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Date : 20160205


Dossier : IMM-2434-15

Référence : 2016 CF 142

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 5 février 2016

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

GOWRY SANKER NAGALINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision défavorable rendue le 8 mai 2015 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission). La Commission a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La présente demande a été présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

I.                   Contexte factuel

[2]               Le demandeur est un homme célibataire de 31 ans d’origine tamoule et citoyen du Sri Lanka. Sa demande d’asile est fondée sur ses opinions politiques et sa race. Il a indiqué que ses agents de persécution étaient l’armée et la police.

[3]               Le demandeur a étudié le graphisme et a obtenu son diplôme en 2006. Il a travaillé pour son père jusqu’en 2009, date à laquelle il a obtenu un emploi de graphiste chez Express Newspapers à Colombo. Il y a travaillé jusqu’à ce qu’il s’enfuie du Sri Lanka en juillet 2014. Express Newspapers publie Virakesari – un journal tamoul bien connu.

[4]               Le journal Virakesari a été accusé d’exprimer des opinions antigouvernementales. Son personnel et ses bureaux ont fait l’objet d’attaques de groupes gouvernementaux et paramilitaires. Le demandeur allègue dans le formulaire Fondement de la demande d’asile qu’il avait des liens avec de nombreux journalistes et qu’il connaissait des personnes qui ont été attaqués. Il allègue également qu’il a participé à de nombreux rassemblements en faveur des médias.

[5]               En juillet 2014, le demandeur a été enlevé par des personnes non identifiées pendant qu’il attendait l’autobus. Il a été détenu dans une pièce sombre pendant sept jours et a été interrogé au sujet de ses relations avec des groupes appartenant au mouvement des Tigres de libération de l’Îlam Tamoul. Durant sa captivité, le demandeur a été interrogé tous les jours pendant environ une heure. Pendant ces interrogatoires, il a été battu à coups de bâton et de pied. Il a également été menacé de mort s’il s’adressait à la police.

[6]               Le demandeur a été relâché le 25 juillet 2014. Il s’est ensuite rendu chez lui pour prendre ses livres scolaires et ses accréditations de presse avant de s’enfuir chez sa tante. La même journée, il a consulté un médecin et a reçu des traitements. Le demandeur n’avait pas l’intention de quitter le Sri Lanka à ce moment­là et a déclaré qu’il n’avait encore jamais été à l’étranger. Cependant, lorsque son père l’a rejoint chez sa tante le lendemain, il lui a conseillé de quitter le Sri Lanka. Son père avait pris des dispositions avec un passeur qui devait le faire entrer à Dubaï, puis aux États­Unis avec un passeport indien. Lorsque le demandeur et le passeur sont arrivés aux États­Unis le 7 septembre 2014, le passeur a repris le passeport. Le demandeur a été détenu aux États­Unis jusqu’au 21 octobre 2014. À son arrivée au Canada le 18 novembre 2014, il a présenté une demande d’asile.

II.                Décision

[7]               La Commission a reconnu que le demandeur est Sri Lankais. La Commission a également accueilli les preuves médicales qui démontraient qu’à un certain moment, le demandeur a été victime de torture. Cependant, la Commission a conclu que le demandeur n’a pas participé à des rassemblements en faveur des médias, qu’il n’a pas été enlevé et torturé en juillet 2014, et qu’il ne se trouvait pas au Sri Laka à cette date. Ces conclusions reposent sur les motifs suivants :

a)      l’incapacité du demandeur d’expliquer les raisons pour lesquelles sont certificat de naissance a été traduit en anglais en février 2010;

b)      le fait que le demandeur n’a pas fourni les pages de son passeport présentant l’historique de ses déplacements et qu’il n’a donné aucune raison satisfaisante pour expliquer pourquoi il ne les a pas fournies;

c)      la déclaration faite par le demandeur dans le formulaire Fondement de la demande d’asile selon laquelle il a participé à [TRADUCTION], « de nombreux rassemblements en faveur des médias » alors que, dans les faits, il n’a participé qu’à trois de ces rassemblements;

d)     la déclaration faite par le demandeur dans son formulaire Fondement de la demande d’asile selon laquelle il [TRADUCTION] « connaissait des personnes qui ont été attaquées », alors que c’est faux. En fait, les éléments de preuve qu’il a fournis pour prouver qu’il avait rencontré ces personnes étaient incohérents;

e)      le fait que le demandeur n’a pas soumis d’articles de presse au sujet des rassemblements, et ce, même s’il a affirmé que de tels articles avaient été publiés sur des sites Web.

[8]               En raison de ces doutes concernant la crédibilité des déclarations du demandeur, lesquels doutes ne sont pas contestés dans la présente espèce, la Commission a rejeté l’authenticité de deux éléments de preuve (preuves corroborantes) qui, s’ils avaient été accueillis, auraient démontré que le demandeur était au Sri Lanka en juillet 2014. Les preuves corroborantes comprenaient les éléments suivants :

a)      un billet du médecin écrit à la main daté du 25 juillet 2014 décrivant le traitement de brûlures et de blessures causées par une barre de fer;

b)      une lettre du directeur du journal où travaillait le demandeur datée du 26 juillet 2014 indiquant que le demandeur travaillait pour le journal en juillet 2014, qu’il avait été enlevé, puis relâché ce même mois, et qu’il avait participé à des manifestations en faveur des médias. La lettre indiquait également que les ravisseurs du demandeur avaient communiqué avec le journal pour l’avertir de ne publier aucun renseignement au sujet de son enlèvement.

Questions en litige

[9]               Le rejet des preuves corroborantes était­il déraisonnable?

[10]           Était­il déraisonnable de la part de la Commission de ne pas avoir étudié la possibilité que les cicatrices du demandeur puissent l’exposer à d’autres persécutions?

A.                Première question en litige : Preuves corroborantes

[11]           Le demandeur s’est appuyé sur la décision rendue par le juge Rennie (maintenant juge à la Cour fédérale) dans l’affaire Chen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 311. Dans cette affaire, un demandeur d’asile a déclaré qu’il était membre d’une maison­église catholique de la province du Fujian jusqu’à ce qu’elle fasse l’objet d’une descente. Le demandeur a pris la fuite pendant la descente et a déclaré qu’une assignation avait été signifiée à sa famille et que d’autres membres de l’église avaient été arrêtés et emprisonnés. Il a produit ladite assignation ainsi qu’une carte de visite de prison qui, selon ses dires, avait été remise à la femme de l’un des paroissiens ayant été emprisonnés.

[12]           Les éléments de preuve produits par le demandeur ne contenaient aucune contradiction ou incohérence, et son comportement ne reflétait en aucune manière un manque de crédibilité. Néanmoins, la Commission a rejeté les éléments de preuve en raison de leur incompatibilité avec la preuve documentaire, qui démontrait que les paroissiens catholiques sont rarement persécutés dans la province du Fujian. Par conséquent, compte tenu de l’incompatibilité des éléments de preuves avec la preuve documentaire accueillie par la Commission, cette dernière a conclu que la descente dont l’église avait fait l’objet n’avait pas eu lieu.

[13]           La Commission a également conclu que la carte de visite de prison n’était pas authentique pour la simple raison que ce document était incompatible avec sa conclusion selon laquelle la descente n’avait pas eu lieu. Sans aucun autre motif, la Commission a également rejeté un certificat de baptême et une lettre du prête de l’église du demandeur au Canada. La Commission a décidé de rejeter ces documents même si le demandeur a répondu avec franchise et exactitude à des questions sur ses connaissances du catholicisme. Le juge Rennie a rendu la conclusion suivante :

En l’absence d’une conclusion défavorable sur la crédibilité, la décision de rejeter certains aspects de la preuve ne donne pas carte blanche pour rejeter tout le reste de la preuve. Chaque aspect de la preuve doit être évalué suivant son propre fondement.

[14]           J’estime que cette affaire est différente de la présente espèce et que le demandeur ne peut pas s’appuyer sur la décision qui y a été rendue, car la conclusion défavorable sur la crédibilité n’a pas été contestée dans cette affaire. En outre, dans la présente espèce, les preuves corroborantes ont été appréciées et rejetées parce qu’elles auraient été créées par le demandeur. Par conséquent, je considère que la Commission a analysé les preuves corroborantes de façon raisonnable.

B.                 Deuxième question en litige : Cicatrices

[15]           Le demandeur reconnaît que son avocat n’a pas demandé à la Commission d’étudier la possibilité que les cicatrices que lui avait laissées la torture subie par le passé l’exposeraient à d’autres persécutions. J’estime que si un demandeur est représenté par un avocat, la Commission n’est pas tenue d’étudier d’autres possibilités de persécution future que celles présentées par le demandeur.

Question à certifier

[16]           Aucune question n’a été posée aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée.

Sandra J. Simpson

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-2434-15

 

INTITULÉ :

GOWRY SANKER NAGALINGAM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Michael Crane

 

Pour le demandeur

 

Amy King

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 

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