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Date : 20160407


Dossier : IMM-2920-15

Référence : 2016 CF 388

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie­Britannique), le 7 avril 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

DOROTHY ANJIEH KETCHEN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de la question

[1]               La demanderesse sollicite un contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) d’une décision (la décision) de la Section d’appel des réfugiés (la SAR), dans laquelle la SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle la demanderesse n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger. La décision est datée du 10 juin 2015. La demanderesse sollicite que la décision soit renvoyée en raison d’erreurs susceptibles de contrôle sur le plan de l’admission de la preuve, des conclusions et du défaut de convoquer une audience.

[2]               Après avoir examiné les questions, je trouve la décision raisonnable sur tous les fronts et je suis donc incapable d’accueillir la demande de contrôle judiciaire, malgré les efforts des avocats pour convaincre la Cour du contraire.

II.                Contexte

[3]               La demanderesse, Dorothy Anjieh Ketchen, est citoyenne du Cameroun. Elle affirme qu’elle était membre du Conseil national du Sud Cameroun [SCNC], un mouvement politique qui prône la séparation régionale du reste du pays. Le 30 septembre 2011, en raison de son opinion politique, elle soutient qu’elle a été arrêtée par la police, détenue pendant plus d’une semaine, violée, battue et maltraitée.

[4]               Le 1er octobre 2013, elle affirme que la police est entrée dans son appartement alors qu’elle n’était pas chez elle. Elle est allée, ensuite, se cacher dans un petit village nommé Yoke. Alors qu’elle vivait dans la clandestinité, un agent s’est arrangé pour lui faire obtenir un visa afin de se rendre au Canada. Dans cette demande de visa, elle a présenté une photo d’elle avec son conjoint présumé. Lors de l’audience de la SPR, cependant, elle a admis qu’elle ne connaissait pas l’homme qui figurait dans la photo et que l’agent était responsable du contenu de la demande.

[5]               Elle est arrivée au Canada, le 13 mai 2014, et a demandé l’asile le lendemain.

[6]               Le 8 août 2014, la SPR a rejeté sa demande. La SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse était vague et incohérent, et qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves crédibles pour conclure qu’elle était membre du SCNC, qu’elle avait été détenue ou qu’elle était poursuivie par les autorités.

III.             Décision faisant l’objet du contrôle

[7]               La SAR a d’abord noté que la demanderesse avait présenté des éléments de preuve à la SAR qu’elle n’avait pas soumis à la SPR. Ces éléments de preuve tombaient dans deux catégories : i) la preuve médicale et ii) la preuve conjugale. La preuve de la première catégorie était liée à l’information sur les attaques présumées de 2011, y compris un rapport d’hôpital et des photos. La preuve de la deuxième catégorie a été présentée sous la forme d’un affidavit de 2015 provenant du conjoint de fait présumé, y compris un mandat et un engagement.

[8]               La SAR a noté que tous ces documents avaient été soumis deux mois après que son appel à la SAR ait été mis en état dans le cadre d’une « Demande de déposer des documents ou des observations écrites qui n’ont pas été transmis au préalable » en vertu de la règle 37 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012 ­257 [les Règles de la SAR]. La SAR s’en est alors remise au paragraphe 110(4) de la Loi afin de déterminer si ces éléments de preuve pourraient être pris en compte :

110. (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

[9]               La SAR a également noté que la règle 29 de Règles de la SAR, qui décrit la procédure à suivre en cas de preuve documentaire tardive :

29. (1) La personne en cause qui ne transmet pas un document ou des observations écrites avec le dossier de l’appelant, le dossier de l’intimé ou le dossier de réplique ne peut utiliser ce document ou transmettre ces observations écrites dans l’appel à moins d’une autorisation de la Section.

(2) Si la personne en cause veut utiliser un document ou transmettre des observations écrites qui n’ont pas été transmises au préalable, elle en fait la demande à la Section conformément à la règle 37.

(3) La personne en cause inclut dans la demande pour utiliser un document qui n’avait pas été transmis au préalable une explication des raisons pour lesquelles le document est conforme aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et des raisons pour lesquelles cette preuve est liée à la personne, à moins que le document ne soit présenté en réponse à un élément de preuve présenté par le ministre.

(4) Pour décider si elle accueille ou non la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent, notamment :

a) la pertinence et la valeur probante du document;

b) toute nouvelle preuve que le document apporte à l’appel;

c) la possibilité qu’aurait eue la personne en cause, en faisant des efforts raisonnables, de transmettre le document ou les observations écrites avec le dossier de l’appelant, le dossier de l’intimé ou le dossier de réplique.

[10]           La SAR a ensuite évalué chacun des éléments de cette preuve tardive. Elle a d’abord constaté que la demanderesse n’avait pas fourni une explication suffisante pour expliquer pourquoi la preuve médicale n’avait pas été présentée en temps opportun, étant donné que l’attaque avait eu lieu en 2011 et que la SPR avait expressément soulevé la question d’une absence de dossiers médicaux comme étant un problème et avait même accordé à la demanderesse un délai de trois semaines après l’audience pour les soumettre. Par conséquent, la SAR a déterminé que ces documents ne répondaient pas aux exigences de la règle 29(3) et a refusé de les admettre en preuve.

[11]           Quant à la deuxième série de preuves – l’affidavit du conjoint de droit commun et les documents connexes – la SAR a noté que, malgré le fait qu’il ait été apparemment remis en liberté plus de quatre mois avant que la demanderesse mette son appel en état, aucune explication n’a été donnée quant à la raison pour laquelle cette preuve a été soumise tardivement. Néanmoins, la SAR a décidé de l’accepter.

[12]           La SAR a ensuite déclaré que, conformément à l’arrêt Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799 au paragraphe  54 [Huruglica CF], elle procéderait à un appel hybride de la décision de la SPR, en effectuant une évaluation indépendante de la demande et en ne s’en remettant à la SPR que lorsque celle­ci a un net avantage pour arriver à une conclusion (c.­à­d. sur les questions de crédibilité).

[13]           Dans l’ensemble, la SAR a convenu avec la SPR que le témoignage de la demanderesse était incohérent, inarticulé et souvent « réactif et fabriqué ».

[14]           Quant à la question de l’adhésion au SCNC, la SAR a trouvé son témoignage contradictoire et les preuves insuffisantes. Son récit relatif à l’adhésion avait changé au fil du temps, sa carte de membre semblait neuve, plutôt qu’une carte qui aurait dû paraître vieille, et la SAR ne croyait pas que la police la lui aurait rendue après sa détention en 2011. La SAR a également constaté que l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle avait tenu un rôle de chef de file dans le SCNC n’était pas crédible. À l’audience de la SPR, elle n’a pas pu décrire les principes ou la structure de commandement du SCNC et n’était pas en mesure de fournir des renseignements détaillés sur ce que cela signifiait d’être un membre du SCNC ou ce qu’elle avait fait pour lui après sa détention de 2011. La SAR conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’était pas membre du SCNC.

[15]           Elle a ensuite examiné la détention de 2011. La SPR a tiré une conclusion négative du fait que la demanderesse n’avait fourni aucun détail de sa détention sur son formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] et avait, plus tard, contredit son FDA lors de son témoignage de vive voix. La demanderesse a fait valoir que cela s’était produit parce qu’elle n’avait pas d’avocat­conseil quand elle avait déposé le FDA et ne savait donc pas ce qu’il fallait inclure. La SAR, cependant, a constaté qu’elle est bien éduquée, formée en tant qu’avocate, que sa première langue est l’anglais et que les instructions du FDA indiquaient clairement que des renseignements plus détaillés étaient nécessaires. La SAR a constaté, par exemple, qu’elle avait affirmé avoir été hospitalisée après la détention 2011 pendant deux semaines, un incident important qui aurait raisonnablement dû être inclus sur son FDA. La SAR a conclu qu’elle n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait été détenue et hospitalisée par la suite.

[16]           La SAR a également déterminé que les arguments de la demanderesse sur sa relation avec son conjoint de fait, ainsi que son emploi et son rôle au SCNC, étaient vagues et incohérents, et il n’avait pas été clairement démontré où elle avait vécu au Cameroun et quand. Elle a pris note des nouveaux éléments de preuve fournis – y compris l’engagement de la caution et le mandat – mais a, cependant, accordé à ces documents peu de valeur à cause de la crédibilité contestée de la demanderesse et de la preuve documentaire en soulignant le problème des documents frauduleux au Cameroun.

[17]           Enfin, la SAR a convenu avec la SPR que les arguments de la demanderesse sur l’incident de 2013 et sa décision d’entrer dans la clandestinité étaient problématiques. Encore une fois, le FDA manquait de renseignements détaillés sur ces points et la SAR a tiré une conclusion négative de l’écart entre ces détails et les détails fournis à l’audience. La SAR a également noté que la demanderesse était hésitante lorsqu’elle a expliqué pourquoi elle avait choisi Yoke et pourquoi elle n’avait pas mentionné son adresse, à Yoke, sur son FDA. La SAR a constaté, en fin de compte, que la demanderesse n’était pas entrée dans la clandestinité, à Yoke, en 2013 pendant sept mois. La SAR a, en outre, noté l’invraisemblance créée par son récit relatif à la demande d’une carte d’identité nationale à un poste de police alors qu’elle se cachait de la police, qui était semble­t­il à sa recherche.

[18]           La SAR a conclu en notant que la demanderesse n’avait pas fourni de preuve suffisante pour démontrer qu’elle était victime de persécution au Cameroun et en confirmant la décision négative de la SPR.

IV.             Analyse

[19]           La demanderesse fait valoir, dans ses actes de procédure, que la SAR a fait des erreurs susceptibles de révision en rejetant les nouvelles preuves relatives à l’hôpital, en appliquant le mauvais critère d’examen à la décision de la SPR et en omettant de convoquer une audience.

[20]           Sur le plan de la norme de contrôle concernant les questions d’admissibilité de la preuve, l’interprétation que fait la SAR du paragraphe 110(4) et son application aux faits d’une affaire donnée sont susceptibles de révision selon la norme du caractère raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 96, paragraphe 29 [Singh CAF]). De même, la deuxième erreur, en ce qui concerne la décision elle­même, qui touche la décision et l’application d’une norme de contrôle, commande également l’application de la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, paragraphe 35 [Huruglica CAF]), tout comme la troisième erreur, qui touche l’application du paragraphe 110(6) aux faits (Tchangoue c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 334, paragraphe 12; Sanmugalingam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 200,paragraphe 36). Il est bien établi en droit que la Cour doit donc adopter une approche déférente et résister au désir d’imposer sa propre analyse : si la décision est une solution acceptable et rationnelle qui est justifiable, transparente et intelligible, elle ne devrait pas être perturbée (Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47).

A.                La SAR a­t­elle commis une erreur en rejetant la nouvelle preuve?

[21]           Selon la demanderesse, la SAR a commis une erreur de droit en ignorant les éléments de preuve dont elle disposait puisque la preuve satisfaisait aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi. La demanderesse soutient que la nouvelle preuve, si elle avait été acceptée, aurait clairement réfuté les conclusions principales de la SPR et aurait confirmé le risque de persécution au Cameroun.

[22]           La demanderesse invoque l’arrêt Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1022 [Singh CF], dans lequel le juge a comparé le paragraphe 110(4) et l’alinéa 113a) de la Loi. Elle a conclu que l’alinéa 113a) et la jurisprudence qui s’y rapporte – précisément la décision Raza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 [Raza] – ne devraient pas s’appliquer au paragraphe 110(4). En fin de compte, selon le juge, pour déterminer si une nouvelle preuve devrait être admise, « la SAR devrait avoir, si elle examine ultérieurement cette décision, une certaine latitude pour permettre au demandeur de pallier les lacunes soulevées » (Singh CF, paragraphe 55).

[23]           Je dois souligner que, entre le moment de l’audience devant la Cour et le moment de cette décision, la Cour d’appel fédérale a publié l’arrêt Singh CAF, qui avait renversé la décision Singh CF au motif de l’applicabilité du jugement Raza et a constaté que « [s]auf pour le critère du caractère substantiel d’une preuve, qui ne se prête pas à la même analyse dans le cadre d’un appel et dont le paragraphe 110(6) tient déjà compte pour déterminer si une nouvelle audience doit être tenue, il n’y a donc pas lieu d’interpréter différemment le paragraphe 110(4) et l’alinéa 113a) » (paragraphe 64). Là, M. Singh n’était pas parvenu à démontrer son identité à la SPR parce qu’il n’avait pas soumis son diplôme de 12e année scolaire – qui avait été saisi par les autorités canadiennes de l’immigration et n’était donc pas en sa possession. La SAR a déterminé que la faute ne revient pas à M. Singh, mais plutôt à son avocat, et a donc refusé d’admettre le diplôme en preuve. La Cour d’appel fédérale a conclu que c’était une application raisonnable des exigences du paragraphe 110(4) et qu’« il y a au surplus de très bonnes raisons qui expliquent pourquoi le législateur préconiserait une approche restrictive quant à l’admissibilité de nouvelles preuves en appel » (Singh CAF, paragraphe 49).

[24]           Même en l’absence de la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Singh CAF, il serait difficile dans ce cas de trouver l’application du paragraphe 110(4) par la SAR déraisonnable. Mme Ketchen n’a fourni aucune explication pour expliquer pourquoi les documents médicaux n’avaient pas été soumis en temps opportun. Elle a tout simplement déclaré qu’[traduction] «  elle n’avait pu mettre les mains sur le rapport [de l’hôpital] » qu’après l’audience de la SPR. Avant la publication de l’arrêt Singh CAF, la Cour était d’avis que le retard de la demanderesse n’était pas raisonnable – contrairement à ce que le paragraphe 110(4) et la règle 29 exige – et l’arrêt Singh CAF confirme cette conclusion. L’exclusion par la SAR de la preuve médicale nouvellement présentée était donc tout à fait acceptable.

[25]           En outre, la SAR a effectivement accepté une partie importante de la preuve (du fiancé), même si la preuve ne satisfaisait pas strictement aux exigences de la règle 29. Cette preuve a été admise, examinée et pondérée, et on lui a finalement accordé à faible valeur probante, ce qui était tout à fait loisible au tribunal compte tenu du contexte global, y compris le fondement sur lequel reposait l’évaluation de la crédibilité négative.

B.                 La SAR a­t­elle commis une erreur en appliquant la mauvaise norme de contrôle à la décision de la SPR?

[26]           La demanderesse fait valoir que la SAR a commis une erreur en reportant les conclusions de la SPR sur son appartenance au SCNC et n’a donc pas procédé à l’évaluation indépendante requise conformément au jugement Huruglica CF.

[27]           Le défendeur, en revanche, fait valoir que la SAR a indiqué explicitement qu’elle avait procédé à une évaluation indépendante et examiné tous les éléments de preuve. La décision a été longue, détaillée et approfondie sur ce point. Elle a relevé plusieurs problèmes que posait la demande de la demanderesse, y compris des divergences concernant son adhésion au SCNC et sa connaissance de ce dernier ainsi que sa relation avec son présumé conjoint de fait.

[28]           Comme dans les arrêts Singh CF et Singh CAF, la Cour fédérale a récemment fourni des précisions sur ce point. La SAR a invoqué, dans son analyse, les directives du juge Phelan dans l’arrêt Huruglica CF. Ces directives ont depuis été supplantées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Huruglica CAF. Là, la juge Gauthier a précisé que la SAR doit examiner les décisions de la SPR selon la norme de la décision correcte, en analysant attentivement la décision de la SPR avant d’effectuer « sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant » (Huruglica CAF, paragraphe 103).

[29]           La Cour d’appel fédérale a également précisé que la Cour doit examiner la sélection par la SAR d’une norme de contrôle selon la norme du caractère raisonnable (Huruglica CAF, paragraphe 35). Dans cet esprit, je trouve que la SAR a, en substance, effectué pour Mme Ketchen précisément le genre d’examen approfondi que la juge Gauthier avait approuvé dans l’arrêt Huruglica CAF – y compris l’écoute de l’audience complète, l’examen de toutes les pièces et le prononcé d’un jugement exhaustif qui porte sur tous les aspects des conclusions de la SPR.

[30]           Je suis également d’accord avec le défendeur que la demanderesse n’a pas réussi à relever une erreur susceptible de révision et demande, en substance, que la Cour réévalue tout simplement les éléments de preuve. L’analyse par la SAR de nombreux points d’intérêt était à la fois détaillée et convaincante. Elle s’était clairement engagée dans une analyse de la décision correcte sur toute l’affaire, tel que le prescrivait l’arrêt Huruglica CAF et ses conclusions sur la crédibilité étaient bien documentées et justifiés – le fait que la demanderesse n’avait pas répondu à des questions de base qu’elle aurait dû connaître en tant qu’initiée présumée du SCNC avait été détaillé d’une manière très transparente et très compréhensible dans les motifs complets de la SAR.

C.                 Aurait­on dû tenir une audience?

[31]           La demanderesse a soulevé cette question pour la première fois lors du présent contrôle judiciaire, à l’audience. Je n’ai autorisé des observations orales à ce sujet que parce qu’il y en avait une brève mention dans la demande présentée à la SAR, bien que rien n’ait été dit à ce sujet dans les déclarations faites à la SAR.

[32]           L’avocat du défendeur a très habilement présenté des observations impromptues sur cette question et je suis entièrement d’accord avec son point de vue, énoncé en référence aux paragraphes 110(3) et (6) :

(3) Sous réserve des paragraphes (3.1), (4) et (6), la section procède sans tenir d’audience en se fondant sur le dossier de la Section de la protection des réfugiés, mais peut recevoir des éléments de preuve documentaire et des observations écrites du ministre et de la personne en cause ainsi que, s’agissant d’une affaire tenue devant un tribunal constitué de trois commissaires, des observations écrites du représentant ou mandataire du Haut­Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de toute autre personne visée par les règles de la Commission.

[...]

(6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

[33]           La présomption, selon ce régime, est qu’il n’y aura pas d’audience sauf si les trois critères du critère tripartite au paragraphe 110(6) sont remplis, ainsi que les conditions prévues au paragraphe 110(4) (voir l’arrêt Singh CAF, paragraphe 51 : « [l]a nouvelle preuve devra satisfaire aux critères d’admissibilité énoncés au paragraphe 110(4), et une nouvelle audience ne pourra être tenue que si les nouveaux éléments de preuve satisfont aux conditions prévues au paragraphe 110(6) »). Cependant, comme il a été expliqué auparavant, il n’y avait pas de nouvelles preuves convaincantes devant la SAR qui répondraient à ces critères. La preuve médicale n’a pas été admise et n’est donc pas prise en compte en vertu de cette disposition. Le seul fondement pour une audience pourrait résulter de la preuve présentée par le fiancé et j’ai déjà constaté que la Commission avait raison de lui accorder un faible poids, ce qui laisse entendre qu’elle ne pouvait pas répondre aux exigences en matière d’importance du paragraphe 110(6). J’estime que la décision de la SAR de procéder par écrit était raisonnable.

V.                Conclusion

[34]           À la lumière de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’a aucune question à certifier ni dépens à attribuer.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Il n’a aucune question à certifier

3.      ni dépens à attribuer.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2920-15

INTITULÉ :

DOROTHY ANJIEH KETCHEN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 mars 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Diner

DATE DES MOTIFS :

Le 7 avril 2016

COMPARUTIONS :

Solomon Orjiwuru

Pour la demanderesse

Christopher Ezrin

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Solomon Orjiwuru, Law Office

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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