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Date : 20160407


Dossier : T-2243-14

Référence : 2016 CF 389

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

CATHY MANSLEY

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Cathy Mansley [gendarme Mansley] présente une demande de contrôle judiciaire aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, à l’encontre d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne [CCDP] qui a rejeté sa plainte de discrimination de la part de la Gendarmerie royale du Canada [GRC] à son endroit pour cause d’invalidité. Plus précisément, la gendarme Mansley soutient avoir fait l’objet d’un traitement différentiel préjudiciable par la GRC pour cause d’alcoolisme et de trouble de stress post-traumatique (TSPT). S’appuyant sur le rapport d’enquête terminé le 4 juillet 2014, la CCDP a conclu qu’une enquête du Tribunal canadien des droits de la personne [le Tribunal] n’était pas justifiée. Pour les motifs exposés dans les présentes, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

II.                Faits pertinents

[2]               La gendarme Mansley s’est jointe à la GRC en août 1995. Après sa formation de base, elle a été affectée en tant que policière des services généraux en Nouvelle-Écosse. En 2007, la GRC a recommandé à la gendarme Mansley d’obtenir des services professionnels de counseling en lien avec sa consommation d’alcool. Le 21 janvier 2009 ou aux environs de cette date, la gendarme Mansley, alors qu’elle n’était pas en service, s’est présentée au détachement de Tantallon de la GRC sous l’influence de l’alcool. Un de ses collègues l’a par la suite reconduite chez elle. Le soir du 30 janvier 2009, la gendarme Mansley, alors qu’elle n’était pas en service, s’est rendue dans une résidence privée où elle s’est conduite de façon à rendre les occupants mal à l’aise. Plus tard le soir même ou tôt le matin du 31 janvier 2009, la gendarme Mansley, qui n’était pas en service, a été retrouvée par des policiers dans son véhicule personnel alors qu’elle était sous l’influence de l’alcool. Suite à cet incident, elle a été accusée d’avoir eu la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool. La gendarme Mansley a été impliquée dans des incidents ultérieurs liés à l’alcool, dont l’un a donné lieu à des accusations de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies. Du 16 février au 13 mars 2009, et du 5 août au 8 septembre 2010, la gendarme Mansley a suivi des programmes de réadaptation pour dépendance à l’alcool. Les deux programmes de traitement ont été financés par la GRC.

[3]               Le 7 octobre 2010 ou aux environs de cette date, la GRC a suspendu la gendarme Mansley avec solde. À la date de la présente audience de contrôle judiciaire, la gendarme Mansley est toujours suspendue avec solde. Je souligne également qu’elle n’a subi aucune perte de revenu pendant qu’elle suivait les deux programmes de traitement. Le 29 avril 2011, le comité d’arbitrage constitué en vertu des procédures de discipline énoncées dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 a rendu sa décision concernant la conduite de la gendarme Mansley en lien avec l’incident survenu les 30 et 31 janvier 2009. Le comité d’arbitrage a imposé une peine constituée d’un avertissement et de la confiscation de la solde pour une période de 10 jours et d’une recommandation d’une poursuite du counseling jusqu’à décision contraire du médecin-chef de la GRC. Dans sa décision, le comité d’arbitrage a fait remarquer que le TSPT et la consommation excessive d’alcool de la gendarme Mansley ont constitué des facteurs atténuants qui ont été pris en compte.

[4]               La Commission a reçu une plainte de la gendarme Mansley le 30 novembre 2011 alléguant que la GRC, en présentant sa demande de processus disciplinaire en lien avec l’incident survenu les 30 et 31 janvier 2009, avait fait preuve de discrimination à son endroit pour cause d’invalidité (alcoolisme et TSPT). Plus particulièrement, elle a allégué que la GRC l’a traitée de façon différente et préjudiciable lorsqu’elle a appliqué son code de déontologie sans tenir compte de ses déficiences et en manquant à son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[5]               Dès réception de la plainte de la gendarme Mansley, le dossier a été confié à une enquêteuse aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 [la Loi], qui a remis son rapport d’enquête le 4 juillet 2014. L’enquêteuse a donné à la gendarme Mansley et à la GRC l’occasion de présenter des observations au sujet du rapport d’enquête, ce que les deux parties ont fait. Chaque partie a aussi eu l’occasion de répondre aux observations de l’autre. Là encore, les deux parties ont saisi cette occasion.

[6]               Dans une lettre datée du 1er octobre 2014, la CCDP a informé la gendarme Mansley de sa décision de rejeter la plainte.

III.             Régime législatif

[7]               Le paragraphe 43(1) de la Loi prévoit que la CCDP peut désigner un enquêteur pour enquêter sur une plainte. L’enquêteur remet son rapport à la CCDP, accompagné des réponses des parties, conformément aux dispositions du paragraphe 44(1) de la Loi. Aux termes du paragraphe 44(3) de la Loi, la CCDP peut présenter l’affaire au Tribunal ou rejeter la plainte. Les articles pertinents de la Loi sont joints au titre de l’annexe « A » des présentes.

IV.             Décision contestée

[8]               Puisque la décision de la CCDP offre seulement de brefs motifs et a maintenu la recommandation de l’enquêteuse de ne pas présenter l’affaire au Tribunal, je me fonde sur le rapport d’enquête quant aux motifs de la CCDP (Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056, au paragraphe 37; Shaw c. Gendarmerie royale canadienne, 2013 CF 711, [2013] A.C.F. no 772, au paragraphe 44 [Shaw]; O’Grady c. Bell Canada, 2015 CF 1135, [2015] A.C.F. no 1165, au paragraphe 39).

[9]               L’enquêteuse indique qu’elle a examiné les observations des parties ainsi que toute la preuve documentaire, et qu’elle a mené des entrevues téléphoniques avec diverses personnes. L’enquêteuse a conclu que la gendarme Mansley a allégué avoir subi un traitement différent et préjudiciable du fait de l’application par la GRC de son code de déontologie sans tenir compte de sa déficience, du manquement de la GRC à son obligation de prendre des mesures d’adaptation et de l’exigence qu’elle se présente tous les jours au détachement d’Halifax comme condition de sa suspension avec solde.

[10]           En établissant le bien-fondé des allégations de la gendarme Mansley, l’enquêteuse a énoncé un cadre en trois étapes. L’étape 1 exigeait que l’enquêteuse examine si la gendarme Mansley avait été lésée dans son emploi. Advenant qu’une allégation de discrimination soit justifiée de l’étape 1, l’enquêteuse passait à l’étape 2 pour évaluer l’allégation de la gendarme Mansley concernant le fait que des mesures d’adaptation n’avaient pas été prises. Selon les constatations de l’enquêteuse à l’étape 2, l’enquêteuse peut passer à l’étape 3 pour examiner toute politique, règle, pratique ou norme sur laquelle se fonde la GRC et son lien et sa nécessité sur le plan rationnel en ce qui concerne l’emploi.

[11]           En ce qui concerne l’étape 1, l’enquêteuse a conclu que le comportement de la gendarme Mansley qui a mené à des mesures disciplinaires était relié, en partie, à ses déficiences. Les parties ne contestent pas cette conclusion.

[12]           Pour ce qui est de l’étape 2 de l’enquête, l’enquêteuse a conclu que la gendarme Mansley avait besoin de mesures d’adaptation, y compris diverses périodes de congé, des services psychologiques et des tâches restreintes ou administratives. L’enquêteuse a conclu que la GRC a pris à l’endroit de la gendarme Mansley des mesures d’adaptation qui étaient nécessaires sur le plan médical, y compris : i) diverses périodes de congé; ii) des services psychologiques; et iii) des tâches restreintes ou administratives.

[13]           En ce qui concerne l’allégation de la gendarme Mansley selon laquelle la GRC devait prendre des mesures d’adaptation à son endroit plutôt que de prendre des mesures disciplinaires, l’enquêteuse a conclu que la gendarme Mansley a omis de fournir des renseignements précis concernant les mesures d’adaptation dont elle avait besoin. En outre, l’enquêteuse a reconnu que même si la jurisprudence exige qu’un employeur tienne compte du rôle qu’une déficience peut avoir joué dans la conduite contestée, rien n’empêche un employeur de prendre des mesures disciplinaires. L’enquêteuse a conclu que la GRC a tenu compte de la déficience de la gendarme Mansley lorsqu’elle a imposé des mesures disciplinaires.

[14]           En ce qui concerne l’allégation de gendarme Mansley selon laquelle la GRC n’a pas pris de mesures d’adaptation à son endroit lorsqu’elle a exigé qu’elle se présente tous les jours au détachement d’Halifax, l’enquêteuse a souligné l’existence d’avis d’experts contradictoires à cet égard. John Sperry, psychologue, a appuyé le changement qu’elle se présente à ce détachement tandis que Gilles Chiasson, psychologue de la GRC, était d’un différent avis. L’enquêteuse a conclu qu’il était raisonnable pour la GRC d’accepter l’avis de M. Chiasson étant donné qu’il avait déjà traité la gendarme Mansley et qu’il était au courant de sa situation personnelle.

[15]           Dans une lettre datée du 1er octobre 2014, la CCDP a informé la gendarme Mansley de sa décision de suivre la recommandation mentionnée dans le rapport d’enquête. Il concluait : [TRADUCTION] « Compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci par un tribunal n’est pas justifié ».

V.                Questions en litige

[16]           Ayant examiné les observations écrites des parties et ayant entendu les arguments oraux de la gendarme Mansley, qui a développé de façon importante ses observations écrites, je formulerais les questions en litige comme suit :

  1. La CCDP a-t-elle manqué aux exigences en matière d’équité procédurale?
  2. Est-ce que la décision de la CCDP de rejeter la plainte de la gendarme Mansley est raisonnable?

VI.             Norme de contrôle

[17]           La gendarme Mansley soulève des questions liées à une crainte raisonnable de partialité et à l’équité procédurale. Ces questions doivent être évaluées en fonction de la norme de la décision correcte (Phipps c. Canada Post Corporation, 2015 CF 1080, [2015] ACF no 1079, au paragraphe 30; Canada (Procureur général) c. Davis, 2009 CF 1104, [2009] ACF no 1346, au paragraphe 21; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43). Lors d’un examen de la norme de la décision correcte, la Cour n’est pas tenue d’acquiescer au raisonnement du décideur : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir].

[18]           Puisque la décision de la CCDP de ne pas mener une enquête est de nature discrétionnaire (Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 RCS 364, au paragraphe 25; Keith c. Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117, [2012] ACF no 505, au paragraphe 43 [Keith]), elle doit bénéficier d’une grande retenue et être examinée suivant la norme de la décision raisonnable (Halifax, précité, au paragraphe 27; Keith, précitée, au paragraphe 44; Shaw, précitée, au paragraphe 25). Dans l’arrêt Halifax, au paragraphe 53, le juge Cromwell a conclu que « le tribunal de révision [...] doit se demander si la loi ou la preuve offre un fondement raisonnable à cette décision ». La Cour doit examiner si la décision de la CCDP est justifiée, transparente et intelligible, et si elle tient à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précitée, au paragraphe 47).

VII.          Analyse

A.                Exigences en matière d’équité procédurale

[19]           La gendarme Mansley soutient que l’enquêteuse a démontré qu’il existe une crainte raisonnable de partialité pour ne pas avoir procédé à une enquête neutre. Elle soutient que l’enquêteuse a accepté [traduction] « la majorité de ce que le défendeur lui a dit comme étant raisonnable et conforme à la vérité sans poser de questions ». Plus précisément, elle soutient que l’enquêteuse : 1) n’a pas interviewé personnellement M. Sperry; 2) a omis de tenir compte d’une brochure produite par un cabinet d’avocats intitulée Accommodating Mental Illness in the Workplace: A practical Guide; 3) a omis d’obtenir un exemplaire d’un rapport qu’elle a remis à la GRC concernant les dangers en milieu de travail (dans ce rapport, la gendarme Mansley fait apparemment référence au stress et aux maux de tête qu’elle a subis entre 2005 et 2008); et 4) a omis de faire référence à un rapport rédigé par Robert Konopasky, psychologue, relativement à son TSPT, rapport qui date du 30 juin 2013. De toute évidence, ce rapport est postérieur à l’audience disciplinaire qui fait l’objet de la plainte et du dépôt de cette dernière. Le critère concernant la crainte raisonnable de partialité est énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369. Voir aussi Miller c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] ACF no 735, 112 FTR 195, au paragraphe 14.

[20]           Je répondrai succinctement à chacune des allégations faites par la gendarme Mansley pour ce qui est de la crainte raisonnable de partialité ou l’équité procédurale, comme elle les a formulées. Premièrement, rien n’oblige l’enquêteuse à interviewer M. Sperry. L’enquêteuse connaissait déjà l’avis de M. Sperry pour ce qui est de l’obligation qu’avait la gendarme Mansley de se présenter à un détachement pendant sa suspension avec solde ainsi que l’avis du psychologue Gilles Chiasson, de la GRC. Elle avait le droit de trancher cette question en fonction des documents dont elle disposait. L’enquêteuse est la maîtresse de sa procédure, à la condition qu’elle fasse preuve d’équité envers les deux parties. L’enquêteuse a donné amplement l’occasion à la gendarme Mansley et à la GRC de présenter des observations, et elle avait le droit d’évaluer et d’apprécier les documents dont elle disposait. Il ne s’agit pas d’un cas de renvoi pour lequel la norme en matière d’équité procédurale pourrait être plus élevée. Je conclus que l’approche adoptée par l’enquêteuse satisfait aux exigences en matière d’équité procédurale. Deuxièmement, rien n’oblige l’enquêteuse à tenir compte de documents promotionnels préparés par un cabinet d’avocats concernant un sujet qui ne lui est sûrement pas étranger. Il faut accorder une grande déférence à l’enquêteuse pour ce qui est de sa façon de mener son enquête. Bien que je me demande si le caractère de la décision correcte s’applique à cet aspect de la thèse avancée par la gendarme Mansley, je suis convaincu que la bonne approche a été adoptée et, quoi qu’il en soit, elle satisfait au critère du caractère raisonnable. Troisièmement, bien que l’enquêteuse n’ait pas demandé un exemplaire du rapport sur les dangers en milieu de travail préparé par la gendarme Mansley, elle (l’enquêteuse) s’y réfère précisément dans son rapport d’enquête et accepte la véracité de ce que la gendarme Mansley avait à dire au sujet de son contenu. On ne peut pas dire que le traitement accordé par l’enquêteuse à cette documentation établit une partialité ou une crainte raisonnable de partialité. Finalement, étant donné que le rapport de M. Konopasky est postérieur aux conclusions de l’audience disciplinaire qui faisait l’objet de la plainte en matière de droits de la personne et au dépôt de la plainte comme telle, l’enquêteuse avait la compétence pour l’accepter ou le rejeter. Encore une fois, bien que je me demande si la norme de contrôle pour cet aspect de l’allégation de la gendarme Mansley est celle de la décision correcte, je conclus que l’approche était la bonne et qu’en tout état de cause, elle satisfait au critère du caractère raisonnable. Il n’y a pas eu dérogation aux principes de l’équité procédurale, ni crainte raisonnable de partialité, dans le traitement accordé au rapport de M. Konopasky.

B.                 Caractère raisonnable de la décision de la CCDP

[21]           Outre les arguments susmentionnés relatifs à la partialité et à l’équité procédurale avancés par la gendarme Mansley, elle soutient que la décision de l’enquêteuse est entachée d’un caractère déraisonnable à plusieurs égards. Je les résumerais comme suit : la gendarme Mansley soutient que l’enquêteuse ne possédait pas l’expertise nécessaire pour mener cette enquête et que les raisons ne sont pas adéquates.

[22]           Tel qu’il a été indiqué plus tôt, il faut accorder beaucoup de déférence à la procédure adoptée par l’enquêteuse. La gendarme Mansley conteste l’expertise et les connaissances de l’enquêteuse pour ce qui est de la question du TSPT et de l’alcoolisme. Les enquêteurs sont supposés posséder l’expertise nécessaire et être mieux préparés que la Cour pour prendre des décisions fondées sur les faits (Thomas c. Canada (Procureur général), 2013 CF 292, [2013] ACF no 319, au paragraphe 40; Clark c. Canada (Procureur général), 2007 FC 9, [2007] ACF no 20, au paragraphe 65). Comme il est indiqué plus haut, l’enquêteuse a tenu compte des éléments de preuve et de l’avis de M. Sperry ainsi que de Gilles Chiasson, psychologue de la GRC. Cette évaluation des éléments de preuve cadre tout à fait avec le domaine d’expertise de la CCDP et de l’enquêteuse. Il appartient à la CCDP et à l’enquêteuse affectée au dossier de déterminer la valeur probante des éléments de preuve et de tirer les conclusions appropriées à partir des renseignements disponibles (Lamolinaire c. Bell Canada, 2012 CF 789, [2012] ACF no 1026, au paragraphe 31). Comme l’allègue la GRC, la CCDP, en suivant la recommandation de l’enquêteuse, a agi conformément au pouvoir législatif que lui confère le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. En décidant si l’affaire devrait être présentée au Tribunal, la CCDP a également tenu compte des observations des parties, y compris les observations en réponse au rapport d’enquête.

[23]           Pour ce qui est du bien-fondé des raisons, c’est un principe de droit que l’insuffisance des motifs est un motif de contrôle (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] RCS 708, au paragraphe 14). En l’espèce, l’enquêteuse a rédigé un résumé détaillé de 19 pages de son enquête et de ses conclusions. Le désaccord relativement à la conclusion à laquelle en est venue la CCDP ne suffit pas à démontrer que la décision n’est pas raisonnable. À mon avis, la décision de l’enquêteuse était justifiée, transparente et intelligible (Dunsmuir, précitée, au paragraphe 47).

VIII.       Conclusion

[24]           À mon avis, la décision de la CCDP, s’appuyant sur le rapport d’enquête, satisfait à la norme du caractère raisonnable et tient à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précitée, au paragraphe 47). Je suis également convaincu que l’enquêteuse a mené une analyse exhaustive et neutre fondée sur les diverses sources d’information dont elle disposait et qu’il n’y avait aucune partialité, crainte raisonnable de partialité ou dérogation aux principes de l’équité procédurale. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire avec dépens payables au défendeur par la gendarme Mansley. Les dépens sont fixés à 1 400 $.

« B. Richard Bell »

Juge


ANNEXE « A »

Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), ch H-6

Canadian Human Rights Act, RSC, 1985, c H-6

Enquête

Investigation

Nomination de l’enquêteur

Designation of investigator

43. (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, « l’enquêteur », d’enquêter sur une plainte.

43. (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an “investigator”, to investigate a complaint.

Rapport

Report

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

...

...

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci est justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2243-14

 

INTITULÉ :

CATHY MANSLEY c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 décembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 AVRIL 2016

 

COMPARUTIONS :

Cathy Mansley

 

Pour la demanderesse

(EN SON PROPRE NOM)

 

Melissa Chan

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cathy Mansley

Pour la demanderesse

(EN SON PROPRE NOM)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour le défendeur

 

 

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