir si l’évaluation de la SAR était raisonnable.

V.                NORME DE CONTRÔLE

[16]           La Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] a décidé que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans tous les cas. En revanche, lorsque la norme de contrôle applicable à la question en cause est bien établie en jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque la jurisprudence est muette ou qu’elle semble incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que l’examen des quatre facteurs de cette analyse est nécessaire : Agraira c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[17]           Le fait d’examiner si la décision est raisonnable est une question mixte de fait et de droit appelant une grande retenue à l’égard du décideur. La norme de la raisonnabilité s’applique donc : Matta c. Canada, 2015 CF 331 au paragraphe 19; Caliman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 332 au paragraphe 20; Tota c. Canada (Citoyenneté et lmmigration), 2015 CF 890 aux paragraphes 18 et 19 [Tota]; Kamara c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 785 au paragraphe 19.

[18]           Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse porte sur « la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [que sur] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 et Khosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CSC 12, paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision contestée est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[19]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Définition de « réfugié «

Convention Refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles­ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de  personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

Exclusions par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion – Refugee Convention

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

Appel

Appeal

110. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2), la  personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, porter en appel — relativement à une question de droit, de fait ou mixte — auprès de la Section d’appel des réfugiés la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile.

110. (1) Subject to subsections (1.1) and (2), a person or the Minister may appeal, in accordance with the rules of the Board, on a question of law, of fact or of mixed law and fact, to the Refugee Appeal Division against a decision of the Refugee Protection Division to allow or reject the person’s claim for refugee protection.

Schedule :

Schedule:

SECTIONS E ET F DE L’ARTICLE PREMIER DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS

SECTIONS E AND F OF ARTICLE 1 OF THE UNITED NATIONS CONVENTION RELATING TO THE STATUS OF REFUGEES

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

(a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

(b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

(c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

VII.          ARGUMENT

A.                Demandeur

[20]           Le demandeur allègue que le SAR a commis des erreurs susceptibles d’examen et que l’affaire doit être renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR.

[21]           Bien que le SAR ait confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur a laissé son statut en Italie « venir à expiration », cela se fait sans aucune référence à la prétention du demandeur selon laquelle il se trouvait alors aux États­Unis. L’aspect « volontaire » de la discussion sur « l’expiration » ne constitue pas une déclaration exacte des faits par la SPR ou la SAR. Cela est important, car le caractère volontaire est un point central dans la confirmation par la SAR de la décision de la SPR.

[22]           En outre, autant la SAR que la SPR ont erré en supposant que le demandeur pouvait simplement retourner en Italie et obtenir à nouveau son statut de résident. Bien que la SPR ait pu déclarer qu’obtenir à nouveau le statut de résident ne peut se faire automatiquement, la SAR n’a fait aucun commentaire à cet effet. Même si ce statut pouvait être obtenu de nouveau, la SPR n’a pas entrepris une évaluation appropriée du risque associé au retour en Italie. Pour que le motif d’exclusion stipulé l’article 98 de la Loi et la section E de l’article premier s’applique, une personne doit déjà avoir été considérée comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité du pays dans lequel elle a établi sa résidence. Le demandeur doit en outre avoir la capacité de retourner et de rester dans le pays visé. Lorsque le statut du demandeur dans le pays étranger est incertain, la section E de l’article premier ne s’applique pas. De même, si l’issue d’une demande de renouvellement de statut est incertaine, ou si le demandeur n’a pas le droit de retourner, la section E de l’article premier peut ne pas s’appliquer.

[23]           La question à savoir si un demandeur d’asile peut retourner dans un pays doit être analysée avec la perspective du pays visé, et non pas de la SPR : Wassiq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1996), 33 Imm LR (2e) 238 (1re inst.) [Wassiq]. En outre, des droits tels que ceux abordés dans la présente demande ne sont pas permanents et ils ne sont renouvelés qu’à la discrétion du gouvernement pertinent : Choezom c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1329.

[24]           Le demandeur déclare qu’à la date de l’audience de la SPR, il ne jouissait d’aucun des avantages qui devraient être considérés lorsqu’on entreprend une analyse des droits fondamentaux, tels que définis dans Shamlou, précité. Plus précisément, le demandeur n’avait pas le droit de retourner dans le pays de résidence, d’y travailler sans restriction aucune, d’y étudier et d’y utiliser sans restriction les services sociaux.

[25]           En outre, le risque au Nigeria aurait dû être examiné à titre subsidiaire si le statut ne pouvait être renouvelé en Italie.

B.                 Défendeur

[26]           Le défendeur affirme que le SAR a raisonnablement confirmé la décision de la SPR concluant que le demandeur devait être exclu en vertu de la section E de l’article premier qui empêche la recherche du meilleur pays d’asile.

[27]           Le défendeur met en évidence les problèmes de crédibilité et la conclusion de la SPR selon laquelle la preuve a révélé que le demandeur a par le passé produit des documents altérés et non authentiques.

[28]           Le demandeur n’a pas démontré que l’entrée lui serait refusée en Italie et il n’a pas expliqué le fait qu’il n’avait fait aucune tentative pour renouveler son statut ou pour présenter une nouvelle demande de résidence permanente. En outre, il n’a pas démontré de façon appropriée qu’une nouvelle demande serait rejetée.

[29]           Le demandeur a allégué que la SAR et la SPR avaient erré en supposant que le demandeur pouvait simplement retourner en Italie et obtenir à nouveau son statut de résident. Ce n’est pas une erreur susceptible de contrôle judiciaire et le demandeur ne précise pas où dans le dossier cette erreur s’est produite. Le défendeur affirme que, en tout état de cause, le demandeur a tout de travers. Les deux tribunaux ont indiqué qu’à partir du moment où il a admis avoir eu le statut de résident permanent en Italie, il lui incombait de prouver qu’il ne pouvait pas y retrouver son statut ou y retourner. Le demandeur a contesté cela, mais cette conclusion est conforme à la décision de la Cour fédérale dans Hassanzadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1494 [Hassanzadeh].

[30]           En ce qui concerne la question du risque en Italie, le demandeur n’a jamais cherché protection en Italie et n’a pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État dans ce pays. La SAR et la SPR n’avaient aucun élément de preuve attestant de cas réels ou d’éventuelles tentatives de lui porter préjudice en Italie. Le demandeur alléguait que des personnes, présumément membres du MASSOB, l’avaient menacé de s’en prendre à lui s’il restait en Italie. En outre, le demandeur n’a pas démontré qu’il ne pouvait raisonnablement pas s’adresser aux autorités italiennes pour obtenir une protection, si elle devait s’avérer nécessaire.

[31]           Le SAR a reconnu que le demandeur avait été hors de l’Italie depuis plus de douze mois et qu’il avait en conséquence perdu son statut de résident permanent. Il a volontairement laissé son statut venir à expiration. Les faits de l’espèce ne suggèrent pas que le demandeur n’aurait pas pu retourner en Italie et renouveler son statut, et il n’a pas prétendu avoir été induit en erreur par les autorités; il semble plutôt avoir simplement tenté d’alléguer qu’il avait appelé le consulat trop tard. Le demandeur souligne le fait que son statut de résident est venu à expiration alors qu’il était aux États­Unis, mais n’offre pas plus d’explications à cet état de choses qui est, en tout état de cause, hors de propos.

[32]           Le demandeur invoque Wassiq, précité, en affirmant que le SAR et la SPR ont erré. Toutefois, la SPR a également examiné cette affaire, et soutient qu’elle est différente de l’affaire en l’espèce en faisant remarquer que les demandeurs dans Wassiq ont apporté des éléments de preuve clairs qu’ils avaient été informés par le gouvernement allemand qu’ils ne pouvaient pas retourner. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Le demandeur a simplement affirmé qu’il avait communiqué avec l’ambassade d’Italie, et qu’il n’y avait aucune possibilité d’obtenir à nouveau son statut de résident. Le défendeur fait valoir que, étant donné que le demandeur avait déjà montré qu’il n’est pas crédible, la SPR avait le droit de chercher à vérifier les éléments de preuve. Il est à noter que le demandeur n’a pas non plus fourni d’élément de preuve corroborant ses affirmations à la SAR dans sa tentative de réfuter les conclusions de la SPR.

[33]           Le demandeur n’a en outre pas démontré que les droits des détenteurs de permis de séjour en Italie ne sont pas semblables aux droits d’un ressortissant italien.

[34]           Alors que le demandeur soutient que le risque de persécution au Nigeria devait être analysé en tant qu’alternative aux conclusions sur la sécurité en Italie, le défendeur répond que rien n’oblige la SAR à tirer des conclusions supplémentaires à titre subsidiaire, en particulier lorsque la conclusion initiale (que le demandeur a volontairement renoncé à son statut en Italie) n’est pas déraisonnable.

VIII.       ANALYSE 

[35]           Après avoir évalué la preuve dans son intégralité, la SAR est arrivée à la même conclusion que la SPR et a conclu que le demandeur doit être exclu de la protection en vertu de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.

[36]           La SAR a conclu que :

[TRADUCTION]

[31]      Dans le droit canadien sur les réfugiés, il est bien établi que le défaut du demandeur d’asile de se réclamer de la protection de l’État fera échouer sa demande d’asile si cette protection peut raisonnablement lui être offerte. L’appelant avait déjà eu un statut dans un pays démocratique et il n’a produit aucun élément de preuve selon lequel il ne pouvait pas obtenir à nouveau ce statut dans cet État respectant la primauté du droit. Dans un tel contexte, il était raisonnable de s’attendre à ce que l’appelant s’adresse aux autorités pour obtenir une protection, notamment contre les représailles des membres invoqués du MASSOB; cette protection pouvait raisonnablement lui être offerte. Comme il a omis de le faire, la SPR a conclu à juste titre qu’il n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État. Par conséquent, l’Italie demeure un pays visé à la section E de l’article premier, puisque l’appelant n’a pas établi qu’il était exposé au risque de subir un préjudice dans ce pays.

[37]           Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions dans sa plaidoirie, dont certaines ne sont pas très développées.

A.                Expiration du statut en Italie

[38]           Le demandeur fait observer qu’à la date de son audience de demande d’asile, il avait perdu son statut en Italie et affirme « il n’y a aucun élément de preuve qui indique si le demandeur peut ou ne peut pas présenter une nouvelle demande et obtenir un statut légal en Italie à l’avenir ». En d’autres termes, le demandeur est d’avis que la question à savoir si le demandeur peut regagner son statut perdu en Italie est « peu concluante ».

[39]           La SAR a abordé cette question comme suit :

[TRADUCTION]

[20]      La SPR a conclu que l’appelant était le titulaire d’un permis de séjour pour l’Italie lors de son arrivée au Canada et que ce permis de séjour lui accordait « le droit à l’assistance sociale, aux soins de santé et aux prestations d’emploi » en Italie. D’autres éléments de preuve présentés par le ministre à l’audience de la SPR ont démontré que le demandeur jouissait en effet tous les droits et avantages auxquels les citoyens italiens avaient droit. La preuve soumise à la SPR, par l’appelant, montre que le permis de séjour a expiré le 13 septembre 2013, mais qu’il a plus tard été modifié pour que l’année se lise 2012.

[21]      Dans Shamlou, la Cour fédérale a examiné les droits et obligations énoncés à la section E de l’article premier et conclu que ceux­ci comprennent le droit de retourner dans le pays de résidence, d’y travailler sans restriction aucune, d’y étudier et d’y utiliser sans restriction les services sociaux. Dans le cas de l’appelant, la SPR a examiné ces dernières preuves objectives stipulant clairement que l’appelant avait un statut en Italie et qu’il n’y a avait aucun obstacle à son retour. Le même élément de preuve explique que ces titulaires de permis peuvent également voyager à l’étranger et rentrer en Italie. Les titulaires de permis de séjour ont également droit à des soins de santé, des prestations d’emploi et à l’aide sociale.

...

[26]      La SPR, dans ses motifs, a conclu que l’appelant pourrait retourner en Italie et obtenir à nouveau son statut de résident. En évaluant les éléments de preuve dont elle disposait (voir les paragraphes 21 et 22 ci­dessus), la SAR est parvenue à la même conclusion que la SPR.

[Notes de bas de page omises]

[40]           Le demandeur n’a pas expliqué ou démontré pourquoi ces conclusions n’étaient pas raisonnables. Il est d’avis que la preuve n’était pas concluante sur la question de savoir s’il pourrait retourner, mais cela signifie qu’il n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il ne pouvait pas retourner en Italie et se conformer à son obligation de résidence. Il lui incombe de démontrer ce point. Voir Hassanzadeh, précité, aux paragraphes 28 et 30.

[41]           Le demandeur fait grand cas de ce que le paragraphe 22 de la décision de la SPR et de la formulation « il est clair qu’il n’a pas automatiquement le droit de retour en Italie ». Ces mots doivent cependant être lus en contexte :

[TRADUCTION]

[19]      Le témoignage du demandeur a révélé que son statut de résident permanent en Italie a expiré après qu’il eut été absent de l’Italie pour une durée supérieure à 12 mois. Selon son témoignage, il n’a jamais tenté de prolonger ou de regagner son statut puisqu’il croyait que « Une fois que vous l’avez perdu, vous l’avez perdu. C’est automatique...»

[20]      Le tribunal estime que le demandeur a perdu son droit au statut de résident permanent en Italie volontairement puisque le demandeur a déclaré pendant son témoignage que, de sa propre initiative, il est resté en dehors de l’Italie plus longtemps que les 12 mois autorisés.

[21]      On a demandé au demandeur s’il avait fait des efforts pour réacquérir son statut en Italie et il a répondu que, bien qu’il ait appelé l’ambassade d’Italie, il n’y avait pas moyen de le « récupérer ». Il a déclaré qu’il ne pouvait pas renouveler son statut en Italie puisqu’il n’avait plus d’emploi en Italie et avait déjà démarré son entreprise au Nigeria en 2003; et il avait également peur de retourner en Italie à cause des menaces qu’il avait reçues du MASSOB.

[22]      Le tribunal conclut que le demandeur n’a pas démontré qu’on lui interdirait de rentrer en Italie ou qu’on lui refuserait un visa de résident permanent s’il devait présenter une nouvelle demande, bien qu’il soit clair qu’il n’a pas un droit automatique de rentrer en Italie.

[23]      Le tribunal fait une distinction entre les faits de l’espèce et ceux qui sont énoncés dans Wassiq où il y avait des éléments de preuve clairs dans ce cas, que les demandeurs avaient été informés par le gouvernement allemand qu’ils ne pouvaient pas rentrer. Le demandeur n’a en l’espèce fourni aucune preuve émanant du gouvernement italien. Le tribunal est conscient du fait que le demandeur a une propension pour l’acquisition et l’utilisation de documents frauduleux. En conséquence, le tribunal ne peut accepter son témoignage comme crédible ou fiable à cet égard sans éléments de preuve probants.

Statut sensiblement similaire à celle de ses ressortissants

[24]      Ayant conclu que le demandeur n’a pas établi qu’il se verrait refuser de rentrer ou un visa de résident permanent en Italie, le tribunal doit examiner quatre principaux critères énoncés dans Shamlou qui doivent être évalués dans le cadre de l’analyse visant à déterminer si un demandeur jouit des droits fondamentaux attachés à la possession de la nationalité du pays de résidence.

[25]      Ces facteurs sont le droit de retourner dans le pays de résidence, d’y travailler sans restriction aucune, d’y étudier et d’y utiliser sans restriction les services sociaux.

[26]      Le demandeur a­t­il le droit de retourner en Italie? Le demandeur a indiqué dans son témoignage que pendant sa période de résidence permanente en Italie, il a fait l’aller­retour entre le Nigeria et l’Italie et n’a pas connu de difficultés pour rentrer en Italie à son retour. Le tribunal note que les permis de séjour italiens permettent aux individus, à moins que des limites particulières soient imposées, de se rendre dans plusieurs pays européens sans restrictions pour un séjour ne dépassant pas 90 jours par période de 6 mois.

[27]      Bien que le tribunal soit conscient qu’un résident permanent qui est absent de l’Italie pendant 12 mois ou plus perd son statut de résident permanent, peu importe la période de validité indiquée sur la Carta di Soggiorno, le tribunal n’est pas convaincu, en se fondant sur les éléments de preuve présentés, que le demandeur ne serait pas autorisé à rentrer en Italie, s’il devait se rendre là­bas aujourd’hui.

[Notes de bas de page omises]

[42]           Le demandeur fait valoir que, s’il n’a pas un « droit automatique de rentrée », alors cela doit signifier que sa demande pourrait être refusée, et que cela constitue un pouvoir discrétionnaire que les autorités italiennes pourraient ne pas exercer en sa faveur. Il allègue que la SAR a simplement accepté les conclusions de la SPR et n’a pas abordé cette question discrétionnaire.

[43]           Il ressort de l’ensemble du contexte de la décision de la SPR que la SPR a conclu que les éléments de preuve soumis ne suffisaient pas à démontrer que le demandeur ne pourrait pas rentrer en Italie « s’il devait se rendre là­bas aujourd’hui ». En d’autres termes, le demandeur n’a pas réussi à se délester du fardeau de démontrer qu’il ne pouvait pas rentrer en Italie et jouir de nouveau des droits auxquels il avait volontairement renoncé en laissant son permis de séjour venir à expiration.

[44]           Ainsi, la SPR a conclu que, même s’il a pu perdre son statut de résident permanent, le demandeur n’a pas établi « qu’il se verrait refuser le droit de rentrer, ou de jouir d’un visa de résident permanent, en Italie s’il devait en faire la demande » et qu’il n’a pas établi qu’il « ne serait pas autorisé à rentrer en Italie, s’il devait se rendre là­bas aujourd’hui ». En d’autres termes, le demandeur (que ce soit en tant que résident permanent ou temporaire) n’a pas démontré qu’il ne pouvait pas entrer de nouveau en Italie et jouir des mêmes droits que les ressortissants italiens.

[45]           Le demandeur était pleinement conscient de cette lacune dans son témoignage et pourtant il a choisi de ne pas essayer de remédier à cela devant la SAR. Comme il se doit, la SAR a fait sa propre évaluation indépendante et est arrivée aux mêmes conclusions que la SPR. Je ne vois dans cette question aucune erreur susceptible de contrôle. En fait, le demandeur tente d’utiliser sa propre incapacité à apporter des éléments de preuve acceptables pouvant étayer l’allégation selon laquelle il ne pourrait pas rentrer en Italie comme preuve que la situation n’est pas claire. Aucun élément de preuve ne démontre qu’il ait quelque ambiguïté que ce soit dans la loi italienne sur ce point. Le problème est que le demandeur n’a pas réussi à se décharger du fardeau de prouver qu’il ne pourra pas rentrer en Italie. Voir Hassanzadeh, précité, Mai c. Canada (Citoyenneté et Immigration) et 2010 CF 192, et Shahpari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [1998] ACF no 429. Comme l’a déclaré la Cour dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Choovak, 2002 CFPI 573 au paragraphe 42 :

Ainsi, la défenderesse n’a pas démontré qu’au moment de l’audience il existait des éléments de preuve établissant que si elle demandait un visa allemand de rentrée ou de résidente permanente, il lui serait refusé, quoiqu’il fût clair qu’elle ne jouissait pas du droit automatique de rentrer dans ce pays.

Voir aussi Tota, précité, au paragraphe 27.

[46]           Les extraits de la décision de la SPR cités ci­dessus établissent clairement qu’il n’y a aucune raison de trouver déraisonnables les conclusions des deux tribunaux selon lesquelles la perte de statut du demandeur en Italie était volontaire.

[47]           La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur pourrait rentrer en Italie et y jouir de droits essentiellement similaires à ceux des ressortissants italiens n’a rien de déraisonnable.

B.                 Évaluation du statut en Italie

[48]           Le demandeur affirme que

la SPR n’a pas fait une évaluation appropriée du risque que représente le retour, même si le demandeur pouvait regagner le statut qu’il a perdu. Il n’y a pas eu de discussion détaillée sur le risque de préjudice auquel le demandeur allègue qu’il était exposé s’il retournait en Italie ou au Nigeria sans pouvoir regagner son statut en Italie.

[49]           On peut cependant lire une discussion exhaustive sur ce point dans la décision :

[27]      Dans le cas présent, la SPR a statué que l’appelant peut retourner en Italie, où une protection devrait lui être offerte. Dans un tel contexte, il ne serait pas logique que la SPR se penche sur le risque auquel l’appelant est exposé au Nigeria, même si ce facteur est énoncé au troisième volet du critère établi dans l’arrêt Zeng. Si l’appelant peut retourner en Italie, il n’est tout simplement pas pertinent d’évaluer le risque auquel il est susceptible d’être exposé au Nigeria étant donné qu’il est exclu du bénéfice de la protection; or, la SPR a, dans les faits, tenu compte et débattu de ce risque.

[28]      L’appelant a également soutenu qu’il craignait d’être persécuté dans ce pays. La SPR a procédé à une analyse de la protection de l’État que l’appelant pouvait obtenir en Italie, et elle s’est demandé si l’Italie est un pays visé à la section E de l’article premier dans la présente affaire.

[29]      Protection de l’État en Italie : L’appelant n’a pas soutenu que l’analyse de la SPR concernant la protection de l’État en Italie était erronée. Au sujet de la crainte que l’appelant affirme avoir en Italie, la SPR a fait remarquer que ce dernier ne s’était jamais adressé à la police pour demander une protection. La SPR a souligné que, d’après son témoignage à l’audience, l’appelant disait avoir demandé l’aide de la police pendant son séjour en Italie. Après avoir examiné la preuve, constituée de l’enregistrement audio de l’audience, la SAR constate que la preuve fournie ne fait pas état de tels incidents. Le seul élément de preuve trouvé par la SAR concerne des membres du MASSOB qui l’auraient menacé de mauvais traitements s’il restait en Italie. Il n’y a aucun élément de preuve faisant état de menaces de préjudice ou de persécution. Il existe une présomption selon laquelle, sauf dans le cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique, l’État est capable de protéger ses citoyens. Pour réfuter la présomption de protection de l’État, un demandeur d’asile doit présenter des éléments de preuve clairs et convaincants démontrant que l’État est incapable d’assurer la protection de ses citoyens. Même si la question de l’efficacité de la protection est pertinente, le critère applicable consiste à établir si la protection offerte est adéquate.

[30]      La SAR souligne le passage suivant, tiré du paragraphe 10 de la décision Ward :

Le demandeur doit confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer sa protection, en l’absence d’un aveu en ce sens par l’État dont il est le ressortissant. Sauf dans le cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur.

[31]      Dans le droit canadien sur les réfugiés, il est bien établi que le défaut du demandeur d’asile de se réclamer de la protection de l’État fera échouer sa demande d’asile si cette protection peut raisonnablement lui être offerte. L’appelant avait déjà eu un statut dans un pays démocratique et il n’a produit aucun élément de preuve selon lequel il ne pouvait pas obtenir à nouveau ce statut dans cet État respectant la primauté du droit. Dans un tel contexte, il était raisonnable de s’attendre à ce que l’appelant s’adresse aux autorités pour obtenir une protection, notamment contre les représailles des membres invoqués du MASSOB; cette protection pouvait raisonnablement lui être offerte. Comme il a omis de le faire, la SPR a conclu à juste titre qu’il n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État. Par conséquent, l’Italie demeure un pays visé à la section E de l’article premier, puisque l’appelant n’a pas établi qu’il était exposé au risque de subir un préjudice dans ce pays.

[Notes de bas de page omises]

[50]           À part de faire des affirmations gratuites selon lesquelles le risque que représente son retour en Italie n’a pas été évalué de façon appropriée, le demandeur n’a fait aucune tentative pour démontrer à notre Cour ce qui était inapproprié, inadéquat ou déraisonnable dans les décisions de la SPR et de la SAR sur ce point.

[51]           Après avoir conclu que le demandeur peut retourner en Italie, la conclusion selon laquelle il n’y avait aucune raison d’analyser les risques auxquels était exposé le demandeur au Nigeria n’avait rien de déraisonnable.

C.                 Droits fondamentaux de jouissance

[52]           S’appuyant sur Shamlou, précité, le demandeur fait valoir que, au moment de son audience de demande d’asile, il ne jouissait pas :

a)    du droit de retourner en Italie;

b)    du droit de travailler librement sans restrictions;

c)    du droit de poursuivre ses études;

d)   du plein accès aux services sociaux dans le pays de résidence.

[53]           La SPR et le SAR ont toutes deux abordé cette question et le demandeur n’a pas démontré pourquoi les conclusions de la SAR sont déraisonnables :

[22]      Bien que l’appelant conteste la conclusion de la SPR en l’espèce, il n’a pas fourni d’éléments de preuve à l’appui de son argumentation Il ne remet pas en cause la conclusion de la SPR selon laquelle il avait les mêmes droits que les résidents permanents en Italie et que ces droits sont essentiellement semblables à ceux des ressortissants de ce pays. D’après l’élément de preuve objectif (permis de séjour de la Commission européenne auquel renvoient les motifs de la SPR) susmentionné, les titulaires d’un permis de séjour ont droit aux mêmes avantages que les ressortissants de l’Italie L’appelant n’a pas présenté à la SPR ni à la SAR d’élément de preuve objectif permettant de confirmer que les résidents permanents ou temporaires ont moins de droits que les ressortissants de l’Italie, comme il le prétend. Il était donc raisonnable que la SPR retienne la preuve objective plutôt que les allégations non étayées de l’appelant. La SAR a procédé à une évaluation indépendante de cet élément de preuve et est parvenue à la même conclusion que la SPR. La SAR souligne qu’il n’est pas nécessaire que les avantages soient identiques pour que la section E de l’article premier s’applique. En effet, la Cour a confirmé dans l’arrêt Zeng que le statut doit être « essentiellement semblable » à celui des ressortissants du pays. La SAR, après examen de la preuve dans son ensemble, conclut qu’à la lumière de la preuve objective contenue dans le dossier d’appel, y compris l’enregistrement audio de l’audience, il était raisonnable pour la SPR comme pour la SAR de conclure que les droits et obligations des résidents temporaires sont essentiellement semblables à ceux des ressortissants de l’Italie, et que la SPR n’a pas commis d’erreur en appliquant le deuxième élément du critère énoncé dans l’arrêt Zeng aux faits propres à la demande d’asile de l’appelant. La SAR comprend que l’appelant, à titre de résident temporaire ou permanent, a essentiellement les mêmes droits que ceux d’un ressortissant de ce pays.

[Notes de bas de page omises]

[54]           Il est vrai que le demandeur n’avait pas de statut de résident permanent en Italie au moment de l’audition de demande d’asile, mais cela ne signifie pas qu’il ne pouvait l’acquérir de nouveau et de nouveau jouir de droits équivalents à ceux des ressortissants italiens. La perte volontaire de statut en Italie n’a pas mené à l’exclusion de la section E de l’article premier de la Convention; elle a plutôt mené à la considération des facteurs énoncés dans Zeng, précité :

[24]      Au premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Zeng, la SAR répond par la négative. L’appelant ne jouissait pas d’un statut en Italie au moment où s’est tenue l’audience de la SPR, étant donné que celui­ci avait expiré avant l’audience. Après avoir examiné la preuve se rapportant au deuxième volet, la SPR a constaté que l’appelant n’avait pas de statut semblable à celui des ressortissants d’Italie. Pour parvenir à ces conclusions, la SPR devait « soupeser différents facteurs » énoncés au troisième volet du critère prévu dans l’arrêt Zeng, à savoir la raison de la perte du statut, la possibilité de retourner dans le tiers pays, le risque encouru dans le pays d’origine, les obligations internationales du Canada et tous les autres faits pertinents. Si la réponse au premier volet est affirmative, alors il n’est pas nécessaire de répondre aux questions des deuxième et troisième volets. La SPR s’est tout de même penchée sur le troisième volet et a conclu que l’appelant bénéficiait des mêmes droits et avantages que les ressortissants de l’Italie. Il avait pourtant perdu ces droits, puisqu’il n’avait pas renouvelé son permis de séjour et l’avait laissé venir à expiration.

[25]      La SAR estime donc que la décision de la SPR de se pencher sur la question de l’exclusion – bien que l’appelant ait soutenu avoir une crainte à l’égard du pays visé à la section E de l’article premier – était fondée en droit et étayée par la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Zeng. Puisque la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur de droit en appréciant cette demande d’asile au regard de la section E de l’article premier, la SAR juge que les autres doutes soulevés par l’appelant (contamination du raisonnement de la SPR et non­reconnaissance des risques au Nigeria) n’avaient plus raison d’être.

[26]      La SPR, dans ses motifs, a conclu que l’appelant pourrait retourner en Italie et obtenir à nouveau son statut de résident. En évaluant les éléments de preuve dont elle disposait (voir les paragraphes 21 et 22 ci­dessus), la SAR est parvenue à la même conclusion que la SPR.

[27]      Dans le cas présent, la SPR a statué que l’appelant peut retourner en Italie, où une protection devrait lui être offerte. Dans un tel contexte, il ne serait pas logique que la SPR se penche sur le risque auquel l’appelant est exposé au Nigeria, même si ce facteur est énoncé au troisième volet du critère établi dans l’arrêt Zeng. Si l’appelant peut retourner en Italie, il n’est tout simplement pas pertinent d’évaluer le risque auquel il est susceptible d’être exposé au Nigeria étant donné qu’il est exclu du bénéfice de la protection; or, la SPR a, dans les faits, tenu compte et débattu de ce risque.

[Notes de bas de page omises]

[55]           Le demandeur n’a pas expliqué ou démontré pourquoi ces conclusions n’étaient pas raisonnables ou contraires à la jurisprudence applicable.

D.                Autres questions

[56]           Les motifs principaux de contrôle du demandeur sont ceux énoncés ci­dessus. Il mentionne d’autres points tels que « il n’y aucune référence à la prétention du demandeur que c’était alors qu’il était à l’extérieur de l’Italie, aux États­Unis.... [que] le demandeur a subi des menaces de persécution et est venu au Canada pour demander l’asile (sic) » et il dit que l’aspect « volontaire » de « l’expiration » n’est pas une déclaration exacte des faits par la SPR et la SAR, mais il n’explique pas ni ne démontre quelle différence cela fait qu’il ait été aux États­Unis ou au Canada, lorsqu’il a laissé son statut en Italie venir à expiration, ou pourquoi il n’était pas raisonnable pour la SPR et la SAR de conclure qu’il a volontairement laissé son statut de résident en Italie venir à expiration.

[57]           Le demandeur a également fait une tentative à l’audition de la présente demande devant moi de suggérer que la SAR n’a pas pleinement compris son rôle comme tribunal d’appel. Une simple lecture de la décision montre que la SAR a pleinement compris la jurisprudence applicable à ce point et s’est donné beaucoup de peine pour se conduire en conséquence. Je ne vois dans cette question aucune erreur susceptible de contrôle.

[58]           Après avoir examiné les observations du demandeur dans leur intégralité, je conclus que la décision ne contient aucune erreur susceptible de révision. Après avoir obtenu le statut de résident permanent en Italie, un pays qui peut lui fournir la protection de l’État contre les menaces qu’il allègue craindre, le demandeur est venu aux États­Unis et au Canada et a laissé son statut en Italie venir à expiration, et il n’a pas démontré à la SPR, à la SAR ou à la Cour, qu’il ne peut pas retourner en Italie et obtenir de nouveau son statut de résident et tous les droits que ce statut implique, ce qui comprend le droit à la protection de l’État contre les menaces qu’il affirme craindre. Le demandeur n’a pas démontré qu’il était déraisonnable de lui refuser la protection en vertu de la section F de l’article premier de la Convention.

[59]           Les deux parties conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier et la Cour est du même avis.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande est rejetée.

2.      Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-846-15

 

INTITULÉ :

STEVEN OSAZUWA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSEL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Peter Lulic

Pour le demandeur

 

Stephen Jarvis

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lulic

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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