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Date : 20160408


Dossier : IMM-4598-15

Référence : 2016 CF 395

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

MAHINTHAN SIVALINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi) contestant la décision d’un agent d’immigration (l’agent), qui a refusé l’examen de risques avant renvoi (ERAR) du demandeur concluant que ce dernier n’est pas une personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi.

[2]               Le demandeur, un citoyen du Sri Lanka, est arrivé au Canada le 13 juillet 2003. Le père du demandeur a obtenu le statut de réfugié au Canada, a parrainé le demandeur, la mère du demandeur et les frères et sœurs du demandeur. Depuis ce temps, le demandeur vit au Canada.

[3]               Le demandeur a fait l’objet de plusieurs condamnations entre 2007 et 2011. Plus précisément, le demandeur a plaidé coupable en juin 2009 à des accusations de vol, de possession, de falsification et de trafic de cartes de crédit en vertu du paragraphe 342 (1) du Code criminel.

[4]               Le 14 septembre 2014, par suite de la déclaration de culpabilité de juin 2009, le demandeur a été jugé interdit de territoire au Canada pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)(a) de la Loi. La Section de l’immigration (SI) a ordonné une mesure de renvoi contre le demandeur.

[5]               Le 18 décembre 2014, la Section d’appel de l’immigration (SAI) a refusé l’appel de la mesure de renvoi de la SI interjeté par le demandeur. La Cour fédérale a également refusé la demande d’autorisation de contrôle judiciaire du demandeur concernant la décision de la SAI du 14 avril 2015.

[6]               Le demandeur a présenté une demande d’ERAR qui se limitait aux facteurs énoncés à l’article 97 en raison de son interdiction de territoire. Cette demande a été rejetée le 1er septembre 2015.

[7]               Le renvoi du demandeur était prévu pour le 21 octobre 2015. Cependant, le 20 octobre 2015, notre Cour a accueilli la requête du demandeur visant à surseoir au renvoi en attendant le contrôle judiciaire de sa demande d’ERAR refusée, ce qui fait l’objet de la présente instance.

[8]               Le demandeur a soumis deux questions à l’examen de la Cour concernant la décision relative à la demande d’ERAR, toutes deux susceptibles d’un contrôle judiciaire selon la norme de la raisonnabilité. Tout d’abord, il soutient que l’agent a omis d’évaluer les risques associés à l’interrogatoire et à la détention dont il ferait probablement l’objet à son arrivée au Sri Lanka, et en second lieu, que l’agent n’a pas examiné les facteurs de risque associés à son profil en tant que fils d’une personne ayant obtenu le statut de réfugiée au sens de la Convention.

[9]               Je considère tout d’abord la deuxième question relative aux facteurs de risque associés au profil du demandeur. En se fondant principalement sur le document de décembre 2012 UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum­Seekers from Sri Lanka [principes directeurs du HCR relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile originaires du Sri Lanka], l’agent a constaté qu’en tant que jeune Tamoul du Nord de sexe masculin, il ne présentait pas un profil qui justifierait une attention négative à son retour.

[10]           Le demandeur a néanmoins fait valoir que ses attributs supplémentaires en tant que fils d’un réfugié du Sri Lanka, grâce au statut duquel il avait obtenu la résidence permanente au Canada, soulèverait de graves risques pour sa sécurité personnelle.

[11]           À cet égard, la Cour a été renvoyée à une décision de mon collègue le juge O’Reilly dans l’affaire Muthuthevar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 FC 1, aux paragraphes 17 à 19. Le cas présentait des faits assez semblables à la présente affaire, c’est­à­dire que le demandeur avait été absent du Sri Lanka pour une longue période de temps et avait obtenu son statut de résident permanent parce que son père avait lui­même obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Son père avait obtenu le statut de réfugié au Canada en raison de sa crainte d’être persécuté au Sri Lanka après avoir été accusé d’être un membre des Tigres de libération de l’Eelam tamoul [TLET], et avait par la suite été arrêté et torturé par l’armée sri lankaise. La Cour avait conclu que la Commission avait commis une erreur susceptible de révision en omettant d’examiner si le demandeur serait soupçonné d’avoir des liens avec les TLET et ferait l’objet de mauvais traitements advenant son retour au Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté.

[12]           L’agent avait examiné la situation factuelle du demandeur relative au fait que son père était un réfugié. L’agent a noté que, outre l’énoncé dans la lettre de son avocat, il n’y avait [traduction« aucune transcription de l’audience et aucun motif écrit détaillant les raisons de cette décision positive [réfugié au sens de la Convention] ». L’agent a conclu que  [traduction« l’avocat n’a fourni aucun élément de preuve démontrant quelque problème que ce soit que le père du demandeur aurait eu au Sri Lanka avec les LTTE ou l’armée qui mettrait le demandeur en péril... [ou] que les groupes militaires ou paramilitaires au Sri Lanka soient au courant des antécédents du père ou que le père a obtenu le statut de réfugié au Canada ».

[13]           En se fondant sur la facilité avec laquelle le demandeur a quitté le Sri Lanka avec tous les documents de voyage appropriés et vu l’absence de preuve concernant les antécédents du père, l’agent a conclu que la déclaration du demandeur selon laquelle il serait persécuté dès son retour en tant que membre de la famille d’un réfugié canadien au sens de la Convention canadienne était conjecturale. Je ne vois aucune erreur susceptible de révision découlant de l’analyse et de la conclusion de l’agent à cet égard, en particulier vu l’absence de preuve du statut de réfugié du père au sens de la Convention.

[14]           En ce qui concerne l’allégation d’erreur commise par l’agent qui aurait omis d’évaluer les risques associés à l’interrogatoire et à la détention, je ne trouve pas non plus d’erreur susceptible de révision nécessitant une intervention de la Cour.

[15]           L’agent a conclu que les documents sur la situation dans le pays en ce qui concerne le processus de contrôle des personnes retournant au Sri Lanka « portaient à confusion ». Le demandeur a mentionné à la Cour des rapports indiquant la prévalence de la torture, généralement associée aux interrogatoires et à la détention par les forces civiles, en plus de préoccupations sur le manque de transparence et d’information à l’égard de ces activités de contrôle. L’agent a cependant examiné et détaillé dans son rapport les processus de contrôle, y compris les rapports négatifs d’organisations telles que la Law and Society Trust of Colombo, ainsi que ceux préparés par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et le Haut­Commissariat du Canada, qui avaient tendance à être moins critiques des risques associés au processus de contrôle. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que le demandeur ait établi que l’agent a omis de considérer les risques associés au retour des Tamouls du Nord de sexe masculin découlant du processus de contrôle étant donné son profil.

[16]           Par ailleurs, je ne crois pas que la jurisprudence citée par le demandeur démontre les dangers du processus de contrôle, vu les faits très différents qui y sont décrits. Par exemple, le juge De Montigny, dans l’affaire Sinnasamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 67, a énoncé des principes concernant l’obligation de prendre en considération la situation particulière du demandeur détenu à la suite des mesures de sécurité mises en œuvre par le gouvernement du Sri Lanka à l’égard des rapatriés. Cependant, les faits sous­jacents dans cette affaire concernaient un tamoul âgé de 46 ans qui avait été torturé à plusieurs reprises et subi des violations des droits de l’homme aux mains de l’armée sri lankaise et des TLET.

[17]           De même, la décision du juge Diner dans l’affaire Kanagarasa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 145 peut également être différenciée de la présente affaire. Les faits dans cette affaire avaient trait à un demandeur rapatrié qui avait des cicatrices visibles et avait été emprisonné, de sorte qu’il était exposé à un risque de torture et de mauvais traitements en faisant l’objet du processus de contrôle à la rentrée au Sri Lanka.

[18]           L’agent a finalement conclu que le profil du demandeur ne correspond à aucun profil de risque accru généralement admis pour les rapatriés. En considérant cela, en plus des conclusions sur le caractère conjectural du risque associé au statut de réfugié du père, du fait que le demandeur n’est pas affilié au TLET, de l’absence de toute difficulté à quitter le Sri Lanka, et de son interdiction de territoire au Canada pour grande criminalité plutôt qu’en tant que demandeur d’asile débouté, je conclus qu’il est raisonnable d’appuyer la conclusion de l’agent voulant que le demandeur ne soit probablement pas soumis à des facteurs de risque énoncés à l’article 97 à son retour dans le pays.

[19]           En conséquence, la présente demande est rejetée, et aucune question n’est certifiée pour être portée en appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4598-15

INTITULÉ :

MAHINTHAN SIVALINGAM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mars 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

Le 8 avril 2016

COMPARUTIONS :

Peter Shams

Pour le demandeur

Daniel Latulippe

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Shams

Avocat­procureur

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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