Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160411


Dossier : T-2584-14

Référence : 2016 CF 401

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2016

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

BRIAN SAUVÉ

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’un rapport d’enquête et de la conclusion du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada (le Commissaire), qui a décidé que la plainte déposée par le demandeur (la plainte) en vertu du sous-alinéa 29(1)h)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21 (la LPRP) n’était pas fondée. La conclusion a été rendue dans une lettre, datée du 18 novembre 2014, à l’intention du demandeur.

[2]               Les parties ont convenu que le rapport d’enquête du Commissaire est une conclusion n’ayant aucune force obligatoire et la Cour ne dispose d’aucun recours en vertu de l’un ou l’autre des articles de la LPRP pour effectuer un contrôle judiciaire du rapport.

[3]               Le demandeur a déposé une demande en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, CH. F-7, (la LCF) afin que la Cour accorde la réparation demandée.

[4]               La présente demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.                Contexte

[5]               Le demandeur est un membre de la GRC. Au moment où il a déposé la plainte, il occupait le poste de représentant des relations fonctionnelles (RRF) de la division « E » et présidait l’un des sept comités RRF santé et sécurité au travail.

[6]               En vertu de l’article 8 de la LPRP, les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent pas être communiqués sans le consentement de l’individu qu’ils concernent, à moins qu’ils cadrent avec l’une des diverses dispositions ou plus. En l’espèce, l’alinéa 8(2)d) s’applique. Il autorise la communication « au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral ».

[7]               En 2011, la GRC et le ministère de la Justice (MJ) ont élaboré un protocole établissant un processus par lequel les renseignements médicaux personnels des membres de la GRC pouvaient être communiqués au MJ conformément aux dispositions de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne ou le gouvernement fédéral (le Protocole). Il s’agit du [traduction] « Protocole concernant la communication de renseignements médicaux aux fins d’un litige impliquant le procureur général ».

[8]               Selon le Protocole, toutes les demandes du MJ liées à la divulgation de renseignements médicaux seront formulées par écrit et adressées au directeur général de la Sous-direction de la santé et de la sécurité au travail (DG de la SSST) de la GRC. La demande vise à indiquer qu’il y a une plainte contre la Couronne et des renseignements sont sollicités conformément à l’alinéa 8(2)d) de la LPRP. Le DG de la SSST fera une demande écrite à l’intention du bon agent des ressources humaines de la GRC, qui, en retour, demandera à un professionnel de la santé engagé par la GRC de fournir les renseignements dans une enveloppe scellée. L’enveloppe scellée remontera ensuite la chaîne jusqu’au MJ.

[9]               Avant le 1er avril 2013, la GRC était autoassurée pour tous les coûts des soins de santé des membres réguliers. Elle a acquis beaucoup plus de renseignements médicaux personnels sur les membres et leur famille qu’elle ne l’aurait autrement. Elle maintient deux types de dossiers médicaux, à savoir un « dossier global » et un « dossier de santé au travail ». En 2004, il y aurait eu un mouvement pour ne retenir que les dossiers de santé au travail, mais, à la date de l’audience, aucune directive n’était en place dans l’ensemble de la GRC et certaines divisions tiennent encore des dossiers médicaux globaux. Selon les éléments de preuve, bon nombre des renseignements dans les dossiers n’ont rien à voir avec le service au sein de la GRC. Ils contiennent également des renseignements médicaux sur les membres de la famille qui ont reçu des prestations de santé par l’entremise de la GRC.

[10]           Aucune information personnelle sur le demandeur n’est en litige dans la présente affaire. Le demandeur n’est d’ailleurs pas partie à un litige avec la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral. Le demandeur a déposé la présente demande parce qu’il a des préoccupations quant aux répercussions du Protocole sur la protection de la vie privée. Il a tout d’abord entendu parler du Protocole en raison de sa participation au comité RRF santé et sécurité au travail.

[11]           Le Commissaire, qui a reçu des observations écrites du demandeur et de la GRC, a réalisé une enquête sur la plainte. Il a conclu que la formulation de l’alinéa 8(2)d) [traduction] « permet une très vaste interprétation ». À cet égard, il a décidé que, pourvu que les deux critères de la LPRP – la communication au procureur général et l’usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral – soient respectés, l’institution fédérale (la GRC) est autorisée à divulguer les renseignements personnels sans consentement.

[12]           Le Commissaire a formulé une conclusion et une recommandation. Il a conclu que le Protocole concorde avec la formulation de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP et la plainte est considérée comme n’étant pas fondée. Il a ensuite recommandé que le Protocole, s’il est révisé, comprenne une exigence selon laquelle le MJ doit retourner à la GRC tout renseignement personnel qu’il considère comme n’étant pas pertinent aux procédures.

[13]           La Cour n’a reçu aucun élément prouvant que le Protocole a déjà été utilisé. Le Commissaire indique qu’on l’a informé qu’une version révisée du Protocole a été rédigée, mais n’a pas été mise en œuvre à la date de son rapport.

A.                Le Protocole

[14]           En 2011, la GRC et le MJ ont élaboré le Protocole pour gérer la communication des renseignements médicaux de la GRC au MJ. L’ensemble du Protocole, qui est assez court et composé d’un avant-propos et du Protocole lui-même, figure à l’annexe A. La partie comportant le Protocole stipule ce qui suit :

[traduction]

Toutes les demandes du ministère de la Justice (MJ) qui sont liées à la divulgation de renseignements médicaux seront formulées par écrit et adressées au directeur général de la Sous-direction de la santé et de la sécurité au travail (DG de la SSST) de la GRC.

La demande indiquera qu’il y a une plainte d’un employé ou d’un ancien employé de la GRC contre la Couronne ou le gouvernement fédéral et que des renseignements sont sollicités conformément à l’alinéa 8(2)d) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Une fois la demande reçue, le DG de la SSST de la GRC fera une demande par écrit à l’intention de l’agent des ressources humaines dans la région où se trouvent les renseignements.

En retour, l’agent des ressources humaines demandera qu’un professionnel de la santé engagé par la GRC lui fournisse une copie des renseignements dans un emballage scellé.

Par la suite, l’agent des ressources humaines fournira le matériel copié et scellé au DG de la SSST.

Le DG de la SSST fournira les renseignements au MJ.

B.                 La plainte

[15]           Le Protocole a attiré l’attention du demandeur lorsqu’il a participé au comité RRF santé et sécurité au travail de la GRC. Dans son affidavit daté du 10 février 2015, le demandeur présente le motif suivant pour lequel il dépose sa plainte :

[traduction]

Les répercussions du Protocole sur la protection de la vie privée me préoccupaient. Par conséquent, par l’intermédiaire de mon avocat, j’ai déposé une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée en vertu de l’alinéa 29(1)h) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[16]           La plainte a été formulée en vertu du sous-alinéa 29(1)h)(ii) de la LPRP, qui porte sur l’utilisation ou la divulgation de renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale. Le demandeur indique que les termes du Protocole ne répondent pas aux exigences de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP. En résumé, le demandeur allègue que le Protocole enfreint l’alinéa 8(2)d) de la LPRP de cinq façons :

i.              il entrave indûment le pouvoir discrétionnaire;

ii.            il ne contient aucune limite quant aux types de poursuites judiciaires;

iii.          il n’exige pas un avis à la personne touchée;

iv.          il ne comporte aucun dispositif de protection des renseignements personnels divulgués;

v.            il n’exige pas que le MJ indique l’objectif de la divulgation.

[17]           La plainte a été déposée le 21 mars 2013. Lorsque la plainte a été déposée, l’avocat du demandeur a annexé une explication détaillée de cinq pages décrivant la nature des renseignements médicaux sous la garde de la GRC et a renvoyé à la jurisprudence à l’appui de sa position. Il a expliqué les motifs pour lesquels il croyait que chacun des cinq problèmes repérés dans le Protocole était réel. Il a annexé quelques directives ou politiques du Conseil du Trésor relativement à la divulgation interministérielle de renseignements personnels. Il a reconnu qu’elles ne liaient pas le Commissaire, mais qu’elles pourraient être pertinentes comme outil interprétatif ou énoncé des meilleures pratiques.

(1)               L’enquête

[18]           Le 13 juin 2013, l’enquêteur principal à la protection de la vie privée a écrit au demandeur pour reconnaître la plainte. Il a indiqué qu’il y avait quatre allégations selon lesquelles le Protocole ne répond pas aux exigences de l’alinéa 8(2)d). Il a invité le demandeur à présenter des observations en tout temps avant la fin de l’enquête et à fournir tout renseignement ou commentaire supplémentaire qu’il jugeait pertinent à la plainte. Dans son résumé de la plainte, l’enquêteur n’a pas inclus la troisième allégation du demandeur, selon laquelle le Protocole n’indique aucune mesure visant à protéger les renseignements personnels. Cette omission n’a pas été soulevée dans le présent contrôle judiciaire.

[19]           L’avocat du demandeur a écrit à l’enquêteur le 18 juin 2013 pour l’informer qu’il n’y avait aucun renseignement supplémentaire à ajouter à ce moment-là, mais qu’il aimerait recevoir une copie des observations écrites de la GRC afin qu’il puisse y répondre. Dans un courriel daté du 18 juin 2013, l’enquêteur a indiqué que les observations fournies par les parties au cours de l’enquête étaient confidentielles en vertu de l’article 33 de la LPRP et ne pouvaient pas être transmises.

[20]           Le 14 avril 2014, l’enquêteur a demandé, par courriel, si le demandeur avait des exemples précis de renseignements médicaux personnels communiqués au MJ qui n’étaient pas pertinents à une poursuite judiciaire et s’il croyait que le MJ ou la GRC devait déterminer la pertinence à la poursuite judiciaire dans le cadre de laquelle les renseignements avaient été demandés.

[21]           Le 8 mai 2014, l’avocat du demandeur a répondu que la GRC aurait pu avoir fourni les renseignements personnels de l’un de ses membres au MJ dans le cadre d’une affaire juridique, mais, ultimement, il a été déterminé que ce membre avait entamé des procédures civiles pour remédier à la situation. En réponse à une question de l’enquêteur, le demandeur a indiqué qu’il croyait que le MJ et la GRC devraient déterminer la pertinence de tout renseignement demandé. D’après lui, le MJ ne devrait demander des renseignements médicaux personnels et la GRC ne devrait les transmettre que s’ils les jugent pertinents à la poursuite judiciaire. Il a déclaré que le pouvoir discrétionnaire indépendant était exigé conformément au paragraphe 8(2) de la LPRP en raison de l’emploi des mots « may be disclosed » (peuvent être communiqués) dans la version anglaise.

[22]           Le demandeur a également soutenu que le MJ devrait retourner tous les renseignements médicaux personnels qui ont été divulgués par la GRC, mais n’étaient pas pertinents à la poursuite judiciaire. Je constate que l’observation a été acceptée par le Commissaire et qu’il s’agit de la seule recommandation formulée dans le rapport des conclusions (la conclusion).

[23]           La GRC a fait des observations le 19 septembre 2013. Elles révèlent que [traduction] « la responsabilité de la divulgation est clairement confiée au directeur général, Sous-direction de la santé et de la sécurité au travail », la demande doit être présentée par écrit et elle doit indiquer qu’une plainte précise contre la Couronne a été déposée par un employé ou un ancien employé de la GRC. Par ailleurs, toute demande doit indiquer que les renseignements sont sollicités conformément à l’alinéa 8(2)d) de la LPRP.

[24]           La GRC souligne que la formulation de la LPRP dispose, sans limite ni restriction, que les renseignements peuvent être divulgués au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires. Pour répondre à chacune des plaintes précises du demandeur, elle s’appuie essentiellement sur la formulation des dispositions relatives à la divulgation dans la LPRP et les exigences du Protocole, selon lesquelles la demande doit être présentée par écrit, souligner certaines questions et être traitée par certaines personnes.

[25]           Aucune observation n’a été présentée autre que les observations ci-dessus et quelques appels téléphoniques, dont le contenu n’est pas connu.

[26]           La conclusion a été publiée le 18 novembre 2014.

(2)               La conclusion

[27]           Le rapport des conclusions du Commissaire décrit la plainte et fournit un résumé de l’enquête, de même que les arguments présentés par les parties dans chacun des quatre domaines examinés. Il a ensuite souligné qu’il fallait examiner les articles 3 et 8 de la LPRP pour prendre sa décision et que le Protocole traite de la divulgation des renseignements médicaux personnels.

[28]           Je décrirai brièvement chacun des quatre domaines examinés par le Commissaire et les motifs pour lesquels il a conclu que la plainte n’était pas fondée.

(a)                Entrave inappropriée à l’exercice du pouvoir discrétionnaire

[29]           Le Commissaire a examiné l’argument du demandeur, qui, après avoir lu le Protocole, croit que la divulgation se fera automatiquement et que la GRC ne pourra pas choisir de ne pas divulguer les renseignements, tandis que les dispositions de la LPRP exigent l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Un tel exercice ne peut pas être entravé à l’avance et il faut procéder à un examen pour chaque demande individuelle, tout en se réservant le droit de refuser une demande. De plus, il a souligné l’argument de la GRC, selon lequel la divulgation en vertu du Protocole concorde avec la formulation de la LPRP parce qu’elle ne comporte aucune limite ou restriction, mais dispose que les renseignements peuvent être communiqués au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires.

[30]           En ce qui a trait à la plainte, le Commissaire a conclu que l’alinéa 8(2)d) de la LPRP permet une très vaste interprétation et que le rôle de l’institution fédérale consiste à s’assurer que les critères objectifs décrits dans l’alinéa sont respectés avant que des renseignements personnels soient divulgués sans consentement. Les critères sont les suivants : les renseignements doivent être divulgués au procureur général du Canada, et ce, pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral.

[31]           D’après le Commissaire, [traduction] « [u]ne fois que ces deux conditions sont respectées, l’institution fédérale est autorisée à divulguer des renseignements personnels sans consentement ». Il a d’ailleurs conclu que l’emploi du mot « may » (pouvoir) dans la version anglaise n’exigeait pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire au cas par cas, car il habilitait tout simplement la GRC à divulguer des renseignements qu’elle ne serait autrement pas autorisée à divulguer.

(b)               Il n’y a aucune limite quant aux types de poursuites judiciaires ou à la pertinence à la poursuite judiciaire

[32]           Le Commissaire a relevé la préoccupation du demandeur à l’égard du fait qu’il n’y avait aucune limite quant au type de poursuite judiciaire pour laquelle des renseignements médicaux peuvent être divulgués. Il soulève d’ailleurs la question de la pertinence à la poursuite pour laquelle les renseignements sont demandés. Le demandeur souligne que le Protocole ne comporte aucune exigence selon laquelle le MJ doit fournir une explication détaillée de la pertinence et de la nécessité des renseignements demandés. De même, il n’y a aucun dispositif de protection afin de veiller à ce que les renseignements soient utilisés pour défendre les plaintes, plutôt que d’engager des poursuites contre les membres de la GRC. Le demandeur a conjecturé que le MJ pourrait demander les renseignements médicaux d’un membre aux fins d’une procédure de contrôle judiciaire liée à un grief concernant une modalité ou une condition d’emploi, comme le paiement des heures supplémentaires ou l’indemnité de déplacement.

[33]           Le Commissaire souligne la position de la GRC, qui affirme que le Protocole exige que toute demande du MJ cite la plainte précise contre la Couronne ou le gouvernement fédéral.

[34]           Dans sa conclusion, le Commissaire révèle qu’aucune disposition du Protocole n’empêche la GRC de remettre en question la pertinence de la demande. Sa position est donc que le MJ est le mieux placé pour déterminer la pertinence puisqu’il est assujetti aux exigences de la LPRP. Le Commissaire ajoute que le Protocole s’applique clairement aux plaintes contre la Couronne, et non à celles amorcées par cette dernière.

(c)                Il n’y a aucune exigence de donner un avis à la partie touchée

[35]           Le troisième aspect de la plainte examinée par le Commissaire constituait l’argument du demandeur selon lequel il ne faudrait pas procéder à la divulgation de tout renseignement personnel sans en aviser les parties touchées au préalable. Le demandeur cite la décision Gordon c. Canada, 2007 CF 253, pour indiquer qu’une personne doit être informée que ses renseignements personnels ont été divulgués en vertu de l’alinéa 8(2)d).

[36]           En réponse, la GRC a simplement fait valoir qu’une telle exigence ne figure pas dans la formulation de l’alinéa 8(2)d), mais, le cas échéant, la personne qui entame une poursuite judiciaire contre la Couronne convient implicitement de la collecte de renseignements relatifs à sa plainte.

[37]           Il est ressorti de l’analyse du Commissaire qu’aucune exigence générale de donner un avis ne figure à l’alinéa 8(2)d) et, en l’absence d’une obligation de consentement, aucune disposition dans les diverses exceptions énumérées au paragraphe 8(2) n’exige qu’une personne soit avisée d’une divulgation imminente. Le Commissaire a également fait valoir que le cas cité par le demandeur concernait la divulgation de renseignements personnels de contribuables en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

(d)               Aucune exigence de définir l’objectif de la divulgation n’est imposée au MJ

[38]           Le Commissaire a indiqué que cet aspect de la plainte était implicitement lié à l’argument du demandeur concernant l’absence d’une limite quant au type de poursuite judiciaire pour laquelle la divulgation pouvait être demandée. Il a ensuite mentionné la position de la GRC, selon laquelle le Protocole exige que le MJ cite la plainte précise contre la Couronne.

[39]           Le Commissaire, qui a relié cette partie de la plainte à la deuxième allégation, a simplement conclu qu’aucun élément précis présenté dans l’enquête ne prouve que les renseignements médicaux personnels de membres de la GRC qui ont effectivement été divulgués au MJ n’étaient pas pertinents à toute poursuite judiciaire en particulier pour laquelle ils étaient demandés.

[40]           Après avoir examiné le Protocole, le Commissaire a ultimement conclu qu’il concordait avec la formulation de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP. La plainte n’était donc pas fondée. Il a toutefois recommandé que tous les renseignements personnels qu’avait reçus le MJ, mais qui n’avaient pas été jugés pertinents aux poursuites, soient retournés à la GRC si le Protocole était en cours de révision.

III.             Dispense demandée

[41]           Le demandeur allègue que le Commissaire a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion déraisonnable lorsqu’il a conclu que le Protocole répond aux exigences de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP.

[42]           Par suite de cette allégation, le demandeur sollicite une déclaration affirmant que le Protocole enfreint l’alinéa 8(2)d) de la LPRP. Il a sollicité la même déclaration auprès du Commissaire.

[43]           En outre, il demande :

i.        une ordonnance visant à annuler la conclusion du Commissaire;

ii.      une ordonnance visant à renvoyer l’affaire au Commissaire afin de déterminer le recours approprié;

iii.    des dépens.

IV.             Questions en litige

[44]           La seule question relevée par le demandeur est celle de savoir si le Protocole enfreint la LPRP et, le cas échéant, de chercher à déterminer les recours appropriés.

[45]           Le défendeur relève trois questions préliminaires :

i.        La Cour a-t-elle compétence pour régler cette question?

ii.      Le demandeur a-t-il qualité pour présenter la présente demande?

iii.    Quelle est la bonne méthode d’interprétation de la LPRP?

[46]           Si je décide que j’ai compétence pour entendre la présente affaire et que le demandeur a qualité, le défendeur soutient qu’il y a trois questions supplémentaires :

i.        Quelle est la norme de contrôle applicable?

ii.      La conclusion du Commissaire, selon laquelle le Protocole est conforme à la LPRP, était-elle raisonnable?

iii.    Quels recours sont à la disposition du demandeur?

[47]           Puisqu’il s’agit d’un contrôle judiciaire, je mets l’accent sur la question de savoir si la conclusion tirée par le Commissaire à l’égard de la plainte était raisonnable. Dans le cadre de cette analyse, le Protocole et la LPRP feront nécessairement l’objet d’un examen. Cependant, la conclusion, et non le Protocole lui-même, est au centre des présentes procédures. Le Protocole est plutôt un ingrédient nécessaire de l’analyse.

[48]           Après avoir examiné les observations par rapport aux questions, j’ai décidé d’adopter l’approche suivante pour effectuer l’analyse :

i.        La présente demande est-elle recevable devant la Cour?

ii.      Si oui, quelle est la norme de contrôle?

iii.    La conclusion du Commissaire peut-elle résister au contrôle judiciaire?

iv.    Sinon, les mesures discrétionnaires demandées par le demandeur devraient-elles être accordées?

V.                La présente demande est-elle recevable devant la Cour?

[49]           La question de savoir si la demande est recevable devant la Cour est très actuelle entre les parties. Ils envisagent la question sous des angles différents. Les questions abordées à cet égard sont celles de savoir si :

i.        la Cour a compétence pour trancher la question compte tenu des dispositions de la LPRP et de la LCF; et, le cas échéant,

ii.      la question soulevée par le demandeur est justiciable; et, le cas échéant,

iii.    le demandeur a qualité pour présenter la demande.

[50]           Les deux dernières questions ont tendance à se chevaucher. Dans son ouvrage intitulé Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada, 2e édition (Carswell 2012), Dean Lorne Sossin explique la différence entre ces questions de la façon suivante à la page 10 :

[traduction]

On confond souvent la justiciabilité avec la qualité. La qualité correspond à la personne ayant le droit d’intenter des instances devant un tribunal, tandis que la justiciabilité concerne la décision qu’une telle personne pourrait demander au tribunal.

A.                Compétence en vertu de la législation

[51]           La première question est de savoir si j’ai compétence pour prendre une décision sur la présente demande compte tenu des dispositions de la LPRP et de la LCF.

[52]           Les motifs de la demande reposent sur les alinéas 8(2)a) et d) et l’article 29 de la LPRP, de même que les alinéas 18.1(4)a) et c) de la LCF. Les parties pertinentes de la LPRP et de la LCF figurent à l’annexe B. Les extraits les plus importants sont les suivants :

Loi sur la protection des renseignements personnels

Communication des renseignements personnels

8 (1) Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément au présent article.

Cas d’autorisation

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants:

d) communication au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral;

Réception des plaintes et enquêtes

29 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à la protection de la vie privée reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes :

h) portant sur toute autre question relative à :

(ii) l’usage ou la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale

Privacy Act

Disclosure of personal information

8 (1) Personal information under the control of a government institution shall not, without the consent of the individual to whom it relates, be disclosed by the institution except in accordance with this section.

Where personal information may be disclosed

(2) Subject to any other Act of Parliament, personal information under the control of a government institution may be disclosed

(d) to the Attorney General of Canada for use in legal proceedings involving the Crown in right of Canada or the Government of Canada;

Receipt and investigation of complaints

29(1) Subject to this Act, the Privacy Commissioner shall receive and investigate complaints

(h) in respect of any other matter relating to

(ii) the use or disclosure of personal information under the control of a government institution

Loi sur les Cours fédérales

Définitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

office fédéral Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale

Demande de contrôle judiciaire

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et

renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

Federal Courts Act

Definitions

2 (1) In this Act,

federal board, commission or other tribunal means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown

Application for judicial review

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

Grounds of review

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(1)               La Loi sur la protection des renseignements personnels

[53]           Les parties sont d’avis que la conclusion du Commissaire n’est pas fondée. Elle ne cadre pas avec l’article 41 de la LPRP, qui prévoit un contrôle devant la Cour lorsqu’on interdit à un intéressé d’accéder à ses propres renseignements personnels. Il s’agit de la seule partie de la LPRP qui offre un recours devant la Cour à un intéressé. Les articles 42 et 43 donnent le droit au Commissaire d’être entendu par la Cour dans les circonstances précisées.

[54]           Le défendeur indique qu’il s’agit de la fin de la question. La Cour n’a pas compétence pour offrir le recours demandé.

[55]           Le demandeur déclare qu’il ne s’appuie pas sur la LPRP. Il demande le recours en vertu de la LCF, précisément parce qu’aucun recours en contrôle judiciaire n’est à sa disposition en vertu de la LPRP.

(2)               La Loi sur les Cours fédérales

(a)                Offices fédéraux

[56]           En vertu de l’alinéa 18(1)a) de la LCF, la Cour a compétence exclusive pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral et pour connaître de toute demande d’une telle réparation à la suite d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1, autre que les questions directement attribuées à la Cour d’appel fédérale conformément à l’article 28, dont aucune n’a été soulevée en l’espèce.

[57]           Conformément à l’article 2 de la LCF, un « office fédéral » est défini comme tout « [c]onseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale [...] ».

[58]           Il ne fait aucun doute que le Commissaire à la protection de la vie privée exerce des pouvoirs en vertu de la législation fédérale et, par conséquent, il est donc un office fédéral conformément à l’article 2 de la LCF. Il y a donc une preuve prima facie en matière de compétence. La deuxième partie de l’analyse cherche à savoir si la conclusion tirée par le Commissaire est une « décision ou ordonnance », comme le précisent les alinéas 18.1(3)b) et (4)c) de la LCF.

(b)               Décision ou ordonnance

[59]           Selon l’alinéa 18.1(3)b) de la LCF, la Cour, sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, peut « annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement [...] toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral ». L’une des questions à trancher est de savoir si une conclusion n’ayant aucune force obligatoire peut se situer dans le champ d’une « décision, ordonnance, loi ou procédure ».

[60]           J’ai de la difficulté à soutenir qu’une conclusion constitue une « loi ou procédure » compte tenu de la compétence élargie de la Cour et de la Cour d’appel traitant de cette question. Par exemple, d’ans l’arrêt Air Canada v. Administration portuaire de Toronto et al, 2011 CAF 347 au paragraphe 24 [Air Canada], le juge Stratas a résumé comme suit les divers articles de la LCF et des Règles des Cours fédérales à ce sujet :

[24]      Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales énonce qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». La question qui peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire ne comprend pas seulement une « décision ou ordonnance », mais tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : Krause c. Canada, 1999 CanLII 9338 (CAF), [1999] 2 C.F. 476 (C.A.). Le paragraphe 18.1(3) apporte d’autres précisions à ce sujet, indiquant que la Cour peut accorder une réparation à l’égard d’un « acte », de l’omission ou du refus d’accomplir un « acte », ou du retard mis à exécuter un « acte », une « décision », une « ordonnance » et une « procédure ». Enfin, les règles qui régissent les demandes de contrôle judiciaire s’appliquent aux « demandes de contrôle judiciaire de mesures administratives », et non pas aux seules demandes de contrôle judiciaire de « décisions ou ordonnances » : article 300 des Règles des Cours fédérales.

[61]           Le demandeur affirme que la conclusion est justiciable parce qu’il s’agit d’une « décision » aux termes de l’alinéa 18.1(3)b). Cependant, cela n’est pas un facteur déterminant de la justiciabilité. Cela montre simplement qu’un « acte » est en cause. La qualité ou les caractéristiques de l’« acte » ne sont pas abordées. Nous ne faisons que passer aux deux prochaines phases à prendre en compte : la justiciabilité et la qualité.

B.                 La Cour est-elle saisie d’une question justiciable?

[62]           Tel qu’il est indiqué au paragraphe 50 des présents motifs, la justiciabilité concerne ce que l’on demande à la Cour de décider. Si la question n’est pas justiciable, il est inutile d’accorder la qualité à un demandeur et la Cour n’a aucune question à trancher.

[63]           Si la conclusion est justiciable, la question est donc de savoir si le demandeur est directement touché et, de ce fait, s’il a qualité. Je m’arrête un instant pour souligner que la validité de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP n’est pas en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[64]           Dans leurs arguments, les parties mettent l’accent sur le caractère non obligatoire de la conclusion, de même que la question de savoir si elle touche directement le demandeur et s’il y a une question importante à examiner. Il ne fait aucun doute que ces arguments chevauchent les domaines de la justiciatibilité et de la qualité. Je ferai de mon mieux pour les distinguer, mais, en l’espèce, je crois que rien en particulier ne concerne la méthode de classement des arguments.

(1)               Thèses des parties

[65]           La justiciabilité traite de la question de savoir s’il convient que la Cour tranche une question particulière. Pour ce faire, il faut se pencher sur la question dont la Cour est saisie aux fins d’arbitrage. L’avis de demande, déposé le 19 décembre 2014, décrit ce qu’on m’a demandé d’examiner. Il est clairement formulé comme suit :

[traduction]

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada (le « Commissaire »), qui a conclu qu’une plainte, déposée par le demandeur le 18 novembre 2014, mais reçue le 21 novembre 2014, n’était pas « fondée ».

[66]           Techniquement, je n’examine pas le Protocole autre que pour déterminer si la conclusion selon laquelle la plainte n’était pas fondée peut être maintenue.

[67]           D’après le défendeur, puisque la conclusion est un avis n’ayant aucune force obligatoire, il n’y a aucune conséquence et donc rien à examiner. Le défendeur, qui se repose sur l’arrêt Air Canada, soutient que pour faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la conclusion doit avoir une incidence sur les droits du demandeur ou il doit y avoir des conséquences juridiques pour ce dernier.

[68]           Le défendeur s’appuie, entre autres, sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Démocratie en surveillance c. Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, 2009 CAF 15. Dans ce cas, on a conclu qu’une lettre n’ayant aucune force obligatoire, présentée par le Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, n’était pas susceptible de contrôle en vertu de la loi parce qu’elle ne constituait ni une décision ni une ordonnance. La Cour a également formulé la conclusion suivante au paragraphe 10 : « Les actes administratifs qui ne portent pas atteinte aux droits des demandeurs ou n’entraînent pas de conséquences juridiques ne peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire [...] ».

[69]           Le demandeur convient que la conclusion n’a aucune force obligatoire, mais il fait la distinction entre les divers cas mentionnés par le défendeur en fonction des faits. Le demandeur présente ses propres cas pour montrer que des avis n’ayant aucune force obligatoire sont effectivement susceptibles de contrôle.

[70]           Le demandeur me demande de lire la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Morneault c. Canada (Procureur général), [2001] 1 RCF 30 (CAF), [Morneault] afin d’étayer la thèse selon laquelle [traduction] « une décision est susceptible de contrôle si elle a une incidence sur une personne ». Il indique que les droits à la vie privée sont importants et qu’il est touché puisque ses droits à la vie privée risquent d’être divulgués indûment, car le Protocole ne protège pas suffisamment de tels droits.

[71]           Le demandeur renvoie d’ailleurs à l’arrêt Moumdjian c. Canada (Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité), [1999] 4 RCF 624, [Moumdjian], à savoir un cas concernant la déportation d’un immigrant reçu en raison de motifs raisonnables de croire qu’il était susceptible de commettre des actes de violence qui pourraient mettre en danger la vie ou la sûreté des personnes vivant au Canada. Dans ce cas, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’elle avait compétence pour entendre la demande même si l’« énoncé des circonstances contenant un résumé des allégations » du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS) sur lequel la déportation était fondée n’était pas une « décision ou ordonnance ».

(2)               Analyse

[72]           Dans l’arrêt Air Canada, le juge Stratas résume les facteurs pour déterminer si une question est susceptible de contrôle (justiciable) aux paragraphes 28 et 29 :

[28] La jurisprudence reconnaît qu’il y a de nombreuses situations où, en raison de sa nature ou de son caractère, la conduite d’un organisme administratif ne fait pas naître le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire.

[29] Une de ces situations est celle où la conduite attaquée dans une demande de contrôle judiciaire n’a pas pour effet de porter atteinte à des droits, d’imposer des obligations juridiques ni d’entraîner des effets préjudiciables [...].

[73]           Ce résumé concorde avec les cas sur lesquels le demandeur s’appuie. L’arrêt Morneault porte sur une commission d’enquête établie en vertu de la Loi sur les enquêtes en vue de réaliser une enquête et de tirer des conclusions relativement au déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie en 1992. Après que la commission a présenté son rapport, le commandant du régiment a demandé d’annuler diverses conclusions en raison du manque d’équité procédurale et de l’absence d’éléments de preuve à l’appui. Lorsqu’elle a conclu que le rapport de la commission était susceptible de contrôle, la Cour d’appel fédérale s’est reposée sur l’alinéa 18.1(4)b) de la LCF, qui porte sur l’équité procédurale et la justice naturelle. Elle a conclu que, même si le rapport était un avis n’ayant aucune force obligatoire et n’était pas strictement une décision ou une ordonnance, des conclusions non étayées par le dossier pourraient causer un préjudice grave à la réputation d’une personne (voir les paragraphes 41, 42 et 45)

[74]           Dans l’arrêt Moumdjian, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’elle avait compétence pour examiner l’énoncé du CSARS, et ce, également en raison de l’existence d’une question importante. La Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit au paragraphe 23 :

[23] J’en viens donc à la conclusion que la Cour possède la compétence requise pour entendre la demande de contrôle judiciaire déposée par le demandeur à l’encontre de la décision du CSARS. La jurisprudence révèle que l’expression « décision ou ordonnance » n’a pas un sens figé ou précis, mais que ce sens est plutôt tributaire du cadre législatif dans lequel s’inscrit la décision de nature consultative, compte tenu des conséquences qu’une telle décision peut avoir sur les droits et libertés de ceux qui cherchent à obtenir un contrôle judiciaire. (Non souligné dans l’original.)

[75]           Dans les arrêts Morneault et Moumdjian, les motifs sous-jacents pour présumer que la Cour d’appel fédérale avait compétence, malgré la présence d’un rapport n’ayant aucune force obligatoire ou d’un énoncé, concernaient la gravité du préjudice causé par la question faisant l’objet du contrôle. Dans l’arrêt Morneault, la Cour d’appel fédérale avait des préoccupations quant au préjudice grave à la réputation du lieutenant-colonel Morneault, en raison du contenu du rapport de la commission d’enquête, surtout s’il manquait des éléments de preuve à l’appui dans le dossier pour certaines conclusions. Dans l’arrêt Moumdjian, le préjudice grave constituait la déportation du Canada en raison de l’énoncé des allégations du CSARS.

[76]           Les arrêts Morneault et Moumdjian comportent trois caractéristiques distinctives qui ne s’appliquent pas en l’espèce. En premier lieu, le lieutenant-colonel Morneault et M. Moumdjian faisaient personnellement l’objet d’une conclusion précise tirée à leur égard. En deuxième lieu, ces conclusions ont été tirées par des organismes administratifs qui agissaient plus à titre de tribunal, c’est-à-dire qu’ils ont entendu des éléments de preuve pendant une longue période et que les plaignants participaient activement aux procédures menant aux décisions qu’ils contestaient. En troisième lieu, des préjudices très graves ont été directement subis par les plaignants par suite de la contestation des conclusions. Il existait un lien de cause à effet. Dans un cas, la réputation personnelle était en jeu et, dans l’autre, la capacité de demeurer au Canada sans être déporté était menacée. Dans l’arrêt Morneault, il était aussi question d’équité procédurale.

[77]           Il n’y a aucune allégation d’iniquité procédurale relativement à la conclusion.

[78]           L’enquête ayant donné lieu à la conclusion ne comprend que des observations écrites des parties. Il y avait uniquement les observations écrites, soit aucune audience et aucun témoin. Aux termes de la LPRP, le demandeur n’était même pas autorisé à recevoir une copie des observations faites par la GRC. Les caractéristiques d’une procédure judiciaire sont absentes dans ce cas.

[79]           Le Commissaire n’est pas un arbitre bien qu’il agisse « en qualité d’ombudsman », nonobstant les origines « quasi constitutionnelles » de la LPRP établies par la Cour suprême du Canada dans la décision Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44. La fonction et le rôle du Commissaire sont décrits au paragraphe 20 :

La Commissaire à la protection de la vie privée est un agent du Parlement chargé d’effectuer des « enquêtes impartiales, indépendantes et objectives » : Cie H.J. Heinz du Canada ltée c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441, 2006 CSC 13 (CanLII), para. 33. C’est un enquêteur administratif et non une autorité décisionnelle.

(Référence omise; non souligné dans l’original.)

[80]           En ce qui a trait au préjudice grave, le demandeur soutient, et j’en conviens, que les droits à la vie privée sont très importants, ce qui est confirmé par la LPRP et la jurisprudence. Ainsi, les questions liées aux droits à la vie privée sont aussi très importantes. Cependant, la prise en compte de l’importance n’est pas suffisante – la conclusion doit causer un certain préjudice au demandeur afin d’être justiciable. La conclusion n’a eu aucune incidence sur les droits à la vie privée du demandeur. Il déclare lui-même qu’il a des « préoccupations » à l’égard du Protocole, mais il n’allègue aucun préjudice grave, à lui-même ou à toute autre personne, découlant de la conclusion ou du Protocole. La conclusion examine simplement le Protocole et révèle qu’il n’enfreint pas la LPRP. Le demandeur n’a personnellement subi aucun effet préjudiciable de la conclusion. En outre, il est vrai que personne n’a subi d’effets préjudiciables en raison de la conclusion.

[81]           Il ne m’a pas échappé que la présente affaire pose le problème de la poule et de l’œuf, c’est-à-dire que la plainte du demandeur porte sur le Protocole. Le Protocole ne fait pas l’objet d’un contrôle judiciaire, mais il jette effectivement les bases des questions sous-jacentes à la présente demande de contrôle judiciaire. Toutefois, si la conclusion ne peut pas être maintenue, le Protocole pourrait s’appliquer au demandeur s’il entame des procédures judiciaires contre le gouvernement. Voilà la raison de sa plainte au Commissaire.

[82]           Le problème associé à cette situation de la poule et de l’œuf est que tout préjudice pouvant être causé au demandeur ou à d’autres personnes en raison de l’utilisation future du Protocole est purement spéculatif et entièrement hypothétique. En ce moment, aucun fondement factuel solide concernant la divulgation abusive de renseignements médicaux n’a été présenté aux fins d’analyse. Il n’y a aucun fondement factuel selon lequel on peut déterminer ou évaluer le préjudice qui pourrait être causé par le Protocole. De plus, comme l’a mentionné le Commissaire dans la conclusion, le MJ est assujetti à la LPRP. La GRC est également assujettie à la LPRP. Pour que le protocole cause un effet préjudiciable ou un préjudice grave au demandeur ou à d’autres personnes, ce dernier devrait être engagé dans des procédures judiciaires avec la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral et au moins l’une de ces institutions fédérales, ou peut-être même les deux, devrait enfreindre la LPRP. À ce stade, en fonction du présent contrôle judiciaire et des faits, la question n’est pas prête à être tranchée.

[83]           Compte tenu de tout ce qui précède, de l’objet de la conclusion et des cas cités par les parties concernées, je conclus que la conclusion n’est pas suffisante pour déclencher des droits, dont pourrait se prévaloir le demandeur, de déposer la présente demande de contrôle judiciaire.

[84]           Bien que cette décision soit suffisante pour statuer sur la présente demande, je vais continuer de traiter les questions soulevées par les parties au cas où ma décision quant à la justiciabilité serait ensuite jugée incorrecte. Par ailleurs, il s’agit d’un cas fondé sur la première impression.

C.                 Qualité pour présenter la demande

[85]           Si la question en litige est effectivement justiciable, la prochaine question à traiter est donc celle de la qualité. La qualité met l’accent sur les pouvoirs du demandeur plutôt que la nature de la question en litige. Conformément au paragraphe 18.1(1) de la LCF, le demandeur doit être directement touché afin de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, il faut être directement touché afin d’être admissible, ou d’avoir qualité, pour présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour.

(1)               Thèses des parties

[86]           Le demandeur soutient qu’il est directement touché conformément au paragraphe 18.1(1) parce qu’il est membre de la GRC et le Protocole examiné dans la conclusion concerne tous les membres de la GRC. Il fait aussi valoir qu’il sera peut-être trop tard s’il attend que le Protocole soit utilisé et qu’il soit impliqué dans un litige avec son employeur ou un autre organisme gouvernemental. Une divulgation abusive a peut-être déjà eu lieu.

[87]           À l’appui de la proposition qui précède, le demandeur se repose sur la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 144 [Moresby]. Dans cet arrêt, on a contesté la décision prise par le directeur d’un parc national, qui a attribué des quotas aux voyagistes/touristes. Les appelants ont allégué que la politique sous-jacente imposant un plafond annuel de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs aux voyageurs était ultra vires et constituait une violation de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les intimés ont déclaré que les appelants n’avaient pas qualité pour contester la politique, car ils ne pouvaient pas prouver que la politique leur avait été défavorable étant donné que leur quota de 2 372 jours/nuitées-utilisateurs avait été calculé correctement.

[88]           La Cour d’appel fédérale a évalué si les appelants étaient directement touchés, puis a décidé qu’ils n’avaient pas à attendre de subir les conséquences de la politique. Elle a conclu ce qui suit aux paragraphes 16 et 17 :

[16] [...] Les appelants tombent manifestement sous le coup de la Politique d’attribution des quotas aux Haïdas. Ils n’ont pas à attendre que celle-ci leur cause préjudice pour la contester pour des motifs de compétence.

[17]      La qualité pour agir est un mécanisme auquel recourent les tribunaux pour dissuader les « ingéreurs » officieux d’intenter une action. Elle n’est pas conçue pour être un moyen préventif de conclure à la non-validité de la cause d’action d’une partie. Il y a une distinction à faire entre le droit à un redressement et le droit de soulever une question justiciable.

[89]           Le demandeur fait valoir que, compte tenu de la décision rendue dans l’arrêt Moresby, la possibilité d’être assujetti au Protocole est suffisante. Il affirme que le fait d’être directement touché n’est pas obligatoire dans le sens habituel du mot « directement » et qu’il n’a pas à attendre qu’il soit réellement touché par le Protocole.

[90]           Le demandeur présente également son point de vue correspondant à une demande de qualité pour agir en tant que partie à un litige d’intérêt public. Il indique que puisqu’il est un membre de la GRC et que le Protocole traite de la divulgation de renseignements médicaux sous la garde de la GRC, il est suffisamment touché par le Protocole, et donc la conclusion, afin de se voir accorder qualité pour agir en tant que partie à un litige d’intérêt public.

[91]           Enfin, le demandeur révèle qu’il a droit à la qualité parce qu’il est une partie, étant donné qu’il a déposé la plainte faisant l’objet du présent contrôle judiciaire. Son avocat a déclaré franchement qu’aucun cas n’explique aussi clairement la situation que la référence sur laquelle il se fonde, à savoir le passage suivant de l’ouvrage de Brown et Evans intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada (Carswell, mai 2015) au paragraphe 4:3431 :

[traduction]

Les parties à une procédure judiciaire, y compris les personnes qui se voient accorder qualité pour comparaître, sont les personnes qui sont touchées ou lésées par toute erreur juridique de la part d’un décideur dans ces procédures et qui, en conséquence, ont le droit de demander un contrôle judiciaire.

[92]           Le défendeur fait valoir que le demandeur dépose la présente demande de contrôle judiciaire dans le but de s’attaquer au Protocole lui-même, car il n’a pas qualité pour le contester directement. Il affirme que le demandeur n’a pas qualité pour agir dans l’intérêt privé parce qu’il n’est pas directement touché. Il indique d’ailleurs qu’il n’a pas qualité pour agir dans l’intérêt public, car il est l’équivalent d’un « fouineur ».

(2)               Analyse

[93]           Dans son ouvrage novateur intitulé Locus Standi: A Commentary on the Law of Standing in Canada (Carswell, 1986), Thomas A. Cromwell, tel était alors son nom, définit la qualité à la page 7, et ce, indépendamment de l’intérêt de la personne qui la demande :

[traduction]

Le terme « qualité pour agir », tel qu’il est employé dans le reste du présent ouvrage, signifie le droit de demander une réparation aux tribunaux séparément des questions du bien-fondé de la demande et de la capacité juridique du demandeur.

[94]           Je conclus que je ne suis pas en mesure d’accueillir la dernière proposition du demandeur, selon laquelle il a le droit à la qualité parce qu’il est une partie par suite de la présentation de sa plainte au Commissaire. Le demandeur affirme qu’il a le droit à la qualité ou, tel qu’il est mentionné ci-dessus, le droit de demander un redressement judiciaire, et ce, tout simplement parce qu’il a déposé une plainte. Aux termes du paragraphe 29(1) de la LPRP, le Commissaire n’a aucun autre choix que d’accepter la plainte et de mener une enquête dès qu’elle est soumise par écrit (comme l’exige l’article 30), pourvu qu’au moins un des motifs énumérés au paragraphe 29(1) fasse l’objet de la plainte. L’« acte » de devenir une partie est entièrement passif et unilatéral, car une personne ne fait que déposer une plainte. Afin de décider si cela est suffisant pour établir la qualité, je m’appuie sur la définition ci-dessus dans l’ouvrage Locus Standi et je pose la question suivante : « Le demandeur a-t-il le droit de demander un redressement judiciaire? »  Au paragraphe 18.1(1) de la LCF, le fait d’être une partie n’est pas suffisant, en soi, pour demander un redressement judiciaire. En effet, il faut que la personne qui demande un redressement soit directement touchée par l’objet de la demande du redressement. En l’espèce, on demande un redressement à l’égard de la conclusion.

[95]           Le demandeur est directement touché par la conclusion, car sa plainte a été traitée et jugée sans fondement. Ainsi, si cette question avait été jugée justiciable, j’accorderais qualité au demandeur pour ce motif.

[96]           Je vais également statuer sur l’argument du demandeur selon lequel il est directement touché par le Protocole, bien qu’il ne soit pas directement visé par le contrôle. Le Protocole est un document procédural. Il ajoute un processus administratif visant à créer un mécanisme par lequel la GRC peut divulguer les renseignements au MJ conformément à l’alinéa 8(2)d) de la LPRP. Le demandeur n’est pas une partie à ce processus. Aucun droit du demandeur n’a été ajouté, soustrait ou autrement touché en raison du Protocole. À moins qu’il soit engagé dans des procédures judiciaires avec la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral à l’avenir et que le Protocole soit en place à ce moment, le demandeur ne sera jamais touché par la Protocole. Il s’agit d’un lien trop précaire pour que le demandeur soit considéré comme étant « directement touché ».

[97]           Si, contrairement à ma décision, la conclusion est justiciable, le demandeur se verrait alors accorder qualité parce qu’il est le plaignant. Il n’est pas nécessaire d’aborder ses arguments quant à la qualité pour agir dans l’intérêt public.

VI.             Norme de contrôle

[98]           Comme je l’ai mentionné, au cas où ma décision quant à l’absence d’une question justiciable est par la suite jugée incorrecte, je vais déterminer si la conclusion peut résister au contrôle judiciaire. Pour ce faire, il est nécessaire d’établir la norme de contrôle.

[99]           Le Commissaire interprétait sa « loi constitutive ». Si la Cour a compétence pour examiner la conclusion, la norme de contrôle est, par présomption, le caractère raisonnable [se reporter à l’arrêt Tervita Corp. v. Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3 au paragraphe 35].

[100]       Le demandeur et le défendeur conviennent qu’il s’agit de la norme pertinente et qu’il n’y a aucune raison de réfuter cette présomption. Je suis d’accord avec la position des parties et je poursuivrai pour ce motif.

[101]       Le caractère raisonnable doit être déterminé en fonction des motifs et du résultat. La Cour ne devrait intervenir que si la conclusion n’entre pas dans la portée des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » puisque le « caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » (se reporter à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[102]       Je suis aussi consciente qu’on a précisé au paragraphe 49 de l’arrêt Dunsmuir ce que signifie la déférence accordée au décideur : « La déférence commande [...] le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs » compte tenu de leur expertise et des différentes fonctions des tribunaux et des organismes administratifs.

[103]       Dans ses observations écrites, le demandeur reconnaît que le Commissaire est un spécialiste de la LPRP et des meilleures pratiques liées à la protection de la vie privée. Il a indiqué ce qui suit au paragraphe 19 :

[traduction]

[...] Si, tel qu’il est soutenu ci-dessous, le Commissaire à la protection de la vie privée faisait une erreur susceptible de contrôle dans son interprétation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les parties devraient tout de même pouvoir tirer parti des recommandations de ce dernier sur la façon de corriger le Protocole de la GRC. Si le demandeur a gain de cause dans la présente demande, et si le Commissaire à la protection de la vie privée formule une recommandation que la GRC refuse de suivre, il sera donc possible d’entamer d’autres procédures pour contester la décision de la GRC de ne pas suivre cette recommandation. Entre-temps, la meilleure façon de respecter les fonctions et l’expertise du Commissaire à la protection de la vie privée consiste à effectuer un contrôle de l’interprétation de ce dernier de la Loi sur la protection des renseignements personnels, puis à lui renvoyer l’affaire afin qu’il puisse faire toutes les recommandations qu’il juge pertinentes.

[104]       Cet argument révèle possiblement que la marge d’appréciation devant être accordée au Commissaire est étroite, voire même jusqu’au point de l’exactitude. Aux fins de précisions, je conclus que, puisque le Commissaire est un spécialiste de sa loi constitutive, soit sa principale compétence, la marge d’appréciation qui lui est accordée au moment de mener une enquête sur la conformité avec la LPRP n’est pas étroite. Il se peut même qu’elle soit assez large compte tenu de son domaine de spécialisation et de ses fonctions, mais je n’ai pas à déterminer si tel est le cas à la lumière des conclusions qui suivent.

VII.          La conclusion du Commissaire peut-elle résister au contrôle judiciaire?

[105]       Le demandeur ne conteste pas le fait qu’il existe un Protocole, mais plutôt les détails qui s’y trouvent en raison de la nature des renseignements médicaux sous la garde de la GRC. Il affirme que la manière et les circonstances dans le Protocole permettent la divulgation de renseignements médicaux personnels sans protection suffisante des droits à la vie privée des membres de la GRC. La source des préoccupations du demandeur constitue les cinq façons dont le Protocole enfreint la LPRP, énumérées précédemment. Pour en faciliter la consultation, je les répète ici. Le demandeur allègue que le Protocole enfreint l’alinéa 8(2)d) de la LPRP des façons suivantes :

i.        il entrave le pouvoir discrétionnaire;

ii.      il ne contient aucune limite quant aux types de poursuites judiciaires;

iii.    il n’exige pas un avis à la personne touchée;

iv.    il ne comporte aucun dispositif de protection des renseignements personnels divulgués;

v.      il n’exige pas que le MJ indique l’objectif de la divulgation.

[106]       La proposition générale du demandeur est que la conclusion n’est pas raisonnable, car le Commissaire n’a pas tenu compte de la règle d’interprétation des lois bien établie, selon laquelle les exceptions et les défenses doivent être interprétées étroitement et strictement lorsqu’une loi quasi constitutionnelle telle que la LPRP est en cause. La méthode d’interprétation législative suggérée provient de l’arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 RCS 559 au paragraphe 26 [Bell ExpressVu] :

[traduction] Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[107]       La proposition générale du défendeur est que les mots utilisés dans la LPRP sont sans équivoque et sans ambiguïté. Par conséquent, aucune résolution n’est nécessaire et la Cour peut appliquer le sens ordinaire des mots qui jouent un rôle primordial. À cet égard, il s’appuie sur l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, qui est conforme à l’arrêt Bell ExpressVu et ajoute ce qui suit au paragraphe 10 :

[...] Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important.

A.                S’il y a pouvoir discrétionnaire, a-t-il été entravé?

(1)               Thèses des parties

[108]       Le demandeur et le défendeur ne conviennent pas du sens du mot « may » utilisé au paragraphe 8(2) de la version anglaise de la LPRP, qui se lit comme suit : « personal information under the control of a government institution may be disclosed » (les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale peuvent être divulgués). Ils conviennent que le paragraphe est rédigé dans une forme facultative, mais ils ne partagent pas le même avis quant à la question de savoir s’il est imprégné du pouvoir discrétionnaire ou s’il est simplement habilitant.

[109]       Le demandeur indique que l’utilisation du mot « may » dans cette partie de la version anglaise de la LPRP suggère le pouvoir discrétionnaire. La formulation du paragraphe est facultative, mais pas obligatoire. Même si elle était habilitante, d’après les allégations du défendeur, le demandeur affirme qu’elle n’est pas en contradiction avec le pouvoir discrétionnaire. Afin de prouver que la formulation est facultative, le demandeur se fonde sur la distinction faite à l’article 11 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, ch. I-21 :

11 L’obligation s’exprime essentiellement par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal et, à l’occasion, par des verbes ou expressions comportant cette notion. L’octroi de pouvoirs, de droits, d’autorisations ou de facultés s’exprime essentiellement par le verbe « pouvoir » et, à l’occasion, par des expressions comportant ces notions.

11. The expression “shall” is to be construed as imperative and the expression “may” as permissive.

[110]       En outre, le demandeur fait valoir que, lorsque le pouvoir discrétionnaire est accordé, il doit être exercé au cas par cas. Pour appuyer leur position, le demandeur et le défendeur se reposent sur les motifs présentés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2000] 3 RCF 589 (CAF) [Ruby] (décision renversée pour des motifs distincts). Le demandeur s’appuie sur l’arrêt Ruby pour faire valoir que la décision d’adopter une politique de non-divulgation globale au moment de traiter des demandes de divulgation en vertu du paragraphe 16(2) était l’exception, et non la règle. Il souligne le paragraphe 67, où la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

S’il est vrai qu’en règle générale les décideurs administratifs ne devraient pas limiter leur pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique générale selon laquelle ils répondront toujours de la même façon à certaines demandes, il s’agit ici de l’un des rares cas où l’adoption d’une telle politique générale constitue en soi un exercice judicieux du pouvoir discrétionnaire.

[111]       À cet égard, le demandeur concède finalement que la GRC doit fournir des documents au MJ aux fins de divulgation dans un litige, mais il soutient que l’alinéa 8(2)c) est plutôt pertinent pour ce type de divulgation et que l’alinéa 8(2)d) vise à autoriser la GRC à fournir au MJ des documents qui n’ont pas besoin d’être produits dans le contexte du litige.

[112]       Le défendeur fait valoir que l’utilisation du mot « may » dans la version anglaise est, en l’espèce, simplement habilitante. Tandis que le paragraphe 8(1) établit que les renseignements personnels ne doivent pas être divulgués sans consentement, le paragraphe 8(2) fournit les exceptions à l’interdiction de la divulgation. Par conséquent, il déclare que l’utilisation du mot « may » dans la version anglaise indique tout simplement l’autorisation d’une divulgation autrement interdite. Il se fonde également sur la version française de la LPRP, dans laquelle il est indiqué que la divulgation de renseignements personnels « est autorisée », et non que les renseignements « peuvent être divulgués », comme dans l’anglais (« may be disclosed »). Le défendeur soutient que, combinée à l’interprétation du Commissaire et à la déférence qui lui est accordée dans son interprétation de sa loi constitutive, sa conclusion selon laquelle l’utilisation du mot « may » au paragraphe 8(2) de la version anglaise de la LPRP indique un pouvoir, et non le pouvoir discrétionnaire, est raisonnable.

[113]       Toujours à l’appui de son analyse, le défendeur se repose sur les explications de la Cour d’appel fédérale aux paragraphes 54 et 55 de l’arrêt Ruby :

[54] Il est vrai que le mot « may » indique souvent qu’une certaine latitude est laissée à un décideur administratif ou judiciaire. Selon l’interprétation normale donnée à ce mot dans une disposition législative, il existe une certaine latitude. Dans bien des cas, l’emploi du mot « may » a certes cet effet. Toutefois, ce mot ne devrait pas être considéré comme un talisman ritualiste. Comme Driedger l’a signalé, [traduction] « [i]l est difficile de dire que les mots [d’une loi], lorsqu’ils sont interprétés isolément dans l’abstrait, ont un sens ».

[55] Lorsqu’il est interprété dans son contexte, le mot « may » peut parfois avoir des fonctions autres que celle de conférer un pouvoir discrétionnaire. Il est reconnu que dans certains cas, le mot « may » (peut) peut être interprété comme signifiant « must » (doit), à l’encontre de la présomption selon laquelle le mot « may » comporte la notion d’octroi de pouvoirs, de droits, d’autorisations ou de facultés énoncée à l’article 11 de la Loi d’interprétation, L.C.R. (1985), ch. I-21. Toutefois, ce n’est pas tout. Le juge d’appel Thorson a signalé le fait que le mot « may » peut parfois n’être qu’une indication de la part du législateur qu’un fonctionnaire ou un tribunal est autorisé à faire quelque chose :

[traduction] Dans certains contextes, bien sûr, le mot « may » n’exprime pas nécessairement une faculté ou une obligation, mais il confère plutôt un pouvoir. Sa fonction est de conférer à une personne ou à une autorité le pouvoir de faire quelque chose que celle-ci n’aurait autrement pas le pouvoir de faire.

[114]       Finalement, le défendeur fait valoir que, même s’il y a pouvoir discrétionnaire, le Protocole ne l’entrave pas. En effet, il ne s’agit que de spéculations de la part du demandeur. Rien n’exige que les renseignements demandés soient les mêmes que les renseignements fournis. Par ailleurs, rien n’empêche le MJ ou la GRC de s’interroger les uns les autres, étant donné que le Protocole est un cadre n’ayant aucune force obligatoire qui permet à la GRC de répondre aux demandes de renseignements médicaux du MJ.

[115]       En réponse, le demandeur déclare que les faits de l’arrêt Ruby concernent le paragraphe 16(2) de la LPRP et ne constitue pas un précédent en ce qui a trait au paragraphe 8(2). De plus, la formulation est différente de celle à l’alinéa 8(2)d). Le paragraphe 16(2) est formulé comme suit : « Le paragraphe (1) n’oblige pas le responsable de l’institution fédérale à faire état de l’existence des renseignements personnels demandés ».

B.                 Analyse

[116]       Le demandeur cite l’arrêt Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 RCS 321 [Zurich] pour déclarer qu’un corollaire de l’analyse en fonction de l’objet est que les exceptions, quoiqu’interprétées restrictivement, peuvent être contraires à l’intention du législateur. Dans l’arrêt Zurich, le juge Sopinka a déclaré que les commentaires suivants du juge Lamer dans l’arrêt Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 RCS 145, étaient pertinents :

Lorsque l’objet d’une loi est décrit comme l’énoncé complet des « droits » des gens [...] leur législateur [a] clairement indiqué qu’[il considère] que cette loi et les valeurs qu’elle tend à promouvoir et à protéger, sont, hormis les dispositions constitutionnelles, plus importantes que toutes les autres. En conséquence, à moins que le législateur ne se soit exprimé autrement en termes clairs et exprès dans le Code ou dans toute autre loi, il a voulu que le Code ait préséance sur toutes les autres lois lorsqu’il y a conflit.

[Souligné dans l’Arrêt Zurich]

[117]       Tandis que l’arrêt Zurich concernait la loi sur les droits de la personne, il s’applique également, en l’espèce, à la LPRP. Le défendeur déclare que le contraire est exprimé en termes clairs et exprès. Malheureusement, les deux parties conviennent que le mot « may » est sans équivoque, mais pour des motifs opposés.

[118]       Dans l’arrêt Ruby, la Cour d’appel fédérale a décidé que la formulation du paragraphe 16(2) de la LPRP suggère une capacité ou un pouvoir, et non un pouvoir discrétionnaire. La Cour d’appel fédérale a présenté deux motifs pour cette décision aux paragraphes 57 et 58 :

[57] Premièrement, les mots « may but is not required » figurant dans la version anglaise sont employés dans un contexte où la communication de renseignements personnels est la règle, le refus de communication étant une exception qui doit être expressément mentionnée. Ces mots indiquent l’intention du législateur de conférer à une institution fédérale le pouvoir de refuser à un demandeur la possibilité de savoir s’il existe des renseignements personnels qu’elle serait par ailleurs obligée de communiquer en l’absence du pouvoir habilitant.

[58] Deuxièmement, la version française du paragraphe 16(2) indique encore plus clairement l’intention du législateur puisque l’équivalent du mot « may » n’y figure pas. La version française prévoit simplement que le responsable de l’institution fédérale n’est pas tenu de faire état de l’existence de renseignements personnels. Elle montre clairement que malgré son obligation générale de communication, l’institution est autorisée à ne pas faire état de l’existence de renseignements personnels. Étant donné que l’institution n’est pas tenue de faire état de l’existence de renseignements personnels, elle a le droit ou le pouvoir de ne pas divulguer ce fait.

[119]       Le même contexte figure au paragraphe 8(2), mais à l’inverse. Au paragraphe 8(1), la non-divulgation est la règle (sans consentement) et, au paragraphe 8(2), l’autorisation de la divulgation est l’exception. Pour ce qui est de l’exception, il est indiqué au paragraphe 57 de l’arrêt Ruby que, en effet, l’exception révèle l’intention du Parlement de conférer le pouvoir de faire quelque chose qu’une personne ne serait autrement pas autorisée à faire.

[120]       En l’espèce, il est énoncé au paragraphe 8(2) de la version française que la divulgation « est autorisée ». Le mot « may » (pouvoir) n’est pas exprimé dans cette version. En anglais, le verbe « authorize » (autoriser) signifie « to give legal authority » (donner le pouvoir juridique) ou « to empower » (habiliter) selon le Black’s Law Dictionary ou, d’après le Canadian Oxford Dictionary, ce mot signifie « to give official permission for or approval to » (donner la permission officielle ou l’approbation). Conformément au paragraphe 58 de l’arrêt Ruby, je conclus que la version française précise clairement que l’exception a été intégrée pour autoriser/habiliter une divulgation qui est autrement interdite.

[121]       Au paragraphe 20 de la conclusion, le Commissaire a manifestement compris la position du demandeur, qui affirme que le mot « may » exige l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la GRC au cas par cas. Cependant, le point de vue du Commissaire est le suivant :

[traduction] Les dispositions qui autorisent la divulgation dans la LPRP n’exigent pas uniformément un pouvoir discrétionnaire de la même importance. Certaines dispositions, notamment l’alinéa 8(2)d), habilitent simplement une institution fédérale à communiquer des renseignements qu’elle ne serait autrement pas autorisée à divulguer.

[122]       Il n’est pas nécessaire en l’espèce de déterminer de façon définitive si le paragraphe 8(2) intègre le pouvoir discrétionnaire dans le processus de divulgation qu’il autorise. Comme je l’ai indiqué, la tournure « est autorisée » dans la version française correspond à l’habilitation. J’examine le caractère raisonnable de l’interprétation de la loi du Commissaire. La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, et non du bien-fondé. Compte tenu de l’analyse dans l’arrêt Ruby et de la certitude de la version française du paragraphe 8(2), en plus des motifs clairs et intelligibles présentés par le Commissaire, je ne suis pas prête à affirmer que l’interprétation du Commissaire, selon laquelle le paragraphe 8(2) habilite simplement la divulgation sans exiger le pouvoir discrétionnaire, n’était pas raisonnable. Je conclus qu’elle cadre avec les issues possibles acceptables.

C.                 Il n’y a aucune limite quant aux types de poursuites judiciaires faisant l’objet du Protocole

(1)               Thèses des parties

[123]       Le demandeur soulève que la formulation du Protocole exprime l’obligation compte tenu de l’emploi du mot « will » (futur de l’indicatif) dans l’ensemble de la version anglaise. Voici quelques passages en guise d’exemple : « the Human Resource Officer will in turn request » ([traduction] « l’agent des ressources humaines demandera en retour ») et « the Director General... will provide that information to DOJ » ([traduction] « le directeur général [...] fournira ces renseignements au MJ »). Il fait valoir que le Commissaire a déraisonnablement fait fi du principe du « besoin de savoir » lorsqu’il a examiné l’absence de restrictions dans le Protocole et n’a pas tenu compte du modèle militaire adopté par la GRC de façon à ce que le mot « will » signifie « must » (doit). Le demandeur renvoie à un énoncé du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan, selon lequel [traduction] « l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans la communication est toujours assujetti à la règle du besoin de savoir et de réduction au minimum des données », et il souligne que le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique a également appliqué ce principe à une loi équivalente à l’alinéa 8(2)d). Le demandeur déclare que le Protocole n’accorde aucun pouvoir discrétionnaire ni aucune capacité à la GRC d’évaluer le « besoin de savoir » du MJ.

[124]       Le défendeur réplique que le Protocole limite effectivement les poursuites judiciaires à celles qui ont été entamées par un employé ou un ancien employé. Il reconnaît aussi la position du Commissaire, qui soutient que rien n’empêche la GRC de remettre en question la pertinence de toute demande faite par le MJ et que, si le MJ demandait effectivement des renseignements non pertinents, il enfreindrait la LPRP, qu’il est tenu de respecter.

[125]       Le défendeur nie que le principe du « besoin de savoir » est applicable à la LPRP.

(2)               Analyse

[126]       L’argument du demandeur ne tient pas compte du fait que la GRC et le MJ sont assujettis à la Loi en tout temps et que le Protocole, un document décrivant un processus administratif, ne peut modifier et ne modifie pas leurs obligations respectives relativement à la collecte, à l’utilisation et à la divulgation de renseignements personnels. Qui plus est, le Protocole ne peut modifier les dispositions de l’alinéa 8(2)d) qui, compte tenu de ma conclusion selon laquelle le paragraphe 8(2) ne comprend par le pouvoir discrétionnaire, comporte une autorité globale de communiquer des renseignements personnels au procureur général « pour usage dans des poursuites judiciaires » tant qu’elles intéressent la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral.

[127]       Dans sa conclusion, le Commissaire a décrit les principaux arguments des parties et a indiqué que la LPRP exige que les renseignements soient divulgués pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne. Il a ensuite souligné que le Protocole exige un énoncé à cet effet et il a conclu que le MJ est le mieux placé pour décider de la pertinence des renseignements. Enfin, il a fait valoir qu’une limite est imposée, car la demande doit indiquer que la plainte contre la Couronne est déposée par un membre ou un ancien membre de la GRC. Par conséquent, ces dispositions ne s’appliquent pas à n’importe quelle poursuite judiciaire intéressant la GRC.

[128]       Une fois de plus, étant donné que la formulation de l’alinéa 8(2)d) impose que les renseignements soient communiqués au procureur général uniquement pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne, je conclus que le raisonnement et la conclusion du Commissaire sur cet aspect sont entièrement raisonnables. Cela est particulièrement le cas parce que le Protocole comporte une limite par laquelle le membre de la GRC doit avoir entamé la poursuite. En plus d’être transparente, justifiée et intelligible, la conclusion du Commissaire à l’égard de ce deuxième défaut allégué cadre avec les issues possibles acceptables.

D.                Le Protocole n’exige pas un avis à la personne touchée

(1)               Thèses des parties

[129]       Le demandeur cite la décision Gordon c. Canada, 2007 CF 253 [Gordon], pour faire valoir que la Cour a ordonné qu’un contribuable soit avisé que ses renseignements personnels avaient été communiqués au MJ par l’Agence du revenu du Canada (ARC) en vertu de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP. Il renvoie également à la décision R. c. Dowling, 2011 ABQB 302 au paragraphe 23, dans laquelle on a conclu que [traduction] « l’article 8 suggère qu’une tentative d’obtenir le consentement [...] est la première option privilégiée ». De plus, il renvoie à la Directive sur les pratiques relatives à la protection de la vie privée du Conseil du Trésor, exigeant que, lorsqu’il est question de divulgation entre des institutions, « l’avis de confidentialité reflète, s’il y a lieu, cette divulgation ». Il soutient également que l’exigence d’adopter une interprétation vaste et libérale de la LPRP signifie que tout doute sur l’interprétation devrait être résolu de manière à faire avancer l’objectif global de la loi et que l’exigence de donner un avis jouera le rôle important de prévenir la GRC d’abuser de son droit de divulguer des renseignements en vertu de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP.

[130]       Le défendeur s’appuie sur l’absence de l’exigence de donner un avis à l’alinéa 8(2)d) et sur la décision Ferenczy c. MCI Medical Clinics (2004), 70 OR (3d) 277 (Cour supérieure de l’Ontario), [2005] OJ no 2076 (ONCA), [Ferenczy], dans laquelle on soutient que l’entreprise de poursuites judiciaires laisse entendre le consentement à la collecte de renseignements pertinents à de telles poursuites.

(2)               Analyse

[131]       Dans la décision Gordon, un cabinet comptable poursuivait l’ARC en raison de la façon dont cette dernière avait traité des déclarations qu’il avait produites au nom de ses clients. L’ARC a demandé à la Cour supérieure de l’Ontario l’autorisation de divulguer des renseignements sur les clients du demandeur au MJ afin de lui permettre de préparer sa défense. En plus d’entrer dans le cadre d’une loi différente, cette instance concernait la divulgation de renseignements personnels appartenant à un tiers, ce qui la distingue de la présente affaire.

[132]       En outre, dans la décision Gordon, le juge O’Keefe a conclu au paragraphe 18 que les dispositions pertinentes en matière de confidentialité de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») n’étaient pas applicables et que les alinéas 8(2)b) et d) de la LPRP « permet [sic] clairement la communication des renseignements en question ». Il a ensuite déclaré que la LIR n’exige pas que les tiers soient avisés que les renseignements confidentiels les concernant seront communiqués et il a estimé que cela ne signifiait pas qu’aucun préavis ne devrait être donné au contribuable. Lorsqu’il a fait part de cet avis, le juge n’avait pas l’intention d’aborder les dispositions de la LPRP; il voulait clairement traiter une absence qu’il avait relevée dans la LIR. Si le juge O’Keefe estimait que la LPRP traitait de l’exigence de donner un avis qui, d’après lui, était absente dans la LIR, il n’aurait pas eu besoin de formuler ce commentaire. Il a renvoyé aux alinéas 8(2)a) et b) afin de confirmer où sont établis les fondements de la permission de divulgation.

[133]       Dans la décision Ferenczy, l’objectif consistait à déterminer si des éléments de preuve recueillis par surveillance vidéo sur la demanderesse dans une action pour faute professionnelle médicale pouvaient être déposés sans son consentement compte tenu de l’adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, ch. 5 (la « LPRPDE »). À l’époque, la LPRPDE n’était en vigueur que depuis cinq semaines. Après avoir soigneusement examiné diverses règles et la pertinence de la vidéocassette à la poursuite, le juge Dawson de la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que les éléments de preuve étaient admissibles aux seules fins de contestation de la crédibilité de la demanderesse. En ce qui concerne la LPRPDE, il a déclaré que la vidéo avait été faite dans un lieu public et ne constituait pas une activité commerciale. Il a ensuite conclu au paragraphe 31 que la demanderesse [traduction] « doit savoir que, en intentant une action contre un défendeur, des droits seront accordés et des obligations seront imposées aux parties afin de poursuivre l’instance ou de se défendre. La demanderesse [...] a mis la gravité de la blessure [...] en cause » et elle « ne peut certainement pas déclarer qu’elle ne consent pas à la collecte de renseignements liés à [...] sa blessure ». Cette observation utile pourrait être applicable en l’espèce, mais elle ne l’est pas nécessairement en raison de la formulation de l’alinéa 8(2)d).

[134]       Le Commissaire a conclu que l’alinéa 8(2)d) ne prévoyait aucune exigence générale de donner un avis. Il a examiné le paragraphe 8(2), qui prévoit de nombreuses exceptions à l’exigence générale de demander le consentement, et il a décidé que, en l’absence d’une telle exigence, il n’est pas obligatoire d’aviser une personne de toute divulgation imminente. Il a ensuite fait valoir que la décision Gordon concernait la divulgation de renseignements en vertu de la LIR.

[135]       Je n’ai rien à reprocher au raisonnement du Commissaire et le demandeur n’a présenté aucun argument convaincant afin de prouver qu’un avis doit être donné et qu’une telle exigence aurait dû être intégrée dans le Protocole.

[136]       En conséquence, la conclusion est raisonnable en ce qui a trait à l’analyse du Commissaire et aux conclusions qu’il a tirées sur cet aspect de la plainte.

E.                 Le Protocole ne comporte aucun dispositif de protection des renseignements personnels divulgués

(1)               Analyse

[137]       Le Commissaire n’a pas directement abordé cette partie de la plainte du demandeur, mais ce dernier spécule que le Commissaire aurait conclu que le MJ est responsable de protéger les renseignements personnels. Il s’agit d’une hypothèse raisonnable, car le Commissaire s’était précédemment fondé sur le fait que la GRC et le MJ sont assujettis à la LPRP et que la pertinence devait être déterminée par le MJ.

[138]       Le demandeur compare cet argument à la directive du Conseil du Trésor pour faire valoir que l’organisme qui communique les renseignements doit obtenir l’assurance que les renseignements sont protégés par le récipiendaire et, s’ils ne sont pas protégés, il doit refuser de les divulguer.

[139]       Le défendeur indique que le Protocole comporte divers dispositifs de protection, bien qu’ils ne soient pas exigés conformément à l’alinéa 8(2)d). Le Protocole comporte notamment les exigences de présenter la demande par écrit, d’indiquer que la plainte est déposée contre la Couronne par un employé ou un ancien employé de la GRC dans les motifs de la demande, de mentionner l’alinéa 8(2)d), de faire appel à un membre de la GRC occupant un poste de rang supérieur et de transmettre les renseignements dans un emballage scellé au MJ, qui est toujours assujetti à la LPRP.

[140]       Comme l’a reconnu le demandeur, les directives du Conseil du Trésor n’ont aucune force obligatoire. Je remarque d’ailleurs qu’elles sont purement administratives et qu’elles ne peuvent pas modifier la LPRP. Je conclus que le Commissaire a pris note des dispositifs de protection contenus dans le Protocole et que leur omission dans sa conclusion ne l’invalide pas ni ne la rend déraisonnable.

F.                  Le MJ n’est pas obligé d’indiquer l’objectif de la divulgation

[141]       Le demandeur relie ce motif aux deux premiers (entrave au pouvoir discrétionnaire et absence de limites sur la divulgation) pour faire valoir que la GRC devrait refuser de divulguer des renseignements si elle est dotée du pouvoir discrétionnaire de le faire, à moins que le MJ précise que l’objectif est que, sans connaître l’objectif, la GRC ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire.

[142]       Le défendeur réitère que l’objectif du Protocole est d’obtenir des renseignements médicaux pour que le procureur général puisse s’en servir quand un membre ou un ancien membre de la GRC dépose une plainte contre la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral.

[143]       Comme j’ai décidé que la conclusion du Commissaire, selon laquelle le pouvoir discrétionnaire n’est pas un élément nécessaire de la divulgation en vertu du paragraphe 8(2), est raisonnable, il s’ensuit que l’objectif du Protocole est bien énoncé puisqu’il répond aux critères établis dans la loi habilitant la divulgation.

VIII.       Résumé et conclusion

[144]       J’ai conclu que la demande du demandeur visant à annuler la conclusion n’ayant aucune force obligatoire du Commissaire relativement au Protocole n’ayant aucune force obligatoire, conclu entre la GRC et le MJ pour mettre en œuvre la transmission de renseignements médicaux personnels sous la garde de la GRC au MJ en vertu des dispositions de l’alinéa 8(2)d) de la LPRP, n’est pas une question justiciable.

[145]       Par ailleurs, j’ai conclu que le demandeur n’est pas directement touché par le Protocole, mais qu’il est directement touché par la conclusion puisqu’il est le plaignant. Bien que j’aie des doutes quant à l’admissibilité de cette question compte tenu de l’obligation du Commissaire de mener une enquête, j’ai tranché en faveur du demandeur. Ainsi, il aurait qualité pour déposer la demande si elle soulevait une question justiciable.

[146]       J’ai toutefois conclu que, en tout état de cause, la conclusion est susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable et cela est effectivement raisonnable.

[147]       La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande. Les parties peuvent présenter des observations sur les dépens dans les 20 jours suivant la date de cette décision.

« E. Susan Elliott »

Juge


ANNEXE A


ANNEXE B

Loi sur la protection des renseignements personnels

Communication des renseignements personnels

8 (1) Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément au présent article.

Note marginale : Cas d’autorisation

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

a) communication aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins;

b) communication aux fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication;

c) communication exigée par subpoena, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de renseignements;

d) communication au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires intéressant la Couronne du chef du Canada ou le gouvernement fédéral;

Réception des plaintes et enquêtes

29 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à la protection de la vie privée reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes :

a) déposées par des individus qui prétendent que des renseignements personnels les concernant et détenus par une institution fédérale ont été utilisés ou communiqués contrairement aux articles 7 ou 8;

b) déposées par des individus qui se sont vu refuser la communication de renseignements personnels, demandés en vertu du paragraphe 12(1);

c) déposées par des individus qui se prétendent lésés des droits que leur accorde le paragraphe 12(2) ou qui considèrent comme non fondé le refus d’effectuer les corrections demandées en vertu de l’alinéa 12(2)a);

d) déposées par des individus qui ont demandé des renseignements personnels dont les délais de communication ont été prorogés en vertu de l’article 15 et qui considèrent la prorogation comme abusive;

e) déposées par des individus qui n’ont pas reçu communication de renseignements personnels dans la langue officielle qu’ils ont demandée en vertu du paragraphe 17(2);

e.1) déposées par des individus qui n’ont pas reçu communication des renseignements personnels sur un support de substitution en application du paragraphe 17(3);

f) déposées par des individus qui considèrent comme contre-indiqué le versement exigé en vertu des règlements;

g) portant sur le répertoire visé au paragraphe 11(1);

h) portant sur toute autre question relative à :

(i) la collecte, la conservation ou le retrait par une institution fédérale des renseignements personnels,

(ii) l’usage ou la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale,

(iii) la demande ou l’obtention de renseignements personnels en vertu du paragraphe l2(1).

Privacy Act

Disclosure of personal information

8 (1) Personal information under the control of a government institution shall not, without the consent of the individual to whom it relates, be disclosed by the institution except in accordance with this section.

Where personal information may be disclosed

(2) Subject to any other Act of Parliament, personal information under the control of a government institution may be disclosed

(a) for the purpose for which the information was obtained or compiled by the institution or for a use consistent with that purpose;

(b) for any purpose in accordance with any Act of Parliament or any regulation made thereunder that authorizes its disclosure;

(c) for the purpose of complying with a subpoena or warrant issued or order made by a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information or for the purpose of complying with rules of court relating to the production of information;

(d) to the Attorney General of Canada for use in legal proceedings involving the Crown in right of Canada or the Government of Canada;

Receipt and investigation of complaints

29(1) Subject to this Act, the Privacy Commissioner shall receive and investigate complaints

(a) from individuals who allege that personal information about themselves held by a government institution has been used or disclosed otherwise than in accordance with section 7 or 8;

(b) from individuals who have been refused access to personal information requested under subsection 12(1);

(c) from individuals who allege that they are not being accorded the rights to which they are entitled under subsection 12(2) or that corrections of personal information requested under paragraph 12(2)(a) are being refused without justification;

(d) from individuals who have requested access to personal information in respect of which a time limit has been extended pursuant to section 15 where they consider the extension unreasonable;

(e) from individuals who have not been given access to personal information in the official language requested by the individuals under subsection 17(2);

(e.1) from individuals who have not been given access to personal information in an alternative format pursuant to a request made under subsection 17(3);

(f) from individuals who have been required to pay a fee that they consider inappropriate;

(g) in respect of the index referred to in subsection 11(1); or

(h) in respect of any other matter relating to

(i) the collection, retention or disposal of personal information by a government institution,

(ii) the use or disclosure of personal information under the control of a government institution, or

(iii) requesting or obtaining access under subsection 12(1) to personal information.

 

 

Loi sur les Cours fédérales

Définitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

...

office fédéral Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. (federal board, commission or other tribunal)

...

Recours extraordinaires : offices fédéraux

18 (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

Recours extraordinaires : Forces canadiennes

(2) Elle a compétence exclusive, en première instance, dans le cas des demandes suivantes visant un membre des Forces canadiennes en poste à l’étranger : bref d’habeas corpus ad subjiciendum, de certiorari, de prohibition ou de mandamus.

Exercice des recours

(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

Demande de contrôle judiciaire

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

Délai de présentation

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

Vice de forme

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu’en l’occurrence le vice n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l’ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu’elle estime indiquées.

Mesures provisoires

18.2 La Cour fédérale peut, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu’elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive.

Federal Courts Act

Definitions

2 (1) In this Act,

...

federal board, commission or other tribunal means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867; (office fédéral)

...

Extraordinary remedies, federal tribunals

18 (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

Extraordinary remedies, members of Canadian Forces

(2) The Federal Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine every application for a writ of habeas corpus ad subjiciendum, writ of certiorari, writ of prohibition or writ of mandamus in relation to any member of the Canadian Forces serving outside Canada.

Remedies to be obtained on application

(3) The remedies provided for in subsections (1) and (2) may be obtained only on an application for judicial review made under section 18.1.

Application for judicial review

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

Time limitation

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

Grounds of review

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

Defect in form or technical irregularity

(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or an order, make an order validating the decision or order, to have effect from any time and on any terms that it considers appropriate.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2584-14

 

INTITULÉ :

BRIAN SAUVÉ c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 SEPTEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Christopher Rootham

 

Pour le demandeur

 

Gregory S. Tzemenakis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.