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Date : 20160307


Dossier : T-520-10

Référence : 2016 CF 287

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

J.D. IRVING, LIMITED

demanderesse

et

SIEMENS CANADA LIMITED, MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC., SUPERPORT MARINE SERVICES LTD., CORPORATION D’ÉNERGIE NUCLÉAIRE NOUVEAU-BRUNSWICK, BMT MARINE AND OFFSHORE SURVEYS LTD. ET DANIEL MACPHERSON exploitant une entreprise sous la dénomination sociale MACPHERSON MARINE GROUP

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

[1]          Le jugement et les motifs dans cette affaire ont été publiés le 22 janvier 2016 (2016 CF 69). Toutefois, comme il est précisé au paragraphe 329 de la décision, et compte tenu de mes conclusions relativement à la question de l’imprudence, il était difficile de savoir si, conformément au paragraphe 1(4) de la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances, modifiée par le Protocole de 1996 modifiant la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité (collectivement, la Convention sur la limitation), Maritime Marine Consultants (MMC) et M. Bremner sont des personnes dont les faits, négligences ou fautes entraînent la responsabilité de J.D. Irving (JDI), à titre de propriétaire du navire et, le cas échéant, si MMC et M. Bremner sont en droit de limiter leur responsabilité. J’ai déclaré que je demeurais saisie de l’affaire et que, si les parties en venaient à exiger une décision fondée sur ce motif, des motifs supplémentaires seraient alors prononcés. Dans une lettre datée du 26 janvier 2016, les avocats de MMC et de M. Bremner ont signifié à la Cour qu’ils sollicitaient effectivement une décision en vertu du paragraphe 1(4). Les motifs supplémentaires et le jugement qui suivent donnent suite à leur demande. Le contenu de la décision initiale ne sera pas reproduit dans les présents motifs supplémentaires; il y sera incorporé par renvoi.

[2]          La question à trancher est la suivante : MMC et M. Bremner peuvent-ils invoquer le droit à la limitation de responsabilité prévu au paragraphe 1(4) de la Convention sur la limitation, qui dispose ce qui suit :

Si l’une quelconque des créances prévues à l’article 2 est formée contre toute personne dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du propriétaire de navire ou de l’assistant, cette personne est en droit de se prévaloir de la limitation de la responsabilité prévue dans la présente Convention.

[3]          Nul ne conteste que JDI est le « propriétaire de navire » au sens du paragraphe 1(2) de la Convention sur la limitation. MMC et M. Bremner soutiennent qu’ils sont des personnes dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité de JDI, à titre de propriétaire du navire, et que, par conséquent, ils sont en droit de limiter leur responsabilité. Selon l’interprétation de MMC et de M. Bremner, le paragraphe 1(4) inclurait dans la catégorie des personnes en droit de limiter leur responsabilité tout entrepreneur indépendant, pourvu que le propriétaire de navire soit responsable, sur le plan juridique, des actes de l’entrepreneur indépendant.

[4]          Cette position se fonde principalement sur le passage suivant de l’ouvrage de Patrick Griggs, intitulé Limitation of Liability for Maritime Claims, 4e éd., (Londres : Lloyds, 2005) au paragraphe 13 :

[traduction]

Le paragraphe 1(4) de la Convention de 1976 élargit le droit de limiter sa responsabilité à « toute personne dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du propriétaire ou de l’assistant ».

Ce libellé semble élargir la catégorie des personnes en droit de limiter leur responsabilité. Alors que le paragraphe 6(2) de la Convention sur la limitation de 1957 et le paragraphe 3(2) de la Loi de 1958 octroyaient le droit à limitation aux « capitaines, aux membres de l’équipage et autres préposés du propriétaire agissant dans l’exercice de leurs fonctions », il semble que l’application du paragraphe 1(4) de la Convention de 1976 soit suffisamment large pour englober les agents et entrepreneurs indépendants tels que les débardeurs, pourvu que le propriétaire de navire soit responsable de leurs actes sur le plan juridique.

Le sens donné au mot « responsabilité » est loin d’être clair. Si on l’interprétait de manière stricte, il pourrait signifier par exemple que pour se prévaloir du droit indépendant de limitation, un débardeur doit démontrer qu’il est un « préposé » du propriétaire, contrairement à ce qui fut le cas dans White Rose. Si la portée est interprétée plus largement, il pourrait suffire au débardeur de démontrer que sa participation relevait de la « responsabilité » du propriétaire de navire.

Dans le cas de créances pour dommages causés à la cargaison, la règle 1 de l’article III des règles de La Haye-Visby prévoit la prise en compte de la diligence raisonnable du propriétaire, avant le voyage et au commencement de celui-ci, pour assurer la navigabilité du navire. Dans la décision The Muncaster Castle” [(1961) 1 Lloyd’s Rep 57], la Chambre des Lords a soutenu que, en ce qui concerne cette obligation, le propriétaire du navire ne peut être tenu responsable que si un navire est envoyé en mer en état d’innavigabilité par suite d’actes ou d’omissions de la part d’un entrepreneur indépendant dont il a loué les services. Il semblerait donc que si l’innavigabilité est attribuable aux faits, négligences et fautes d’un entrepreneur indépendant, celui-ci pourra, s’il est poursuivi par les propriétaires de la cargaison endommagée, invoquer la limitation de sa responsabilité au titre de la Convention de 1976.

[5]          MMC et M. Bremner soutiennent que le paragraphe 43(2) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime (LRMM), LC 2001, ch. 6, étend l’application des règles de La Haye-Visby, qui en font partie intégrante, aux contrats de transport maritime de marchandises. Ils allèguent par surcroît que dans la décision Riverstone Meat Co Pty Ltd v. Lancashire Shipping Co Ltd, (Muncaster Castle), [1961] AC 807, [1961] 1 Lloyd’s Rep 57 [Muncaster Castle], la Chambre des Lords a tranché que l’obligation de diligence raisonnable imposée au propriétaire par les règles de La Haye-Visby eu égard à l’état de navigabilité est de nature personnelle et non transmissible. Il s’ensuit que la responsabilité incombe au propriétaire si un employé ou un agent, y compris un entrepreneur indépendant, n’exerce pas une diligence raisonnable pour assurer la navigabilité avant un voyage et au commencement de celui-ci.

[6]          MMC et M. Bremner prétendent en outre que le concept de l’intransmissibilité de l’obligation afférente à la navigabilité d’un navire a été admis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Wire Rope Industries Ltd. c. British Columbia Marine Shipbuilders Ltd., [1982] 1 RCS 363 [Wire Rope]. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que l’utilisation d’une attache de câble de remorquage défectueuse est à l’origine de l’innavigabilité d’un remorqueur. Par conséquent, pour se dégager de sa responsabilité, l’affréteur devait établir qu’il avait « exercé une diligence raisonnable pour mettre le remorqueur en bon état de navigabilité ». Selon les faits de l’espèce, l’exercice d’une diligence raisonnable, en lien avec la rupture de l’attache de câble de remorquage, ne pouvait être établi par simple mention du fait que l’affréteur avait confié les travaux relatifs au câble de remorqueur à un entrepreneur réputé et expérimenté. Toutefois, la Cour suprême a tranché que l’affréteur s’était finalement acquitté du fardeau qui lui incombait, c’est-à-dire d’établir sa diligence raisonnable étant donné que la défaillance était due à un défaut caché qu’il n’aurait pu détecter, même avec toute la diligence possible.

[7]          S’appuyant sur les principes énoncés dans Muncaster Castle et Wire Rope, MMC et M. Bremner affirment qu’un entrepreneur indépendant ou un expert dont les faits, négligences et fautes sont la cause de l’innavigabilité d’un navire impute une responsabilité juridique personnelle au propriétaire du navire, soit JDI en l’occurrence. Étant donné le mauvais état de navigabilité de la SPM 125, JDI [traduction] « est responsable de tout manquement de la part de ses agents ou subalternes dans la mise en état de navigabilité du navire au commencement du voyage pour le transport de la cargaison particulière » (The Frey [1899], 92 F 667, citée dans Charles Goodfellow Lumber Sales Limited c. Borromée Verreault, Capitaine Fernand Hovington et Verreault Navigation Inc., [1971] RCS 522, puis dans Wire Rope).

[8]          MMC et M. Bremner soutiennent par ailleurs que l’obligation intransmissible d’assurer le bon état de navigabilité du navire découle à la fois des règles de La Haye-Visby et du droit maritime général. Cette obligation porte notamment sur la capacité du navire à transporter une cargaison particulière et sur son arrimage. La mise en état de navigabilité de la SPM 125 faisait partie des fonctions essentielles de JDI, et le rôle de MMC et de M. Bremner dans la préparation du plan de chargement en était un de soutien à l’exécution de cette fonction essentielle. Le concept de « responsabilité » exposé au paragraphe 1(4) traite de cette relation. Selon MMC et M. Bremner, si la SPM 125 n’était pas en bon état de navigabilité, JDI en était tenu responsable envers Siemens, et sa responsabilité n’était ni distincte ni diminuée par le fait que cette tâche avait été confiée à MMC et à M. Bremner. MMC et M. Bremner sont par le fait même de toute personne dont les faits, les négligences ou les fautes entraînent la responsabilité de JDI.

[9]          Ils admettent qu’il s’agit d’un nouvel argument et qu’ils n’ont pas trouvé de jurisprudence sur cette question, ni au Canada ni ailleurs dans le monde.

[10]      Je note d’abord qu’il est clair que MMC a conclu un contrat avec JDI, conformément au bon de commande d’Irving Equipment, en vue de la prestation de services d’architecture navale liés au transport de la cargaison en cause. Je note par ailleurs que JDI et MMC entretenaient une relation de longue date, que MMC fournissait une expertise que JDI a admis ne pas trouver à l’intérieur de son organisation, et que JDI considérait MMC et M. Bremner comme faisant partie de son équipe. Il ne fait aucun doute non plus que MMC et M. Bremner devaient fournir, ce qui a été fait, des conseils concernant la possibilité d’utiliser la SPM 125 pour y charger et y transporter en toute sécurité des rotors BP.

[11]      Cependant, ce n’est pas suffisant à mon avis pour établir que MMC et M. Bremner étaient des personnes dont les faits, négligences et fautes entraînaient la « responsabilité » de JDI, à titre de propriétaire du navire, et qu’ils pouvaient de ce fait invoquer une limitation de responsabilité en vertu du paragraphe 1(4).

[12]      MMC est une entité morale indépendante, alors qu’Atlantic Towing et Irving Equipment sont des divisions de JDI. Il n’existe aucune preuve ni aucune indication de l’embauche de M. Bremner à titre personnel, ni qu’il était un employé de JDI. Rien ne laisse penser non plus que M. Bremner aurait agi, à aucun moment, autrement qu’en sa qualité de directeur de MMC. MMC a plutôt fourni des services d’architecture navale à JDI à titre d’entrepreneur indépendant.

[13]      La relation entre un employeur et un entrepreneur indépendant, au contraire de celle qui unit un employeur et un employé, un préposé ou un agent, ne peut généralement donner lieu à une revendication de responsabilité du fait d’autrui. Selon la preuve en l’espèce, JDI a signé un contrat de louage de services avec MMC. MMC fournissait des services d’architecture navale dont JDI ne disposait pas en interne. JDI ne supervisait pas et ne contrôlait pas le travail de MMC. MMC est une entité morale indépendante exploitant une entreprise pour son propre compte. En somme, la relation entre JDI et MMC n’entraînait pas la responsabilité du fait d’autrui. Par conséquent, même si JDI a loué et bénéficié des services d’architecture navale de MMC à maintes reprises dans le passé, ce n’est pas suffisant en droit canadien pour entraîner la responsabilité de JDI du fait d’autrui, ni sa responsabilité à l’égard des actes ou omissions de MMC (671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, aux paragraphes 46 et 47; 1292644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada [Revenu National], 2013 CAF 85, aux paragraphes 23 et 39 à 41; KLB c. Colombie-Britannique, 2003 CSC 51).

[14]      À mes yeux, il ne suffit pas d’établir que JDI a loué les services d’architecture navale de MMC parce qu’ils étaient indispensables au transport de la cargaison, en faisaient partie intégrante ou en constituaient une fonction essentielle pour décréter une responsabilité légale au sens du paragraphe 1(4).

[15]      De plus, l’article de Griggs qui est invoqué par MMC et M. Bremner indique que le sens donné au mot responsabilité au paragraphe 1(4) est loin d’être clair. Selon Griggs, il peut être interprété de manière large ou stricte. Barnabas WB Reynolds et Michael N. Tsimplis constatent aussi cette marge d’interprétation dans Shipowners Limitation of Liability (Frederick, MD, Aspen, 2012, p. 35). Les auteurs soutiennent que le libellé « personne dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du propriétaire ou de l’assistant » vise à empêcher un demandeur de contourner le droit de limitation en poursuivant le fautif au lieu du navire, une approche dont le succès est à l’origine des clauses Himalaya (voir Adler v. Dickson (The Himalaya), [1954] 2 Lloyd’s Rep 267 et, au sujet de leur acceptation en droit canadien, London Drugs Ltd. c. Kuehne & Nagel International Ltd., [1992] 3 RCS 299).

[16]      Reynold et Tsimplis affirment aussi que le droit de limitation élargi aux personnes relevant de la responsabilité du propriétaire englobe sans conteste le capitaine et les membres d’équipage qui agissent dans l’exercice de leurs fonctions. [TRADUCTION] « Toutefois, quiconque peut démontrer que son lien avec le propriétaire du navire entraîne la responsabilité de celui-ci pourrait se prévaloir de la limitation de responsabilité » (page 35). En droit britannique, disent les auteurs, les pilotes sont visés puisque leur négligence engage la responsabilité du propriétaire, bien que la loi les habilite également à limiter leur propre responsabilité dans une mesure bien moindre. En revanche, cette définition ne s’applique pas aux entrepreneurs indépendants ou aux autres intervenants de l’industrie du transport maritime tels les agents du navire, les débardeurs et les organismes de classification (voir également Michael Tsimplis et Richard Shaw, « The Liabilities of the Vessel », Yvonne Baatz, dir., Maritime Law, 3d (R.-U., Routledge, 2014, vol. 222, pages 277 et 278).

[17]      Également, dans Modern Maritime Law, Volume 2: Managing Risks and Liabilities, 3e édition, New York, Routledge, 2013, pages 746 et 747, Aleka Mandaraka-Sheppard soutient que le paragraphe 1(4) vise essentiellement à octroyer un droit de limitation indépendant aux personnes dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du fait d’autrui du propriétaire du navire, du gestionnaire, de l’exploitant ou de l’assistant.

[18]      Sur la question de savoir si le paragraphe 1(4) s’applique à un entrepreneur indépendant, Mandaraka-Sheppard donne l’exemple du radoubeur. Si la négligence d’un radoubeur à qui le propriétaire d’un navire a demandé d’exécuter des réparations rend le navire impropre à la navigation et cause des pertes à des tiers, la responsabilité de ces pertes incombe par imputation au propriétaire. Dans ce cas, il n’est pas responsable du fait d’autrui pour la négligence de l’entrepreneur indépendant (Salsburry v. Woodland, [1970] 1 QB 324, pages 336 et 337, lord juge Widgery), mais en raison de la responsabilité directe à l’égard du demandeur que lui confère son obligation intransmissible en vertu de la Règle 1 de l’article III des règles de La Haye-Visby (Muncaster Castle). Le propriétaire du navire peut invoquer son droit à limitation de cette responsabilité par imputation. Les auteurs concluent que le radoubeur peut être poursuivi séparément et, parce qu’il ne fait pas partie des personnes visées par le paragraphe 1(4), les demandeurs pourraient passer outre aux dispositions sur la limitation de la Convention sur la limitation.

[19]      Mandaraka-Sheppard étend son analyse à d’autres entrepreneurs indépendants tels les débardeurs, dont le sort dépendra de la manière dont la cour interprétera le sens du mot « responsabilité » dans le contexte du paragraphe 1(4) de la Convention sur la limitation. En common law, le propriétaire d’un navire n’est pas responsable du fait d’autrui pour la négligence d’un débardeur. Toutefois, les débardeurs peuvent faire partie des personnes qui entrent dans les catégories visées au paragraphe 1(4) si le propriétaire est responsable de leurs actes et omissions. L’auteure ne donne pas d’autre précision sur ce que cela signifie.

[20]      À mon point de vue, étant donné le flou qui entoure le libellé du paragraphe 1(4) et les diverses interprétations possibles – comme en font foi les textes donnés en référence précédemment –, il faut s’en remettre au document intitulé The Travaux Préparatoires of the LLMC Convention 1976 and of the Protocol of 1996 (les « travaux »), dans lesquels le Comité maritime international (CMI) cherche à préciser l’intention des États membres concernant l’application du paragraphe 1(4) selon le contexte et l’objet de la Convention sur la limitation.

[21]      Comme je le mentionne au paragraphe 260 de mes motifs publiés le 22 janvier 2016, les conventions internationales et les lois visant leur mise en vigueur au Canada (la LRMM, par exemple) doivent être interprétées conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités, R.T. Can. 1980, no 37 (la « Convention de Vienne ») [voir l’arrêt  Peracomo, CAF, citant Yugraneft Corp. c. Rexx Management Corp., 2010 CSC 19, au paragraphe 19; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RCS 982, au paragraphe 51]. L’article 32 de la Convention de Vienne permet de faire appel aux travaux et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu comme moyens complémentaires d’interprétation des dispositions dont le sens est ambigu.

[22]      À cet égard, les travaux indiquent que certaines délégations ont laissé entendre que le droit à la limitation de responsabilité ne devrait pas être réservé aux exploitants (propriétaires, affréteurs, etc.) et à leurs préposés, mais qu’il devrait aussi être accordé à quiconque fournit des services directement liés à l’exploitation d’un navire, y compris les débardeurs et les assistants, ainsi qu’au propriétaire, à l’expéditeur ou au destinataire des marchandises convoyées.

[23]      À cet égard, il a été proposé que la limitation de responsabilité soit accordée aux propriétaires, aux exploitants et aux affréteurs au sens de la Convention de 1957, et que ce droit soit élargi à certaines personnes fournissant des services en relation directe avec les opérations de navigation ou de gestion du navire, ainsi qu’aux assistants. Par contre, la proposition visant à étendre cette protection aux « entrepreneurs » faisant l’objet de revendication de limitation, y compris les propriétaires, les expéditeurs et les destinataires de la cargaison convoyée, n’a pas été retenue. Il a été souligné que, en vertu de l’article 6 de la Convention de 1957, [traduction] « les “préposés” du propriétaire, [...] agissant dans l’exercice de leurs fonctions », sont en droit de limiter leur responsabilité personnelle dans la même mesure que le propriétaire lui-même, et que :

[traduction]

Le principe de base, c’est que toute personne relevant du propriétaire devrait être en mesure de limiter sa propre responsabilité, sans quoi la protection du propriétaire lui-même pourrait être compromise. Il a été proposé de remplacer le mot préposés par l’expression préposés ou agents, qui est de portée plus large. Cependant, on a craint que le mot « agents » soit compris comme s’entendant des personnes à l’égard desquelles le propriétaire n’a pas de responsabilité du fait d’autrui. Il a de plus été souligné que le libellé « agissant dans l’exercice de leurs fonctions » ait un sens trop restreint, notamment si le propriétaire du navire est tenu responsable de l’équipage même s’il n’est pas en service.

[...]

La solution retenue dans cette ébauche a été de subordonner le droit des employés à une limitation au fait que leurs « faits, négligences et fautes » entraînent la responsabilité du propriétaire (page 35).

[Non souligné dans l’original.]

[24]      Durant une séance du Comité juridique de l’Organisation maritime consultative intergouvernementale (le « Comité »), comme il s’appelait alors, il a été longuement question des personnes échappant à l’application de la Convention de 1957, étant donné que les propriétaires, les exploitants et les affréteurs conserveraient le droit à la limitation de leur responsabilité en vertu de la nouvelle ébauche de la Convention de 1976. La discussion s’est focalisée sur deux catégories de personnes. La première comprenait certains « entrepreneurs » tels que les propriétaires, les expéditeurs et les destinataires de marchandises. Il a été expliqué que le CMI avait décidé de ne pas étendre le droit à limitation par crainte des répercussions complexes possibles sur les coûts d’assurance et les activités non maritimes. Les fournisseurs de services de « chargement, d’arrimage ou de déchargement des marchandises » forment une autre catégorie de personnes dont les activités ne se déroulent pas pendant que le navire est en service et qui n’entrent donc pas dans la définition de « gestion du navire » au sens des ébauches d’articles. L’inclusion de ces personnes n’a pas été approuvée durant les délibérations du CMI, même s’il a été reconnu que certains États leur reconnaissaient ce droit sous le régime de leurs lois nationales.

[25]      La définition de « propriétaire de navire » a également été débattue, et il a été proposé de l’étendre aux propriétaires, affréteurs, gestionnaires et exploitants des navires de mer, ainsi qu’à toute personne fournissant des services en relation directe avec la navigation ou la gestion du navire. La proposition a été rejetée. Le débat a porté sur les éléments suivants :

[traduction]

Le CMI a longuement débattu de la mesure dans laquelle un entrepreneur indépendant engagé par l’exploitant, lequel n’est toutefois pas tenu responsable des actes de l’exploitant, devrait être protégé par le droit à limitation. Il a été avancé que cette protection devrait être consentie à quiconque fournit des services en relation directe avec les opérations d’exploitation du navire, en relation directe avec les opérations de navigation, de gestion, de chargement, d’arrimage ou de déchargement du navire. La première avenue, rejetée par le Sous-comité international, n’a pas été soulevée de nouveau à la Conférence. En ce qui concerne la deuxième avenue proposée, la plupart des membres du Sous-comité étaient seulement d’accord pour inclure « navigation du navire », et la Commission en a fait de même. Cependant, lors de la séance plénière de la Conférence, la version actuelle du libellé a été adoptée par une bonne majorité des voix.

Par « en relation directe avec les opérations de navigation du navire », on entend que les pilotes peuvent toujours se prévaloir de la limitation de leur responsabilité, que le propriétaire du navire soit responsable d’eux ou non (pilotage obligatoire). Il en est de même pour le personnel à terre qui fournit des services d’aide à la navigation, les pilotes de mouillage, etc.

Le terme gestion, également utilisé à l’alinéa 1(1)b) de la Convention de 1957, est plus difficile à interpréter eu égard aux avenues retenues à l’issue de la Conférence. Il est assez clair que les opérations de chargement, d’arrimage et de déchargement n’entrent pas dans la définition de ce terme. Il est clair également qu’un radoubeur qui répare un navire alors que ce dernier n’est pas en service (parce qu’il est en cale sèche, par exemple) ne peut se prévaloir de la limitation de responsabilité en vertu de cette disposition. En revanche, les radoubeurs itinérants qui réparent un navire en service sont visés par la formulation « en relation directe avec la gestion du navire ».

[396]    [traduction] Le terme gestion n’est peut-être pas le mieux choisi pour traduire l’intention sous-jacente, mais une grande partie des membres du CMI estiment que le terme navigation est trop restreint.

Une personne qui est réputée fournir des services « en relation directe avec les opérations de navigation ou de gestion du navire » peut invoquer la limitation de sa responsabilité pour toute créance limitable, et non seulement pour les créances se rapportant aux services fournis. Un radoubeur itinérant peut limiter sa responsabilité s’il a commis une faute alors qu’il remplaçait un timonier.

[26]      Les sujets suivants ont aussi été abordés :

[traduction] Vingt-cinquième séance

[2]        8. Lors de la vingt-troisième séance, l’analyse de l’article 1 a été centrée sur la question de savoir si le droit à limitation devrait être élargi à des personnes autres que le propriétaire du navire, le gestionnaire ou l’exploitant, et s’il serait nécessaire ou souhaitable de préciser le type d’embarcations comprises dans le concept de navire de mer.

11. La plupart des membres du Comité n’étaient pas d’accord pour inclure « une personne fournissant des services en relation directe avec les opérations de navigation ou de gestion du navire » dans la définition de propriétaire de navire, et ils considéraient que la formulation du paragraphe 2 était trop vague. Les radoubeurs itinérants, les nettoyeurs de citernes, les agents de consignation et quiconque prend part à des activités de gestion appartiennent à une catégorie floue qui ne devrait pas, de l’avis du Comité, être incluse dans la définition de propriétaire de navire aux fins de la limitation.

[...]

[27]      Selon le procès-verbal des discussions entre les délégations des États membres sur la portée du paragraphe 1(2), le CMI envisageait d’élargir le droit à limitation à des personnes autres que le propriétaire du navire pendant la rédaction. Bien que les discussions aient porté surtout sur les pilotes obligatoires et les assistants, il semble avoir été généralement convenu que le droit ne devrait pas être élargi à toutes les catégories de personnes fournissant des services à un navire.

[28]      Il a été question ensuite du libellé du paragraphe 1(4). Le Comité a souligné que, en ce qui concerne la responsabilité du fait d’autrui, certaines délégations auraient préféré conserver la formulation [traduction] « capitaines, membres de l’équipage et autres préposés » de l’article 6 de la Convention de 1957. Le Comité a adopté la nouvelle formulation du paragraphe 1(4), « toute personne dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du propriétaire ou de l’assistant ». Un débat a eu lieu sur la pertinence d’ajouter les personnes [traduction] « qui fournissent des services de pilotage ». Cet ajout a été proposé après qu’il a été admis que les pilotes, et notamment ceux qui fournissent des services publics, y compris des services de pilotage obligatoire, ne sont pas toujours considérés comme des préposés du propriétaire; ils devraient néanmoins être habilités à limiter leur responsabilité au même titre que le propriétaire.

[29]      Finalement, le passage concernant les pilotes n’a pas été retenu. Au cours du débat, le délégué des États-Unis a proposé une modification au libellé du paragraphe 1(4). La proposition visait à remplacer l’expression [traduction] « tenu légalement responsable en l’absence d’un contrat » par le terme responsable, afin de restreindre, dans la mesure du possible, l’élargissement du droit d’invoquer la limitation de responsabilité. Certains craignaient en effet que le libellé proposé du paragraphe 1(4) ne permette aux propriétaires d’étendre leur droit de limiter leur responsabilité à d’autres personnes par la voie d’un contrat. Le délégué canadien partageait les craintes du délégué américain, mais il a fait valoir qu’il suffirait de recommander le remplacement du terme responsable par tenu (dont le sens est un peu plus restreint). Le délégué de la Norvège a mentionné que le paragraphe 1(4) établit simplement un principe selon lequel toutes les personnes à l’égard desquelles le propriétaire du navire a une « responsabilité civile » peuvent invoquer un droit à limitation, et que la portée de ce principe est normalement définie par le droit national. Selon ce délégué, le libellé proposé par les États-Unis risquait d’être interprété comme excluant cette responsabilité civile, alors que telle n’était pas l’intention. Le délégué du Royaume-Uni a abondé dans le même sens. Le délégué des États-Unis a précisé que sa délégation souhaitait réduire le nombre de catégories de personnes pouvant invoquer un droit à limitation. Il s’est toutefois dit prêt à retirer sa proposition et a consenti à l’utilisation du terme « responsable » dans son sens restreint au paragraphe 1(4), si le Comité souscrivait à cette interprétation.

[30]      Les travaux ne nous éclairent pas vraiment, selon moi. Toutefois, ils indiquent qu’il n’a jamais été question d’inclure explicitement les entrepreneurs indépendants dans la catégorie des personnes pouvant invoquer la limitation de leur responsabilité en vertu du paragraphe 1(4). Au contraire, les travaux donnent à penser que la prémisse sous-jacente du paragraphe 1(4) était que la responsabilité était subordonnée à la responsabilité du fait d’autrui du propriétaire du navire, et qu’une interprétation stricte était envisagée. Même si la protection aurait pu être étendue aux pilotes dans certaines circonstances, il ne semble pas que l’intention était d’élargir les catégories visées au paragraphe 1(4). Les travaux ne mentionnent pas non plus l’obligation du propriétaire d’exercer une diligence raisonnable pour assurer l’état de navigabilité de son navire, conformément aux règles de La Haye-Visby, comme fondement à l’élargissement de la responsabilité aux entrepreneurs ou à d’autres parties tierces au titre du paragraphe 1(4).

[31]      En conséquence, en l’absence d’une intention quelconque d’étendre la protection aux entrepreneurs indépendants, et étant donné que JDI, à titre de propriétaire du navire, n’est pas responsable du fait d’autrui pour les faits, négligences et fautes de son entrepreneur indépendant, il m’apparaît que MMC et son directeur, M. Bremner, ne peuvent invoquer leur droit à la limitation de leur responsabilité aux termes de la Convention sur la limitation.

[32]      Cette opinion concorde avec l’historique et l’objet de la Convention sur la limitation, que j’explique en détail dans mes motifs publiés le 22 janvier 2016. Il convient de rappeler qu’un juste équilibre a été trouvé entre la nécessité de dédommager adéquatement les demandeurs des pertes ou des préjudices subis, et celle de permettre aux propriétaires de navire, pour des raisons d’ordre public, de limiter leur responsabilité à un montant assurable moyennant une prime raisonnable. Cet équilibre a été atteint en établissant la limitation au montant le plus élevé que peut assurer un propriétaire moyennant une prime raisonnable, et en créant un droit presque inaliénable de limiter sa responsabilité.

[33]      Dans la Convention sur la limitation, le terme « propriétaire de navire » s’entend du propriétaire, de l’affréteur, de l’armateur ou de l’armateur-gestionnaire d’un navire de mer. Conformément à ses objectifs stratégiques, la Convention sur la limitation aide les propriétaires à négocier des tarifs d’assurance avantageux en établissant des montants de responsabilité prévisibles, fondés sur le montant de la limitation. Par contre, le plafonnement du dédommagement incite les demandeurs à accepter un règlement rapide, hors cour. L’équilibre que permet la Convention sur la limitation entre le dédommagement et la prévisibilité contribue au maintien du transport international de marchandises par eau, lequel est indispensable au commerce mondial moderne. Je ne crois pas qu’il était prévu à l’origine d’étendre la limitation aux entrepreneurs indépendants, lesquels peuvent souscrire leurs propres assurances ou signer avec les propriétaires un contrat qui couvre les risques et toute responsabilité pouvant découler des biens ou des services qu’ils fournissent en lien avec un navire.

[34]      Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincue qu’il était prévu d’élargir aux entrepreneurs indépendants tels que MMC le droit à limitation de la responsabilité prévu au paragraphe 1(4). Toutefois, MMC et M. Bremner soutiennent que la règle 1 de l’article III des Règles de la Haye-Visby conférait à JDI, à titre de propriétaire de navire, l’obligation intransmissible d’exercer une diligence raisonnable pour assurer la navigabilité de la SPM 125, de sorte que les faits, négligences et fautes de MMC et M. Bremner ayant rendu la SPM 125 impropre à la navigation entraînent la « responsabilité » de JDI au titre du paragraphe 1(4) de la Convention sur la limitation. Je ne suis pas convaincue par cet argument.

[35]      La partie 5 de la LRMM porte sur la responsabilité en matière de transport de marchandises par eau. À l’article 41, il est établi que les règles de La Haye-Visby figurent à l’annexe 3 de la Loi et font partie de la Convention internationale pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement, conclue à Bruxelles le 25 août 1924, du Protocole conclu à Bruxelles le 23 février 1968 et du Protocole supplémentaire conclu à Bruxelles le 21 décembre 1979. Le paragraphe 43(1) de la LRMM dispose que les règles de La Haye-Visby ont force de loi au Canada à l’égard des contrats de transport de marchandises par eau conclus entre les différents États selon les règles d’application visées à l’article X de ces règles. Le paragraphe 43(2) étend l’application aux contrats de transport de marchandises par eau d’un lieu au Canada à un autre lieu au Canada, directement ou en passant par un lieu situé à l’extérieur du Canada, à moins qu’ils ne soient pas assortis d’un connaissement et qu’ils stipulent que les règles ne s’appliquent pas.

[36]      Les règles de La Haye-Visby sont énoncées à l’annexe 3 de la LRMM. Selon ces règles, un transporteur comprend le propriétaire du navire ou l’affréteur, partie à un contrat de transport avec un chargeur. Les dispositions suivantes sont également pertinentes :

Article II

Article II

Risques

Risks

Sous réserve des dispositions de l’article VI, le transporteur, dans tous les contrats de transport des marchandises par eau, sera, quant au chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au déchargement desdites marchandises, soumis aux responsabilités et obligations, comme il bénéficiera des droits et exonérations ci-dessous énoncés.

Subject to the provisions of Article VI, under every contract of carriage of goods by water the carrier, in relation to the loading, handling, stowage, carriage, custody, care and discharge of such goods, shall be subject to the responsibilities and liabilities and entitled to the rights and immunities hereinafter set forth.

Article III

Article III

Responsabilités et obligations

Responsibilities and Liabilities

1 Le transporteur sera tenu avant et au début du voyage d’exercer une diligence raisonnable pour :

1 The carrier shall be bound, before and at the beginning of the voyage, to exercise due diligence to

a) mettre le navire en état de navigabilité;

(a) make the ship seaworthy;

b) convenablement armer, équiper et approvisionner le navire;

(b) properly man, equip and supply the ship;

c) approprier et mettre en bon état les cales, chambres froides et frigorifiques, et toutes autres parties du navire où des marchandises sont chargées, pour leur réception, transport et conservation.

(c) make the holds, refrigerating and cool chambers, and all other parts of the ship in which goods are carried, fit and safe for their reception, carriage and preservation.

2 Le transporteur, sous réserve des dispositions de l’article IV, procédera de façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au déchargement des marchandises transportées.

2 Subject to the provisions of Article IV, the carrier shall properly and carefully load, handle, stow, carry, keep, care for and discharge the goods carried.

Article IV

Article IV

Droits et exonérations

Rights and Immunities

1 Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables des pertes ou dommages provenant ou résultant de l’état d’innavigabilité, à moins qu’il ne soit imputable à un manque de diligence raisonnable de la part du transporteur à mettre le navire en état de navigabilité ou à assurer au navire un armement, équipement ou approvisionnement convenables, ou à approprier et mettre en bon état les cales, chambres froides et frigorifiques et toutes autres parties du navire où des marchandises sont chargées, de façon qu’elles soient aptes à la réception, au transport et à la préservation des marchandises, le tout conformément aux prescriptions de l’article III, paragraphe 1.

1 Neither the carrier nor the ship shall be liable for loss or damage arising or resulting from unseaworthiness unless caused by want of due diligence on the part of the carrier to make the ship seaworthy, and to secure that the ship is properly manned, equipped and supplied, and to make the holds, refrigerating and cool chambers and all other parts of the ship in which goods are carried fit and safe for their reception, carriage and preservation in accordance with the provisions of paragraph 1 of Article III.

Toutes les fois qu’une perte ou un dommage aura résulté de l’innavigabilité, le fardeau de la preuve, en ce qui concerne l’exercice de la diligence raisonnable, tombera sur le transporteur ou sur toute autre personne se prévalant de l’exonération prévue au présent article.

Whenever loss or damage has resulted from unseaworthiness, the burden of proving the exercise of due diligence shall be on the carrier or other person claiming exemption under this article.

2 Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant :

2 Neither the carrier nor the ship shall be responsible for loss or damage arising or resulting from

a) des actes, négligence ou défaut du capitaine, marin, pilote ou des préposés du transporteur dans la navigation ou dans l’administration du navire;

(a) act, neglect, or default of the master, mariner, pilot or the servants of the carrier in the navigation or in the management of the ship;

q) de toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur, mais le fardeau de la preuve incombera à la personne réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra de montrer que ni la faute personnelle ni le fait du transporteur n’ont contribué à la perte ou au dommage.

(q) any other cause arising without the actual fault and privity of the carrier, or without the fault or neglect of the agents or servants of the carrier, but the burden of proof shall be on the person claiming the benefit of this exception to show that neither the actual fault or privity of the carrier nor the fault or neglect of the agents or servants of the carrier contributed to the loss or damage.

Article IV bis

Article IV bis

Application des exonérations et limitations

Application of Defences and Limits of Liability

1 Les exonérations et limitations prévues par les présentes règles sont applicables à toute action contre le transporteur en réparation de pertes ou dommages à des marchandises faisant l’objet d’un contrat de transport, que l’action soit fondée sur la responsabilité contractuelle ou sur une responsabilité extracontractuelle.

1 The defences and limits of liability provided for in these Rules shall apply in any action against the carrier in respect of loss or damage to goods covered by a contract of carriage whether the action be founded in contract or in tort.

2 Si une telle action est intentée contre un préposé du transporteur, ce préposé pourra se prévaloir des exonérations et des limitations de responsabilité que le transporteur peut invoquer en vertu des présentes règles.

2 If such an action is brought against a servant or agent of the carrier (such servant or agent not being an independent contractor), such servant or agent shall be entitled to avail himself of the defences and limits of liability which the carrier is entitled to invoke under these Rules…

[37]      MMC et M. Bremner semblent dire que, puisque MMC a rendu la SPM 125 impropre à la navigation, il s’ensuit que JDI a manqué à une obligation intransmissible et doit assumer la responsabilité des actes et omissions de son entrepreneur indépendant. Toutefois, pour établir cette responsabilité, il aurait fallu qu’il soit tranché au procès que la SPM 125 était innavigable au commencement du voyage, et que MMC et M. Bremner, à titre d’entrepreneurs indépendants de JDI, en étaient responsables. Or, dans leurs observations écrites, MMC et M. Bremner concèdent que, selon la preuve, la SPM 125 était navigable. De toute évidence, la preuve que JDI, MMC et M. Bremner ont présentée au procès ne visait pas à établir l’innavigabilité. Qui plus est, la preuve produite par M. Bremner tendait à démontrer que la SPM 125 était en bon état et pouvait faire le voyage prévu. Aucune démonstration n’a été faite de l’innavigabilité de la SPM 125 ou du défaut de JDI, de MMC ou de M. Bremner d’exercer la diligence requise à cet égard. Pour ce seul motif, l’argument de MMC ne peut être retenu. À mon sens, le droit à limitation en vertu du paragraphe 1(4) ne peut être revendiqué au seul motif qu’une série de faits non établis entraînent une « responsabilité » si jamais ils se produisaient.

[38]      Qui plus est, les dispositions de la Convention sur la limitation visent à réduire les litiges découlant de créances maritimes auxquelles elles s’appliquent. L’ajout du besoin d’établir l’innavigabilité pour permettre à des entrepreneurs indépendants de limiter leur responsabilité à titre de parties dont les actes entraînent la responsabilité du propriétaire d’un navire en vertu du paragraphe 1(4) risque, à mes yeux, de compliquer les actions en limitation et de multiplier les litiges.

[39]      En somme, pour tous ces motifs, je ne suis pas convaincue que MMC et M. Bremner, à titre d’entrepreneurs indépendants, sont des personnes dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité de JDI, à titre de propriétaire de navire, en vertu du paragraphe 1(4). Par conséquent, MMC et M. Bremner ne sont pas en droit de limiter leur responsabilité en vertu de la Convention sur la limitation.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      Maritime Marine Consultant (2003) Inc. et son directeur, Donald Bremner, ne sont pas des personnes dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité de J.D. Irving, Limited, à titre de propriétaire de navire, en vertu du paragraphe 1(4) de la Convention sur la limitation et, par conséquent, ni Maritime Marine Consultant (2003) Inc. ni Donald Bremner ne sont autorisés à se prévaloir du droit de limiter leur responsabilité au titre de la Convention.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-520-10

 

INTITULÉ :

J.D. IRVING, LIMITED c. SIEMENS CANADA LIMITED, MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC., SUPERPORT MARINE SERVICES LTD. ET CORPORATION D’ÉNERGIE NUCLÉAIRE NOUVEAU-BRUNSWICK

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

5 au 8, 13 au 16, 19 et 22 octobre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE :

Le 7 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Joel Richler

Erin Hoult

Laura Dougan

 

Pour la demanderesse

 

Rui Fernandes

 

Pour la demanderesse

 

Jonathan C. Lisus

James Renihan

Laura Wagner

 

Pour la défenderesse,

SEIMENS CANADA LIMITED

Marc D. Isaacs

Bonnie Huen

 

Pour le défendeur,

MARITIME MARINE CONSULTANTS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Fernandes Hearn LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Lax O’Sullivan Scott Lisus LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la défenderesse,

SEIMENS CANADA LIMITED

 

Isaacs & Co.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur,

MARITIME MARINE CONSULTANTS

 

 

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