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Date : 20150308

Dossier : IMM-2713-15

Référence : 2016 CF 284

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

GABOR HUSZAR
ESZTER KORONKA
DAVID GERMUSKA
KIRA KINSCO GERMUSKA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR ou la Loi) à l’encontre d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (SPR ou la Commission). Dans la décision à l’étude, la SPR a statué que les demandeurs n’ont ni qualité de réfugiés ni qualité de personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi. Les demandeurs sollicitent que la décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour réexamen par un tribunal constitué différemment.

[2]               La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   Contexte

[3]               Mme Koronka, M. Germuska (le conjoint de fait de Mme Koronka à l’époque) et leurs deux enfants, David et Kira Germuska, tous citoyens de Hongrie, sont arrivés au Canada le 6 octobre 2010 et ont demandé l’asile au Canada le lendemain.

[4]               Le 25 août 2011, M. Germuska a violemment attaqué Mme Koronka et l’a poignardée à l’extérieur de leur domicile, à Mississauga. M. Huszar, qui était un voisin à l’époque, a voulu s’interposer mais a été poignardé à son tour. M. Germuska a été reconnu coupable de tentative de meurtre et il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 6,5 ans. Mme Koronka allègue que M. Germuska a menacé de la tuer dès qu’il serait libéré de prison.

[5]               Le 8 mai 2012, la demande d’asile de M. Germuska a été réputée retirée.

[6]               Mme Koronka et M. Huszar, lui­même demandeur d’asile, ont depuis formé un couple et ils ont eu un enfant ensemble. Leurs demandes d’asile ont par la suite été jointes.

[7]               Le 7 janvier 2015, les demandeurs ont comparu devant la SPR, qui a rendu une décision négative le 20 mars 2015.

[8]               Le 1er juin 2015, en prévision du dépôt de la demande de contrôle judiciaire, l’avocat des demandeurs a demandé l’enregistrement audio de l’audience de la SPR en vue de la préparation d’une transcription. L’avocat des demandeurs a par la suite été informé que l’audience n’avait pas été enregistrée et qu’il était donc impossible d’en obtenir une copie ou une transcription.

[9]               Le 10 juin 2015, les demandeurs ont déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SPR.

II.                Décision contestée

[10]           La Commission a rejeté les demandes d’asile des demandeurs adultes et, comme les demandes d’asile des demandeurs mineurs reposaient sur celles de Mme Koronka et de M. Huszar, la Commission les a aussi rejetées. La Commission a jugé que certains éléments des demandes n’étaient pas crédibles, qu’il existait une possibilité de refuge intérieur à Budapest et que la présomption de protection de l’État n’avait pas été réfutée.

III.             Question en litige

[11]           La question fondamentale dans cette demande est de savoir si l’absence de transcription de l’audience porte atteinte à l’équité procédurale. Cette question soulève deux questions secondaires :

1.      Les demandeurs sont­ils tenus de démontrer qu’ils n’ont pu répondre à certains aspects déterminants de la décision, faute de transcription?

2.      La transcription est­elle essentielle pour que la Cour puisse revoir de façon satisfaisante la décision de la Commission concernant la protection de l’État?

IV.             Norme de contrôle

[12]           Les parties n’ont pas présenté d’observations sur la norme de contrôle applicable. Il est toutefois une règle de droit bien connue que la norme de la décision correcte est la norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 au paragraphe 43.

[13]           Dans les circonstances en l’espèce, la Cour n’a pas à déterminer si la déférence s’impose à l’égard des procédures choisies par la SPR. L’allégation d’iniquité résulte de la perte involontaire de l’enregistrement audio, et non de quelque décision délibérée de la SPR concernant la gestion de son propre processus.

V.                Observations des parties

[14]           Les demandeurs font valoir que l’absence de transcription de leur audience devant la SPR a entraîné un déni de justice naturelle. Les demandeurs disent avoir besoin de la transcription pour contester efficacement les conclusions de la SPR, conclusions qui, affirment­ils, sont fondées sur des observations négatives quant à leur crédibilité ou ont été, d’une certaine manière, influencées par de telles observations.

[15]           De l’avis des demandeurs, l’iniquité est exacerbée par un certain nombre de circonstances, notamment le fait que M. Huszar et Mme Koronka ont tous deux témoigné lors de l’audience; que la décision de la SPR repose sur des conclusions négatives quant à leur crédibilité, conclusions qui ont ensuite influencé les conclusions concernant la possibilité de refuge intérieur et la protection de l’État; que les motifs de la décision renferment d’autres erreurs sujettes à révision, notamment la conclusion voulant que le second volet du critère de possibilité de refuge intérieur ne s’applique que si le gouvernement est l’agent de persécution, ou celle voulant que les demandeurs n’aient pas établi qu’ils éprouvaient une crainte subjective d’être persécutés par M. Germuska, en dépit du fait non contesté que ce dernier a tenté de les assassiner et qu’il risquait d’être renvoyé dans le pays de nationalité des demandeurs.

[16]           Le défendeur a présenté diverses observations, alléguant notamment qu’il appartient aux demandeurs d’exposer de manière précise les erreurs dans la décision de la Commission qui sont dues à l’absence de transcription. Il fait également valoir que le dossier est suffisant, sans transcription, pour appuyer les conclusions de la Commission quant à la possibilité de refuge intérieur et à la protection de l’État.

VI.             Analyse

A.                Les demandeurs sont­ils tenus de démontrer qu’ils n’ont pu répondre à certains aspects déterminants de la décision, faute de transcription?

(1)               Fardeau des demandeurs

[17]           Comme aucune exigence législative n’impose l’enregistrement ou la transcription des procédures devant la SPR, il appartient à la Cour de déterminer si le dossier qui lui est présenté lui permet de statuer correctement sur la demande de contrôle judiciaire. La Cour doit ordonner la tenue d’une nouvelle audience si l’absence de transcription, ou si des omissions dans la transcription, soulèvent une « possibilité sérieuse » de déni d’un motif de révision. Ces principes visent à garantir l’équité du processus de prise de décision tout en s’accommodant d’une application souple dans le contexte administratif : voir l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, paragraphe 81, citant également Kandiah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 141 N.R. 232, aux paragraphes 7 à 9.

[18]           La jurisprudence définit un certain nombre de facteurs à prendre en compte pour déterminer si l’absence de transcription crée une possibilité sérieuse d’iniquité procédurale. Dans Benavides c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 323, le juge O’Keefe cite avec approbation les facteurs pris en compte par le juge Lemieux dans le jugement Goodman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 185 F.T.R. 102 (1re inst.), qui sont résumés ci­après :

(1)        Quels moyens de contrôle ont été invoqués;

(2)        Quelle est l’importance des conclusions contestées relativement à la revendication du statut de réfugié;

(3)        Quel est le fondement des conclusions de la SPR;

(4)        Sur quoi portait la partie de l’audience dont la transcription était manquante... et quelle était l’importance de l’omission dans la transcription relativement aux conclusions contestées;

(5)        Quel autre moyen le tribunal a­t­il pris pour remédier à l’omission;

(6)        De quels autres moyens la Cour disposait­elle pour déterminer ce qui s’est passé à l’audition?

[19]           Les causes précitées doivent être examinées conjointement avec le jugement Agbon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 356 où, au paragraphe 3, le juge O’Reilly décrit brièvement les facteurs permettant de déterminer si un demandeur s’est acquitté de l’obligation d’établir l’iniquité procédurale. Citant Vergunov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 584 (QL) (1re inst.), le juge O’Reilly ajoute que le demandeur doit soulever une question qui a une incidence sur l’issue de l’affaire et qui peut uniquement être tranchée sur le vu de la transcription de ce qui a été dit à l’audience pour que l’absence de transcription empêche la Cour d’examiner correctement la question.

[20]           De plus, dans sa décision rendue dans l’arrêt Cletus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1378 et citée par le défendeur, la juge Snider soutient que la Cour doit examiner avec soin le dossier pour déterminer si les omissions et les contradictions dans la preuve du demandeur, qui ont donné lieu à des conclusions négatives de la SPR quant à la crédibilité des demandeurs, étaient suffisamment documentées dans le dossier présenté à la Cour pour permettre un contrôle judiciaire.

[21]           Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liang, 2009 CF 955, le juge Mainville, s’appuyant sur un certain nombre de pouvoirs de la Cour, a statué que la tenue d’une nouvelle audience pouvait être justifiée si l’absence de transcription empêche la Cour d’examiner le caractère raisonnable de l’évaluation faite par la SPR de la crédibilité d’un témoin, lorsque « la Cour n’a aucun fondement à partir duquel examiner comment et pourquoi le tribunal a fait abstraction de ces problèmes » (paragraphe 25).

(2)               Les demandeurs sont­ils tenus de faire tout en leur possible pour fournir d’autres preuves de ce qui s’est produit durant l’audience?

[22]           À mon avis, s’il appartient aux demandeurs de démontrer que l’absence de transcription a porté atteinte à l’équité procédurale, ceux­ci doivent démontrer qu’ils ont été incapables de fournir d’autres preuves des faits saillants de l’affaire, en remplacement de la transcription. Il s’agit d’un élément pertinent à l’appui des observations complémentaires du défendeur selon lesquelles la simple absence de transcription ne constitue pas une question d’iniquité procédurale ni n’empêche la Cour d’examiner les décisions de la Commission concernant la protection de l’État.

[23]           Les demandeurs ont reconnu qu’ils étaient tenus de fournir quelque explication pour indiquer à la Cour pourquoi il leur était impossible de fournir d’autres informations pour contester les conclusions de la Commission quant à leur crédibilité. À cet égard, les demandeurs ont présenté un affidavit du défendeur, M. Huszar. Dans son affidavit, M. Huszar a déposé sous serment que lui et la demanderesse, Mme Koronka, avaient reconnu avoir besoin d’une transcription.

[traduction]

[N]ous ne pouvions nous souvenir de tout ce qui avait été dit à l’audience, qui a duré plusieurs heures et [sic] au cours de laquelle nous avons tous les deux témoigné. Bien que je me rappelle de certains éléments de mon témoignage, il y en a d’autres dont je n’ai aucun souvenir, et je ne me souviens pas qu’on m’ait posé certaines questions auxquelles le membre de la Commission fait référence dans les motifs de son jugement.

[24]           Cependant, après examen du dossier, la Cour craint que M. Huszar n’était peut­être pas bien placé pour fournir cette preuve. J’en viens à cette conclusion parce que, dans ses observations écrites finales de quelque 30 pages, l’avocat du défendeur a reconnu que M. Huszar avait eu de la difficulté à témoigner et que sa preuve était confuse.

[25]            Dans la section sur la crédibilité, l’avocat a d’abord passé en revue et tenté de justifier les trois modifications jugées incohérentes par la Commission dans l’exposé des faits de la demanderesse. La demanderesse a allégué que ces modifications ne pouvaient servir de base à une conclusion négative quant à sa crédibilité, une observation que la Commission a rejetée. Plus important, toutefois, sont les commentaires limités de l’avocate au sujet de la crédibilité de M. Huszar, dont elle a comparé le témoignage à celui de Mme Koronka, ainsi qu’il est indiqué à la page 4 de ses observations :

[traduction]

Aussi clair et cohérent fut le témoignage d’Eszter, il est tout aussi manifeste que Gabor (le demandeur) a eu de la difficulté à témoigner et que son témoignage a embrouillé son exposé écrit des faits.

[26]           À la lumière de ces observations écrites de l’avocate expérimentée du demandeur sur les capacités respectives des demandeurs de relater ce qui s’était produit devant la Commission, je ne suis pas convaincu que les demandeurs se soient totalement acquittés de leur obligation de démontrer que l’absence de transcription empêche la Cour d’examiner les points saillants, en particulier en ce qui a trait à la protection de l’État. De toute évidence, Mme Koronka aurait dû être le déposant relatant ce qui s’était produit à l’audience.

[27]           De plus, j’accepte l’observation du défendeur selon laquelle il appartenait aux demandeurs, dans les limites raisonnables, d’exposer de manière précise toute erreur que la Cour n’a pu évaluer faute de transcription, outre des allégations générales concernant leur crédibilité. Cet argument est particulièrement convaincant en ce qui a trait à la question de la protection de l’État pour laquelle la majeure partie de la preuve était constituée de documents justificatifs objectifs.

[28]           Le dernier point, non relié, que j’aimerais soulever concernant la présentation d’autres preuves en l’absence de transcription est qu’il appartient aux parties de demander au décideur de leur fournir des copies de ses notes de l’audience. Ces notes ne feraient bien sûr référence qu’aux preuves enregistrées durant l’audience, et ne fourniraient aucun commentaire ni information sur le processus décisionnel. Bien que le décideur ne soit pas tenu de donner suite à une telle demande, il peut y consentir pour éviter que les efforts déployés pour parvenir à la décision ne le soient en vain par manque de transcription due à une erreur technique ou quelque autre problème comparable.

B.                 La transcription est­elle essentielle pour que la Cour puisse revoir de façon satisfaisante la décision de la Commission concernant la protection de l’État?

[29]           Le défendeur allègue que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité des témoins n’ont pas influencé sa décision concernant l’existence, à Budapest, d’une possibilité de refuge intérieur pour les demandeurs. La Cour est toutefois d’avis que les conclusions générales concernant la crédibilité ont influencé la décision au sujet de la possibilité de refuge intérieur. La Cour ne s’intéresse donc qu’à la décision de la Commission selon laquelle les demandeurs ne se sont pas prévalus de la protection de l’État à laquelle ils avaient droit.

[30]           Dans cette analyse, la Cour note que les demandeurs se sont fiés principalement aux preuves objectives pour démontrer l’insuffisance de la protection de l’État pour les Rom vivant en Hongrie. Onze des 12 volumes du dossier présentés à la Cour portaient sur cette question. Les observations concernant la crédibilité des témoins faisaient moins d’une demi­page et étaient essentiellement de nature défensive, comme je l’ai indiqué précédemment. Les demandeurs n’ont pas contesté les conclusions de la Commission concernant la protection de l’État. Le seul point en litige, en ce qui a trait à l’absence de transcription, concerne donc les tentatives des demandeurs d’obtenir la protection de l’État.

(1)               La demanderesse

[31]           Dans ses motifs, la Commission s’est basée sur deux déclarations faites par la demanderesse au sujet de la protection de l’État. Premièrement, la Commission s’est basée sur le fait que la demanderesse n’a appelé la police qu’une seule fois, en février 2004, pour des incidents antérieurs de violence familiale; deuxièmement, la Commission note que, dans le litige l’opposant à son ex­mari au sujet de la garde des enfants, la demanderesse a omis de revenir devant la cour après six mois, comme la Cour le lui avait recommandé, décidant plutôt de retourner vivre avec son ex­conjoint, car il ne lui permettait pas de voir les enfants. La Commission a jugé la dernière déclaration déraisonnable, ce qui semble logique étant donné que le litige concernant la garde des enfants était justement devant les tribunaux à l’époque. Il s’agit de la seule déclaration pouvant vaguement être considérée comme une observation sur la crédibilité, citée dans les motifs de la Commission au sujet des tentatives de la demanderesse d’obtenir la protection de l’État.

[32]           Les deux déclarations sous­jacentes sur lesquelles repose l’analyse de la Commission (la demanderesse n’ayant fait appel à la police qu’une seule fois à cause d’un conflit familial et retournant vivre avec son ex­mari plutôt que de demander l’intervention des tribunaux) figurent dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse et sont reprises dans le document de 30 pages présenté à la Commission et énonçant les observations écrites finales de l’avocat de la demanderesse.

[33]           En conséquence, je ne suis pas d’avis que l’absence de transcription m’empêche de réexaminer et de confirmer la décision de la Commission selon laquelle Mme Koronka n’a pas réussi à démontrer l’insuffisance de la protection de l’État en Hongrie, ou à démontrer qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables dans les circonstances pour obtenir protection avant de présenter une demande d’asile.

(2)               Le demandeur

[34]           Dans ses motifs, la Commission a formulé des conclusions claires quant à la crédibilité du demandeur adulte et a conclu que le demandeur n’avait pu fournir de preuves manifestes de l’insuffisance de la protection de l’État. Cependant, ces conclusions ont été formulées après examen du témoignage du demandeur au sujet des agressions dont il avait été victime et des présumés rapports à la police.

[35]           La Commission a fait référence à la preuve du demandeur dans laquelle il disait avoir été attaqué par des skinheads et avoir fait deux rapports à la police, le premier lorsqu’il avait 12 ans et le deuxième en 1998 alors qu’il avait 17 ans; aucun de ces incidents n’avait été grave et la police n’y avait pas donné suite. Ces incidents sont exposés dans l’exposé écrit des faits qui accompagne le Formulaire de renseignements personnels du demandeur. Il est intéressant de souligner que, bien que le demandeur cite ces deux incidents, il a omis d’indiquer dans son exposé de faits qu’il les avait signalés à la police.

[36]           Dans son raisonnement initial, la Commission s’est basée sur l’existence de ces deux agressions, sans tenir compte du signalement à la police. La Commission a conclu que le dernier incident, qui s’était produit en Hongrie quelque neuf ans avant que le demandeur quitte le pays, n’équivaut pas à un manque de protection policière. La Commission a par la suite rejeté la valeur probante de cette preuve pour plusieurs motifs : la capacité de protection de l’État à l’échelle nationale importe davantage que la capacité à l’échelle locale; il est difficile d’intenter des poursuites lors d’agressions aléatoires, lorsque l’identité des agresseurs ne peut être établie; et la protection de l’État ne peut être évaluée sur la base d’un incident pour lequel le demandeur n’a pu identifier ses agresseurs.

[37]           J’estime que le raisonnement de la Commission, selon lequel la preuve présentée par le demandeur sur les incidents personnels dont il a été victime datait de très longtemps et était très limitée, est suffisant pour appuyer la conclusion voulant que le demandeur n’a pas su démontrer l’insuffisance de la protection de l’État.

[38]           Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’après cette analyse que la Commission a exposé en détail les incohérences de la preuve présentée par le demandeur dans son exposé écrit des faits et son témoignage en personne, au sujet de la déclaration de ces incidents à la police. La seule preuve manquante, que la transcription aurait pu fournir sur la question, était la confirmation, par la Commission, du témoignage du demandeur concernant le signalement des incidents à la police. Comme je l’ai mentionné, l’exposé écrit des faits ne fait aucune mention du signalement de ces incidents à la police par le demandeur.

[39]           Je suis d’avis que le demandeur, ou certainement son épouse, aurait dû se souvenir suffisamment de son témoignage durant l’audience pour savoir s’il avait dit ou non que ces incidents avaient été signalés à la police et pour savoir si on l’avait questionné sur les divergences entre son témoignage et son exposé écrit des faits. En conséquence, l’observation de l’avocat durant l’audience, selon laquelle [traduction] « Gabor a eu certaines difficultés à témoigner et son témoignage a embrouillé certains éléments de son exposé écrit des faits » fait sans doute référence en partie au fait que le demandeur a déclaré durant son témoignage qu’il avait signalé les incidents à la police, mais qu’il n’en a pas fait mention dans son exposé écrit. À ce titre, les conclusions quant à la crédibilité du demandeur, basées sur les incohérences concernant le signalement des incidents à la police, semblent justifiées. Cependant, comme je l’ai mentionné, ces conclusions n’étaient pas nécessaires, car je suis d’avis que ces incidents, qu’ils aient ou non été signalés à la police, datent de trop longtemps et que, de toute façon, ils ne justifieraient pas une conclusion indiquant que le demandeur a précédemment fait l’objet d’une protection inadéquate de l’État.

[40]           En conséquence, dans ces circonstances, je conclus que l’absence de transcription n’a créé aucune iniquité procédurale à l’endroit du demandeur, quant à la capacité de la Cour d’examiner les conclusions basées sur la preuve présentée relativement à la protection de l’État. Par ailleurs, je ne trouve aucune erreur sujette à révision dans la conclusion de la Commission voulant que le demandeur n’ait pas réussi à démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, que la protection de l’État en Hongrie était insuffisante.

VII.          Conclusion

[41]           Pour les motifs précités, la Cour rejette la demande. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2713-15

 

INTITULÉ :

GABOR HUSZAR, ESZTER KORONKA, DAVID GERMUSKA et KIRA KINSCO GERMUSKA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 février 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE :

Le 8 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Clifford D. Luyt

Pour le demandeur

 

Judy Michaely

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Clifford D. Luyt

Avocat­procureur

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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