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Date : 20160401


Dossier : IMM-3920-15

Référence : 2016 CF 369

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

JAMILE BNAITI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [CISR ou la Commission]. La SAR a rejeté l’appel de la demanderesse d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la CISR dans laquelle la SPR avait rejeté la demande de statut de réfugié de la demanderesse après avoir jugé que celle­ci n’était ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.

[2]               La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   Contexte

[3]               La demanderesse est une veuve de confession orthodoxe syriaque chrétienne née en Syrie qui, après avoir épousé un Libanais en 1967, est devenue une ressortissante qui a adopté la citoyenneté libanaise. Après avoir vécu à Beyrouth pendant « de longues années », elle a commencé à éprouver des difficultés lorsque le gestionnaire de l’immeuble où elle habitait a été remplacé. Le nouveau gestionnaire était de confession musulmane et n’aimait pas les chrétiens. Le gestionnaire et les hommes avec lesquels il se tenait ont commencé à harceler la demanderesse en 2014. Le harcèlement consistait à proférer des injures à son égard et à lancer des objets sur son balcon.

[4]               En avril 2014, le harcèlement s’est intensifié. À son retour de l’église, elle a été saisie au corps par trois hommes. On l’a traitée d’infidèle et on lui a dit qu’elle devait quitter l’immeuble et la ville. La demanderesse a quitté le Liban pour rendre visite à son gendre aux Émirats arabes unis; cependant, à son retour chez elle, le harcèlement s’est poursuivi et elle craignait pour sa vie.

[5]               Grâce au soutien de son frère, qui habite au Canada, elle a obtenu un visa pour visiter le Canada en septembre 2014 puis, en octobre 2014, elle a présenté une demande d’asile. La demanderesse craignait d’être harcelée par les musulmans de son quartier en raison de son appartenance à la foi chrétienne; elle craignait également que des membres de l’État islamique ou du Front al­Nusra infiltrent le Liban ou qu’ils aient suffisamment de capacité et de soutien au sein du Liban pour la cibler et lui faire du mal en raison de sa foi chrétienne.

[6]               Le 24 mars 2015, la SPR a rejeté la demande de statut de réfugié et la demanderesse a interjeté appel auprès de la SAR.

II.                Décision faisant l’objet du contrôle

[7]               Au moment de rejeter l’appel interjeté par la demanderesse de la décision de la SPR de refuser sa demande, la SAR s’est penchée sur son rôle, se référant à la décision du juge Michael Phelan dans Huruglica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799, paragraphes 54 et 55, 30 Imm L.R. (4th) 115.

[8]               La SAR mentionne qu’elle avait écouté l’enregistrement audio des procédures devant la SPR et qu’elle partage la conclusion de la SPR à l’effet que les craintes subjectives de la demanderesse n’avaient pas de fondement subjectif. Elle mentionne que la demanderesse a décrit des situations qui étaient spéculatives et qui ne la visaient pas spécifiquement, exception faite de la situation impliquant le gestionnaire de l’immeuble. En ce qui concerne le gestionnaire de l’immeuble, là encore la SAR partage la conclusion de la SPR à l’effet que la demanderesse n’a déployé aucun effort pour résoudre la question avec la police et ajoute que la demanderesse a certes été harcelée, mais qu’elle n’a pas été persécutée.

[9]               La SAR se penche ensuite sur la question de la possibilité d’un refuge intérieur, un aspect dont la SPR a tenu compte au moment de décider que le harcèlement subi par la demanderesse de la part du gestionnaire de l’immeuble ou des hommes avec lesquels il se tenait ne constituait pas de la persécution. La SAR estime que la SPR a appliqué correctement le critère à deux volets (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 1256, 140 NR 138 (CA) et Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1172, 22 Imm L.R. (2d) 241 (CA) [Thirunavukkarasu], souscrivant à la conclusion de la SPR que la demanderesse avait accès à un refuge intérieur dans un autre quartier de Beyrouth. La SAR conclut également que les raisons invoquées par la demanderesse pour être incapable de s’installer à un autre logement de Beyrouth ne sont pas fondées, parce qu’elle bénéficie du soutien financier de ses frères et sœurs et de ses enfants, que sa fille habite à Beyrouth et que le gestionnaire de l’immeuble où elle habite ne la poursuivra pas dans un autre quartier, car « semble­t­il, il veut seulement qu’elle déménage ». (Décision de la SAR au paragraphe 25)

[10]           Finalement, la SAR a conclu que l’argument de la demanderesse voulant que les musulmans soient partout dans Beyrouth est spéculatif, en ce qui concerne la persécution dirigée contre la demanderesse.

III.             Position de la demanderesse

[11]           La demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur en déterminant que sa crainte subjective n’était pas fondée de manière objective, car elle ne tenait pas compte des preuves contradictoires pertinentes. La demanderesse soutient que la SAR :

A.                n’a pas bien étudié les rapports sur la situation au Liban, notamment les incidents de violence religieuse, lesquels montrent que les chrétiens du Liban ne sont pas exempts de persécution et que le nombre d’incidents violents à l’endroit des chrétiens est en hausse;

B.                 qu’elle a mal interprété les éléments de preuve portant sur la nature de la religion de la demanderesse en considérant les chrétiens comme un groupe homogène au Liban et en ne reconnaissant pas que la demanderesse est de confession orthodoxe syriaque chrétienne, une minorité chrétienne. La demanderesse ajoute que la preuve documentaire montre que les syriaques chrétiens font l’objet de discrimination en raison du manque de représentation ministérielle de ce groupe de chrétiens au sein du gouvernement;

C.                 que la SAR n’a pas pris en considération les éléments de preuve montrant l’intensification et la hausse des incidents de violence impliquant l’État islamique, ce qui contredit la conclusion voulant que toute allégation de menace posée par l’État islamique soit spéculative.

[12]           En ce qui concerne la protection conférée par l’État, la demanderesse est d’avis qu’un demandeur n’a pas à risquer sa vie pour obtenir de la protection, mais simplement à démontrer le manque d’efficacité de cette protection. La demanderesse affirme que l’inefficacité de la police au Liban est connue de tous et que la preuve documentaire le confirme. Pour cette raison, la demanderesse maintient que la SAR a commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait fait aucun effort pour obtenir la protection de la police.

[13]           Enfin, la demanderesse est d’avis que la SAR a conclu abusivement qu’un autre quartier de Beyrouth constituerait une possibilité de refuge intérieur acceptable. La SAR n’a pas bien analysé les documents décrivant la situation au pays, lesquels font état de persécution à grande échelle, et n’a pas pris en considération le fait que la demanderesse avait été attaquée à Beyrouth, de sorte qu’il est peu probable qu’un autre quartier de Beyrouth puisse constituer une possibilité de refuge intérieur acceptable.

IV.             Position du défendeur

[14]           Le défendeur soutient que la SAR a pris en considération la preuve documentaire sur laquelle la demanderesse s’appuie, en ce qui concerne le traitement infligé aux chrétiens au Liban et le risque que pose l’État islamique. La SAR a reconnu les rapports de violence et l’activité de l’État islamique dans la région. Le défendeur ajoute que la SAR n’a pas commis d’erreur au moment où elle a soupesé les éléments de preuve offerts et où elle a déterminé que les craintes manifestées par la demanderesse à l’égard de l’État islamique n’étaient pas fondées objectivement.

[15]           Il ajoute que la demanderesse a fondé ses allégations relativement aux risques auxquels elle est exposée sur le fait qu’elle est chrétienne, et non pas sur son statut de minorité en tant que membre de la confession orthodoxe syriaque chrétienne, et qu’elle n’a pas démontré que les membres de cette confession sont plus à risque que les autres chrétiens au Liban. Les éléments de preuve confirmant le fait que les syriaques chrétiens soient sous­représentés au sein du gouvernement ne démontrent pas le risque accru et ne contredisent pas la conclusion de la SAR voulant que le risque allégué par la demanderesse ne soit pas fondé objectivement.

[16]           Le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement partagé l’avis de la SPR voulant que le harcèlement infligé à la demanderesse par le gestionnaire de l’immeuble et ses voisins ne constituait pas une forme de persécution. En outre, la SAR a aussi raisonnablement partagé l’avis de la SPR voulant que, comme solution de rechange, un autre quartier de Beyrouth puisse constituer une possibilité de refuge intérieur acceptable, car la preuve offerte par la demanderesse n’a pas permis de confirmer ses allégations relativement au risque auquel elle était exposée. Le défendeur maintient aussi que le soutien des frères et sœurs et des enfants de la demanderesse, jumelé à la présence de sa fille à Beyrouth, démontre le caractère raisonnable de l’assertion voulant qu’un autre quartier de Beyrouth puisse constituer une possibilité de refuge intérieur acceptable.

[17]           En ce qui concerne la protection accordée par l’État, le défendeur affirme que la conclusion de la SAR à l’effet que la demanderesse n’a pas déployé d’effort auprès de la police pour résoudre les incidents impliquant le gestionnaire de l’immeuble ne constitue pas une conclusion déterminante. Le défendeur affirme que ni la SPR ni la SAR n’ont effectué d’analyse de la protection conférée par l’État et que, par conséquent, la demanderesse conteste une conclusion qui n’a pas été tirée.

V.                Questions en litige

[18]           La présente demande soulève les questions suivantes :

A.                Est­ce que la SAR a commis une erreur dans son évaluation de la preuve documentaire, en ce qui concerne le traitement des chrétiens au Liban, y compris des risques que pose l’État islamique;

B.                 Est­ce que la SAR a commis une erreur en ne prenant pas en considération l’identité religieuse de la demanderesse, à savoir orthodoxe syriaque chrétienne, aux fins de sa demande, l’ayant au contraire considérée simplement comme une chrétienne;

C.                 Est­ce que la SAR a raisonnablement conclu que les expériences personnelles de la demanderesse, en ce qui concerne le gestionnaire de l’immeuble et les autres, n’atteignaient pas le point où l’on pouvait les considérer comme des actes de persécution;

D.                Est­ce que la SAR a commis une erreur à concluant qu’un autre quartier de Beyrouth constituerait une possibilité de refuge intérieur acceptable pour la demanderesse;

E.                  Est­ce que la SAR a commis une erreur, en ce qui concerne son traitement de la protection conférée par l’État.

VI.             Norme de contrôle

[19]           Les questions soulevées se rapportent à des conclusions de fait et à une combinaison de faits et de lois, notamment l’évaluation de la preuve documentaire dont la SAR disposait. La norme de contrôle applicable est le caractère raisonnable (Ngandu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 423, paragraphe 12, 34 Imm L.R. (4th) 68).

VII.          Analyse

A.                L’évaluation de la preuve était raisonnable.

[20]           Je suis d’avis que la SAR n’a pas commis d’erreur dans son analyse de la preuve documentaire concernant le traitement des chrétiens au Liban ou la nature et la portée de la menace que constitue l’État islamique au Liban.

[21]           Un examen du dossier révèle qu’il existe des tensions religieuses entre les chrétiens et les musulmans et que Beyrouth a été le site de certains incidents. Cependant, la plupart des incidents attribuables aux tensions entre les chrétiens et les musulmans, y compris les incidents de violence, se sont produits à Tripoli et dans des régions du Liban autres que Beyrouth. La preuve offerte montre également que les [traduction] « chrétiens – en tant que collectivité – au Liban n’étaient pas victimes de violence [entre 2011 et 2013] en raison de leurs croyances religieuses. Les chrétiens qui ont perdu la vie lors d’incidents de sécurité au cours cette période n’étaient pas ciblés spécifiquement, mais ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. » (Dossier de la demanderesse à la page 86)

[22]           Je pense également que la SAR n’a pas mal interprété les éléments de preuve concernant les groupes chrétiens minoritaires et particulièrement les orthodoxes syriaques chrétiens. Les orthodoxes syriaques chrétiens forment l’un des groupes de chrétiens reconnus au Liban et, en vertu de la constitution du Liban, les chrétiens et les musulmans doivent bénéficier d’une représentation égale au sein du parlement et du cabinet et en ce qui concerne les postes de haut niveau au sein de la fonction publique (dossier certifié du tribunal, vol. 1, pages 11 et 12). La demanderesse mentionne l’absence de représentant syriaque orthodoxe chrétien au niveau ministériel au sein du gouvernement du Liban pour défendre sa position. Je suis convaincu par la position du défendeur sur ce point voulant, qu’au mieux, cet élément de preuve constitue une preuve de discrimination et que le fait que la SAR n’y fasse pas référence n’a pas pour effet de conférer à sa décision un caractère déraisonnable.

[23]           Je constate aussi le fait que la demanderesse n’a pas mentionné son appartenance à la confession syriaque orthodoxe chrétienne dans sa demande. Même si la demanderesse mentionne être originaire de la Syrie, lorsqu’elle aborde la question de la persécution fondée sur les croyances religieuses dans le formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] et dans ses observations à la SPR, ainsi qu’à la SAR, sa demande porte essentiellement sur son identité religieuse en tant que chrétienne et la situation des chrétiens au Liban. C’est pour ce motif que la SPR et la SAR ont raisonnablement examiné sa demande. La demanderesse ne peut faire valoir au cours de ce contrôle judiciaire que la SAR et la SRP ont commis une erreur, en ce qui concerne une question que la demanderesse n’a jamais soulevée (Brown c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2007 CAF 26, paragraphe 3, 155 ACWS (3d) 326; Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Philistin, 2014 CF 762, paragraphe 10, 460 FTR 239) et qui n’a pas découlé de la preuve offerte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nwobi, 2014 CF 520, paragraphes 18 et 19, 456 FTR 30).

[24]           De même, je suis d’avis que le fait que la SAR soit d’accord avec la conclusion de la SPR voulant que la demanderesse ne soit confrontée à guère plus que la simple possibilité de persécution par l’État islamique ou les groupes affiliés au Liban soit une conclusion à laquelle la SPR pouvait raisonnablement en venir et une conclusion à laquelle la SAR pouvait en venir après à la lumière de la preuve offerte. En particulier, les objectifs et les activités de l’État islamique et des groupes affiliés sont reconnus, mais cet élément de preuve est considéré à la lumière de la preuve que ces groupes n’exercent pas un contrôle exclusif sur une région quelconque du Liban et qu’ils ne constituent une menace véritable pour les chrétiens et les habitants non sunnites du Liban (dossier de la demanderesse, page 88).

B.                 Il est raisonnable de conclure que la conduite du gestionnaire de l’immeuble et d’autres personnes ne peut être considérée comme une forme de persécution.

[25]           Comme l’observe le juge Near dans Mallampally c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 267, paragraphe 24, il est souvent difficile de faire la distinction entre le harcèlement et la persécution, car est une question mixte de droit et de fait. Il convient de n’intervenir dans de telles décisions que lorsqu’il est établi que la conclusion est abusive ou déraisonnable.

[26]           Dans la présente instance, la SAR a conclu que la conduite du gestionnaire de l’immeuble tout comme celle d’autres personnes ne pouvait être considérée comme une forme de persécution. Même s’il semble que la SAR a interprété la preuve de façon erronée, en ce qui concerne la fréquentation continue de l’église par la demanderesse, je suis convaincu que cela ne rend pas sa conclusion déraisonnable. La demanderesse reconnaît que le harcèlement ne visait pas à la forcer à quitter son appartement, mais elle offre peu d’éléments de preuve indiquant que le harcèlement n’aurait pas cessé si elle l’avait fait.

C.                 L’analyse de la possibilité de refuge intérieur acceptable est raisonnable.

[27]           Le critère en deux volets, en ce qui concerne la possibilité de refuge intérieur acceptable, a été établi dans Thirunavukkarasu, à savoir : 1) la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI; 2) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de s’y réfugier (récemment réaffirmé dans Pidhorna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1, paragraphe 40).

[28]           Ayant établi que la SAR : 1) a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas été victime de persécution dans son quartier; 2) que les éléments de preuve montrant que l’État islamique constituait un risque de persécution à grande échelle à Beyrouth pour la demanderesse, en particulier, et pour les chrétiens, en général, ne dépassaient pas la spéculation, il n’y a pas lieu d’aborder la question de la possibilité de refuge intérieur acceptable. Malgré tout, je suis d’avis que l’analyse de la possibilité de refuge intérieur était raisonnable.

[29]           La demanderesse s’appuie sur la décision de la juge  Danièle Tremblay­Lamer dans Thevasagayam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF nº 1406, paragraphes 11 et 12, 75 ACWS (3d) 522 (1re inst.), pour soutenir que le second volet du critère n’a pas été satisfait, car le demandeur avait été détenu et torturé dans le refuge intérieur de sa ville même. Je ne suis pas d’accord. Dans la présente instance, la SAR a tenu compte de la nature de la présumée persécution, de l’endroit où celle­ci s’était prétendument produite et des éléments de preuve que l’occupation de l’appartement dans l’immeuble avait déclenché la persécution alléguée. Il existe peu de preuve permettant de conclure que la persécution en question aurait continué dans un autre quartier de la ville. De même, la SAR a pris en considération les circonstances personnelles de la demanderesse, notamment le fait qu’elle bénéficiait du soutien de ses frères et sœurs et de ses enfants qui l’auraient aidé à défrayer le coût plus élevé d’un logement et le fait que la fille de la demanderesse habite à Beyrouth.

D.                Protection de l’État

[30]           En ce qui concerne la protection de l’État, j’abonde dans le sens du défendeur; la SAR ne s’est pas prononcée sur la protection de l’État; néanmoins, il est mentionné que la demanderesse n’a pas tenté de régler le problème en consultant la police. La décision de la SAR repose plutôt sur les conclusions que : 1) les expériences personnelles de la demanderesse ne constituent pas une forme de persécution; 2) un autre quartier de Beyrouth constituait une possibilité de refuge interne acceptable; 3) la demanderesse n’a pas étayé sa crainte subjective de l’État islamique/du Front al­Nusra au moyen d’éléments de preuve objectifs. L’utilisation du titre « Protection de l’État » dans la décision de la SAR semble être une erreur, mais celle­ci ne nuit pas à la transparence et à l’intelligibilité de la décision mentionnée ci­dessus (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Newfoundland and Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 R.C.S. 708, paragraphe 18).

VIII.       Conclusion

[31]           Reconnaissant qu’il existe une présomption selon laquelle un décideur administratif a pris en considération tous les éléments de preuve dont il était saisi et que ce décideur n’est pas tenu de tenir compte des éléments de preuve qui vont à l’encontre de ses conclusions (Cepeda­Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF nº 1425, paragraphes 15 à 17, 157 FTR 35 (1re inst.)), je suis satisfait que la décision de la SAR est raisonnable.

[32]           Les parties n’ont pas relevé de questions aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-3920-15

 

INTITULÉ :

JAMILE BNAITI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mars 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 1er avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Geraldine MacDonald

 

Pour la demanderesse

 

Jelena Urosevic

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Geraldine MacDonald

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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