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Date : 20160418

Dossier : T-1019-15

Référence : 2016 CF 424

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2016

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

NAZIH ABDALLAH

demandeur

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               CONSIDÉRANT que Monsieur Nazih Abdallah en appel de la décision d’une juge de la citoyenneté de refuser, pour une seconde fois, sa demande de citoyenneté, au motif qu’il ne rencontre pas le critère de résidence prévu au paragraphe 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 [la Loi];

[2]               CONSIDÉRANT que le demandeur plaide que: i) la juge de la citoyenneté a manqué à son devoir d’équité procédurale en refusant la nouvelle preuve qu’il a tenté de lui fournir, et que ii) la juge de la citoyenneté a erré en rejetant sa demande de citoyenneté au motif qu’il ne rencontrait pas le critère de résidence prévu à l’alinéa 5(1)c) de la Loi;

[3]               CONSIDÉRANT que la réponse à la première question soulevée par cette demande est déterminante et qu’en conséquence, la Cour n’aura pas à se prononcer sur la deuxième question;

[4]               CONSIDÉRANT que la norme de la décision correcte s’applique à toute question soulevant les principes d’équité procédurale (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa), 2009 CSC 12 au para 43; Fan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 789 au para 23);

[5]               APRÈS avoir pris connaissance des mémoires des parties et du dossier certifié du tribunal, et après avoir entendu les parties, la Cour est d’opinion que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie pour les motifs suivants:

[6]               Dans l’ensemble, la juge de la citoyenneté conclut que le demandeur n’a pas présenté une preuve suffisante de sa présence au Canada, surtout dans les premiers mois de la période de référence pour les fins de l’application du test de résidence, laquelle débute le 5 avril 2006 et se termine le 5 avril 2010. Elle conclut que pour les deux premiers mois où le demandeur allègue avoir été présent au Canada, il ne fournit aucune preuve active de résidence chez un ami à Bedford, en Nouvelle-Écosse. Le seul document fourni est une carte d’assurance maladie émise par cette province, laquelle n’est pas un indicateur de présence physique au Canada.

[7]               Elle conclut également que le fils du demandeur n’est demeuré avec lui au Canada qu’au cours de ses premiers mois de résidence et que par la suite, il est allé vivre avec sa grand-mère paternelle en Turquie et au Liban. De ce fait, la juge de la citoyenneté conclut qu’il est raisonnable d’inférer que le demandeur se soit déplacé à plusieurs reprises pour aller visiter son fils à l’étranger.

[8]               Or, au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur dépose un affidavit dans lequel il atteste avoir tenté de déposer de nouveaux éléments de preuve devant la juge de la citoyenneté, et qu’elle les a refusés. Le demandeur plaide que ces nouveaux éléments de preuves étaient significatifs et qu’ils tendaient à démontrer sa présence physique au Canada au cours des deux premières années de la période de référence. Il s’agit essentiellement d’une carte d’identité émise par la province de la Nouvelle-Écosse, ainsi que des relevés de notes de son fils pour les années scolaires 2006-2007 et 2007-2008 et des factures couvrant les frais de repas du midi de son fils au cours de la même période (indiquant les adresses déclarées par le demandeur).

[9]               Je partage l’avis du défendeur à l’effet que même si la juge de la citoyenneté avait considéré la carte d’identité, sa conclusion aurait probablement été la même: il ne s’agit pas plus d’une preuve active de présence que sa carte d’assurance maladie. Toutefois, on ne peut dire la même chose des documents scolaires du fils du demandeur, lesquels sont un indicatif clair de présence physique au Canada qui auraient pu, si considérés, influencer la conclusion de fait de la juge de la citoyenneté.

[10]           Le défendeur ne présente aucune preuve à cet égard et il ne nie pas que le demandeur ait tenté de produire cette preuve devant la juge de la citoyenneté. Tout au plus allègue-t-il que rien dans les notes de la juge, contenues sur une seule page, ni dans ses motifs, n’indique qu’elle aurait refusé cette preuve.

[11]           Dans ce contexte et puisque je ne dispose pas de notes sténographiques de l’audience, je me dois de prêter foi à l’affidavit du demandeur. J’accepte cette nouvelle preuve et je conclus qu’elle s’inscrit dans le cadre de l’exception à laquelle le juge Stratas fait référence dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20 :

… b) Parfois les affidavits sont nécessaires pour porter à l’attention de la juridiction de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du tribunal administratif, permettant ainsi à la juridiction de révision de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale [référence omise] ….

[12]           Je conclus donc que la juge de la citoyenneté a manqué à son devoir d’équité procédurale en refusant de considérer les relevés de notes scolaires et factures de repas du fils du demandeur et que, de ce seul fait, la décision de la juge de la citoyenneté doit être annulée et le dossier retourné au défendeur pour un nouvel examen.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      L’appel du demandeur est accueilli;

2.      La décision rendue le 27 avril 2015 par la juge Lilian Klein est annulée;

3.      Le dossier est retourné au défendeur pour un nouvel examen.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1019-15

INTITULÉ :

NAZIH ABDALLAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 décembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS:

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

LE 18 AVRIL 2016

COMPARUTIONS :

Jacques Beauchemin

Pour le demandeur

Charles Junior Jean

Pour LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Beauchemin, Brisson

Avocats

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LE DÉFENDEUR

 

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