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Date : 20160229


Dossier : IMM-2812-15

Référence : 2016 CF 250

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 février 2016

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

SYED MOHSIN RAZA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 15 mai 2015 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans laquelle l’appel interjeté par le demandeur contre une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) a été rejeté pour défaut de mise en état.

[2]               La présente demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui a déposé une demande d’asile le 16 octobre 2014. Sa demande a été rejetée par la SPR, et les parties conviennent que la décision de la SPR a été reçue ou réputée avoir été reçue par le demandeur le 9 mars 2015.

[4]               Le demandeur a présenté un avis d’appel à la SAR le 24 mars 2015 et indique qu’il a ensuite soumis le dossier d’appel requis à la SAR le 8 avril 2015 par télécopieur. Le 10 avril 2015, la SAR a envoyé une lettre par télécopieur à l’avocat du demandeur, signalant qu’il y avait des lacunes dans le dossier de l’appelant et exigeant que soit déposée une demande de prorogation du délai pour mettre l’appel en état. Le demandeur déclare que son avocat n’a pas reçu cette télécopie.

[5]               Le 15 mai 2015, l’appel du demandeur a été rejeté par la SAR pour absence de mise en état du dossier. C’est cette décision qui fait l’objet d’une contestation dans la présente demande de contrôle judiciaire. Bien que cela ne soit pas le sujet du contrôle judiciaire en l’espèce, le demandeur a par la suite demandé à la SAR de rouvrir son appel, demande qui a été refusée le 24 juillet 2015 au motif que la SAR n’avait pas compétence pour rouvrir l’appel en l’absence d’un déni de justice naturelle ou d’un manquement à l’équité procédurale.

II.                Décision de la SAR

[6]               La décision de la SAR de rejeter l’appel du demandeur renvoyait à l’alinéa 159.91(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, (DORS/2002­227) [le Règlement], qui prévoit que le délai dont dispose une personne pour mettre en état un appel est de 30 jours suivant la réception, par la personne en cause ou le ministre, des motifs écrits de la décision. Elle concluait que le dossier du demandeur devait être reçu par la SAR au plus tard le 8 avril 2015 et mis en état conformément à la règle 3 des Règles de la Section d’appel des réfugiés (DORS/2012­257) [les Règles de la SAR].

[7]               La SAR a ensuite fait référence à un mémoire soumis le 10 avril 2015 et au fait qu’elle avait informé l’avocat du demandeur par télécopieur, le 10 avril 2015, des lacunes dans le dossier et de la nécessité de présenter une demande de prorogation du délai pour mettre l’appel en état. N’ayant pas reçu le dossier mis en état ou la demande de prorogation du délai pour mettre en état l’appel de la part du demandeur, la SAR a rejeté l’appel pour défaut de mise en état le 15 mai 2015.

III.             Questions en litige et norme de contrôle

[8]               Le demandeur présente les questions suivantes aux fins d’examen par la Cour :

A.                Quel était le motif de refus de l’appel du demandeur et est­ce que le demandeur a bénéficié d’une audition équitable de son appel?

B.                 Est­ce que la SAR a ignoré l’affidavit du demandeur au sujet de mise en état de l’appel?

C.                 Est­ce que la SAR a commis une erreur en refusant l’appel uniquement pour des motifs de procédure, sans avoir pris en considération l’aspect formel de l’appel?

[9]               Le défendeur fait valoir que les questions à trancher sont la norme de contrôle et qu’elles consistent à savoir si la SAR a enfreint les règles d’équité procédurale en rejetant l’appel du demandeur en raison de l’incapacité de ce dernier à le mettre en état.

[10]           Le demandeur estime, étant donné que les questions soulevées dans la présente demande entourent l’équité procédurale, que la norme de contrôle applicable est la norme de la décision correcte. Le défendeur est d’accord sur le fait que la norme de la décision correcte est la norme présumée lorsque surviennent des questions d’équité procédurale, bien qu’il fasse remarquer qu’il existe un certain appui jurisprudentiel en évolution pour l’application d’une norme de la décision raisonnable, même lorsque surviennent des questions d’équité procédurale ou de justice naturelle. La position du défendeur est que la décision de la SAR en l’espèce devrait résister à un examen, quelle que soit la norme appliquée.

[11]           Je constate que l’incertitude entourant la norme de contrôle est flagrante dans une partie de la jurisprudence invoquée par le demandeur à l’appui de sa position selon laquelle les facteurs de justice naturelle ou d’équité procédurale exigent une application plus souple des Règles de la SAR que celle accordée par la SAR en l’espèce (voir Garduno c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1306 [Garduno] et Huseen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 845 [Huseen]). Si ces précédents impliquaient des décisions de la part la SPR quant à la réouverture des demandes qui avaient été déclarées abandonnées, le demandeur fait valoir que les principes dérivés de ces cas sont applicables à la décision de la SAR de rejeter l’appel du demandeur en l’espèce. Au paragraphe 21 de Garduno, le juge de Montigny a tranché qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur cette divergence jurisprudentielle quant à la norme de contrôle, ayant conclu que le SAR avait commis une erreur, et ce, quelle que soit la norme choisie. De même, dans la présente affaire, ma conclusion, comme elle est expliquée ci­dessous, est que la SAR n’a pas commis d’erreur, indépendamment du fait que sa décision est examinée selon la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable.

IV.             Observations des parties

A.                Position du demandeur

[12]           Le demandeur fait valoir que les motifs de la SAR pour avoir rejeté l’appel étaient la présentation tardive de ce dernier, celui­ci ayant a été reçu le 10 avril 2015 alors qu’il devait être présenté le 8 avril 2015. Il soutient que c’était une erreur, étant donné qu’il avait soumis son dossier à temps par télécopieur en date du 8 avril 2015.

[13]           Faisant référence à la liste de vérification de la mise en état de la SAR [la liste de vérification] contenue dans le dossier certifié du tribunal, le demandeur soutient qu’une période de grâce d’un jour avait été initialement autorisée avant d’être retirée. Il affirme également avoir inclus les documents qui devaient figurer dans son dossier et déclare que la liste de vérification avait été mal remplie par le bureau de gestion des cas de la SAR. Cette erreur a été source de confusion, ce qui a influencé la décision de rejeter son appel.

[14]           Le demandeur fait également valoir que la SAR n’a pas examiné l’affidavit qu’il avait présenté à l’appui de sa demande de réouverture de l’appel et dans lequel il expliquait qu’il n’avait pas reçu la télécopie transmise par la SAR le 10 avril 2015.

[15]           Enfin, comme il en a ci­dessus été fait mention, le demandeur soutient que la Cour a statué contre l’application inflexible des règles de procédure, étant donné que la justice naturelle englobe le droit fondamental d’être entendu, laquelle ne devrait pas être refusée sans motif valable.

B.                 Position du défendeur

[16]           Le défendeur souligne qu’il n’y a pas eu de manquement à la justice naturelle étant donné que le dossier de l’appelant a été refusé parce qu’il était incomplet, en violation des alinéas 3(3)a) et 3(3)d) des Règles de la SAR, et non pas parce qu’il avait été reçu trop tard. Le demandeur a eu l’occasion de corriger les lacunes du dossier, mais il ne l’a pas fait.

[17]           Le défendeur explique que la déclaration de la SAR selon laquelle le dossier d’appel avait été reçu le 10 avril au lieu du 8 avril semble être une erreur typographique. Dans sa décision relativement à la demande de réouverture présentée par le demandeur, la SAR a reconnu que le dossier avait été reçu à temps et que la question n’était pas là. Au contraire, le demandeur avait été invité à corriger les lacunes du dossier et à le renvoyer.

[18]           Faisant référence aux arguments du demandeur sur la liste de vérification, la position du défendeur est que cela n’a aucune incidence sur le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. La liste de vérification illustre à juste titre que les éléments mentionnés par le demandeur n’étaient pas inclus dans son dossier. Il n’a pas inclus dans son dossier l’avis de décision et motifs de la SPR, qui est une condition préalable à la mise en état de son appel. Ce document n’ayant pas été inclus, on ne sait pas quel type de flexibilité le demandeur aurait pu raisonnablement attendre de la SAR.

V.                Analyse

[19]           L’article 3 des Règles de la SAR, qui est mentionné dans la décision contestée, stipule ce qui suit :

3. (1) Pour mettre en état un appel, la personne en cause transmet à la Section deux copies du dossier de l’appelant.

3. (1) To perfect an appeal, the person who is the subject of the appeal must provide to the Division two copies of the appellant’s record.

(2) La Section transmet sans délai au ministre une copie du dossier de l’appelant.

(2) The Division must provide a copy of the appellant’s record to the Minister without delay.

(3) Le dossier de l’appelant comporte les documents ci­après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

(3) The appellant’s record must contain the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

a) l’avis de décision et les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel;

(a) the notice of decision and written reasons for the Refugee Protection Division’s decision that the appellant is appealing;

b) la transcription complète ou partielle de l’audience de la Section de la protection des réfugiés, si l’appelant veut l’invoquer dans l’appel, accompagnée d’une déclaration signée par le transcripteur dans laquelle celui­ci indique son nom et atteste que la transcription est fidèle;

(b) all or part of the transcript of the Refugee Protection Division hearing if the appellant wants to rely on the transcript in the appeal, together with a declaration, signed by the transcriber, that includes the transcriber’s name and a statement that the transcript is accurate;

c) tout document que la Section de la protection des réfugiés a refusé d’admettre en preuve pendant ou après l’audience, si l’appelant veut l’invoquer dans l’appel;

(c) any documents that the Refugee Protection Division refused to accept as evidence, during or after the hearing, if the appellant wants to rely on the documents in the appeal;

d) une déclaration écrite indiquant :

(d) a written statement indicating

(i) si l’appelant invoque des éléments de preuve visés au paragraphe 110(4) de la Loi,

(i) whether the appellant is relying on any evidence referred to in subsection 110(4) of the Act,

(ii) si l’appelant demande la tenue de l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi et, le cas échéant, s’il fait une demande de changement de lieu de l’audience en vertu de la règle 66,

(ii) whether the appellant is requesting that a hearing be held under subsection 110(6) of the Act, and if they are requesting a hearing, whether they are making an application under rule 66 to change the location of the hearing, and

(iii) la langue et, le cas échéant, le dialecte à interpréter, si la Section décide qu’une audience est nécessaire et que l’appelant a besoin d’un interprète;

(iii) the language and dialect, if any, to be interpreted, if the Division decides that a hearing is necessary and the appellant needs an interpreter;

e) tout élément de preuve documentaire que l’appelant veut invoquer dans l’appel;

(e) any documentary evidence that the appellant wants to rely on in the appeal;

f) toute loi, jurisprudence ou autre autorité légale que l’appelant veut invoquer dans l’appel;

(f) any law, case law or other legal authority that the appellant wants to rely on in the appeal; and

g) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(g) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

(i) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel,

(i) the errors that are the grounds of the appeal,

(ii) l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel ou dans la transcription ou dans tout enregistrement audio ou électronique de l’audience tenue devant cette dernière,

(ii) where the errors are located in the written reasons for the Refugee Protection Division’s decision that the appellant is appealing or in the transcript or in any audio or other electronic recording of the Refugee Protection Division hearing,

(iii) la façon dont les éléments de preuve documentaire visés à l’alinéa e) sont conformes aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et la façon dont ils sont liés à l’appelant,

(iii) how any documentary evidence referred to in paragraph (e) meets the requirements of subsection 110(4) of the Act and how that evidence relates to the appellant,

(iv) la décision recherchée,

(iv) the decision the appellant wants the Division to make, and

(v) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si l’appelant en fait la demande.

(v) why the Division should hold a hearing under subsection 110(6) of the Act if the appellant is requesting that a hearing be held.

(4) Le mémoire prévu à l’alinéa (3)g) ne peut comporter plus de trente pages dactylographiées au recto seulement ou quinze pages dactylographiées aux recto et verso.

(4) The memorandum referred to in paragraph (3)(g) must not be more than 30 pages long if typewritten on one side or 15 pages if typewritten on both sides.

(5) Le dossier de l’appelant transmis en application de la présente règle doit être reçu par la Section dans le délai prévu par le Règlement pour mettre en état un appel.

(5) The appellant’s record provided under this rule must be received by the Division within the time limit for perfecting an appeal set out in the Regulations.

[20]            Pour la Cour, il est clair que la décision de la SAR de rejeter l’appel du demandeur reposait sur l’incapacité à mettre en état l’appel conformément à l’article 3 des Règles de la SAR, et non pas sur un malentendu quant à la date de dépôt du mémoire du demandeur. Les motifs de décision et l’avis de décision de la SAR précisent que l’appel est rejeté pour cause d’absence de mise en état de l’appel. Bien que le dépôt du mémoire à la date erronée du 10 avril soit mentionné dans la décision, ce n’est pas le défaut de produire le mémoire au plus tard à la date limite du 8 avril qui a entraîné le refus. La décision de la SAR est datée du 15 mai 2015 et mentionne que, à cette date (soit plus de 5 semaines après la date limite du 8 avril), le demandeur n’avait toujours pas déposé le dossier d’appel mis en état ou une demande de prorogation du délai pour mettre l’appel en état. La seule interprétation possible de ces motifs est que ce sont les lacunes qui subsistaient dans le dossier le 15 mai 2015, et non pas la croyance erronée voulant que le mémoire ait été déposé avec deux jours de retard en avril, qui ont entraîné le refus.

[21]           Cette interprétation de la décision est corroborée à la fois par le libellé de la décision et par la mention de la télécopie envoyée le 10 avril 2015 à l’avocat du demandeur. La décision précise que cette télécopie informait l’avocat des lacunes du dossier. Les lacunes relevées dans la télécopie étaient le défaut de fournir l’avis de décision, les motifs de la décision de la SPR et la déclaration écrite, ces documents étant exigés respectivement par les articles 3(3)a) et 3(3)d) des Règles de la SAR. La télécopie ne mentionne pas que le mémoire du demandeur a été déposé en retard.

[22]           Je ne considère pas que la liste de vérification de la SAR aide le demandeur avec ses arguments. Bien qu’il souligne à juste titre que des changements ont été apportés à la liste de vérification, laquelle semble avoir mentionné à l’origine que le dossier avait été déposé à temps, ces changements ne sont pas le résultat d’un malentendu quant à la date de dépôt du mémoire du demandeur, mais plutôt d’une reconnaissance que le dossier comportait des lacunes. La liste de vérification indique que le mémoire avait été déposé, mais que d’autres documents, y compris ceux précisés dans la lettre du 10 avril 2015 adressée à l’avocat du demandeur, n’avaient pas été fournis, et conclut par une note qui semble faire référence à l’intention d’envoyer cette lettre.

[23]           Je ne vois donc pas de raison de conclure que la SAR a commis une erreur, comme le soutient le demandeur, en rejetant l’appel sur la base d’une compréhension erronée selon laquelle le mémoire avait été déposé le 10 avril 2015.

[24]           Je me dois également de rejeter l’argument du demandeur voulant que la SAR ait ignoré l’affidavit du demandeur au sujet de la mise en état de l’appel. Cet affidavit a été assermenté par l’ancien avocat de du demandeur le 17 juin 2015 et soumis à la SAR à l’appui de la demande de réouverture de l’appel. Dans l’un des paragraphes de l’affidavit, l’ancien avocat du demandeur déclare ne pas avoir reçu la lettre datée du 10 avril 2015. Cet affidavit a été inclus dans le dossier du défendeur dans cette demande de contrôle judiciaire et le défendeur explique que le but était de fournir à la Cour un contexte factuel complet, y compris les documents relatifs à la demande de réouverture de l’appel. Toutefois, le défendeur soutient que, comme l’affidavit est postérieur à la décision de la SAR de rejeter l’appel, on ne peut pas faire valoir qu’il aurait dû être pris en compte par la SAR au moment de prendre cette décision.

[25]           La position du défendeur sur cette question est bien évidemment correcte. Je considère que la Cour est régulièrement saisie de l’affidavit dans cette demande de contrôle judiciaire. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, la demande ultérieure de réouverture fait partie de l’ensemble du contexte factuel de cette affaire, et ensuite, lorsqu’une question d’équité procédurale est soulevée comme c’est le cas ici, il est permis de présenter une preuve qui n’avait pas été produite devant l’auteur de la décision contestée pour démontrer l’injustice présumée (voir Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22). Je tiendrai compte de l’incidence de cet affidavit au moment d’analyser ci­dessous les arguments du demandeur sur la base de la justice naturelle et de l’équité procédurale. Cependant, le fait que l’affidavit peut être pris en considération à cette fin ne signifie pas, contrairement à ce que prétend le demandeur, que l’on peut reprocher à la SAR de ne pas avoir tenu compte cet affidavit lorsqu’elle a rendu sa décision. Si le demandeur contestait la décision de la SAR de ne pas rouvrir l’appel, il pourrait évidemment faire valoir que l’affidavit n’avait pas été pris en considération. Toutefois, cet argument est illogique lorsqu’il est appliqué à la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire, étant donné que l’affidavit n’existait pas quand la SAR a pris cette décision.

[26]           Quant à l’argument selon lequel la SAR aurait dû appliquer ses règles avec plus de souplesse, le demandeur renvoie la Cour au paragraphe 16 de la décision récemment prise par le juge Diner dans Huseen :

[16]      À mon avis, on ne doit pas fermer la porte au nez des personnes qui ne respectent pas des exigences procédurales ordinaires. Une interprétation aussi étroite nuirait à l’engagement du Canada envers son système de protection des réfugiés et ses obligations internationales sous­jacentes (paragraphe 3(2) de la Loi). En fait, l’un des objectifs de la Convention relative aux réfugiés, dont le Canada est signataire, est d’assurer aux réfugiés l’exercice le plus large possible des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, au paragraphe 27).

[27]           Huseen portait sur le contrôle judiciaire d’une décision de la SPR rejetant une requête en réouverture d’une demande d’asile, qui avait été déclarée abandonnée après que les demandeurs n’eurent pas présenté certains formulaires à temps et eurent omis de comparaître à une audience sur le désistement. En refusant de rouvrir la demande, la SPR a déclaré que « l’ignorance de la loi ne constitue pas un moyen de défense » et a conclu qu’il n’y avait pas eu manquement à la justice naturelle. La Cour était en désaccord avec cette conclusion au motif que la SPR n’avait pas tenu compte des raisons personnelles pour lesquelles les demandeurs n’avaient pas respecté le délai, y compris leur demande de changement de lieu. Elle s’appuyait sur diverses décisions de la Cour qui avaient constaté des manquements à la justice naturelle, même si le demandeur n’avait pas respecté un délai ou ne s’était pas présenté à une audience, lorsque le décideur ne tenait pas compte de tous les éléments de preuve dont il disposait, y compris les motifs qui auraient pu justifier le retard ou le comportement.

[28]           Le demandeur s’appuie également sur Garduno, où une demande d’asile avait été déclarée abandonnée et les demandeurs avaient déposé une demande de réouverture parce que l’avis d’audience, à laquelle ils n’avaient pas assisté, avait été envoyé à une ancienne adresse. Le juge de Montigny a conclu que la SPR avait commis une erreur en refusant de rouvrir la demande d’asile, parce qu’elle avait ignoré l’affidavit du demandeur qui indiquait qu’il avait informé la SPR de sa nouvelle adresse.

[29]           Enfin, le demandeur cite Anjum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 496, où une décision de la SPR sur le désistement a été annulée parce qu’elle n’avait pas appliqué le bon critère et n’avait donc pas tenu compte des facteurs pertinents pour l’application de ce facteur.

[30]           Bien que j’accepte comme principe général que les règles de procédure doivent être appliquées avec souplesse dans l’administration du système canadien d’octroi de l’asile, je ne considère pas que les faits de cette affaire démontrent un manque de souplesse qui constituerait une violation des principes d’équité procédurale ou de justice naturelle de la part de la SAR. Dans les précédents invoqués par le demandeur, les décisions de la Cour reposaient toutes sur une erreur commise par le décideur administratif, à savoir l’omission d’observer et d’appliquer le bon critère ou l’omission de tenir compte des éléments de preuve dont il disposait et qui expliquaient pourquoi certaines exigences procédurales n’avaient pas été respectées. Il n’y a pas eu de manquement de ce genre de la part de la SAR en l’espèce.

[31]           Il était clair que le dossier d’appel de l’appelant n’avait pas été mis en état puisqu’il ne contenait pas les documents requis par les articles 3(3)a) et 3(3)d) des Règles de la SAR. Avant de rejeter l’appel pour défaut de mise en état, la SAR a écrit à l’avocat du demandeur pour préciser les lacunes du dossier et offrir la possibilité de demander une prorogation du délai pour la mise en état. Elle a également bénéficié du rapport de vérification de transmission, contenu dans le dossier certifié du tribunal, qui confirme que cette lettre a été transmise avec succès par télécopieur au numéro de télécopieur de l’ancien avocat du demandeur le 10 avril 2015.

[32]           Le demandeur se réfère à l’affidavit de son ancien avocat, qui précisait qu’il n’avait pas reçu cette lettre. Cependant, il n’a fourni aucune explication à ce sujet dans le contexte du témoignage du défendeur selon lequel la lettre avait bien été transmise par télécopieur. Il n’a pas non plus cité à la Cour un précédent qui établit que si, à l’insu de la SAR, la télécopie n’était pas parvenue à l’attention de son avocat, cela porterait atteinte à l’équité procédurale de la décision de la SAR.

[33]           Au lieu de cela, le demandeur a fait valoir que, du fait qu’il n’avait pas reçu la lettre, il n’avait pas reçu de rappel des éléments requis aux fins de mise en état de son dossier et qu’il ignorait les pièces qui manquaient lorsqu’il a déposé sa demande subséquente de réouverture de l’appel. Cependant, la décision de la SAR à l’égard de la demande de réouverture de l’appel ne fait pas l’objet du présent contrôle judiciaire. Je note également que, conformément au paragraphe 49(6) des Règles de la SAR, il faut qu’il y ait un manquement à un principe de justice naturelle pour que la SAR puisse rouvrir un appel. Ainsi, le demandeur avait la possibilité de soulever des démentis présumés de justice naturelle dans cette demande. L’affidavit déposé par son ancien avocat à l’appui de la demande de réouverture comprend l’affirmation selon laquelle il n’avait pas reçu la lettre datée du 10 avril 2015, ce qui démontre clairement qu’il était conscient du problème à ce moment­là. Cependant, dans ses observations sur cette demande, il n’invoquait pas cette question à l’appui de la réparation demandée. Je note également que le demandeur était représenté par un avocat tout au long de ces événements.

[34]           Ayant examiné les arguments et les précédents invoqués par le demandeur, peu importe que j’applique la norme de la décision raisonnable ou celle de la décision correcte, je ne décèle aucune erreur de la part de la SAR dans la présente affaire de rejet de l’appel pour défaut de mise en état.

[35]           Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2812-15

INTITULÉ :

SYED MOHSIN RAZA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 FÉVRIER 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Southcott

DATE DES MOTIFS :

LE 29 FÉVRIER 2016

COMPARUTIONS :

Raisa Sharipova

Pour le demandeur

Christopher Crighton

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raisa Sharipova

Avocate­procureure

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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