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Date : 20160222


Dossier : T-135-16

Référence : 2016 CF 235

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 février 2016

En présence du protonotaire Roger R. Lafrenière

ENTRE :

RICHARD JOSEPH BERGERON

requérant

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, ÉTABLISSEMENT DE BOWDEN (ALBERTA) ET ÉTABLISSEMENT DE MATSQUI (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

intimés

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par écrit aux intimés qui vise la publication d’une ordonnance radiant la déclaration et la prise d’autres mesures accessoires. Le requérant n’a pas exprimé de position à l’égard de la requête, bien qu’on lui en ait signifié avis en bonne et due forme.

[2]               Le 20 janvier 2016, le requérant, qui se représentait lui-même, a déposé une déclaration constituée de deux courts paragraphes. Étant donné leur brièveté, ces paragraphes sont reproduits ci-dessous dans leur intégralité.

[traduction]

1.    Le requérant déclare que SCC a commis une fraude à son endroit en prélevant 50 $ en frais de chambre et pension sur chacun de ses chèques mensuels du Workers’ Compensation Board. Il s’agit également d’une violation de la Directive du commissaire 860-21. Pour la période d’octobre 2010 à septembre 2013, on m’a facturé en octobre 2013 180 $ de frais de chambre et pension, pour un total de 1 980 $ de fraude plus 2,05 $ en frais postaux.

2.    Le requérant déclare que l’établissement de Matsqui du SCC a commis une fraude à son endroit en le privant d’une paye d’environ 320 $ pendant la période de septembre 2014 à aujourd’hui.

I.                   Requête visant à modifier l’intitulé de la cause

[3]               Le sous-procureur général du Canada sollicite une ordonnance visant à enlever le « Service correctionnel du Canada » (SCC), l’« établissement de Bowden (Alberta) » et l’« établissement de Matsqui (Colombie-Britannique) » à titre de parties de l’action et à les remplacer par « Sa Majesté la Reine » à titre d’intimée.

[4]               SCC gère des établissements de divers niveaux de sécurité et surveille les délinquants en liberté sous condition dans la collectivité. Le SCC exécute son mandat conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (LSCMLC), laquelle lui confère son cadre législatif, et dans le respect de la primauté du droit. Les établissements de Bowden et de Matsqui sont administrés par le SCC pour la prise en charge et la garde des détenus.

[5]               Pour être poursuivi en justice, un intimé doit être une personne physique, une personne morale, ou encore un organe auquel on a conféré juridiquement la capacité d’être poursuivi en justice. Rien dans la LSCMLC ni dans la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, ch. C-50 (LRCECA) ne laisse penser que le Parlement avait pour intention que le SCC ou des pénitenciers fédéraux puissent être poursuivis en justice. En fait, ces entités agissent sous la gouverne de fonctionnaires de la Couronne individuels.

[6]               Selon l’alinéa 3b) de LRCECA, la Couronne est responsable par procuration des délits civils commis par ses préposés. L’article 48 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 (LCF) décrit une procédure permettant d’engager des actes de procédure contre la Couronne, y compris le paiement de l’acte introductif et du droit correspondant à la Couronne en déposant le document requis à la Cour. Le paragraphe 48(1) se lit comme suit :

48 (1) Pour entamer une procédure contre la Couronne, il faut déposer au greffe de la Cour fédérale l’original et deux copies de l’acte introductif d’instance, qui peut suivre le modèle établi à l’annexe, et acquitter la somme de deux dollars comme droit correspondant.

[7]               Dans le formulaire fourni dans l’annexe de la LCF, « Sa Majesté la Reine » est indiquée en tant défenderesse. Je devrais également souligner que, dans les définitions présentées à l’article 2 de la LCF, il est indiqué qu’au regard de la Loi, le terme « Couronne » désigne Sa Majesté la Reine du Canada.

[8]               Je conclus que le SSC et les deux pénitenciers ont été désignés à tort à titre d’intimés et que l’on devrait modifier l’intitulé de la cause en remplaçant les trois entités par Sa Majesté la Reine du chef du Canada comme seule intimée.

II.                Requête visant à modifier la déclaration

[9]               Le sous-procureur général du Canada sollicite aussi une ordonnance visant à radier la déclaration au motif qu’elle ne renferme pas les faits nécessaires pour soutenir une action pour fraude et que, à ce titre, elle ne montre aucune cause d’action valable.

[10]           Le critère à appliquer pour une requête en radiation d’acte de procédure aux termes du sous-alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales peut être décrit brièvement comme suit. Si l’on suppose que les faits énoncés dans la déclaration peuvent être prouvés, la question consiste à déterminer s’il est « manifeste et hors de tout doute » que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action valable. Ce n’est que lorsqu’il ne fait aucun doute que l’action est vouée à l’échec – en raison d’un vice fondamental – que l’on devrait la radier; voir l’arrêt Hunt c. Carey, 1990 CanLII 90 (CSC), [1990] 2 RCS 959.

[11]           Le seuil pour maintenir un acte de procédure n’est pas élevé. Cependant, dans les circonstances de l’espèce, où il y a allégation de fraude, il faut adhérer à l’article 181 des Règles des Cours fédérales qui édicte les règles pour les actes de procédure connexes.

[12]           Les éléments qui doivent être allégués afin d’établir le délit de fraude ou d’assertion frauduleuse et inexacte sont les suivants :

a)                  l’intimé a fait une fausse déclaration;

b)                  l’intimé savait que cette déclaration était fausse;

c)                  l’intimé a fait cette déclaration dans le but d’induire le requérant en erreur;

d)                 le requérant a dû adapter sa position en raison de la déclaration;

e)                  les dommages causés.

[13]           Le requérant n’est pas parvenu à plaider quelque détail que ce soit concernant la fraude, par exemple la déclaration précise qui lui a été faite, les éléments faux de cette déclaration, l’auteur de la déclaration et le moment où la déclaration a été faite. Le requérant n’a pas non plus réussi à plaider que la personne (ou les personnes) qui a fait la déclaration souhaitait tromper le requérant ou encore le pousser à agir ou à modifier sa position. Ce sont tous des éléments requis pour un délit de fraude : Bruno Appliance and Furniture Inc. c. Hryniak, 2014 CSC 8 (CanLII), aux paragraphes 19 et 20.

[14]           La déclaration ne renferme rien de plus que de simples allégations de fraude et des conclusions de droit. De plus, il n’y pas de demande de redressement claire, ce qui fait qu’il est difficile d’établir si le requérant a pour intention d’intenter une action ordinaire ou une action simplifiée.

[15]           Il est évident et manifeste que la déclaration du requérant ne présente aucune cause d’action valable et qu’elle n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie. En l’absence de tout argument du requérant permettant d’en démontrer autrement, je ne peux que conclure que les défauts radicaux de l’acte de procédure ne peuvent être corrigés par un amendement.

III.             Conclusion

[16]           Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la requête des intimés devrait être acceptée. L’intitulé de la cause devrait être modifié de manière à ce que Sa Majesté la Reine du chef du Canada devienne l’intimée. La déclaration devrait être radiée, sans possibilité d’amendement.

[17]           Pour finir, je tiens à souligner que l’article 90 de la LSCMLC présente une procédure de grief qui permet de résoudre de façon équitable et prompte les plaintes des détenus en lien avec les actions ou décisions du personnel du SCC. S’il le désire, le requérant peut suivre la procédure de grief pour obtenir réparation pour le fond de ses plaintes.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  L’intitulé de la cause soit modifié en enlevant le Service correctionnel du Canada, l’établissement de Bowden (Alberta) et l’établissement de Matsqui (Colombie-Britannique) et en leur substituant Sa Majesté la Reine du chef du Canada à titre d’intimée.

2.                  La déclaration soit radiée, sans possibilité d’amendement.

3.                  Les dépens de la requête, par les présentes fixés au montant de 150 $, taxes et débours compris, soit payés par le requérant à l’intimée.

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-135-16

 

INTITULÉ :

RICHARD JOSEPH BERGERON c. SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, ÉTABLISSEMENT DE BOWDEN (ALBERTA) ET ÉTABLISSEMENT DE MATSQUI (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE À L’ÉCRIT EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITTANIQUE) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 février 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Richard Joseph Bergeron

 

Pour le requérant

(EN SON PROPRE NOM)

 

Philippe Alma

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard Joseph Bergeron

Abbotsford (Colombie-Britannique)

POUR LE REQUÉRANT

(EN SON PROPRE NOM)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les intimés

 

 

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