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Date : 20160419


Dossier : IMM-4541-15

Référence : 2016 CF 433

Ottawa (Ontario), le 19 avril 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

EDWIN JOFFRE FUEL MARTINEZ

Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] d'une décision d’un agent d'immigration de la Section de la protection des réfugiés [SPR ou le tribunal] concluant que le demandeur [M. Martinez], n’a pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Le demandeur tente de faire infirmer la décision et de retourner le dossier pour être évalué par un autre agent d’immigration.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

I.                   Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen de l’Équateur. Il allègue être arrivé au Canada le 10 juin 2015, la journée où il a demandé l’asile. Cette demande a ultimement été refusée le 4 septembre 2015.

[4]               M. Martinez est le troisième époux de Mme Cabrera, une femme d’origine colombienne. Entre le 4 mars 2001 et le 2 août 2002, le père, le premier conjoint et le frère de Mme Cabrera auraient été assassinés par les Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC]. Mme Cabrera se serait ensuite réfugiée en Équateur en 2004. En 2005, son deuxième conjoint aurait été assassiné en Colombie.

[5]               Le 26 septembre 2006, M. Martinez allègue avoir rencontré Mme Cabrera pour la première fois.

[6]               Le 26 février 2007, un autre frère de Mme Cabrera aurait été assassiné en Colombie.

[7]               Le 17 juin 2007, le demandeur prétend avoir été menacé par deux individus qui l’auraient prévenu de ne plus fréquenter Mme Cabrera. À la suite de cet évènement, M. Martinez allègue avoir porté plainte auprès des autorités.

[8]               Le 14 août 2008, Mme Cabrera s’est établie au Canada après que le statut de réfugié lui ait été accordé par l’Ambassade du Canada en Équateur.

[9]               Le 16 avril 2009, lors d’un séjour de Mme Cabrera en Équateur, elle et M. Martinez se seraient mariés.

[10]           En mars 2015, le demandeur prétend qu’il s’est fait accoster, battre et menacer par des individus pour avoir aidé la famille de Mme Cabrera à se réfugier et s’installer en Équateur. C’est ainsi que le demandeur prétend avoir démissionné de son travail et quitté la ville.

II.                Analyse

[11]           La présente demande soulève l’unique question à savoir si le tribunal a raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas crédible à l’égard des allégations qu’il avait été menacé par les FARC à cause des liens qu’il entretenait avec Mme Cabrera et la famille de celle-ci.

[12]           Je note, avant tout, qu’il est bien établi en droit que la cour doit faire preuve de retenue quant aux conclusions d’un tribunal relatives à la crédibilité puisque l’évaluation de la crédibilité « est l’essentiel de la compétence de la Commission » (Toma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 121 aux paragraphes 9-10 citant le juge Martineau dans l’affaire Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116 au paragraphe 7).

[13]           Le tribunal a conclu que M. Martinez, un homme éduqué occupant un poste d’adjoint au gérant des affaires dans une banque, n’était généralement pas crédible à l’égard de ses allégations puisqu’il n’a pu fournir d’explications satisfaisantes concernant les nombreuses contradictions et omissions notées par le tribunal entre son témoignage, son formulaire de fondement de sa demande d’asile [FDA] et le brouillon de son récit rédigé dans son agenda.

[14]           Le demandeur soutient que le tribunal a erré en procédant à un examen microscopique des faits sur des questions sans pertinence ou périphériques à sa demande d’asile. Il soutient également que le tribunal n’a pas considéré ses explications pour clarifier les erreurs qu’il avait commises dans ses annotations d’agenda.

[15]           À moins qu’il existe des raisons pour douter du témoignage d’un demandeur, celui-ci est présumé véridique. Toutefois, il existe en l’espèce des raisons de remettre en question le témoignage de M. Martinez à cause des contradictions touchant le cœur de sa demande d’asile, dont la date du début de sa relation avec Mme Cabrera.

[16]            Le tribunal a alors raisonnablement jugé que la crédibilité du demandeur était compromise puisqu’il était incapable de fournir des explications satisfaisantes quant aux trois dates contradictoires qu’il a fournies marquant le début de sa relation avec Mme Cabrera, dont septembre 2005, janvier 2006 et septembre 2006.

[17]           De plus, le tribunal a noté que Mme Cabrera n’avait pas mentionné M. Martinez dans sa demande de résidence permanente canadienne en 2008, bien qu’il prétend qu’ils étaient conjoints de fait à l’époque. Ce fait à lui seul n’est pas déterminant, mais il s’ajoute aux faits contradictoires présentés par le demandeur.

[18]           À la lumière de ces faits, le tribunal a conclu qu’une preuve corroborative était nécessaire pour établir l’existence de la relation entre Mme Cabrera et M. Martinez : Toure c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1388 au paragraphe 11. Ainsi, le tribunal a raisonnablement tiré une inférence négative du défaut du demandeur de présenter des éléments de preuve documentaire au soutien de son allégation qu’il aurait cohabité avec Mme Cabrera lors du premier évènement en juin 2007, qui, d’après son témoignage, l’avait incité à quitter sa résidence.

[19]           Le demandeur soutient que le tribunal a erré en ne tirant que des conclusions négatives en dépit des éléments de preuve présentée qui corroborent son récit; en revanche, le demandeur n’indique pas quels sont ces éléments de preuve qui présumément corroborent son récit, et ce, sans compter le fait qu’il n’a déposé aucune preuve au dossier de la cour à ce sujet.

[20]           Par ailleurs, le demandeur n’a pas non plus déposé de preuve objective au soutien de ses allégations qu’il aurait porté plainte auprès des autorités en 2007, et n’a pas expliqué pourquoi il n’était pas en mesure d’obtenir cette preuve corroborante.

[21]           Le demandeur a également fait des omissions de faits marquants qu’il n’a pu expliquer adéquatement. Lorsque le tribunal l’a interrogé au sujet des autres évènements survenus après ceux du 17 juin 2007, il s’est mis à relater les incidents de février 2015. D’après la narration des faits contenus dans son agenda, il aurait omis un incident important survenu en 2008. Lorsqu’interrogé au sujet de cette omission, le demandeur a simplement indiqué : « c’est peut-être les nerfs et la confusion ». Une réponse relativement inadéquate.

[22]           Conséquemment, il était raisonnable pour le tribunal de conclure que la crédibilité du demandeur était entachée suite aux contradictions et omissions de faits importants.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande en contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4541-15

INTITULÉ :

EDWIN JOFFRE FUEL MARTINEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MARS 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

LE 19 AVRIL 2016

COMPARUTIONS :

Alfredo Garcia

pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Steve Bell

pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alfredo Garcia

Avocat

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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