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Date : 20160318


Dossier : IMM-2975-15

Référence : 2016 CF 328

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2016

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

RUBYATH MAHMOOD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Un agent d’immigration supérieur (agent) a rejeté la demande (décision) d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur en concluant que celui­ci ne faisait face à aucune possibilité sérieuse de persécution et ne courait aucun risque de torture, de menace à sa vie ou de traitements ou de peines cruels et inusités. Le demandeur sollicite que cette décision fasse l’objet d’un contrôle judiciaire.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est né au Bangladesh en 1976 et a grandi aux États­Unis. En mars 2005, il a été reconnu coupable aux États­Unis d’un acte criminel lié à la drogue. Après avoir purgé sa peine, il a été déporté au Bangladesh, en septembre 2012.

[3]               Le demandeur a indiqué que, lorsqu’il était au Bangladesh, il a été attaqué à plusieurs reprises par des musulmans intégristes. Il a porté plainte auprès de la police, mais celle­ci n’a pas donné suite à sa plainte.

[4]               En décembre 2013, le demandeur est arrivé au Canada. Sa demande d’asile n’a pas été entendue, et il devait être déporté puisque l’on a signalé qu’il était interdit de territoire pour avoir commis un crime grave à l’extérieur du Canada. Sa demande d’autorisation de révision judiciaire de l’ordonnance d’expulsion a été rejetée.

[5]               La demande d’ERAR du demandeur a été rejetée en mai 2015. L’agent a analysé les éléments de preuve présentés et s’est plus particulièrement fondé sur le plus récent rapport du Département d’État des États­Unis. Il a refusé de tenir compte des motifs d’ordre humanitaire. Il a reconnu que le demandeur était athée et qu’il courait donc plus de risques.

[6]               L’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels le demandeur a souffert à cause d’extrémistes islamiques et d’autres personnes. Il a rejeté divers éléments de preuve documentaire, dont une photo du demandeur supposément en train de se faire attaquer.

[7]               L’agent a conclu qu’une protection de l’État existait malgré des éléments de preuve liés à la corruption, aux arrestations arbitraires et au trafic. Enfin, l’agent a déterminé que le demandeur ne faisait face qu’à un risque généralisé.

La décision souligne qu’il n’y a pas eu d’audience parce que la crédibilité n’était pas en cause.

[8]               En l’espèce, les questions en litige sont le caractère raisonnable de l’évaluation des risques et celui de la conclusion liée à la protection de l’État.

III.             Analyse

[9]               Bien qu’aucune des parties n’ait formulé d’observation sur la norme de contrôle, comme il a été conclu dans l’affaire Morales c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 557, le caractère raisonnable constitue l’enjeu pour ces deux questions.

[10]           L’agent, qui a souligné que la crédibilité n’était pas en cause, a ensuite tiré des conclusions rejetant implicitement la version des faits du demandeur. Il n’est pas raisonnable d’affirmer que la question déterminante était la pertinence de la réponse plutôt qu’une conclusion défavorable concernant la crédibilité. Un demandeur est censé dire la vérité, et l’agent ne fait référence à aucun élément de preuve réfutant cette présomption.

[11]           Pour parvenir à sa conclusion, l’agent a fait fi des éléments de preuve liés au risque individuel. L’agent n’a fait mention ni d’un rapport de police ni d’un rapport médical, deux documents qui corroborent l’exposé des faits du demandeur et qui sont des éléments de preuve essentiels compte tenu du contexte en l’espèce.

[12]           Comme il a conclu à l’« insuffisance » des éléments de preuve, l’agent doit expliquer pourquoi les principaux éléments de preuve corroborants ne sont pas « suffisants ». Non seulement il n’a pas fourni d’explication, mais il n’a même pas fait mention de ces éléments de preuve. De même, il n’a pas expliqué ni étayé sa conclusion selon laquelle la photo ne montrait pas le demandeur en train de se faire battre.

[13]           La décision est d’autant plus infirmée que l’analyse de la protection de l’État, qui a permis de reconnaître le faible niveau de protection offert par l’État, était axée sur les efforts du gouvernement en matière de protection, et non sur leur efficacité. Le demandeur a fait appel à la fonction de protection de l’État en produisant un rapport de police auquel on n’a pas donné suite.

IV.             Conclusion

[14]           Pour ces motifs, la décision n’est pas raisonnable. Le contrôle judiciaire sera accueilli, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent.

[15]           Aucune question n’est soumise pour être certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et l’affaire doit être renvoyée à un autre agent.

« Michael L. Phelan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2975-15

 

INTITULÉ :

RUBYATH MAHMOOD c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 mars 2016

 

COMPARUTIONS :

Roger Rowe

 

Pour le demandeur

 

Meva Motwani

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinets d’avocats Roger Rowe

Avocats­procureurs

North York (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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