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Date : 20160405


Dossier : IMM-4408-15

Référence : 2016 CF 377

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2016

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

MARION VALDEZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Une représentante du ministre a statué que Marion Valdez devrait être orienté vers la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en vue de la tenue d’une enquête pour grande criminalité. M. Valdez sollicite le contrôle judiciaire de cette décision, alléguant qu’elle était déraisonnable. M. Valdez fait valoir de plus que l’enquête devrait être suspendue au motif qu’elle constitue un abus de procédure en raison du long délai qui s’est écoulé entre sa seule déclaration de culpabilité digne de mention et la décision de déférer l’affaire.

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la décision du ministre était raisonnable et que les circonstances de l’espèce ne constituent pas un abus de procédure. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de M. Valdez doit être rejetée.

I.                   Contexte

[3]               M. Valdez et sa famille sont arrivés au Canada en provenance des Philippines en 1993, lorsqu’il avait 28 ans. Il est présentement un résident permanent du Canada.

[4]               En 1999, M. Valdez a été déclaré coupable d’utilisation d’un document contrefait, en violation de l’article 368 du Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C­46. M. Valdez agissait comme infirmier auxiliaire à domicile auprès d’un homme alité et mourant. Après que la femme du patient eut refusé de lui consentir un prêt, M. Valdez a volé un chèque en blanc de son employeur, l’a libellé à son nom pour 1 500 $, puis a tenté de le négocier. M. Valdez a expliqué sa conduite en déclarant qu’il voulait obtenir un appartement et qu’il avait besoin d’argent pour son premier et dernier mois de loyer.

[5]               M. Valdez a plaidé coupable à l’accusation et a reçu une condamnation avec sursis et 12 mois de probation. Les parties ne contestent pas que cette infraction constitue de la « grande criminalité », rendant M. Valdez interdit de territoire au Canada en vertu du paragraphe 36(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

[6]               En 2000, M. Valdez a découvert qu’il était séropositif. Il dit qu’il a été infecté par le virus à la suite d’une piqûre d’aiguille qu’il avait subie quelque quatre ans plus tôt, alors qu’il travaillait à l’hôpital Wellesley, bien que la preuve devant moi sur ce point soit loin d’être convaincante. Je mentionne la cause alléguée de l’infection par le VIH de M. Valdez seulement parce qu’il s’appuie sur sa prétention selon laquelle il a été infecté en milieu de travail comme motif d’ordre humanitaire qui aurait dû être prise en compte en l’espèce.

[7]               Selon l’affidavit de M. Valdez, il a développé une dépendance au jeu à compter de 2001, qui l’a amené à s’endetter de façon importante.

[8]               En 2008, M. Valdez a créé une combine par laquelle il promettait d’aider des personnes à obtenir un emploi et le statut d’immigrant au Canada pour les membres de leur famille en échange d’un droit de 1 000 $. M. Valdez admet qu’il n’a jamais eu l’intention de fournir de tels services, et qu’il ne l’a jamais fait.

[9]               M. Valdez a continué à commettre sa manœuvre frauduleuse pendant plus de cinq ans, continuant même après son arrestation en 2011. Il a par la suite été inculpé de dizaines de chefs d’accusation de fraude. Le 18 septembre 2013, M. Valdez a plaidé coupable à 27 chefs d’accusation de fraude de moins de 5 000 $. Il a été condamné à un total de 12 mois d’emprisonnement (compte tenu du temps passé en détention préalable au procès), et on lui a ordonné de remettre à ses victimes la somme de 80 000 $. M. Valdez a été mis en liberté conditionnelle après avoir purgé deux mois de sa peine.

[10]           Les parties conviennent que, parce que la peine d’emprisonnement de 12 mois de M. Valdez comprenait en fait plusieurs peines de 30 jours pour les chefs d’accusation de fraude, ces infractions ne constituent pas de la « grande criminalité » aux fins du paragraphe 36(1) de la LIPR.

II.                Procédures d’immigration de M. Valdez

[11]           La preuve incontestée dont je suis saisie établit que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) n’a pas pris connaissance de la déclaration de culpabilité en 1999 de M. Valdez avant le 19 avril 2011, lorsque la police de Toronto a communiqué avec elle après l’arrestation de M. Valdez en 2011. À ce moment­là, M. Valdez n’avait seulement été inculpé que de sept chefs d’accusation de fraude de moins de 5 000 $ et de trois chefs d’accusation de fraude de plus de 5 000 $.

[12]           Sur réception de cette information, l’ASFC a demandé une recherche auprès du Centre d’information de la police canadienne pour M. Valdez. À la suite de la recherche faite par le CIPC, l’ASFC a découvert que M. Valdez avait été reconnu coupable d’avoir contrefait un document en 1999. L’ASFC a tenté d’obtenir les dossiers de la Cour à l’égard de cette déclaration de culpabilité, mais ces dossiers ne sont plus disponibles. L’ASFC a cependant pu obtenir une copie du rapport de police relativement à cette infraction auprès de la Police régionale de York.

[13]           Le 29 septembre 2011, l’ASFC a convoqué M. Valdez pour lui demander de se présenter à une entrevue. L’entrevue a eu lieu le 9 novembre 2011. Au cours de l’entrevue, M. Valdez a été informé du but de l’entrevue, et il a été interrogé à propos de ses deux déclarations de culpabilité en 1999 et des plus récentes accusations portées contre lui.

[14]           L’ASFC a surveillé activement la progression de l’affaire pénale de M. Valdez après l’entrevue. Le 20 mars 2014, l’ASFC a appris que M. Valdez avait été reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation de fraude et, à ce moment, un projet de rapport a été établi demandant que l’affaire soit déférée pour enquête en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR.

[15]           M. Valdez a eu l’occasion de présenter des observations sur la question du renvoi, ce qu’il a fait quelque trois mois plus tard.

[16]           La représentante du ministre a signé le rapport déférant l’affaire pour enquête le 23 décembre 2014. Ce rapport a été envoyé à la SI pour qu’il puisse planifier l’enquête pour M. Valdez. Le 2 septembre 2015, une lettre a été envoyée à M. Valdez l’avisant de la date de son enquête.

[17]           Par souci d’exhaustivité, je voudrais ajouter que la SI a maintenant publié une mesure de renvoi contre M. Valdez, actuellement en appel devant la Section d’appel de l’immigration (la SAI).

III.             La décision de la représentante du ministre était­elle raisonnable?

[18]           Je suis d’accord avec les parties que la décision de déférer l’affaire pour enquête est discrétionnaire, et que la décision de la représentante du ministre est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[19]           M. Valdez soutient que l’analyse de la représentante du ministre était axée sur ses déclarations de culpabilité pour fraude en 2013 de moins de 5 000 $, soutenant que ses plus récentes condamnations ont été utilisées comme prétexte pour raviver sa déclaration de culpabilité de 1999. Étant donné que les délits dont M. Valdez a été reconnu coupable en 2014 étaient des infractions « ne donnant pas lieu à un rapport », en ce qu’elles ne pouvaient pas servir de fondement pour le déclarer interdit de territoire au Canada pour grande criminalité, M. Valdez soutient qu’il serait contraire à l’intention du législateur de fonder un renvoi pour enquête sur des infractions pénales sans gravité.

[20]           Je n’accepte pas cette observation. Comme nous l’avons noté plus tôt, M. Valdez admet que sa déclaration de culpabilité en 1999 a été prononcée pour une infraction qui constituait de la « grande criminalité » aux fins du paragraphe 36(1) de la LIPR. Compte tenu des raisons fournies par la représentante du ministre, il est évident que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, elle a examiné la question de savoir si la déclaration de culpabilité de M. Valdez en 1999 pouvait être considérée comme un manque de jugement « isolé », ou si elle faisait partie d’un comportement frauduleux. Il s’agissait clairement d’un facteur pertinent.

[21]           M. Valdez fait également valoir qu’en rendant sa décision, la représentante du ministre a commis une erreur en omettant de tenir compte de la clémence de la peine qui lui a été imposée pour la déclaration de culpabilité en 1999. S’il est vrai que la représentante du ministre ne traite pas expressément de la clémence de la peine infligée à M. Valdez en 1999 dans ses motifs, elle était clairement consciente de la nature de sa peine telle qu’elle est expressément mentionnée dans la décision. Comme la Cour suprême l’a fait observer dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre­Neuve­et­Labrador (Conseil du Trésor), « [l]e décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit­il, qui a mené à sa conclusion finale » : 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.

[22]           M. Valdez affirme également que la décision de la représentante du ministre est déraisonnable parce que cette dernière a négligé de considérer adéquatement les facteurs humanitaires en sa faveur, y compris son état sérologique et ses problèmes de dépendance, le soutien de sa famille au Canada, et les efforts en vue d’une réadaptation.

[23]           Bien qu’un représentant du ministre ait le pouvoir d’examiner les facteurs d’ordre humanitaire pour décider d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire de déférer une affaire en vue d’une enquête, il n’est pas nécessaire que le représentant effectue un examen complet des facteurs d’ordre humanitaire, comme ce serait le cas dans une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire présentée en vertu de l’article 25 de la LIPR. Cela est particulièrement vrai lorsque, comme en l’espèce, M. Valdez aura la chance de faire examiner pleinement les facteurs d’ordre humanitaire par la SAI dans son appel de la mesure de renvoi prise contre lui.

[24]           Il est clair, après un examen de la décision de la représentante du ministre qu’elle était pleinement consciente des facteurs d’ordre humanitaire que M. Valdez faisait valoir, y compris son état sérologique et ses problèmes de dépendance, la disponibilité de soins médicaux dans les Philippines pour les personnes infectées par le VIH, le soutien de la famille de M. Valdez au Canada et ses efforts en vue d’une réadaptation. M. Valdez me demande essentiellement de soupeser de nouveau les éléments de preuve sur ces questions et d’en arriver à une conclusion différente. Ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[25]           M. Valdez soutient en outre que la constatation de la représentante du ministre selon laquelle il était à risque de récidive n’était pas raisonnable, étant donné que la Commission des libérations conditionnelles de l’Ontario a jugé bon de le libérer (quoique avec conditions) après qu’il eut purgé juste deux mois de sa peine, et son médecin traitant a expressément déclaré qu’il était à faible risque de récidive.

[26]           J’accorde peu de poids à l’opinion du médecin de M. Valdez, car il n’y a rien dans son rapport qui indiquerait qu’elle savait que M. Valdez avait été reconnu coupable de fraude en 1999 – avant de souffrir des sources de stress liées au diagnostic de VIH et de la dépendance au jeu, qui, selon elle, l’ont amené à commettre ses infractions ultérieures.

[27]           En outre, s’il est vrai que la Commission des libérations conditionnelles était d’avis que le risque de M. Valdez pouvait être géré dans la collectivité, les motifs de 2014 du juge de la détermination de la peine justifient amplement la décision de la représentante du ministre que M. Valdez avait un risque de récidive.

[28]           Le juge de la détermination de la peine a conclu que les faits de la cause de M. Valdez étaient « flagrants et troublants ». Il a opprimé environ 130 personnes sur une période de quatre ans, surtout les membres les plus vulnérables de sa propre communauté philippine, dans le cadre d’une manœuvre frauduleuse soigneusement planifiée et subtile. Le juge a en outre conclu que les actes de M. Valdez ont eu un effet dévastateur sur de nombreuses personnes.

[29]           Il faut particulièrement souligner le fait que M. Valdez avait continué de commettre des infractions, même après que les premières accusations eurent été portées en 2011, alors qu’il était en liberté sous caution. En effet, M. Valdez n’a cessé de commettre des infractions qu’après avoir été arrêté pour la troisième fois, en liaison avec la combine.

[30]           M. Valdez a également fait valoir qu’on aurait dû lui fournir une lettre l’avertissant que son statut d’immigration était en péril après sa condamnation de 1999. L’ASFC n’a toutefois pas été mise au courant de cette déclaration de culpabilité au moment où M. Valdez en était l’objet, et ne pouvait donc pas lui fournir une telle mise en garde. Elle n’était pas non plus obligée de le faire. La partie du Manuel d’exécution invoquée par M. Valdez à cet égard prévoit clairement l’envoi d’une lettre d’avertissement après avoir pris la décision de ne pas renvoyer une personne en vue d’une enquête. Ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce : aucune décision n’a jamais été prise dans la présente cause de ne pas déférer l’affaire en vue d’une enquête.

[31]           Enfin, M. Valdez affirme qu’il était déraisonnable de déférer l’affaire en vue d’une enquête fondée sur une condamnation de 15 ans et que la représentante du ministre [traduction] « n’avait pas accordé suffisamment foi » à cette question. Il s’agit essentiellement d’une autre invitation à ce que je soupèse de nouveau les éléments de preuve et elle ne reflète pas une erreur susceptible de contrôle judiciaire de la part de la représentante du ministre.

[32]           Je vais revenir à la question du délai lorsque j’examinerai l’argument de M. Valdez concernant l’abus de procédure. Qu’il suffise de dire à ce stade, toutefois, que la représentante du ministre était consciente du délai entre l’infraction de M. Valdez en 1999 et les accusations portées en 2011. Elle était néanmoins convaincue que l’infraction en 1999 n’était pas un incident isolé, mais une tendance à l’escalade d’une conduite frauduleuse de la part de M. Valdez. C’était une conclusion qu’il était raisonnablement loisible à la représentante du ministre de tirer compte tenu du dossier dont elle disposait.

[33]           Pour ce qui est du délai postérieur à 2011, je suis convaincue qu’il était entièrement raisonnable pour la représentante du ministre d’attendre de voir ce qui s’était produit dans les instances criminelles plus récentes de M. Valdez avant de rendre une décision finale quant à savoir s’il devait ou non être renvoyé à une enquête. En effet, il aurait sans doute été injuste de prendre une décision quant au renvoi fondée sur la simple existence d’accusations en instance, comme le fait qu’une personne qui a été accusée d’une infraction pénale ne prouve rien : il s’agit simplement d’une allégation : (Thuraisingam c. Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 607, au paragraphe 35, 251 F.T.R. 282. Il y avait toujours la possibilité que M. Valdez soit reconnu non coupable des accusations de 2011, et il aurait sans doute voulu que ce développement joue en sa faveur.

[34]           Par conséquent, je suis convaincue que la décision de la représentante du ministre était raisonnable.

IV.             Y a­t­il eu abus de procédure dans la présente affaire?

[35]           M. Valdez soutient également que le délai en l’espèce lui a causé un préjudice, et est devenu par ailleurs oppressif. Il fait valoir que le recours approprié pour cet abus de procédure est une suspension de l’enquête. À l’appui de cette affirmation, il se fonde sur la décision de la Cour dans l’affaire Fabbiano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 FC 1219, 32 Imm. L.R. (4th) 84. L’affaire Fabbiano est une autre décision mettant en cause un renvoi à une enquête, où la Cour a conclu qu’il y avait eu un long retard qui avait causé un préjudice important à la demanderesse.

[36]           Un abus de procédure est un principe de common law dont peut se prévaloir un tribunal pour mettre un terme à des procédures qui sont devenues inéquitables ou oppressives, notamment lorsque cette iniquité découle d’un délai inacceptable qui a causé un préjudice important : Blencoe c. Colombie­Britannique (Commission des droits de la personne), 2000 CSC 44, au paragraphe 101, [2000] 2 R.C.S. 307.

[37]           L’arrêt des procédures est un recours extraordinaire que l’on réserve aux cas les plus manifestes de préjudice, lorsqu’une partie a subi un préjudice réel d’une telle ampleur qu’il heurte le sens de la justice et de la décence du public : Fabbiano, précité, aux paragraphes 9­10.

[38]           Chaque cause dépendra de ses propres faits, mais avant de décider d’accorder une suspension, le Tribunal doit tenir compte du critère suivant :

1.                  Il doit y avoir une atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable ou à l’intégrité du système de justice;

2.                  Il ne doit y avoir aucune autre réparation susceptible de corriger l’atteinte;

3.                  S’il subsiste une incertitude quant à l’opportunité de l’arrêt des deux premières étapes, le tribunal doit mettre en balance les intérêts militant en faveur de cet arrêt.

R. c. Babos, 2014 CSC 16, au paragraphe 32, [2014] 1 R.C.S. 309.

[39]           En tant que partie qui cherche à établir que l’incidence d’un retard administratif a entraîné une injustice, M. Valdez a le fardeau de démontrer que le délai était inacceptable au point d’être si oppressif qu’il vicie la procédure et entraîne un préjudice grave : Blencoe, précité, au paragraphe 121.

[40]           Un délai inacceptable peut aussi équivaloir à un abus de procédure, même lorsque l’équité de l’audience n’a pas été compromise. Comme l’a fait observer la Cour suprême au paragraphe 115 de l’arrêt Blencoe, dans le cas où un délai excessif a causé directement un préjudice psychologique important à une personne ou entaché sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne, le préjudice subi peut être suffisant pour constituer un abus de procédure. La Cour a continué, cependant, en faisant observer que rares sont les longs délais qui satisfont à ce critère préliminaire, et dans les cas où il n’y a aucune atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important pour constituer un abus de procédure.

[41]           M. Valdez soutient que la responsabilité du délai en l’espèce incombe entièrement à l’ASFC, ce qui, dit­il, joue en faveur de l’octroi d’une suspension. Il n’y a, toutefois, pas eu de conduite oppressive de la part de l’ASFC en l’espèce en ce qui concerne la période comprise entre 1999 et 2011, étant donné que l’ASFC n’avait pas été mise au courant de l’existence de la déclaration de culpabilité de 1999 de M. Valdez avant 2011. C’est ce qui distingue les faits de la présente affaire de celles de l’affaire Fabbiano, où la Cour a conclu que l’ASFC avait eu connaissance des faits donnant lieu à l’inadmissibilité éventuelle du demandeur dans cette cause et n’a rien fait pour faire avancer l’enquête pendant sept ans.

[42]           M. Valdez affirme également que le délai en l’espèce a diminué sa capacité de répondre aux allégations portées contre lui, indiquant dans son affidavit, qu’il [traduction] « a très peu de mémoire des circonstances entourant l’accusation et la déclaration de culpabilité [de 1999] », et qu’il est impossible d’obtenir des preuves par rapport à cette condamnation parce qu’elles ont été détruites ou égarées.

[43]           Je n’accepte pas cette observation. M. Valdez se souvient clairement des circonstances entourant l’infraction et la condamnation de 1999, car il a été en mesure de fournir des renseignements détaillés sur les circonstances qui ont mené à sa déclaration de culpabilité de 1999 au cours de son entrevue avec un agent de l’ASFC en 2011.

[44]           M. Valdez a également accès au dossier de la police relativement aux accusations portées en 1999, qui fournit les détails de la seule infraction pour laquelle il a été déclaré coupable et de la peine qui lui a été imposée. J’ai demandé à l’avocat de M. Valdez quelle information supplémentaire était requise pour permettre à M. Valdez de se défendre lui­même équitablement dans l’espèce. L’avocat n’a pas pu désigner de renseignement précis qui pourrait être utile à la défense de M. Valdez et qui ne lui est plus accessible maintenant, affirmant simplement qu’il se peut qu’il y ait eu quelque chose qui aurait été en mesure de l’aider. À mon avis, ces éléments ne suffisent pas à démontrer le genre de préjudice réel qui pourrait justifier une suspension de l’instance.

[45]           M. Valdez fait également valoir qu’il aurait pu demander un pardon, s’il avait su que son statut d’immigration était en cause. Il n’y a rien cependant dans son affidavit qui aborde cette question et par conséquent, il n’existe aucune preuve à l’appui de cette observation. De surcroît, il n’y a rien qui aurait empêché M. Valdez de faire une demande de pardon cinq ans après qu’il eut purgé sa peine pour l’infraction de 1999, et aucune raison n’a été fournie pour son défaut de le faire.

[46]           Enfin, dans la mesure où la période entre 2011 et 2014 est concernée, j’ai déjà conclu qu’il était entièrement raisonnable pour la représentante du ministre d’attendre de voir ce qui s’était produit dans les instances criminelles plus récentes de M. Valdez avant de rendre une décision finale quant à savoir s’il devait ou non être renvoyé à une enquête. Il n’y avait rien d’oppressif à propos de cette approche, et M. Valdez n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice qui en a découlé.

[47]           En conséquence, je suis convaincue qu’il ne s’agit pas de l’une des causes les plus manifestes où un abus de procédure a été établi pour justifier une suspension de l’enquête.

V.                Conclusion

[48]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les parties pour affirmer que la présente affaire repose sur des faits qui lui sont propres et par conséquent ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4408-15

 

INTITULÉ :

MARION VALDEZ c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 mars 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Mme Warda Shazadi Meighen

 

Pour le demandeur

 

Mme Kristina Dragaitis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman and Associates

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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