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Date : 20160418


Dossier : IMM-4331-15

Référence : 2016 CF 426

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2016

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

TIBOR BALOGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]           Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) à l’encontre d’une décision rendue le 25 août 2015 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, dans laquelle la SPR a statué que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi, respectivement.

[2]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.                Contexte

[3]           Le demandeur est un homme de quarante ans de Hongrie, qui se réclame d’origine rom.

[4]           Il dit avoir entamé une relation avec Monica Gallo, une personne de 20 ans sa cadette qui n’était pas d’origine rom, en février 2011. Selon le demandeur, les parents de Monica n’approuvaient pas leur relation et ils ont commencé à le menacer afin qu’il y mette un terme. Malgré les menaces des parents, Monica a emménagé avec le demandeur en avril 2011. Un enfant est né de leur relation en mars 2012.

[5]           Le demandeur allègue que les parents de Monica l’ont invité à dîner, un jour qu’il rendait visite à Monica à l’hôpital après la naissance de leur enfant. Après le dîner, les parents de Monica ont battu le demandeur dans un stationnement désert et l’ont menacé, en lui disant qu’ils tueraient les membres de sa famille s’il ne mettait pas fin à sa relation avec elle. Ils ont également dit au demandeur qu’ils étaient membres du groupe Magyar­Garda, un groupe politique qui mène des activités contre les Roms partout en Hongrie, et ils l’ont mis en garde contre toute tentative de sa part d’alerter la police.

[6]           Le demandeur soutient qu’à la suite de cet incident le père de Monica a convaincu cette dernière de donner son bébé en adoption.

[7]           Craignant pour sa vie, le demandeur a vendu sa maison et s’est enfui de Hongrie en juin 2012. À son arrivée au Canada, il a présenté une demande d’asile.

[8]           La SPR a trouvé que le demandeur était peu crédible et que les nombreuses incohérences, divergences, contradictions et omissions entre son formulaire de renseignements personnels (FRP), son formulaire de demande d’asile et son témoignage rendaient l’essentiel de son témoignage peu plausible. Voici certaines de ces incohérences :

(1)   Sur son formulaire de renseignements personnels, le demandeur a indiqué qu’il était constamment menacé par les parents de Monica alors que, dans son témoignage, il n’a mentionné qu’une seule confrontation s’étant produite autour du 24 ou du 25 mars 2012.

(2)   Le demandeur a également donné des réponses contradictoires quant à la date de cette présumée altercation et fait des témoignages contradictoires au sujet des membres de la famille de Monica qui l’avaient agressé. Ainsi, sur son formulaire de demande d’asile, le demandeur a déclaré avoir été battu par le père et le frère de Monica le 10 février 2012. Pourtant, durant son témoignage, il a déclaré que les parents de Monica l’avaient d’abord menacé, puis le père et le frère de Monica l’avaient battu après la naissance de sa fille, en mars. Durant l’audience, le demandeur a également dit avoir été battu par le père et les deux frères de Monica. Plus tard durant l’audience, il s’est contredit en déclarant que seul le père de Monica l’avait menacé.

(3)   Durant son témoignage, le demandeur a dit avoir reçu des menaces pendant environ six mois après la naissance de sa fille, une information que la SPR a toutefois jugée peu plausible puisque le demandeur a fui la Hongrie trois mois après la naissance de sa fille.

(4)   Le demandeur n’a fourni aucune documentation attestant qu’il avait eu une fille avec Monica. De plus, bien qu’il ait indiqué sur son FRP que sa fille était née en mars 2012, il n’a pas indiqué son nom sous la rubrique « renseignements sur la famille » de son formulaire de demande d’asile ni sur son FRP. Interrogé au sujet de cette incohérence durant l’audience, le demandeur a déclaré que cette omission était due à une erreur liée à la traduction des documents.

(5)   Le demandeur a fait des témoignages contradictoires au sujet de l’endroit où Monica a vécu après avoir obtenu son congé de l’hôpital et de la durée de leur cohabitation. Il a d’abord déclaré que Monica était retournée vivre avec lui à la fin d’avril ou au début de mai 2012. Cependant, plus tard durant son témoignage, il a déclaré que Monica avait quitté le domicile de ses parents pour retourner vivre avec lui en décembre 2012. Lorsque la SPR lui a rappelé qu’il était impossible que Monica soit retournée vivre avec lui en décembre 2012 puisqu’il était arrivé au Canada en juin 2012, le demandeur a répondu [traduction] « Je ne me souviens plus de la date à laquelle je suis arrivé ici ».

(6)   Le demandeur a aussi donné des dates contradictoires au sujet du moment où son bébé a été confié en adoption, et n’a fourni aucun document pour appuyer ses allégations concernant l’adoption de son enfant.

(7)   Durant son témoignage, le demandeur a d’abord déclaré qu’il ne savait pas où se trouvait le bébé, mais a déclaré par la suite que Monica avait des droits de visite et qu’elle rendait régulièrement visite au bébé.

[9]           La SPR a estimé que le demandeur n’avait su prouver qu’il faisait partie de la minorité ethnique rom, car il n’a présenté aucun document permettant d’établir son identité ni fait d’efforts raisonnables à cette fin.

[10]       La SPR a jugé que l’allégation du demandeur, selon laquelle le père et les frères de Monica étaient membres du groupe Magyar­Garda, était une pure invention de sa part qui avait pour but d’appuyer sa demande d’asile. La SPR a aussi jugé peu plausible le fait que la famille de Monica ou que d’autres membres du groupe Magyar­Garda n’auraient pu découvrir l’endroit où le demandeur vivait s’ils avaient voulu le harceler et l’intimider.

[11]       La SPR a conclu que le demandeur n’éprouvait pas une crainte subjective, car il n’a quitté la Hongrie que 16 mois après les premières menaces proférées par les parents de Monica.

[12]       La SPR était également d’avis qu’une possibilité de refuge intérieur (PRI) s’offrait au demandeur qui aurait pu trouver refuge dans une ville comme Budapest ou Gyor, puisque ses craintes se limitaient à la ville où vivait la famille de Monica, soit Miskolc.

[13]       Le demandeur allègue que la SPR a erré en concluant que le demandeur n’avait pu établir son origine rom. Le demandeur estime en outre que la SPR a commis une erreur dans son analyse de la crédibilité, en invoquant des motifs peu précis et incomplets pour appuyer sa décision quant à la non­crédibilité du demandeur ainsi qu’en faisant une évaluation trop minutieuse et trop vigilante de la preuve. Le demandeur est d’avis que la SPR a aussi commis une erreur dans son évaluation du délai avant son départ de Hongrie et de l’existence d’une PRI viable.

[14]       Le demandeur a déclaré que le commissaire avait violé son droit à l’équité procédurale, en ne tenant pas compte du fait que le demandeur n’était pas représenté par un avocat lors de sa comparution devant le commissaire de la SPR et qu’il n’était pas préparé pour l’audience. Le demandeur soutient que la SPR aurait dû lui offrir la possibilité de fournir des documents à l’appui avant de rejeter sa demande. Le demandeur allègue enfin que la SPR a commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire qui lui permettait d’examiner des éléments de preuve postérieurs à l’audience ou d’ajourner l’audience pour permettre au demandeur de fournir des éléments de  preuve.

III.             Question en litige et norme de contrôle

[15]       La question à trancher en l’espèce est de savoir si la SPR a commis une erreur susceptible de révision au sens du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F­7.

[16]         Il est un fait bien établi que la norme de contrôle qui doit s’appliquer à l’examen des conclusions de la SPR concernant la crédibilité et la plausibilité de la preuve est celle de la raisonnabilité. Ces affaires soulèvent des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit qui relèvent de la compétence de la SPR et qui commandent donc la déférence (Nouveau­Brunswick (Conseil de direction) c. Dunsmuir, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]; Nava Flores c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1147, aux paragraphes 25 et 26, 378 FTR 95; Navaratnam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 274, au paragraphe 33 [Navaratnam]). Les questions d’équité procédurale sont quant à elles examinées en regard de la norme de la décision correcte (voir Navaratnam, au paragraphe 32; Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339).

IV.             Analyse

A.                La décision de la SPR est raisonnable

[17]       En sa qualité de tribunal spécialisé, la SPR a compétence absolue pour ce qui est de déterminer le caractère plausible d’un témoignage et d’évaluer la crédibilité du demandeur (Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315, au paragraphe 4, 42 ACWS (3d) 886 [Aguebor]). Les conclusions de la SPR à cet égard ne peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire à moins que les conclusions du tribunal ne soient déraisonnables et ne soient d’aucune façon étayées par les éléments de preuve (Aguebor, au paragraphe 4; Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87, au paragraphe 11 [Sinan], cité dans Eustace c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1553, au paragraphe 18). La Cour ne peut intervenir si une partie se contente de présenter un autre raisonnement qui pourrait offrir des explications raisonnables (Sinan, au paragraphe 11).

[18]       Un avis de convocation a été envoyé au demandeur à quatre occasions distinctes. Dans chaque avis, il était demandé au demandeur de fournir des [traduction] « documents acceptables établissant son identité et étayant d’autres aspects de la demande ». Malgré ces rappels dans lesquels on demandait au demandeur de fournir des documents d’identification, ce dernier n’a pas fourni les documents en question au commissaire du tribunal. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait omis de fournir ces documents, le demandeur a déclaré sous serment que le centre d’aide n’avait pas traduit la portion de l’avis de convocation portant sur l’obligation du demandeur de fournir des documents acceptables établissant son identité et étayant d’autres éléments de la demande d’asile. La SPR a rejeté cette explication du demandeur, estimant que le demandeur avait eu l’occasion d’obtenir une version traduite de l’intégralité du document, y compris du paragraphe soulignant la nécessité de fournir des documents d’identification et d’autres éléments de preuve à l’appui. Le demandeur allègue que son explication est raisonnable et qu’elle n’aurait pas dû être mise à l’écart par la SPR. Sur ce point, je suis d’avis que le demandeur se contente de présenter un autre raisonnement. Il n’a su démontrer que la conclusion de la SPR était sans fondement. Il serait donc inapproprié pour la Cour d’infirmer la décision de la SPR sur ce point.

[19]       De plus, bien que la preuve documentaire sur les conditions générales des Roms en Hongrie soulève des préoccupations concernant les droits de la personne, le simple fait d’être d’origine rom en Hongrie ne constitue pas, en soi, un élément suffisant pour établir qu’un demandeur fait face à plus qu’une simple possibilité d’être persécuté à son retour au pays (Csonka c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1056, aux paragraphes 67 à 70 [Csonka]; Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 808, au paragraphe 22 [Ahmad]. Une demande d’asile valide comporte à la fois un élément de crainte subjective et un élément de crainte objective (Csonka, au paragraphe 3). Il appartient au demandeur d’établir un lien entre les éléments de preuve documentaire de nature générale et la situation qui lui est propre (Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331, au paragraphe 17; Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, au paragraphe 28; Ahmad, au paragraphe 22).

[20]       Je suis d’avis que la SPR était raisonnablement justifiée de conclure que le demandeur n’a pas eu pas de problèmes avec le groupe Magyar­Garda après le début de sa relation avec Monica. Le demandeur allègue que les conclusions de la SPR à cet égard ne sont que conjectures, ce qui incorrect car la Cour a statué que la SPR ne peut exiger d’un demandeur qu’il prouve que les actions de ses persécuteurs étaient rationnelles ou justifiables (Taboada c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1122, au paragraphe 35). Bien que cela soit possible, je suis d’avis qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, de simples conjectures de la part de la SPR. En effet, le demandeur a déclaré sous serment n’avoir peur de personne en particulier. Il a également déclaré sous serment n’avoir eu aucun problème avec les membres du groupe Magyar­Garda (à part le père et le ou les frères de Monica). Il était donc raisonnablement justifié pour la SPR de conclure que les allégations selon lesquelles le père et le frère ou les frères de Monica étaient membres du groupe Magyar­Garda ont été fabriquées de toutes pièces par le demandeur pour appuyer sa demande d’asile.

[21]       Il était également raisonnablement justifié pour la SPR de considérer que le fait que le demandeur ait retardé son départ de la Hongrie constituait un élément pertinent aux fins de l’évaluation de la crainte subjective du demandeur (Huerta c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 157 NR 225, 40 ACWS (3d) 487). Même si je devais conclure que la SPR a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’effet cumulatif du harcèlement exercé par la famille de Monica, cette erreur de la part de la SPR ne serait pas pertinente à l’examen de la crainte subjective du demandeur, car le demandeur a déclaré, dans son témoignage, ne craindre personnellement aucune personne. De fait, lorsque le commissaire du tribunal de la SPR lui a demandé ce qui se passerait, à son avis, s’il devait retourner en Hongrie, le demandeur a répondu en ces termes [traduction] : « Je ne sais pas. Je ne le saurais que si j’y retournais, mais ce serait sûrement très mauvais.» Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il en serait ainsi, le demandeur a répondu ce qui suit : [traduction] « D’abord, parce que je n’ai ni maison, ni gagne­pain. Je n’ai pas de travail. […] La situation serait très mauvaise ». Je suis d’avis que les réponses du demandeur ne témoignent pas d’une personne qui éprouve une crainte subjective de persécution.

[22]       Quant aux motifs invoqués dans la décision de la SPR, je suis satisfait de leur pertinence. Les motifs d’une décision ne peuvent être qualifiés d’incomplets ou de flous du simple fait que la décision n’a pas tenu compte de toutes les questions de crédibilité. La SPR n’est pas tenue de prendre en compte tous les cas où le demandeur s’est contredit pour démontrer l’absence de crédibilité (Cepeda­Gutierrez c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (1998), 157 FTR 35, 83 ACWS (3d) 264, aux paragraphes 16 et 17 [Cepeda­Gutierrez]).

[23]       Le demandeur allègue également que la SPR a fait une analyse trop minutieuse des éléments de preuve. Sur ce point, je partage la position du défendeur selon lequel la SPR ne s’est pas concentrée sur des questions secondaires et n’a pas formulé de conclusions mineures, car le demandeur s’est contredit sur des faits fondamentaux de sa demande, comme la date à laquelle il a été agressé par les membres de la famille de Monica et les personnes ayant commis cette agression. De plus, le demandeur n’a pu prouver son origine rom ni la naissance de son enfant. Je suis d’avis que les motifs de la SPR sont justifiables, transparents et intelligibles et qu’ils peuvent se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). Le demandeur demande simplement à la Cour de soupeser de nouveau la preuve.

[24]       Je suis d’avis que la conclusion de la SPR quant à l’existence d’une PRI viable est raisonnable. La jurisprudence citée par le demandeur, Katinszki c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1326, 421 FTR 107, diffère des faits en l’espèce, car la crainte du demandeur se limite aux membres de la famille de Monica. Durant son témoignage, le demandeur n’a pas déclaré être ciblé à cause de son origine rom. De plus, même si la SPR n’a pas cherché à déterminer si la protection offerte par l’État à Budapest ou à Gyor était suffisante, elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les agents de persécution du demandeur n’avaient ni l’intérêt, ni la motivation, ni les moyens, ni les ressources pour pourchasser le demandeur dans un lieu offrant une PRI. Je suis d’avis que ces conclusions, combinées au fait que le demandeur a déclaré ne craindre personne en Hongrie, font en sorte qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que le demandeur disposait d’une PRI viable.

B.                 Aucun manquement à l’équité procédurale

[25]       Je suis d’avis qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale de la part de la SPR. La SPR n’a pas l’obligation de fournir à un plaideur qui n’est pas représenté par un avocat la possibilité de fournir les éléments de preuve demandés durant une audience. Cependant, bien que le droit à un avocat ne soit pas absolu, le droit à une audition équitable l’est (Austria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 423, au paragraphe 6 [Austria]; Jacobs c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 646, au paragraphe 7). À cet égard, l’extrait suivant de l’arrêt Law c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1006, décrit les droits procéduraux qui devraient être accordés aux demandeurs qui ne sont pas représentés par un conseil devant la SPR :

[16] Plus précisément, dans le contexte des droits procéduraux reconnus au plaideur qui agit pour son propre compte, notre Cour a estimé qu’un tribunal administratif n’a pas l’obligation de tenir lieu de procureur pour le demandeur qui refuse de s’adresser à un avocat et que :

[…] elle n’est pas tenue d’» instruire « le demandeur d’asile de tel ou tel point de droit soulevé par sa demande (Ngyuen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] CF 1001, [2005] A.C.F. no 1244 (QL), au paragraphe 17).

[17] Cependant, bien que les tribunaux administratifs ne soient pas tenus de faire office d’avocats pour les parties qui agissent pour leur propre compte, ils doivent quand même s’assurer que l’audience est équitable. Dans le jugement Nemeth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] CFPI 590, [2003] A.C.F. no 776 (QL), au paragraphe 13, le juge O’Reilly explique ce qui suit : […] Mais la liberté de la Commission de procéder à l’instruction malgré l’absence d’un avocat ne la dispense évidemment pas de l’obligation primordiale de garantir une audience équitable. Les obligations de la Commission dans les cas où des revendicateurs ne sont pas représentés sont peut­être en réalité plus élevées parce qu’elle ne peut compter sur un avocat pour protéger leurs intérêts.

[18] Il a également été reconnu qu’une partie non représentée « […] a droit à toute la latitude possible et raisonnable pour présenter l’intégralité de sa preuve et que les règles strictes et techniques devraient être assouplies dans le cas des parties non représentées [...] » (Soares c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] CF 190, [2007] A.C.F. no 254 (QL), au paragraphe 22).

[19] Il est donc évident que la teneur précise des droits procéduraux reconnus aux parties qui ne sont pas représentées dépend du contexte. La préoccupation primordiale est de s’assurer que le plaideur non représenté a bénéficié d’une audience équitable au cours de laquelle il a eu l’occasion de présenter l’intégralité de sa cause.

[26]       Après examen du dossier, je suis d’avis que la SPR a tenu une audience équitable au cours de laquelle le demandeur a pu participer d’une manière significative. Un interprète était présent durant l’audience. De plus, la présidente de l’audience a expliqué le déroulement de l’audience, les diverses questions qui y seraient abordées et l’importance de dire la vérité (voir Austria, au paragraphe 9).

[27]       En ce qui concerne les observations du demandeur selon lesquelles la SPR aurait dû lui donner la possibilité de présenter des documents de corroboration, la Cour estime qu’en l’absence de demande d’ajournement la SPR n’est pas tenue d’offrir un ajournement chaque fois qu’elle se trouve devant un demandeur qui se représente lui­même, car « conclure le contraire imposerait un fardeau considérable à la Commission et au processus relatif aux demandes d’asile » (Navaratnam, paragraphe 42).

[28]       Qui plus est, même si je devais conclure que la SPR avait l’obligation de permettre au demandeur de présenter des éléments de preuve après l’audience pour corroborer la naissance de sa fille et son origine rom, je suis d’avis que ce manquement potentiel de la part de la SPR n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné toutes les incohérences dans la preuve présentée par le demandeur (Hassani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, aux paragraphes 40 et 41).

[29]       Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4331-15

INTITULÉ :

TIBOR BALOGH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mars 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge LEBLANC

DATE :

Le 18 avril 2016

COMPARUTIONS :

Jack Davis

Pour le demandeur

Negar Hashemi

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Avocats­procureurs

North York (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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