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[TRADUCTION FRANÇAISE]

Date : 20160322


Dossier : P-2-14

Référence : 2016 CF 343

APPEL À L’ÉVALUATEUR DÉSIGNÉ

CONFORMÉMENT À LA LOI SUR LA SANTÉ DES ANIMAUX

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2016

En présence de monsieur le juge Russell, évaluateur adjoint

ENTRE :

WILLOW HOLLOW GAME RANCH LTD.

appelant

et

LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE

ET DE L’AGROALIMENTAIRE CANADA

intimé

I.       APPEL.. 3

II.     INTRODUCTION.. 4

III.         RÔLE DE LA COUR.. 6

IV.         CONTEXTE.. 7

A.     Aperçu. 7

B.      Les faits. 8

V.     DÉCISION EN APPEL.. 12

VI.         CADRE LÉGISLATIF. 14

A.     La législation. 14

B.      Manuel des procédures communes. 20

VII.       LA QUESTION EN LITIGE.. 27

VIII.     RÔLE DE M. WEHRKAMP. 27

IX.         ARGUMENTS. 28

A.     La position de l’appelant 28

B.      Intimé. 32

X.     LA PREUVE.. 34

A.     Témoins de l’appelant 34

M. Randy Wehrkamp – Éléments saillants. 34

(a)        Généralités. 34

(b)       Industrie du wapiti en Saskatchewan. 34

(c)        Nature de l’entreprise d’élevage de wapitis de l’appelant 36

(d)       Le processus d’évaluation. 42

(e)        Difficultés soulevées par l’évaluation de l’ACIA.. 46

M. Blaine Weber – Éléments saillants. 65

(a)        Contexte et expérience. 65

(b)       Information sur le marché. 65

M. Terry Moorman – Éléments saillants. 71

(a)        Expérience. 71

(b)       Abattage intégral 72

(c)        Âge et valeur 75

B.      Témoins de l’intimé. 76

Témoignage du Dr Graham – Éléments saillants. 76

(a)        Compétences et expérience. 77

(b)       Évaluation de WHGR.. 78

Témoignage du Dr Bischop – Éléments saillants. 129

(a)        Compétences et expérience. 129

(b)       Évaluation de WHGR.. 132

XI.         ANALYSE.. 143

XII.       ÉVALUATION.. 190

XIII.     DÉPENS. 191

Annexe A.. 202

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   APPEL

[1]               La Cour est saisie de l’appel interjeté par Willow Hollow Game Ranch Ltd. [l’appelant ou WHGR] en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21 [la Loi], à l’encontre du montant de l’indemnité fixé conformément à l’évaluation effectuée le 2 mai 2014 par l’Agence canadienne d’inspection des aliments [l’ACIA] par suite de la destruction de 266 wapitis mâles appartenant à l’appelant.

II.                INTRODUCTION

[2]               La preuve dont je dispose dans le présent appel révèle que la maladie débilitante chronique [MDC] des cervidés peut avoir des conséquences économiques et émotionnelles dévastatrices pour le producteur. La reconstitution du troupeau d’élans après l’abattage est un long processus, qui peut nécessiter des années de dur labeur et beaucoup d’ingéniosité, d’expérience et d’endurance mentale et physique.

[3]               En soutien au processus de reconstitution, le gouvernement du Canada offre un régime d’indemnisation régi par la Loi, mais ce régime comporte quelques lacunes et, trop souvent, il est loin de couvrir la totalité des pertes que la MDC laisse en héritage. Le régime d’indemnisation prévu par la Loi couvre uniquement la valeur marchande, selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de sa carcasse. Qui plus est, en vertu du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction des animaux, la valeur marchande est plafonnée en fonction du type d’animaux abattus.

[4]               L’existence d’un régime d’indemnisation se justifie sur le plan social par le fait que, si la MDC est dépistée chez un animal, la totalité du troupeau proche doit être abattu, même si l’on découvre ultérieurement, comme c’est le cas en l’espèce, que seulement quelques animaux étaient touchés. Selon la preuve dont j’ai été saisi, l’approche par élimination qui est préconisée pour lutter contre la MDC non seulement s’avère ruineuse pour le producteur, mais elle a eu peu d’effet sur son incidence globale en Saskatchewan. Souvent, les producteurs se voient imposer un fardeau général sans avoir commis de faute. C’est pourquoi une certaine forme d’indemnisation est justifiée.

[5]               Cependant, le Trésor public est sollicité de toutes parts et le Parlement a décidé d’assujettir l’indemnisation accordée en vertu de la Loi aux limites exposées ci-devant.

[6]               D’après la preuve dont je dispose, tant les producteurs que l’ACIA comprennent bien, en général, les limites inhérentes au système et parviennent usuellement à un compromis, bien qu’inévitablement inadéquat. En l’espèce, l’ampleur des conséquences économiques que la MDC a infligées à l’appelant sont telles que, sachant à quel point l’indemnisation prévue est restreinte, il souhaite tout naturellement obtenir le maximum auquel il a droit. À l’opposé, et malgré la sympathie éprouvée devant le triste sort du producteur, les personnes chargées de déterminer le montant de l’indemnisation doivent s’en tenir au régime législatif et se montrer à la hauteur de la confiance que leur accorde le public à cet égard. Le marché du wapiti est relativement nouveau en Saskatchewan, il a évolué rapidement et présente des caractéristiques singulières qui compliquent passablement le processus de détermination de la valeur marchande des animaux abattus. Les deux parties au litige ont des versions fort différentes des critères devant présider à la détermination de ce qui est juste et raisonnable dans les circonstances de l’espèce. Ces différences de vues ont forcément créé des tensions qui ont donné lieu à des critiques ad hominem à l’endroit du président du comité d’indemnisation, le Dr Greg Graham. On lui reproche de ne pas avoir les compétences requises et d’avoir une vision trop étroite des facteurs déterminants de la valeur du wapiti dans le marché changeant d’aujourd’hui. Cependant, il ressort de la preuve que les attaques personnelles contre le Dr Graham ne sont pas justifiées. Les tensions qui opposent maintenant les parties sont le fruit des pertes financières considérables qu’a subies l’appelant par suite de l’abattage de son troupeau de wapitis, de l’aide limitée reçue du régime législatif, des difficultés liées à l’évaluation qui ont marqué la présente affaire et des caractéristiques uniques du marché du wapiti, en pleine évolution, qui compliquent davantage la fixation de la valeur marchande des wapitis abattus en application de la Loi.

III.             RÔLE DE LA COUR

[7]               Le rôle d’évaluateur dévolu à la Cour dans le cadre des procédures d’appel de l’indemnisation octroyée en vertu de la Loi n’est pas, à mon point de vue, très réjouissant. Le seul recours offert aux producteurs insatisfaits des décisions relatives à l’indemnisation octroyée en vertu de la Loi est d’interjeter appel à la Cour fédérale, qui agira comme évaluateur, conformément à la Loi. Sa décision est finale.

[8]               La Cour connaît bien les principes du contrôle judiciaire des commissions et des tribunaux. Par contre, une procédure d’appel d’une décision d’indemnisation en vertu de la Loi n’est pas un exercice de contrôle judiciaire. Il s’agit plutôt d’un procès de novo sur le caractère raisonnable de l’indemnisation accordée par le ministre en vertu de la Loi. Se rapporter à ce sujet à la décision Ferme Siclo c. Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2004 CF 871, au paragraphe 55 [Siclo]. La Cour ne connaît rien du marché du wapiti. Or, en l’espèce, elle est appelée à énoncer et, éventuellement, à appliquer les principes de la détermination d’une valeur marchande raisonnable des wapitis abattus, alors que le marché lui-même est relativement nouveau et encore fluctuant, et en l’absence d’un consensus sur le principe, du moins si j’en juge par la preuve dont je dispose. Normalement, la Cour devrait recevoir le témoignage d’experts pour s’acquitter de sa tâche. Cependant, dans le cadre d’un processus d’appel sans interrogatoire préalable et censé offrir aux producteurs un moyen relativement informel et rapide de contester les décisions relatives à l’indemnisation, il est peu probable que des experts soient appelés à témoigner – en fait, aucun n’a été sollicité en l’espèce.

[9]               Je suis d’avis que les décisions de ce genre devraient incomber à des personnes qui connaissent bien l’industrie, quitte à les soumettre à un contrôle judiciaire si cela est nécessaire. Tant l’ACIA que l’appelant ont eu recours à des experts dans le cadre du processus d’indemnisation, mais, comme je l’expliquerai plus loin, ils ont eu recours à des principes d’évaluation différents et il n’est donc pas possible de dégager un consensus. Les deux parties admettent toutefois la complexité du processus d’évaluation en l’espèce.

[10]           Abstraction faite de ces difficultés, je félicite vivement les deux parties pour l’attitude respectueuse et la rigueur dont ils ont fait preuve tout au long de l’audience tenue devant moi à Battleford. Tous les intervenants, y compris la Cour, font de leur mieux pour rendre pratique un processus d’indemnisation et d’appel qui est, à mon avis, vicié et déficient.

IV.             CONTEXTE

[11]           Je ne relève aucun désaccord entre les parties pour ce qui concerne le contexte général du litige. L’intimé le résume bien dans ses observations écrites, que je reproduis ci-après.

A.                Aperçu

[12]           L’appelant possède et exploite une ferme à gibier près de Turtleford, en Saskatchewan. Son exploitation comprend des activités de production de viande et de bois de velours, de chasse et d’élevage de wapitis, qui font partie de la famille des cervidés. Les cervidés sont élevés pour produire des mâles qui sont utilisés pour leur viande et leurs bois de velours, de même que pour la chasse – des chasseurs paient pour chasser le wapiti dans un environnement naturel.

[13]           Le 23 février 2014, le Laboratoire national d’Ottawa, en Ontario, a confirmé un résultat préliminaire de MDC chez l’un des wapitis de l’appelant (un mâle de sept ans). Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Canada a délivré un ordre de destruction visant tous les jeunes wapitis mâles de l’appelant. Le ministre a versé une indemnité à l’appelant pour la destruction de ses wapitis, et ce dernier a interjeté appel de l’évaluation.

B.                 Les faits

[14]           Le 3 février 2014, un mâle de sept ans du troupeau de wapitis de l’appelant a obtenu un résultat positif au test de dépistage de la MDC, une encéphalopathie spongiforme transmissible qui entraîne une maladie neurologique évolutive chez les wapitis et d’autres cervidés. Il est généralement admis que la MDC est associée à une protéine anormale, appelée prion, qui atteint le système nerveux central de l’animal. La maladie est très contagieuse et toujours fatale.

[15]           La MDC est une maladie à déclaration obligatoire en vertu de l’article 5 de la Loi et de l’article 2 du Règlement sur les maladies déclarables, DORS/91-2.

[16]           Les 3 et 5 février 2014, l’ACIA a délivré à l’appelant des avis de quarantaine (pour des pâturages distincts) en vertu de l’article 6 du Règlement sur la santé des animaux, C.R.C., ch. 296, pour tous les cervidés rattachés aux installations et locaux de l’appelant mis en quarantaine.

[17]           Le 5 février et le 20 mars 2014, l’ACIA a émis un avis de disposition à l’appelant, en application du paragraphe 48(1) de la Loi, dans lequel il était indiqué que la destruction aurait lieu le 31 mai 2014. Le 27 mars 2014, les 266 jeunes wapitis mâles identifiés par l’ACIA aux fins de l’abattage ont été euthanasiés, réformés ou étaient déjà morts des suites de la MDC.

[18]           Le 3 février et le 14 mars 2014, l’ACIA a délivré une Déclaration de lieu contaminé en vertu de l’article 22 de la Loi s’appliquant au lieu de l’appelant, où la présence de la MDC était soupçonnée.

[19]           Le ministre a engagé l’appelant pour qu’il établisse la valeur de ses animaux aux fins de l’ordonnance d’indemnisation délivrée en vertu du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux, DORS/2000-233 [Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux].

[20]           L’évaluation a été réalisée par une équipe composée du Dr Graham, le président et représentant de l’ACIA; de M. Randy Wehrkamp, un évaluateur de l’industrie proposé par l’appelant, et du Dr Clarence Bischop, un évaluateur proposé par l’ACIA.

[21]           Le 5 mars 2014, une réunion sur l’indemnisation a été tenue à Mervin, en Saskatchewan; y participaient l’appelant (représenté par ses associés commerciaux, M. Bentley Brown et M. Keith Conacher), le Dr Graham, le Dr Bischop et M. Wehrkamp. Le Dr Graham était le président investi du pouvoir délégué approprié pour mener l’évaluation au nom de l’ACIA. Des questions générales concernant la valeur ont été discutées, puis il a été décidé que le Dr Bischop et M. Wehrkamp rédigeraient chacun un rapport sur la valeur des wapitis de l’appelant abattus.

[22]           Lors de la réunion sur l’indemnisation, les paramètres en la matière ont été examinés et il a été question de la détermination de la « valeur marchande » et de l’importance relative des actes de vente, des reçus ainsi que des registres généalogiques et de production pertinents aux fins de l’établissement du profil du troupeau et de la valeur des animaux. Lors de la réunion sur l’indemnisation, M. Wehrkamp a soumis un mémoire préliminaire à l’examen du président, le Dr Graham, et du Dr Bischop.

[23]           L’industrie recourt au système de cotation du Safari Club International (SCI), axé sur les bois, pour établir la valeur des wapitis mâles. Or, les bois des jeunes wapitis mâles n’étaient pas à leur taille maximale pour la saison 2014 car, normalement, ils finissent de se développer à l’automne. En l’absence de bois pleinement développés et vu la rareté de la documentation sur la valeur des animaux, l’évaluation peut s’avérer difficile, comme ce fut le cas en l’espèce.

[24]           Au 27 mars 2014, le ministre a abattu les wapitis mâles de l’appelant. Au cours de l’abattage, un inventaire précis a été effectué afin de confirmer l’âge des wapitis et le nombre de bêtes identifiés aux fins de l’abattage.

[25]           M. Wehrkamp a parachevé son rapport et soumis la version finale à l’examen du Dr Graham aux environs du 10 mars 2014. L’appelant a produit un reçu pour l’un des wapitis mâles abattus (SNOR 901W), mais il a refusé de fournir les reçus, factures ou toute autre information concernant les autres animaux abattus que lui a demandés le Dr Graham. Il a expliqué avoir refusé d’agréer à cette demande parce que les reçus d’achat n’étaient d’aucune utilité puisque la plupart des animaux à évaluer avaient été « achetés en bloc ». Les reçus n’indiquaient donc pas le coût d’achat des animaux à évaluer aux fins d’indemnisation. Le Dr Bischop a parachevé son rapport et l’a soumis à l’examen du Dr Graham aux environs du 26 mars 2014. Le 2 mai 2014, le Dr Graham a terminé son rapport d’évaluation des wapitis de l’appelant.

[26]           Le 2 mai 2014 également, sur la foi du rapport d’évaluation du Dr Graham et des données réelles issues de l’inventaire, le ministre a émis un avis d’octroi d’indemnisation visant les wapitis mâles de l’appelant. Le ministre a également émis des avis d’indemnisation aux propriétaires de deux jeunes wapitis proches des animaux de l’appelant et qui ont par conséquent été abattus.

[27]           L’appelant a touché une indemnité de 476 343 $ pour l’abattage de son troupeau de wapitis mâles. Les tests de dépistage administrés aux animaux après l’abattage ont donné cinq résultats positifs de MDC.

[28]           Aux environs du 7 juillet 2014, l’appelant a déposé un avis d’appel en vertu de l’article 56 de la Loi, indiquant qu’il souhaitait en appeler de la décision relative à l’indemnité versée pour ses wapitis mâles abattus.

V.                DÉCISION EN APPEL

[29]           Pour établir l’indemnisation accordée pour les wapitis mâles abattus de l’appelant, le ministre s’est fondé sur le rapport produit par le Dr Graham le 2 mai 2014.

[30]           La partie explicative du rapport d’évaluation du Dr Graham se lit comme suit :

[traduction] J’ai visité les lieux de Bentley Brown, à Mervin en Saskatchewan le 5 mars 2014 afin de rencontrer Bentley et son associé, Keith Connacher (Willow Hollow Game Farms ou WHGF). J’ai alors présidé une réunion sur l’indemnisation accordée pour la MDC, à laquelle ont participé leur représentant de l’industrie, Randy Wehrkamp, de Tisdale en Saskatchewan, et le Dr Clarence Bischop, représentant de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Les paramètres de l’indemnisation ont été examinés et analysés. Il a été établi que les actes et les reçus de vente étaient très importants (ventes liées aux activités de chasse, d’abattage et d’élevage et aux bois de velours) pour déterminer les éléments du profil du troupeau et la valeur exacte des animaux.

Le troupeau de wapitis de Willow Hollow Game Farms est composé d’animaux destinés à la production de viande, de bois de velours et à la chasse. La constitution du troupeau a débuté en 2009, avec l’achat de femelles et de mâles auprès d’au moins dix producteurs. WHGF n’a fourni aucun reçu d’achat pendant le processus d’indemnisation, mais les intéressés ont confirmé que les animaux avaient été achetés au prix de la viande. Des caractéristiques génétiques supérieures ou nettement supérieures à la moyenne auraient dû se traduire par un prix d’achat plus élevé. Dans le volet chasse de l’exploitation, une moyenne annuelle de 31 animaux ont été tués au cours des cinq dernières années. Aucune preuve n’a été produite pour attester que les animaux chassés au cours des trois dernières années étaient de la qualité « trophée » (selon la cotation des bois), soit la qualité attribuée au troupeau actuel. Beaucoup de ces animaux avaient été achetés alors qu’ils étaient « mûrs pour la chasse », c’est-à-dire que leurs bois avaient atteint une taille suffisante pour en faire du « gibier chassable »; ces caractéristiques ne s’appliquent pas pour les autres animaux du troupeau. Les propriétaires n’ont pas produit de reçus d’achat indiquant que les animaux du troupeau actuel avaient la même valeur que les animaux de qualité « trophée » déjà chassés. Chaque année, on récolte les bois de velours des animaux qui n’ont pas été tués à la chasse. M. Wehrkamp insiste sur le fait que le troupeau est essentiellement destiné à la chasse, mais que la ferme a vendu au moins 120 000 $ de bois de velours en 2013, ce que confirme le Dr Jim McLane du Bureau du district de Battleford (soit 4 000 livres à 30 $ la livre, selon le prix de 2013).

Compte tenu de l’information fournie par M. Wehrkamp concernant le prix d’achat moyen escompté pour les mâles destinés à la chasse en 2014 (listes de prix), soit 4 500 $, et au vu de la facture de 72 500 $ fournie par Bentley pour l’achat récent de 17 mâles de qualité trophée de remplacement pour la saison de chasse 2014, j’accorde une valeur de 4 500 $ pour un mâle de qualité trophée. Étant donné que la valeur du bois de velours a probablement atteint au moins 700 $ par mâle en 2014 (20 livres à 35 $ la livre), et la valeur de la viande, 1 675 $ environ par mâle (prix sacrifiés selon AWAPCO, pour un abattage les 13 et 27 mars 2014), j’accorde une valeur de 2 375 $ pour un mâle élevé pour les bois de velours et la viande.

Si l’on compte que 15 % des 200 animaux adultes du troupeau sont de qualité trophée (soit 31 sur 200 environ), j’accorde une valeur composite modérée (animaux élevés pour la chasse, les bois de velours et la viande) de 2 700 $ pour chaque animal né en 2010 et après (85 % de 2 375 $ = 2 019 $) plus (15 % de 4 500 $ = 675 $) = 2 700 $).

De même, si la valeur attribuée en 2011 s’établit à 1 800 $ (1 275 $ pour la viande et 525 $ pour le bois de velours; coût moyen de retour à AWAPCO plus 15 livres de bois de velours à 35 $ la livre) et 1 400 $ (1 050 $ pour la viande et 350 $ pour les bois de velours; prix sacrifié moyen AWAPCO plus 10 livres de bois de velours à 35 $ la livre) pour les animaux de 2012, selon le prix de la viande et du bois de velours.

Une valeur de 8 000 $ sera attribuée à SNOR 901W, par suite de la production d’un reçu de 9 250 $.

Faits saillants.

1. La vente de bois de velours compte pour une bonne partie de la recette tirée du cheptel. [...] au moins 120 000 $ en 2013.

2. Le Dr Bischop a établi la valeur des animaux destinés à la chasse à 4 800 $ en tenant pour acquis que la totalité du cheptel était constituée de bêtes de catégorie trophée. J’ai demandé à WHGF et à M. Wehrkamp, à trois reprises au moins, de me fournir des reçus et des documents attestant que c’est réellement le cas. Je n’ai rien reçu. J’ai attribué une valeur de 4 500 $ par tête en me fiant au prix d’achat payé récemment par M. Brown pour 17 wapitis mâles « pareils » (semblables à ceux de l’année précédente) de catégorie trophée, de même qu’à la liste des prix des fournisseurs de wapitis pour l’année de chasse 2014.

3. Au cours des cinq dernières années, WHGF a vendu en moyenne 31 animaux chassés par année; une grande partie des wapitis de catégorie trophée « mûrs pour la chasse » ont été achetés un peu avant la chasse. Il n’est pas possible d’obtenir le profil exact du reste du troupeau à partir des animaux chassés chaque année.

4. La qualité trophée a été attribuée à 15 % du troupeau adulte [...] environ 31 wapitis ont été chassés chaque année au cours des cinq dernières années sur les quelque 200 animaux adultes du troupeau.

[signature]

Greg Graham D.M.V. 2 mai 2014

VI.             CADRE LÉGISLATIF

A.                La législation

[31]           J’ai exposé le cadre législatif applicable aux pourvois de cette nature dans ma décision Alsager c. Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2011 CF 1071 [Alsager], que l’intimé résume habilement dans ses observations écrites (voir ci-après).

[32]           En l’espèce, la question se limite à établir si le montant d’indemnisation versé à l’appelant est raisonnable. En vertu de la Loi :

Appel

Appeal

56 (1) Il peut être interjeté appel devant l’évaluateur soit pour refus injustifié d’indemnisation, soit pour insuffisance de l’indemnité accordée.

56. (1) A person who claims compensation and is dissatisfied with the Minister’s disposition of the claim may bring an appeal to the Assessor, but the only grounds of appeal are that the failure to award compensation was unreasonable or that the amount awarded was unreasonable.

[...]

...

[33]           Dans la décision Siclo, précitée, le juge Blanchard souligne que le caractère suffisant de l’indemnité versée en vertu de la Loi est déterminé selon « le critère de ce qui est raisonnable ».

[34]           Dans la décision Alsager, également précitée, l’appelant a interjeté appel de l’indemnisation attribuée par le ministre à la suite de l’abattage de son wapiti, atteint par la MDC, en vertu de la Loi. En ma qualité d’évaluateur adjoint, je confirme que les motifs de l’appel « se limitent toutefois à un refus injustifié d’indemnisation et à l’insuffisance de l’indemnité accordée ».

[35]           En réponse aux questions soulevées par l’appelant dans la décision Alsager relativement au processus d’indemnisation prescrit par la Loi, j’ai affirmé que les points de vue généraux de celui-ci participaient d’enjeux stratégiques à la fois complexes et controversés qui relevaient de la sphère politique :

[...] De toute façon, ces aspects relèvent de l’arène politique et je suis convaincu que M. Alsager, qui a été à la fois convaincant et direct lorsqu’il s’est représenté lui-même devant moi, sait parfaitement qu’il convient d’examiner ces opinions générales dans l’arène politique. La Cour peut uniquement ici décider si, compte tenu du régime créé par le législateur, ainsi que des méthodologies et des critères utilisés pour évaluer les animaux abattus dans la présente affaire, l’indemnité accordée était raisonnable.

[36]           Dans la décision Ferme Avicole Héva Inc. c. Canada (Agriculture), [1998] ACF no 1021 (CF 1re inst.) [Ferme Avicole Héva Inc.], la juge Tremblay-Lamer conclut que, aux fins de la détermination du montant de l’indemnité, il ne faut pas confondre la perte de profits ou de valeur subie par le propriétaire avec la valeur marchande :

[38]      Il a été établi dans la jurisprudence que la valeur pour le propriétaire ne correspond pas à la juste valeur marchande et que l’indemnité n’avait pas pour but de dédommager le propriétaire pour ses pertes de profits en le remettant dans la même situation avant l’abattage des animaux.

[37]           Dans la décision Siclo, précitée, le juge Blanchard indique quelles dispositions législatives s’appliquent, en commençant par le paragraphe 22, eu égard au pouvoir du ministre d’ordonner la destruction d’animaux et son pouvoir discrétionnaire d’ordonner une indemnisation correspondant à la juste valeur marchande au moment de la destruction :

[22]      L’article 48 de la Loi sur la santé des animaux permet au ministre d’ordonner la destruction des animaux qui sont contaminés ou soupçonnés d’être contaminés par une maladie. Lorsque les animaux du propriétaire sont détruits, le ministre, en vertu de l’article 51, peut ordonner le versement d’une indemnité au propriétaire. Par contre, selon le paragraphe 51(2), l’indemnité payable au propriétaire doit correspondre à la valeur marchande de l’animal moins la valeur de sa carcasse, basée sur l’évaluation du ministre, au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée.

[38]           Le paragraphe 48(1) prévoit :

48 (1) Le ministre peut prendre toute mesure de disposition, notamment de destruction, — ou ordonner à leur propriétaire, ou à la personne qui en a la possession, la responsabilité ou la charge des soins, de le faire — à l’égard des animaux ou choses qui :

48.(1) The Minister may dispose of an animal or thing, or require its owner or any person having the possession, care or control of it to dispose of it, where the animal or thing

a) soit sont contaminés par une maladie ou une substance toxique, ou soupçonnés de l’être;

(a) is, or is suspected of being, affected or contaminated by a disease or toxic substance;

b) soit ont été en contact avec des animaux ou choses de la catégorie visée à l’alinéa a) ou se sont trouvés dans leur voisinage immédiat;

(b) has been in contact with or in close proximity to another animal or thing that was, or is suspected of having been, affected or contaminated by a disease or toxic substance at the time of contact or close proximity; or

c) soit sont des substances toxiques, des vecteurs ou des agents causant des maladies, ou sont soupçonnés d’en être.

(c) is, or is suspected of being, a vector, the causative agent of a disease or a toxic substance.

[39]           L’article 51 de la Loi porte sur l’indemnisation des propriétaires des animaux :

51 (1) Le ministre peut ordonner le versement, sur le Trésor, d’une indemnité au propriétaire de l’animal :

51. (1) The Minister may order compensation to be paid from the Consolidated Revenue Fund to the owner of an animal that is

a) soit détruit au titre de la présente loi, soit dont la destruction a été ordonnée par l’inspecteur ou l’agent d’exécution mais mort avant celle-ci;

(a) destroyed under this Act or is required by an inspector or officer to be destroyed under this Act and dies after the requirement is imposed but before being destroyed;

b) blessé au cours d’un examen ou d’une séance de traitement ou d’identification effectués, au même titre, par un inspecteur ou un agent d’exécution et mort ou détruit en raison de cette blessure;

(b) injured in the course of being tested, treated or identified under this Act by an inspector or officer and dies, or is required to be destroyed, as a result of the injury; or

c) affecté à des expériences au titre du paragraphe 13(2).

(c) reserved for experimentation under paragraph 13(2)(a).

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l’indemnité payable est égale à la valeur marchande, selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de son cadavre.

(2) Subject to subsections (3) and (4), the amount of compensation shall be

(a) the market value, as determined by the Minister, that the animal would have had at the time of its evaluation by the Minister if it had not been required to be destroyed

Minus

(b) the value of its carcass, as determined by the Minister.

(3) La valeur marchande ne peut dépasser le maximum réglementaire correspondant à l’animal en cause.

(3) The value mentioned in paragraph (2)(a) shall not exceed any maximum amount established with respect to the animal by or under the regulations.

(4) L’indemnisation s’étend en outre, lorsque les règlements le prévoient, aux frais de disposition, y compris de destruction.

(4) In addition to the amount calculated under subsection (2), compensation may include such costs related to the disposal of the animal as are permitted by the regulations.

[40]           Le pouvoir discrétionnaire du ministre en matière d’indemnisation est assujetti aux montants maximaux prescrits par le Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux :

2 Pour l’application du paragraphe 51(3) de la Loi, la valeur marchande d’un animal qui est détruit ou qui doit l’être en application du paragraphe 48(1) de la Loi ne peut dépasser :

2. For the purpose of subsection 51(3) of the Act, the amount that is established as the maximum amount with respect to an animal that is destroyed or required to be destroyed under subsection 48( I ) of the Act is

a) le montant prévu à la colonne 3 de l’annexe, pour tout animal visé à la colonne 1;

(a) if the animal is set out or included in column 1 of an item of the schedule, the amount set out in column 3 of that item; and

b) 30 $, dans tout autre cas.

(b) in any other case, $30.

[41]           Pour ce qui concerne les wapitis, le barème applicable en vertu de l’alinéa 2a) du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux, tel qu’il est indiqué auparavant, établit comme suit l’indemnité maximale que le ministre peut attribuer :

39. Cerf (Cervus elaphus) mâle non castré âgé d’un an ou plus

8 000

40. Cerf (Cervus elaphus) autre que celui

visé à l’article 39

4 000

[42]           Dans la décision Donaldson c. Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2006 CF 842 [Donaldson], le juge Kelen affirme que, pour déterminer le montant raisonnable de l’indemnité accordée pour un animal détruit en vertu de la Loi, il faut se fonder sur sa valeur marchande au moment de la destruction, compte tenu du maximum prévu au paragraphe 51(3) de la Loi.

[43]           La Loi donne également des orientations quant aux pouvoirs conférés à l’évaluateur, aux frais éventuels et au caractère définitif de sa décision en cas d’appel de la personne réclamant une indemnisation :

57 (1) L’évaluateur qui entend l’appel peut confirmer ou modifier la décision du ministre ou renvoyer l’affaire à celui-ci pour qu’il y soit donné suite de la manière que lui-même précise.

57. (1) On hearing an appeal, the Assessor may confirm or vary the Minister’s disposition of the claim or refer the matter back to the Minister for such further action as the assessor may direct.

(2) Les frais peuvent être accordés au ministre ou mis à sa charge.

(2) Costs may be awarded to or against the Minister in an appeal.

(3) Les décisions de l’évaluateur ne sont pas susceptibles d’appel ou de révision.

(3) The decision of the Assessor on an appeal is final and conclusive and not subject to appeal to or review by any Court.

[44]           J’ai avalisé le cadre et les principes établis ci-dessus en ma qualité d’évaluateur adjoint dans la décision Alsager.

B.                 Manuel des procédures communes

[45]           Les deux parties admettent la valeur du Manuel des procédures communes comme guide du processus d’indemnisation.

[46]           L’article 12.1.2 du Manuel des procédures communes stipule sans équivoque que l’admissibilité à une indemnisation englobe les animaux dont la destruction a été ordonnée sous le régime de l’article 48 de la Loi sur la santé des animaux, y compris ceux qui sont morts avant la destruction.

[47]           L’article 12.1 du Manuel des procédures communes oblige notamment l’ACIA à expliquer au propriétaire des animaux [traduction] « la base d’octroi de l’indemnisation ».

[48]           En l’espèce, la méthode d’indemnisation appliquée par l’équipe d’évaluation est régie par les articles 12.3.2 et 12.3.3 du Manuel des procédures communes :

[traduction] 12.3.2 Création d’une équipe d’évaluation

3. Une équipe d’évaluation doit être créée dans les circonstances suivantes :

•   les conditions énoncées ci-dessus pour recourir à un évaluateur unique ne sont pas remplies;

•   la détermination de la valeur marchande de l’animal ou de l’objet en question est complexe.

4. L’équipe d’évaluation doit être composée des membres suivants :

•   un inspecteur vétérinaire de l’ACIA, qui assurera la présidence de l’équipe;

•   un évaluateur expert de l’industrie, choisi par l’ACIA;

•   un évaluateur expert de l’industrie choisi par le propriétaire, avec l’approbation de l’ACIA.

5. Les experts de l’industrie qui font partie de l’équipe d’évaluation doivent être au fait de la valeur marchande, notamment :

•   le type d’espèce, la catégorie et la race des animaux évalués;

•   tout ce qui est évalué, y compris le lait, les œufs, la semence, les embryons, le foin, l’avoine, les aliments pour animaux, les engrais, les matériaux d’emballage et les contenants.

6. Il faut veiller à ce que les évaluateurs experts de l’industrie ne se trouvent pas en conflit d’intérêts avec le propriétaire des animaux ou des objets évalués, ni à l’égard de ceux-ci.

12.3.3 Évaluation

7. Une entente contractuelle pour des services d’évaluation doit être conclue au nom de l’ACIA avec un évaluateur expert de l’industrie. Il faut utiliser les documents contractuels habituels, et y intégrer les déclarations suivantes :

•   Les entrepreneurs comprennent que, en vertu de la Loi sur la santé des animaux, le ministre peut verser une indemnisation au propriétaire d’un animal ou d’un objet dont la destruction a été ordonnée au titre de la Loi, et que le montant de l’indemnité sera égal à la valeur marchande (jusqu’à concurrence du maximum réglementaire) visée à l’annexe du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux (annexe 3), selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de la carcasse.

•   Les entrepreneurs doivent :

◦   fournir à l’ACIA une évaluation écrite de la valeur marchande de chaque animal ou objet visé, ainsi que les justifications de ladite évaluation;

◦   reconnaître qu’ils ont été informés de la définition et de l’interprétation que donne le ministre à la notion de valeur marchande, et de la manière dont elle doit être évaluée, conformément à la présente disposition du Manuel;

◦   confirmer l’absence de conflit d’intérêts à l’égard du propriétaire des animaux ou objets visés par l’évaluation, ou à l’égard de ceux-ci.

[49]           La notion centrale de valeur marchande et la manière dont elle doit être déterminée font l’objet de l’article 12.4 du Manuel des procédures communes:

12.4 Valeur marchande

[traduction] Le présent article vise à assurer que les propriétaires, les experts de l’industrie et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) ont une compréhension commune de la notion de valeur marchande.

Aux fins de l’octroi d’une indemnisation, la valeur marchande s’entend de la valeur que l’animal ou l’objet aurait eue au moment de l’évaluation s’il avait été vendu dans un marché libre (par un vendeur consentant à un acheteur consentant) si sa destruction n’avait pas été ordonnée.

12.4.1 Procédures générales

1. Le réseau des spécialistes du programme vétérinaire doit être consulté afin de déterminer les indemnités qui ont été versées récemment pour des animaux semblables. Cette discussion doit toujours avoir lieu avant qu’un formulaire d’indemnisation soit remis au propriétaire. (Le Formulaire CFIA/ACIA 4203 – Obligation de disposer et octroi d’une indemnité et le Formulaire CFIA/ACIA 4210 – Obligation de disposer et octroi d’une indemnité [pour les objets] doivent être utilisés conjointement avec le Formulaire CFIA/ACIA 4202 – Obligation de disposer des animaux ou des objets.)

2. Les indemnités maximales prévues dans le Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux sont revues périodiquement et ajustées en fonction des valeurs marchandes courantes.

3. Pour confirmer qu’il comprend bien la notion de valeur marchande, le propriétaire sera invité à fournir :

•   les actes de vente et les reçus de toute transaction pertinente au cours des dernières années, à des fins de référence;

•   les documents pertinents concernant la généalogie et les registres de production.

4. Pour confirmer qu’il comprend bien la notion de valeur marchande, il faut expliquer à l’expert de l’industrie qu’elle correspond soit :

•   au prix payé dans le cadre d’une opération entre un acheteur et un vendeur consentants sans lien de dépendance pour des animaux ou des objets comparables;

•   aux prix courants pratiqués par des fournisseurs locaux;

•   aux prix courants payés par des agents ou des agences de commercialisation pour du lait, des œufs, etc.

[50]           L’article 12.6 du Manuel des procédures communes donne des directives claires sur l’évaluation des animaux et des objets :

[traduction] 12.6 Évaluation des animaux et des objets

Le présent module donne des directives concernant l’évaluation des animaux et des objets.

1.      L’équipe d’évaluation doit déterminer la valeur marchande en se fondant sur les prix de vente courants dans l’industrie de l’élevage d’animaux de races et de types semblables à ceux des espèces visées, qui sont pratiqués notamment :

•   sur les marchés d’enchères locaux;

•   dans les parcs à bétail;

•   lors de ventes de dispersion de troupeau et de production;

•   lors de ventes organisées dans le cadre de foires et d’expositions;

•   dans le cadre d’opérations de gré à gré documentées.

2. Un rapport d’évaluation étayant l’évaluation de chaque animal admissible à une indemnisation doit être produit au moyen des fiches des modules 12.16 et 12.17, ainsi que du module 12.5 : Modèle économique – Évaluation de volailles en l’absence de cours du marché. Les fiches peuvent être modifiées au besoin.

3. Les évaluateurs experts de l’industrie, choisis conjointement par le propriétaire et l’ACIA, doivent décrire et évaluer chaque animal ou groupe d’animaux admissibles à l’indemnisation. Leurs estimations seront inscrites sur la fiche d’évaluation par l’inspecteur vétérinaire qui préside l’équipe.

4. Les évaluateurs experts de l’industrie doivent fonder leur avis concernant la valeur marchande de chaque animal admissible à une indemnisation sur les éléments suivants :

•   leur évaluation des caractéristiques pertinentes de chaque animal, notamment :

◦   le type (vache laitière, bovin de boucherie, poulet, etc.);

◦   la race;

◦   la catégorie, l’utilisation (reproduction, boucherie, production laitière) ou l’âge (éventuellement sur la base de la dentition);

◦   le sexe;

◦   la valeur génétique (consultation des registres de production ou des rendements) ou la généalogie (race croisée ou pure);

◦   le stade de production ou gestation (non gravide, gravide, allaitante, embouche, broutard);

◦   le niveau de production de lait, de bois de velours, de laine, la taille des portées, les naissances multiples;

◦   la conformation (malformations, poids corporel et taille selon le type et la race);

◦   la condition physique;

◦   les conditions médicales particulières (sans germes pathogènes précis, par exemple);

◦   toute autre caractéristique non incluse dans les facteurs susmentionnés et qui indique, dans la plupart des cas, la disponibilité d’un animal comparable dans un marché libre;

•   la connaissance des prix payés par des animaux comparables dans un marché libre, selon la valeur marchande établie par l’équipe d’évaluation conformément au module 12.4 – Valeur marchande;

•   exception faite de tout ajustement en fonction de la valeur marchande antérieure ou anticipée.

5. Le propriétaire et l’équipe d’évaluation peuvent s’entendre pour regrouper les animaux de même type, catégorie ou utilisation, âge, sexe, au même stade de production, condition physique et poids afin de déterminer la valeur marchande individuelle des animaux. Notamment, une valeur marchande unique peut être attribuée à chaque animal d’un groupe de jeunes bœufs gras de 440 à 460 kg, en bonne condition physique. De même, toutes les poules Leghorn d’un même cheptel peuvent être affectées de la même valeur 95 jours après la ponte.

6. Si les documents d’enregistrement d’un animal ne sont pas accessibles ou n’ont pas été transférés au propriétaire, l’une des procédures suivantes doit être appliquée :

•   les évaluateurs experts de l’industrie déterminent la valeur marchande des animaux de race croisée ou pure;

•   l’inspecteur vétérinaire de l’ACIA accorde une indemnisation selon la valeur marchande correspondant à la race croisée;

•   une indemnité supplémentaire fondée sur la différence entre la valeur marchande de la race croisée et de la race pure est accordée si les documents d’enregistrement sont fournis à l’ACIA dans les 90 jours suivant l’évaluation de l’animal.

7. Tous les membres de l’équipe d’évaluation doivent signer une fiche pour chaque animal ou groupe d’animaux évalués, le registre des valeurs des objets, ainsi que toute remarque justifiant les valeurs accordées.

8. Si l’équipe d’évaluation ne peut trouver un terrain d’entente, les évaluateurs experts de l’industrie et de l’ACIA devront rédiger chacun leur rapport et le soumettre au président de l’équipe d’évaluation, avec les documents à l’appui. Le président (le vétérinaire ou le personnel du district de l’ACIA) déterminera l’indemnisation à accorder et énoncera les motifs dans le rapport du président de l’équipe d’évaluation. Dans tous les cas, la décision d’indemnisation peut être portée en appel.

[51]           En l’espèce, l’article 8 de l’article 12.6 s’applique puisque l’équipe d’évaluation n’a pas réussi à s’entendre.

[52]           Même si les deux parties reconnaissent la pertinence du Manuel des procédures communes, le Dr Graham et le Dr Bischop estiment qu’il donne des orientations, mais que le processus d’évaluation laisse tout de même une certaine marge de manœuvre.

VII.          LA QUESTION EN LITIGE

[53]           La question dont la Cour est saisie, dans son rôle d’évaluateur, consiste à déterminer si, en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi, l’indemnité accordée était raisonnable et si, en vertu du paragraphe 57(1), elle devrait confirmer ou modifier la décision du ministre ou lui renvoyer le dossier afin qu’il indique à l’évaluateur la ligne de conduite à prendre.

VIII.       RÔLE DE M. WEHRKAMP

[54]           Le rôle joué par M. Wehrkamp dans le processus d’appel est pour le moins ambivalent. Comme il a été nommé en tant qu’expert de l’industrie au titre de l’article 12.3 du Manuel des procédures communes, il aurait dû recevoir « l’approbation de l’ACIA » en vertu du paragraphe 12.3.2(4), et ne pas se trouver « en conflit d’intérêts » en vertu du paragraphe 12.3.2(6). M. Wehrkamp ne s’est pas présenté comme « témoin expert » dans le cadre de l’appel, mais il agit à la fois comme témoin et comme défenseur des intérêts de l’appelant. La preuve indique en effet qu’il s’est immédiatement rallié à la cause de l’appelant après que le Dr Graham eut formulé ses recommandations. L’intimé ne s’est pas opposé au double rôle joué par M. Wehrkamp – ce qui peut avoir un certain sens dans le contexte d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi – mais, en examinant la preuve et les arguments avancés par M. Wehrkamp, la Cour doit garder à l’esprit qu’il agit à la fois comme témoin et comme représentant de l’appelant. Le Dr Graham et le Dr Bischop ont aussi pris part au processus d’évaluation de l’indemnisation (le Dr Graham à titre de président et Dr Bischop à titre d’expert de l’ACIA), mais ils se sont bornés à donner leur témoignage dans le cadre du processus d’appel. Ils ne défendaient pas la cause de l’ACIA, même si, en donnant leur témoignage, ils ont inévitablement été appelés à justifier leurs décisions antérieures.

[55]           Aucun des deux propriétaires parties à l’appel, M. Bentley Brown et M. Keith Conacher, n’a été appelé à témoigner. Il s’ensuit qu’ils n’ont pas été contre-interrogés sous serment concernant leur refus de produire les reçus et les factures sollicités à plusieurs reprises par le Dr Graham. M. Wehrkamp a expliqué pourquoi (les reçus n’étaient pas disponibles ou ils n’étaient pas pertinents), mais le fait qu’ils n’étaient pas jugés pertinents ne justifie pas leur non-production. Le Dr Graham ou la Cour auraient pu trancher eux-mêmes la question de la pertinence, et le point de vue de M. Wehrkamp à ce sujet aurait pu être vérifié.

[56]           Rien ne me porte à croire que M. Wehrkamp a témoigné autrement qu’en toute sincérité, mais son double rôle de témoin et de défenseur des intérêts porte à des chevauchements qui obligent la Cour à envisager la preuve que présente l’appelant avec un œil très prudent, pour s’assurer que les critiques sévères exprimées à l’endroit de l’ACIA, et du Dr Graham en particulier, reposent sur des éléments probatoires objectifs.

IX.             ARGUMENTS

A.                La position de l’appelant

[57]           Essentiellement l’appelant prétend que l’ACIA n’a pas reconnu et estimé à sa juste valeur l’activité principale de son entreprise associée à la chasse. WHGR soutient que la preuve dont le Dr Graham a été saisi indique que les revenus de son élevage de wapitis proviennent par ordre d’importance de la chasse, puis de la vente de bois de velours et de viande. Par conséquent, l’entreprise est principalement une pourvoirie de chasse, même si elle tire aussi des revenus du bois de velours et de la viande.

[58]           L’ACIA n’a pas tenu compte du fait que l’appelant était en processus de reconstitution de son cheptel de wapitis après l’opération d’abattage de 2009 (qui avait donné lieu à la destruction de 550 wapitis), et que la moitié seulement des wapitis ont été détruits en 2014 parce que le processus de reconstitution se poursuivait. Puisqu’il était en plein processus de reconstitution de son cheptel, l’appelant sélectionnait les mâles génétiquement supérieurs, qui ont une valeur supérieure. C’est pourquoi il vendait des animaux mûrs pour la chasse qu’il avait acquis auprès d’autres producteurs. L’appelant ne proposait pas à la vente ses propres animaux mûrs pour la chasse parce qu’il en avait besoin pour la reproduction. Seuls les mâles non castrés de plus de six ans étaient jugés mûrs pour la chasse et offerts comme gibiers, ou vendus à d’autres pourvoiries. Même si les mâles non castrés de WHGR avaient la qualité requise, l’appelant ne pouvait pas vendre des wapitis mûrs pour la chasse ou des reproducteurs parce que le troupeau, à 50 % de sa capacité seulement, était toujours en reconstitution après l’abattage intégral de 2009.

[59]           Afin de reconstituer son troupeau après l’abattage de 2009, l’appelant avait acheté des groupes de mâles non castrés auprès de différents producteurs (achat en bloc). Les achats en bloc, effectués moyennant un prix forfaitaire convenu, consistent à acheter un groupe d’animaux dont l’âge et la valeur génétique varient. Chaque année, les animaux étaient soumis à un processus éliminatoire relativement rigoureux visant à sélectionner les meilleurs – et par conséquent ceux ayant le plus de valeur – aux fins de la vente de bois de velours et de la reconstruction du troupeau. En 2013, 55 mâles éliminés dans le cadre de ce processus ont été vendus pour leur viande.

[60]           Dans son évaluation, l’ACIA ne semble pas comprendre ou tenir compte de l’appréciation de la valeur des animaux abattus en 2014 par suite du processus de reconstitution. Le processus éliminatoire avait fait en sorte que, chaque année, les animaux ne satisfaisant pas aux normes de la ferme avaient été vendus pour leur viande, et que les mâles restants devaient servir pour la chasse à l’âge de six ans.

[61]           L’ACIA a jeté son dévolu sur les reçus d’achat des animaux qui restaient dans le cheptel comme étant déterminants de la valeur génétique et marchande. Toutefois, les reçus d’achat ne sauraient pas – et n’ont pas dans les faits – constituer un indicateur raisonnable de la valeur des animaux du cheptel ayant survécu au processus éliminatoire. Effectivement, les animaux achetés en bloc à un prix fixe global sont de qualités et de valeurs variables et, chaque année, ceux qui ne satisfont pas aux normes établies pour recouvrer la valeur du troupeau sont éliminés.

[62]           L’appelant fait état des éléments de preuve solides qui ont été produits pour illustrer l’appréciation importante de la valeur de la viande, du bois de velours et des animaux destinés à la chasse dans l’industrie du wapiti au cours des cinq dernières années. Il en ressort que les prix d’achat des années antérieures ne peuvent servir de base à l’établissement de la valeur de 2014 d’un cheptel de wapitis dont une bonne partie a été éliminée afin d’améliorer la valeur des autres animaux.

[63]           L’ACIA fonde son évaluation sur l’absence de reçus, sans appliquer les autres méthodes reconnues d’évaluation des animaux qui restaient du cheptel en 2014. Aucune inspection visuelle n’a été réalisée préalablement à la destruction. Le Dr Graham a de plus reçu de l’information sur l’âge de tous les mâles achetés et leur ferme d’origine, le poids des bois de velours selon l’âge, et les moyennes sur cinq ans du nombre et de la taille des mâles chassés chaque année. L’ACIA avait également à sa disposition les permis de mouvement de tous les mâles et savait donc combien de mâles mûrs pour la chasse avaient été amenés à WHGR. Le Dr Graham savait en outre que 55 mâles non castrés (soit 20 % de ceux qui avaient été achetés) avaient été réformés. Ces chiffres n’ont pourtant pas été pris en compte dans l’évaluation du Dr Graham, qui s’est contenté de déterminer la valeur de la viande.

[64]           Le propre évaluateur expert de l’ACIA, le Dr Bischop, a reconnu que l’âge constituait un facteur capital dans le processus d’évaluation, et il a attribué une valeur au cheptel qui équivalait, à 2 % près, à l’évaluation de l’appelant. Or, le Dr Graham a réfuté l’évaluation du Dr Bischop et n’a pas suffisamment tenu compte des groupes d’âges pour évaluer de façon juste et différencier les valeurs selon l’âge.

[65]           Le Dr Graham ne possédait ni l’expérience, ni la connaissance de l’industrie requises pour réaliser une évaluation juste et raisonnable. Notamment, il ne savait pas que, selon la norme de l’industrie, un mâle non castré est considéré comme adulte à six ans; il n’a pas de connaissances de base sur l’anatomie du wapiti et il n’a pas procédé à l’inspection visuelle des animaux avant leur destruction. En revanche, le Dr Bischop avait une vaste expérience des cervidés (et notamment des wapitis) et il avait jusque-là pris part à une quinzaine d’évaluations et d’opérations de dépeuplement. Son évaluation a pourtant été rejetée par le Dr Graham. De fait, le Dr Graham a abaissé de 49 % les résultats des évaluations des deux experts, sans fournir de justification ni d’éléments de preuve raisonnables.

[66]           L’appelant a pu repeupler son cheptel à 42 % seulement de la capacité de 2014. Des mâles sont disponibles, mais l’indemnisation versée ne couvrait pas la valeur marchande des mâles de remplacement.

[67]           Pour ce qui concerne le volet de l’évaluation portant sur le bois de velours du wapiti, son prix réel s’élevait à 40 $ la livre en 2014. Or, le Dr Graham a considéré que la valeur courante était de 34 $, donnant lieu à un manque à gagner de 24 000 $ dans l’évaluation du bois de velours.

B.                 Intimé

[68]           L’intimé soutient que l’indemnité totale versée à l’appelant s’établit à 476 343 $. Ce montant a été calculé en tenant compte de plusieurs facteurs, y compris les valeurs de remplacement; les déclarations relatives à la qualité génétique, l’âge, les limites de mouvement et l’utilisation prévue des animaux.

[69]           L’évaluation des wapitis a été fondée sur le système de cotation des bois de l’industrie. Les bois n’étaient pas encore à leur taille maximale pour la saison au moment du dépeuplement, de sorte que le système de cotation a eu une utilité générale, tout au plus.

[70]           L’évaluation des jeunes wapitis mâles de l’appelant a été étayée par ailleurs par l’information générale fournie par celui-ci, de même que par les rapports du Dr Graham, le président, ainsi que de chacun des évaluateurs experts. De sa propre initiative, le président a réussi à glaner d’autres renseignements.

[71]           L’évaluation des wapitis a été compliquée davantage par la pauvreté de la documentation fournie par l’appelant, qui aurait pu faciliter le processus de décision.

[72]           L’indemnisation accordée à l’appelant n’était pas déraisonnable. En vertu de l’article 51 de la Loi, l’appelant a touché des indemnités totales de 476 343 $ par suite de l’abattage de jeunes wapitis mâles en mars 2014. L’évaluation de la valeur des wapitis mâles de l’appelant a tenu compte de leur valeur de remplacement, des déclarations relatives à la qualité génétique, de l’âge, des restrictions relatives au mouvement et de l’utilisation des animaux. Le président a également tenu compte des renseignements pertinents fournis par l’appelant, des rapports soumis par chacun des évaluateurs, de l’application générale du système de cotation de l’industrie, ainsi que de l’information qu’il a recueillie de sa propre initiative.

[73]           L’appelant n’est pas parvenu à démontrer que l’indemnisation accordée était déraisonnable. L’évaluation des wapitis et l’indemnisation accordée se fondent sur l’information disponible, et elle correspondait à la valeur marchande des animaux au moment du dépeuplement.

X.                LA PREUVE

A.                Témoins de l’appelant

M. Randy Wehrkamp – Éléments saillants

(a)                Généralités

[74]           Le témoin principal de l’appelant était M. Randy Wehrkamp. M. Wehrkamp est l’expert de l’industrie ayant participé au processus d’évaluation pour le compte de l’appelant. Il est également éleveur de wapitis et possède sa propre ferme, située à Tisdale. Il a été représentant et intervenant dans 8 évaluations en matière d’indemnisation pour la perte de wapitis, dont quatre se sont déroulées avant celle de 2014.

(b)               Industrie du wapiti en Saskatchewan

[75]           M. Wehrkamp décrit l’industrie du wapiti comme étant relativement « nouvelle » en Saskatchewan. Elle existe [traduction] « depuis 20 ou 25 ans dans la province et au Canada ». Elle se distingue d’autres industries d’élevage de plusieurs façons notables et, selon lui, l’ACIA possède une [traduction] « expertise certaine des marchés traditionnels », mais elle ne comprend pas le secteur du wapiti et des autres cervidés. Elle a par conséquent de la difficulté à établir la juste valeur marchande des wapitis détruits.

[76]           Selon M. Wehrkamp, [traduction] « les ventes dans le secteur de l’élevage du cervidé se font exclusivement de gré à gré ». Cette façon de fonctionner pose un défi aux observateurs de l’extérieur dans la mesure où les producteurs sont discrets et préfèrent garder pour eux la documentation concernant leurs entreprises.

[77]           WHGR a subi un dépeuplement de la totalité de son cheptel de wapitis en 2009. L’industrie était alors dans une mauvaise passe, à la suite de la crise de 2008. Les consommateurs étaient inquiets et [traduction] « les chasseurs étrangers ont cessé de venir au Canada. Après 2008, la conjoncture financière difficile leur dictait de rester à la maison. Le marché [dans lequel agissait l’appelant] et les entreprises étaient au plus mal. »

[78]           L’industrie du wapiti se divise en [traduction] « trois grands marchés », soit la viande, le bois de velours et la chasse. Au moins 90 % [traduction] « de la très grande majorité des producteurs qui avaient intégré le secteur du wapiti avaient commencé par élever des mâles afin de prélever les bois et de vendre ce que nous appelons le «velours», soit le revêtement externe des bois ».

[79]           La production de viande, [traduction] « pour la plupart des fermes de la Saskatchewan, constitue une filière naturelle pour éliminer certains animaux du cheptel ».

[80]           Pour ce qui concerne la documentation, [traduction] « la plupart des renseignements demandés par l’ACIA sont très difficiles à extraire des dossiers sur papier. Ils sont tout simplement [...] inexistants. L’industrie est trop jeune. »

[81]           Le prix du velours a beaucoup augmenté ces dernières années. En 2009, il s’établissait entre [traduction] « 7 et 8 $ la livre, peut-être 10 $ les jours de chance ». [traduction] « En 2014, on pouvait en obtenir de 40 à 45 $ la livre, et ce prix a grimpé d’un autre 20 % depuis 2014 ».

[82]           Les prix de la viande [traduction] « ont aussi connu une hausse fulgurante » de 50 % dans les quatre années ayant précédé le dépeuplement du cheptel de WHGR en 2014. [traduction] « On obtenait jusqu’à 3,90 $ par livre de viande en 2014 [...] »

[83]           C’était donc une bonne année pour l’industrie du wapiti : [TRADUCTION] « Nous étions en période de reprise. Nous venions de vivre quatre années consécutives d’augmentation de la valeur de tous nos produits, y compris des mâles destinés à la chasse. »

[84]           Ceux-ci ont beaucoup de valeur notamment parce qu’ils sont utilisés comme reproducteurs avant d’être vendus comme gibiers chassés. Le prix des jeunes mâles est [traduction] « généralement moindre que celui des mâles adultes ». Il en est ainsi parce que [traduction] « l’achat de jeunes mâles de qualité supérieure pour la reproduction offrent la possibilité de les utiliser à cette fin avant de les destiner à la chasse, ce qui constitue une valeur ajoutée ». De même, [traduction] « comme les bois des wapitis sont de plus en plus grands d’année en année, les mâles achetés à un jeune âge prennent de la valeur. C’est l’un des aspects singuliers de cette industrie que nous nous efforçons de faire comprendre à l’extérieur. »

(c)                Nature de l’entreprise d’élevage de wapitis de l’appelant

[85]           L’une des préoccupations suscitées par l’audition de cette affaire a trait au fait que l’appelant n’a appelé aucun témoin qui soit détenait des titres de propriété sur WHGR, soit travaillait directement avec la ferme. Cette situation est problématique pour la Cour à titre d’évaluateur. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une procédure judiciaire officielle, les réserves liées à la preuve par ouï-dire n’en subsistent pas moins. Parce qu’elle est de seconde main et qu’elle n’a pas été livrée sous serment, cette preuve échappe à un contrôle exhaustif. M. Wehrkamp a pu témoigner directement sur plusieurs questions dont j’ai été saisi parce qu’il a pris part au processus d’évaluation. Cependant, pour d’autres domaines (les antécédents de WHGR en matière agricole, notamment), il a dû se contenter de me rapporter les propos des propriétaires et des travailleurs du WHGR alors qu’ils n’étaient pas sous serment. Par conséquent, l’information ne peut être vérifiée. Cet élément devrait être gardé à l’esprit par tous les producteurs qui interjettent appel d’une évaluation. En l’espèce, ce n’est pas vraiment problématique. D’après M. Wehrkamp, toutefois, personne dans l’industrie du wapiti n’aime dévoiler de l’information. Or, sans information pertinente, aucune évaluation n’est possible. Tout producteur de wapitis qui demande une indemnisation au Trésor public doit comprendre que, au contraire de ce qui est admis dans le secteur privé de l’élevage de wapitis (aux dires de M. Wehrkamp), la transparence complète constitue une exigence fondamentale. Les producteurs ne peuvent pas tout avoir à la fois. Le Manuel des procédures communes est limpide à ce sujet. Un producteur qui s’estime en droit de demander une indemnisation au Trésor public sans fournir les renseignements exigés par l’ACIA pour corroborer le montant de la réclamation fait preuve de beaucoup de naïveté. Le même principe vaut pour les appels.

[86]           La preuve par ouï-dire n’est pas d’emblée inadmissible, mais je suis troublé de constater que WHGR n’a pas fourni de preuve directe sur les antécédents de son entreprise qui aurait être vérifiée lors d’un contre-interrogatoire. Aucune explication n’a été fournie pour justifier le défaut de présenter des éléments de preuve directs sur certains aspects. Par ailleurs, pour la plupart, les déclarations de M. Wehrkamp concernant les activités de WHGR n’ont pas été remises en cause par l’ACIA, et aucune objection n’a été soulevée à l’égard du ouï-dire. J’en déduis donc que, pour l’essentiel, la preuve présentée par M. Wehrkamp dans le cadre du présent pourvoi n’est point contestée.

[87]           M. Wehrkamp a déclaré dans son témoignage que WHGR [traduction] « représentait l’une des fermes les plus importantes et les mieux établies dans l’industrie ».

[88]           Il affirme également que :

[traduction] Dès le début, après avoir créé la ferme, la décision a été prise d’élargir l’exploitation et d’ajouter le volet chasse aux activités d’élevage. Ce volet visait à offrir une expérience aux chasseurs du monde entier, à qui on offrait de chasser de formidables spécimens de qualité trophée, sur un domaine tout aussi formidablement beau qu’il est vaste, reconnu à l’échelle mondiale comme l’un des meilleurs territoires de chasse dans l’Ouest canadien.

[89]           Ainsi, WHGR s’est acquis une solide réputation comme producteur d’animaux d’une très grande qualité génétique, et sa renommée n’a cessé de grandir depuis 20 ans, soit depuis l’essor de l’industrie du wapiti et [TRADUCTION] « il était tout à son avantage de produire des mâles non castrés de grande taille, destinés à servir de gibier de chasse dans la pourvoirie ».

[90]           En 2009, après le dépistage de la MDC, [traduction] « tout le troupeau de WHGR a été détruit ». À l’issue de pourparlers fructueux, des indemnités de [traduction] « 5 300 $ en moyenne ont été versées pour 102 mâles destinés à la chasse ». Cette indemnisation était raisonnable aux yeux de WHGR.

[91]           L’activité principale de WHGR est la chasse, même s’il vend du bois de velours et aussi la viande des animaux éliminés chaque année.

[92]           En 2013, WHGR a tiré des recettes de 91 000 $ pour la vente de viande, 120 000 $ pour le velours et 275 000 $ pour les animaux chassés. La principale activité de la ferme, conclut M. Wehrkamp, est la chasse.

[93]           L’ACIA a admis que, en moyenne, un total de 31 animaux avaient été vendus dans le cadre du volet chasse dans les cinq années avant 2014.

[94]           M. Wehrkamp décrit comment les animaux chassés sont vendus par l’entremise d’un courtier. WHGR consent à fournir un mâle par l’entremise du courtier. Tout l’argent transite par ce courtier. Le chasseur tue l’animal et paie le courtier. À la fin de la saison, ou à certains intervalles, le courtier envoie un chèque à WHGR, sans [traduction] « préciser le... Traditionnellement, le courtier n’est nullement tenu de donner ce genre de détail à la ferme de chasse ».

[95]           La production de viande [traduction] « est tout simplement une méthode pour éliminer des animaux du cheptel ».

[96]           Selon M. Wehrkamp, si l’on considère les recettes tirées de la viande, il est clair que WHGR [traduction] « n’est pas une ferme de production de viande. C’est une ferme de chasse, et c’est également une ferme de production de bois de velours. La production de viande permet d’écouler les animaux en surplus et ceux qui sont de qualité inférieure. »

[97]           Après le dépeuplement de 2009, WHGR a été obligé d’acheter des animaux auprès de différentes fermes. Il ne pouvait pas acheter tous les animaux dans une seule ferme et, [traduction] « pour repeupler son cheptel aussi rapidement que possible et recouvrer le même nombre d’animaux qu’avant la destruction, des animaux ont été achetés dans diverses fermes pendant quelques années ».

[98]           Les animaux ont été [traduction] « achetés en bloc, essentiellement auprès de producteurs en déroute, qui... possédaient beaucoup d’animaux et qui souhaitaient [...] les vendre ».

[99]           WHGR a acheté 17 wapitis mâles le 3 avril 2014 (pendant la procédure d’évaluation), pour lesquels les reçus ont été produits [traduction] « parce qu’il était devenu très évident à ce moment que l’ACIA allait tenir compte uniquement de la vente de viande ». Le ranch a payé [traduction] « 4 264 $ pour chacun des mâles. Parmi eux, 12 étaient nés en 2007, et ils avaient donc sept ans en 2014. »

[100]       M. Wehrkamp mentionne que le processus éliminatoire utilisé par WHGR revêtait une importance capitale pour la valorisation des animaux achetés après le dépeuplement de 2009. Il s’ensuit que, [traduction] « sur les animaux acquis entre le dépeuplement [...] de 2009 et 2013, 15 % ont été éliminés en raison de leur faible production ou parce qu’ils étaient en surnombre par rapport aux besoins de la ferme. Il est donc facile de comprendre que la valeur des animaux restants est supérieure à celle du cheptel d’origine [...] ».

[101]       Outre ceux du wapiti mâle 901W Stinson et des 17 autres qui ont été achetés en 2014, WHGR n’a pas fourni à l’ACIA les reçus pour les animaux achetés après 2009 parce que, du point de vue du WHGR, ils n’étaient d’aucune utilité pour l’évaluation de 2014 en raison du processus éliminatoire annuel. Toutefois, M. Wehrkamp confirme que, selon ce qu’il en a compris, le WHGR a acheté ces animaux [traduction] « à des prix proches de ceux de la viande ».

[102]       WHGR a touché des indemnités pour 266 wapitis non castrés au total.

[103]       M. Wehrkamp convient que WHGR [traduction] « a probablement obtenu des reçus pour les animaux achetés ».

[104]       WHGR avait des reçus pour les ventes de velours, mais il ne les a pas produits.

[105]       M. Wehrkamp souligne que le reçu d’un achat en bloc [traduction] « ne peut indiquer si un mâle non castré est destiné à la production de viande, à la chasse ou à la vente de velours. C’est impossible de le savoir » :

[traduction] Au moment de l’achat, les mâles n’avaient pas encore de bois. Quand des animaux sont achetés en bloc [...] certains seront de piètre qualité, d’autres de qualité moyenne et d’autres encore de qualité supérieure. Les renseignements – la production d’un reçu d’achat qui ne peut fournir les justifications demandées est un peu dérisoire.

[106]       Le reçu d’un achat en bloc [traduction] « indique un prix moyen, le prix payé pour un bloc, et ne s’avère d’aucune utilité dans le cadre d’une analyse de la valeur d’un mâle non castré quand il se trouve dans une ferme depuis deux ou trois ans [...] et [...] plus l’animal avance en âge, plus il prend de la valeur. C’est pourquoi le reçu n’a aucune pertinence à cet égard. »

(d)               Le processus d’évaluation

[107]       Aux yeux de M. Wehrkamp, l’ACIA n’a pas compris que WHGR était une exploitation vouée à la chasse et à la vente de bois de velours, et non à la production de viande.

[108]       La première réunion, à laquelle assistaient M. Brown et M. Conacher, les propriétaires, M. Wehrkamp, le Dr Bischop à titre d’expert de l’ACIA et le Dr Graham (qui a présidé le processus d’évaluation) a eu lieu le 5 mars 2014. Voici le compte rendu qu’en donne M. Wehrkamp :

[traduction] M. WEHRKAMP : En cours de route, il y a eu des changements au sein du personnel. C’est vraiment la seule chose dont nous sommes certains. Nous sommes allés à la réunion du 5 mars avec l’idée que c’est ce que nous ferions. Nous allions nous asseoir, discuter, échanger nos points de vue. M. Brown était revenu d’un congé l’avant-veille, mais nous nous sommes tout de même présentés à cette réunion parce que nous pensions qu’il s’agissait d’un bon moment pour enclencher le processus. Nous pensions que nous allions pouvoir donner de l’information. Nous pensions que nous aurions l’occasion de discuter et que, comme en 2009, l’affaire serait réglée assez rapidement et que nous pourrions aller de l’avant.

À notre grande surprise et plus grande déception encore, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Les producteurs sont sortis très frustrés de la réunion du 5 mars. Le Dr Graham semblait franchement indifférent. Nous lui avons posé des questions.    Nous avons sollicité des éléments d’information précis. Nous lui avons demandé s’il connaissait l’industrie du wapiti. Il a admis qu’il n’y connaissait rien. Il n’a pas caché son ignorance. Nous lui avons demandé s’il savait comment les bois sont cotés et évalués, S’il était familier avec les processus de compétition qui président à la cotation? Il n’en avait aucune idée. Quand nous l’avons interrogé sur ses connaissances du domaine de la génétique, il a répondu qu’il comprenait la génétique parce qu’il est éleveur de bétail. C’était un début. Alors, lui avons-nous demandé, comprenez-vous la génétique du wapiti? Pouvez-vous nous dire à quoi se reconnaissent les meilleurs mâles non castrés? Pouvez-vous nommer certains des producteurs qui – qui élèvent des animaux de qualité supérieure? Non, pas vraiment, a-t-il répondu. Il m’a identifié comme étant l’un de ceux-là, je crois, mais lorsque nous – il a été incapable d’identifier des producteurs avec certitude. En fait, sa méconnaissance de l’industrie était manifeste. Tout ce qu’il a pu dire, c’est qu’il travaillait comme vétérinaire de l’ACIA depuis longtemps, et qu’il avait déjà collaboré avec des fermes d’élevage de wapitis. Nous avons été très déçus, même extrêmement déçus.

Le Dr Bischop, l’expert de l’ACIA, semblait beaucoup plus intéressé. Il nous a posé des questions. Sur la question de la valeur des animaux, nous avons insisté sur le fait qu’un mâle non castré de deux ans vaut moins qu’un autre de trois ans. Un mâle de quatre ans vaut encore plus, et ainsi de suite jusqu’à six ans environ. À cet âge, les mâles non castrés ont en quelque sorte – certains grossissent encore un peu, mais ils ont généralement atteint leur taille maximale. Nous avons alors une très bonne idée de leur potentiel.

(Transcription de l’audience, pages 50 à 52)

[109]       M. Wehrkamp a présenté son rapport initial manuscrit à la réunion du 5 mars 2014, à des fins de discussion. Voici comment il décrit les réactions suscitées :

[traduction] M. WEHRKAMP :    Nous sommes tout à fait d’accord avec l’ACIA pour dire que tous les wapitis ne naissent pas tous égaux. Certains deviendront de formidables mâles, d’autres seront de piètre qualité. Les spécialistes de la reproduction du bétail appliquent le principe du caractère raisonnable à la génétique – et également le transfert de l’aptitude génétique liée à la croissance des bois. De la même façon, on s’attend à ce que les bovins de certaines lignées aient certaines caractéristiques. Il n’y a pas de garantie. C’est pourquoi les animaux achetés en bloc sont soumis à un processus de réforme. Les animaux de qualité inférieure sont éliminés. Donc, nous avons groupé les animaux selon l’origine, et nous avons identifié trois fermes : Friedel, Lost Trail et Slade.

LE JUGE :      Il y avait d’autres fermes, n’est-ce pas? Il n’y avait pas seulement trois fermes.

M. WEHRKAMP :     C’est exact. Nous avons ensuite identifié les fermes à productivité moyenne : McAllister, Tambelini et Hope, et celles qui ont une productivité modérée, soit Cool, Simon, Dixon et Perkins.

LE JUGE :      Il s’agit donc de la liste complète des fermes d’origine?

M. WEHRKAMP :     C’est exact, Monsieur le Juge.

LE JUGE :      Oui. Très bien.

M. WEHRKAMP :     Au moins – la grande majorité des animaux proviennent de ces fermes. Une poignée d’autres ont été achetés séparément, mais ce sont les animaux achetés en bloc – ce sont les animaux dont il est question ici.

Nous avons groupé les fermes de cette façon, et nous nous sommes demandé quelles étaient les attentes par rapport à ces animaux. Nous avons attribué une valeur aux différentes catégories – productivité élevée, moyenne et modérée –, puis nous avons déterminé à quel moment – comme l’entreprise exploite une pourvoirie, nous nous sommes demandé à quel moment les mâles non castrés deviennent du gibier chassable. À quoi, en moyenne, est-il raisonnable de s’attendre? Nous savons que dans les concours de bois, les wapitis mâles sont considérés comme des adultes à six ans. Il ne s’agit pas d’un seuil inventé par les propriétaires d’un ranch, ni une opinion d’un expert de l’industrie. C’est une norme bien documentée et admise dans toute l’industrie : les mâles de six ans sont des adultes. Les concours ne tiennent jamais compte de l’âge. Les mâles non castrés, qu’ils aient 7 ou 12 ans, appartiennent tous à la même catégorie.

LE JUGE :      Est-ce que l’ACIA est d’accord avec cette norme?

M. WEHRKAMP :     Le Dr Bischop a indiqué que cet âge lui semblait sensé. Selon ce que nous avons compris, le Dr Bischop était tout à fait d’accord. Par contre, le Dr Graham ne l’était pas, je dois l’avouer. Il était – passif. Il n’a pas dit grand-chose et il ne voulait pas discuter de l’évaluation. Toutefois, le Dr Bischop, qui était l’expert de l’industrie pour l’ACIA, a fini par admettre qu’il fallait tracer une ligne de démarcation. Il a affirmé – par rapport à l’âge [...] Mais l’industrie a déjà reconnu qu’à partir de cet âge, les mâles non castrés sont considérés comme des adultes. Ils sont alors à leur plein potentiel et peuvent raisonnablement devenir du gibier chassable. Les mâles de cet âge ne sont pas tous dirigés vers la pourvoirie, mais ils sont tous considérés comme des adultes mûrs pour la chasse. Ce seuil est bien admis. Le Dr Bischop l’a admis.

(Transcription de l’audience, pages 53 à 55)

[110]       Beaucoup de courriels ont été échangés et de nombreuses discussions ont eu lieu après le 5 mars 2014. Dans son rapport final du 10 mars 2014, M. Wehrkamp recommande de verser une indemnité totale de 1 106 101 $.

[111]       Tout au long du processus, selon M. Wehrkamp, le Dr Graham a demandé à plusieurs reprises les reçus concernant les animaux achetés en bloc, mais WHGR n’a jamais donné suite à ces demandes au motif que les reçus n’étaient pas pertinents.

[112]       Toutefois, même si WHGR n’a pas fourni de reçus, il a continué de fournir à l’ACIA toute l’information qu’il jugeait utile.

[113]       Dans son rapport d’expert présenté le 26 mars 2014, le Dr Bischop recommande de verser une indemnité totale dont le montant est proche de celui établi par M. Wehrkamp.

[114]       Le Dr Graham a rejeté les évaluations des deux experts et, le 2 mai 2014, il a produit son propre rapport d’évaluation, dans lequel il établit l’indemnité à verser à 476 343 $. La recommandation du Dr Graham a été examinée par l’ACIA et approuvée par le ministre.

[115]       En réponse au rapport du Dr Graham, M. Wehrkamp a fait valoir les arguments suivants auprès de l’ACIA :

[traduction] L’ACIA a choisi d’ignorer l’analyse de son expert de l’industrie et une méthode d’évaluation des mâles destinés à la chasse généralement admise, elle a laissé des questions raisonnables en suspens et commis de nombreuses erreurs dans son évaluation, selon WHGF [...] L’évaluation de l’ACIA nous apparaît arbitraire, et semble faire fi des faits et renseignements essentiels. Tout au long du processus, le Dr Graham a fait montre d’une méconnaissance manifeste de l’industrie de la chasse et des activités de WHGR. À maintes occasions, il a affirmé qu’il ne comprenait pas tel ou tel aspect et, au lieu de s’adresser à l’un des experts de l’industrie à sa disposition, il a tiré ses propres conclusions, même si elles sont dénuées de fondement.

[116]       Malgré tout, le ministre n’a pas changé d’avis.

(e)                Difficultés soulevées par l’évaluation de l’ACIA

[117]       Concernant l’évaluation du Dr Graham, M. Wehrkamp a déclaré que le processus était déficient et qu’il avait abouti à un manque à gagner de plus de 500 000 $ de l’indemnité accordée à WHGR par l’ACIA.

[118]       Selon lui, le Dr Graham a considéré à tort que WHGR élevait des animaux de boucherie, alors que sa principale activité est la chasse.

[119]       Le Dr Graham a convenu qu’une moyenne de 31 animaux chassés ont été vendus dans les cinq années précédant 2014 : [traduction] « Il est établi que le ranch a vendu en moyenne 31 animaux chassés chaque année, et les prix étaient exprimés en dollars américains. Selon les chiffres, [TRADUCTION] « la pourvoirie assure un revenu important à la ferme, qui dépasse largement le produit de la vente de viande ».

[120]       Les représentants de WHGR ont, d’emblée [traduction] « admis, à l’instar de l’ACIA, que tous les wapitis ne naissent pas tous égaux. Certains mâles non castrés sont des champions, d’autres sont de piètre qualité [...] Il n’y a pas de garantie. C’est pourquoi les animaux achetés en bloc sont soumis à un processus de réforme. Les animaux de la tranche inférieure de 10 % sont éliminés. »

[121]       Cependant, admet M. Wehrkamp, [traduction] « les spécialistes de la reproduction du bétail appliquent le principe du caractère raisonnable à la génétique – et également le transfert de l’aptitude génétique liée à la croissance des bois. De la même façon, on s’attend à ce que les bovins de certaines lignées aient certaines caractéristiques ».

[122]       Après l’abattage intégral de 2009, WHGR a acheté des blocs de mâles non castrés auprès de différentes fermes, et il a ensuite mis en place un processus de réforme. Aux fins de l’évaluation, WHGR a regroupé les animaux en fonction de leur provenance, et il a identifié les fermes d’origine selon le niveau de productivité (élevée, moyenne ou modérée).

[123]       Après avoir établi ces groupes, la question suivante a été posée : [traduction] « quelles sont les attentes concernant les animaux? Une valeur a ensuite été attribuée aux différentes catégories – productivité élevée, moyenne et modérée –, et comme l’entreprise est vouée à la chasse, la question de l’âge auquel les mâles sont mûrs pour la chasse a été posée. »

[traduction] En moyenne, à quel âge les mâles sont-ils mûrs pour la chasse? Nous savons que dans les concours de bois, les wapitis mâles sont considérés comme des adultes à six ans. Il ne s’agit pas d’un seuil inventé par les propriétaires d’un ranch, ni une opinion d’un expert de l’industrie. C’est une norme bien documentée et admise dans toute l’industrie : les mâles de six ans sont des adultes.

[124]       M. Wehrkamp indique qu’à la réunion du 5 mars 2014, le Dr Bishop a admis que les mâles étaient adultes à six ans, mais pas le Dr Graham :

[traduction] Le Dr Bischop a indiqué que cet âge lui semblait sensé. Selon ce que nous avons compris, le Dr Bischop était tout à fait d’accord. Par contre, le Dr Graham ne l’était pas, je dois l’avouer. Il était – passif. Il n’a pas dit grand-chose et il ne voulait pas discuter de l’évaluation. Toutefois, le Dr Bischop, qui était l’expert de l’industrie pour l’ACIA, a fini par admettre qu’il fallait tracer une ligne de démarcation. Il a affirmé – par rapport à l’âge... Mais l’industrie a déjà reconnu qu’à partir de cet âge, les mâles non castrés sont considérés comme des adultes. Ils sont alors à leur plein potentiel et peuvent raisonnablement devenir du gibier chassable. Les mâles de cet âge ne sont pas tous dirigés vers la pourvoirie, mais ils sont tous considérés comme des adultes mûrs pour la chasse. Ce seuil est bien admis. Le Dr Bischop l’a admis.

[125]       Aux yeux de M. Wehrkamp, le refus du Dr Graham de reconnaître ce seuil d’âge constitue un problème majeur de son évaluation :

[traduction] L’un des éléments importants et l’un des principaux problèmes de l’évaluation de l’ACIA découlent du fait que le Dr Graham n’a pas suffisamment tenu compte de l’âge des animaux pour établir la valeur, comme le montre son rapport [...]

[126]       Les autres « éléments importants » de l’évaluation selon WHGR sont les suivants :

a.       la situation du marché;

b.      la production de bois de velours comme indicateur de la qualité génétique;

c.       l’information provenant de divers producteurs concernant le prix de vente d’un animal selon son âge.

[127]       M. Wehrkamp affirme que l’ACIA n’a tenu compte d’aucun de ces éléments :

[traduction] M. WEHRKAMP :    [...] À notre avis, l’Agence canadienne d’inspection des aliments n’a absolument pas tenu compte de ces éléments. Ils ont été complètement ignorés, négligés. En fait, dans le courriel de Ken Schmidt – au Dr Graham – je pourrais le retrouver très facilement. Il se trouve dans la section 122 des documents soumis par Mme Bird. Il explique qu’il ne faut pas tenir compte – du rapport parce qu’aucun reçu n’a été fourni. Je m’excuse. Je crois que c’est plutôt la section 118 – dans ce courriel. J’attire votre attention sur la note manuscrite qui a été ajoutée par je ne sais qui, dans laquelle il est indiqué qu’aucun reçu n’a été fourni.            C’est inexact. Des reçus ont été fournis. Le producteur a également fourni des listes de prix, de même que l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Non, je me trompe, aucune liste de prix n’a été fournie. Elle a déposé un relevé provenant d’une ferme qui exploite une pourvoirie dans l’est de la Saskatchewan. Nous n’avons pas dit – nous avons demandé de l’information. Nous avons demandé de la documentation. Nous n’avons pas reçu de documentation à l’appui de ce relevé en particulier. Quel autre document a moins de valeur – que les reçus réels que nous avons fournis, de même que la liste des prix de vente réels demandés pour les animaux? À vrai dire, la seconde – l’ACIA a fourni des relevés de deux fermes à l’appui de son évaluation. La première est la ferme Darcy Lepowick, qui est désignée dans les présents documents. La seconde est la ferme Karakachuk, à Yorkton. Cette ferme n’a pas vendu ni acheté d’animaux depuis trois ans.

LE JUGE :      À ce moment.

M. WEHRKAMP :     À ce moment, c’est exact. Je suis donc...

LE JUGE :      De quelle ferme parlez-vous?

M. WEHRKAMP :     De la ferme Karakachuk – la ferme de Don Karakachuk, à Yorkton. Je me demande pourquoi l’ACIA utilise des documents d’une ferme qui n’a ni acheté ni vendu d’animaux [...]

(Transcription de l’audience, pages 61 et 62)

[128]       WHGR a également fourni de l’information au sujet des animaux de remplacement achetés en 2014, soit durant la période en cause :

M. WEHRKAMP :     [traduction] L’autre aspect – pour établir la juste valeur marchande et ce que – ce qu’on entend vraiment par là... La juste valeur marchande désigne en réalité le coût de remplacement de l’animal, non? En mars 2014, et j’insiste pour la gouverne de la Cour, il n’y avait pas de mâles non castrés à vendre parce que leurs bois étaient à peine naissants. Il était impossible de les transporter sans endommager les bois et infliger de blessures graves aux mâles. Il est très difficile d’acheter des mâles non castrés à cette période de l’année, parce que les propriétaires veulent attendre que les bois se développent à leur pleine taille si le but est d’en faire du gibier chassable. Si les mâles sont élevés à des fins commerciales – pour la vente des bois de velours ou pour une autre utilisation dans la même veine, il faut normalement attendre mai ou juin, soit la période durant laquelle les bois sont récoltés et vendus. C’est ce qu’on appelle en anglais des slicks, parce que les animaux ont la tête lisse, sans bois. On aperçoit seulement les petits bourgeons.

Nous avons fait des pieds et des mains – par « nous », j’entends le Willow Hollow Game Ranch – pour trouver des animaux de qualité identique pouvant être achetés durant cette période. La ferme a trouvé un groupe d’animaux à la ferme Manfred Klettberg. Cet achat est corroboré par un reçu, qui figure à l’onglet [...]

LE JUGE :      Pardon, je n’ai pas entendu le numéro.

M. WEHRKAMP :     Je vais vous le donner.

LE JUGE :      D’accord.

M. WEHRKAMP :     En fait, on peut le trouver à plusieurs endroits, et notamment à l’onglet 119 dans le dossier de l’intimé présenté par Mme Bird. Vous pouvez prendre celui-là.

LE JUGE :      Klettberg. D’accord. Merci.

M. WEHRKAMP :     WHGR a acheté 17 wapitis mâles le 3 avril 2014 (pendant la procédure d’évaluation) parce qu’il était devenu très évident à ce moment que l’ACIA allait tenir compte uniquement de la vente de viande. Apparemment, l’ACIA a ignoré toute la documentation que nous avons fournie et toute l’information de l’industrie, pour se focaliser sur la production de viande. Son intention était de nous dédommager au prix de la viande, à moins que nous prouvions que nos animaux valaient plus. Comment pouvait-on prouver qu’ils valaient plus? En produisant des reçus. C’est tout à fait logique et cela ne nous posait aucun problème. Quelle est la juste valeur marchande? La juste valeur marchande est ce qu’il vous en coûterait pour remplacer ce mâle et ce groupe de mâles en particulier. Comment faire? Il faut acheter des mâles non castrés. Une opération de vente doit avoir eu lieu pour établir la juste valeur marchande, même si l’on sait que les mâles non castrés ne sont pas à vendre durant ces mois – sauf si quelqu’un est disposé à payer un prix ridicule, injuste, déraisonnable, personne n’achète de mâles non castrés à cette période de l’année.

Le ranch Willow Hollow a fait des recherches et a déniché un petit groupe de 17 wapitis mâles, dont il a pris possession seulement quand les bois ont été recouverts de velours. Les wapitis ont été payés 4 264 $ chacun. Dans le tableau ventilé selon l’âge, vous pouvez voir que 12 mâles étaient nés en 2007, et qu’ils avaient – en 2014, ils avaient 7 ans.

LE JUGE :      Désolé – pouvez-vous me redonner le prix moyen?

M. WEHRKAMP :     4 264 $. Dans pareil cas – est-ce que la façon la plus raisonnable et la plus exacte de déterminer la valeur marchande est d’acheter un mâle non castré? Nous avons donc – les producteurs ont fourni des estimations d’animaux provenant de diverses fermes. Ils ont fourni un reçu indiquant ce qu’il en coûte véritablement pour remplacer une partie du troupeau, mais il semble que cette information ait été ignorée tout au long de l’exercice. En fait, je ne trouve pas de référence au Dr – au reçu de la ferme Klettberg. Y en a-t-il une? Beaucoup de renseignements ont été fournis, mais ils semblent être passés inaperçus. Apparemment, on n’en a pas tenu compte.

(Transcription de l’audience, pages 64 à 66)

[129]       L’ACIA a également reçu de l’information sur le marché du wapiti :

[traduction] M. WEHRKAMP :    Le prix des bois de velours a triplé – peut-être pas triplé, mais il a fait un bon de 120 %. Le prix de la viande a connu la même progression. Cette flambée s’est répercutée seulement sur le prix des animaux de remplacement. En 2014, l’industrie connaissait une période faste. Elle était en plein essor. Depuis quatre ans, la valeur de tous nos produits n’avait cessé de s’apprécier, y inclus celle des mâles non castrés destinés à la chasse. Nous vendons du gibier tué par des chasseurs. C’est ce que nous faisons. Nous vous avons donné des reçus. Nous vous avons informé de la valeur de nos produits, et nous avons indiqué clairement – je vais le répéter, la valeur des wapitis s’est appréciée de 15 à 20 % à compter de 2013, et nous parlons de l’exercice 2014. Les mâles abattus n’ont pas été remplacés à la valeur de 2013, mais à celle de 2014.

Nous avons communiqué de l’information – nous en parlerons – appelé un témoin qui peut corroborer cette information. Nous avons communiqué de l’information à l’ACIA, notamment sur le fait que, selon les projections pour 2014, le bois de velours se vendait à plus de 40 $ la livre. Logiquement, les animaux aussi valent plus cher. Leur prix augmente. L’indemnisation accordée doit tenir compte de ces hausses. Pourtant, il semble que cette réalité a été oubliée, ou presque, lors de l’évaluation. Le marché est à la hausse.

(Transcription de l’audience, page 69)

[130]       L’une des principales préoccupations soulevées par l’évaluation de l’ACIA a trait au défaut du Dr Graham de prendre en compte le processus de réforme visant à valoriser les animaux achetés en bloc :

[traduction] M. WEHRKAMP :    Lorsqu’elle a évalué la valeur du troupeau, l’ACIA a pris connaissance de la liste des animaux réformés en 2013. Les permis de mouvement de ces bêtes figurent tous dans un registre. Désolé. Je vais m’arrêter ici. La section 11 de mes notes concerne essentiellement les rapports de 2002 – 213 à 215 d’AWAPCO, la coopérative de nouvelle génération où les wapitis ont été abattus. Je crois qu’il est d’une extrême importance que la Cour comprenne, au contraire de ce qui semble avoir été le cas pour l’ACIA, car elle a refusé de le reconnaître, que parmi les animaux acquis entre l’époque de l’abattage intégral de 2000 – ou de 2009 à 2013, 15 % ont été réformés en raison d’une productivité faible ou parce qu’ils ne remplissaient pas les besoins de la ferme. Si nous résumons simplement, les animaux qui restaient à ce moment avaient plus de valeur que ceux du troupeau d’origine [...] Par exemple, sur 100 bêtes achetées, certaines seront de bonne qualité, la plupart seront de qualité moyenne et quelques-unes seront de qualité supérieure. Si elles ont été payées 1 000 $ par tête – je donne un prix fictif pour les besoins de la discussion – et que les animaux de mauvaise qualité ont été vendus... Vous serez d’accord que le prix payé était global?

LE JUGE :      Oui, il s’agit d’un achat en bloc.

M. WEHRKAMP :     Un achat en bloc, c’est exact. C’est ce dont il est question ici et c’est ce que nous essayons de faire valoir. C’est notamment à cause de cela que le ranch à gibier Willow Hollow n’a pas voulu fournir de reçus d’achat. L’ACIA a refusé catégoriquement de tenir compte, dans toutes les discussions, du processus de réforme. Dans la note à laquelle j’ai fait allusion précédemment, l’ACIA mentionne clairement qu’elle ne reconnaît pas l’appréciation de la valeur du troupeau qui découle du processus de réforme. Très franchement, c’est le comble du ridicule! Le processus de réforme est une méthode très courante et tout à fait nécessaire dans le secteur de l’élevage.

Comme des animaux de qualité inférieure avaient été éliminés du troupeau lorsque l’ACIA a fait son évaluation, sa conclusion a été de dire que puisque des animaux réformés avaient été vendus pour la viande, l’exploitation élevait des animaux de boucherie. Or, l’objectif de la réforme était de valoriser le reste du troupeau. C’est logique, plein de bon sens, et il est déplorable que cet objectif n’ait pas été reconnu.

(Transcription de l’audience, pages 72 à 74)

[131]       M. Wehrkamp affirme que même l’évaluation de la production de viande du Dr Graham est fausse :

[traduction] M. WEHRKAMP :    On trouve dans les notes du Dr Graham – nous avons décidé d’accorder – pour 200 animaux environ – nous évaluons le prix à 7 $ environ le kilogramme. Tous les chiffres sont inexacts. L’évaluation ne portait pas sur 200 animaux environ. Le nombre d’animaux touchés était connu, et la valeur de départ aux fins de l’indemnisation n’était pas 7 $. La valeur marchande était bien connue – l’ACIA avait fait des recherches. Elle s’établissait à 7,15 $ le kilogramme. Cette absence totale d’attention au détail est proprement insultante pour le producteur. Il est blessant de constater que l’ACIA n’a même pas pris la peine d’utiliser des renseignements exacts et qu’elle ne fait rien pour nous convaincre de sa capacité à faire une évaluation et à établir la valeur juste.

(Transcription de l’audience, pages 74 et 75)

[132]       M. Wehrkamp décrit avec force détails la méthode appropriée pour évaluer les mâles non castrés, et la met en contraste avec celle qu’a utilisée le Dr Graham :

[traduction] M. WEHRKAMP :     J’ai déjà mentionné le rapport manuscrit qui a été présenté. Il a été rédigé très rapidement parce que, comme je l’ai déjà dit, les gens revenaient de vacances et il était pressant d’enclencher le processus. Le rapport parle de génétique, dont j’ai déjà souligné l’importance. Nous avons parlé de l’importance que tous comprennent la génétique, ce que signifient les moyennes et quel produit – ce qu’est la production et à quel rang se situent les fermes relativement à leur capacité de produire du bois de velours. Cette production est révélatrice, mais ce n’est pas un indicateur concluant et ce n’est certes pas le seul pour déterminer si un mâle développera éventuellement une ramure digne d’en faire du gibier de chasse un jour. Ce sont deux marchés différents.

Nous avons soumis un second rapport dans lequel nous soulevons les difficultés rencontrées – lors de la réunion du 5 mars, au cours de laquelle le Dr Graham n’a pas cessé de demander pourquoi quelqu’un voudrait payer 8 000 $ pour un jeune mâle non castré.

LE JUGE :      À quel onglet êtes-vous?

M. WEHRKAMP :     À l’onglet 6.

LE JUGE :      L’onglet 6. J’y suis.

M. WEHRKAMP :     Veuillez vous reporter à la première page, troisième paragraphe (tel que l’extrait a été lu) :

L’insistance du Dr Graham sur le prix nécessairement plus élevé des wapitis reproducteurs de qualité nous a passablement choqués. Il a demandé, à plusieurs reprises, si vraiment quelqu’un serait prêt à payer plus de 8 000 $ pour des mâles jeunes.

Des notions élémentaires d’économie permettent de répondre à cette question. Ces mâles sont utilisés pour la reproduction, puis revendus par la pourvoirie ou transportés vers celle-ci, où ils sont vendus à un prix considérablement plus élevé. Les reçus que j’ai fournis moi-même indiquent clairement que le prix d’un jeune mâle non castré est généralement inférieur à celui d’un mâle adulte. C’est logique. Les jeunes reproducteurs d’élite sont utilisés à cette fin et ils sont ensuite dirigés vers la pourvoirie de chasse, ce qui leur donne une valeur ajoutée, si l’on veut. C’est tout simplement de la bonne gestion. Pourtant, les gens qui sont désignés comme nos évaluateurs et qui prennent les décisions ne semblent pas comprendre ce concept particulier.

Ce n’est pas propre au secteur de l’élevage. Si vous achetez un taureau pour – dans un élevage bovin, le taureau sera utilisé seulement pour la reproduction tout au long de sa vie. Ensuite, il ira à l’abattoir. Sa valeur diminue à mesure qu’il vieillit. Dans un élevage de wapitis, comme les jeunes mâles ont de moins grands bois que ceux des plus vieux, leur valeur augmente à mesure qu’ils vieillissent. C’est l’un des aspects singuliers de cette industrie que nous nous efforçons de faire comprendre à l’extérieur.

Toujours dans la même section, j’aimerais attirer votre attention sur – nous avons estimé le poids des bois de velours récoltés chez les mâles non castrés. À la page suivante, le premier tableau présente la production de bois de velours du Willow Hollow Game Ranch en 2013. Nous avons établi le poids moyen des bois de velours selon nos connaissances, ou de la meilleure façon possible à partir des registres du ranch Willow Hollow. C’est le seul endroit où cette information est disponible. Vous constaterez que le tableau présente le poids en livres des bois de velours des mâles de cinq, quatre et trois ans. Les chiffres pour les mâles de deux ans correspondent aux bois durs, ce qui n’est pas une pratique inhabituelle. On laisse souvent les bois durs aux jeunes mâles pour voir quelle forme ils prendront. En effet, même si elle prend de l’envergure à mesure que la bête vieillit, la ramure garde à peu près la même allure d’une année à l’autre. Par conséquent, le velours des bois des mâles de deux ans n’a pas été prélevé en 2000 – en 2013.

Pour ce qui est de la moyenne de l’industrie... Il s’agit de la meilleure estimation possible selon nous, car cette information n’est pas facilement accessible. Nous avons fait cette estimation au mieux de notre connaissance de l’industrie et en nous basant sur des conversations avec d’autres producteurs. C’est vraiment le mieux que nous pouvons faire. Nous ne pouvons pas fournir une liste de 100 producteurs. Cette information est confidentielle. Ils ne divulguent pas ce genre d’information, alors nous avons fait une estimation au mieux de nos connaissances. Nous avons ensuite essayé de montrer ce qui constituait à nos yeux un écart raisonnable entre la moyenne pondérée du ranch et les moyennes de l’industrie, et ce que cela signifiait par rapport à l’industrie. Nous sommes les premiers à admettre qu’il peut y avoir des divergences puisque nous n’avons pas de documents à l’appui. Les chiffres pourraient être rajustés un peu, mais peu importe. L’important est de savoir que les wapitis du ranch Willow Hollow produisaient plus que la moyenne par tête.

La deuxième page présente la première partie de l’évaluation des mâles non castrés adultes. Comme nous avions l’impression d’avoir convenu avec le Dr Bischop que l’âge adulte se situait à six ans, nous avons repris les registres du ranch Willow Hollow et établi que sur les quelque 31 animaux vendus chaque année après avoir été chassés – n’oublions pas qu’en 2009, le ranch possédait des centaines de mâles non castrés et qu’il était en processus de reconstitution d’un troupeau assez jeune. Le ranch se remettait d’une période économique difficile. Le troupeau du ranch est jeune. À mon avis, il n’aurait pas été raisonnable – je précise que l’aspect raisonnable est la question clé ici. Il n’est pas raisonnable de penser que le ranch Willow Hollow aurait pu vendre un nombre maximal de mâles chassés entre 2010 et 2013, après avoir subi l’abattage intégral de son troupeau en 2009. Pourtant, dans sa sagesse, l’ACIA a appliqué cette moyenne à cette période.

Nous avons donc demandé au ranch d’indiquer le nombre de wapitis chassés et vendus, et leur proportion selon la catégorie et la taille. Vous pouvez voir les catégories. Un mâle peut être classé dans la catégorie 450 pouces, de 440 à 449 pouces, etc. Donc, pour ce qui est du nombre de mâles non castrés – les chiffres à la troisième colonne correspondent à une moyenne sur cinq ans, soit le pourcentage ou le nombre d’animaux chassés que le ranch Willow Hollow pourrait avoir vendus durant cette période. Nous avons calculé le nombre de mâles de cette catégorie – nous avons dénombré 151 mâles et nous avons appliqué ce pourcentage pour déterminer combien d’animaux de ce groupe auraient pu être chassés et vendus dans chaque catégorie. Nous avons ensuite attribué une valeur et calculé le coût de remplacement.

L’ACIA a tout simplement décidé que 31 animaux chassés avaient été vendus, et qu’elle octroierait donc une indemnité correspondant à la valeur de 31 mâles vendus après avoir été chassés. Je pense que cette évaluation vaut pour 2014. Mais quelle est son évaluation pour 2015 et 2016? L’évaluation a-t-elle tenu compte des mâles adultes que le ranch avait réformés pour conserver seulement des mâles de qualité supérieure, qui ont été abattus? Quelle est la valeur de remplacement de ceux-ci? Il s’agit d’une projection pour cinq ans. Si le troupeau comptait 150 mâles non castrés et si on extrapole l’estimation du Dr Graham sur cinq ans, le ranch devrait vendre 31 mâles chassés par année pendant cinq ans.

Les mâles non castrés faisaient déjà partie du troupeau et ils étaient mûrs pour la chasse. Nous avons établi de manière raisonnable la proportion de mâles dans chacune des catégories, et nous avons estimé la valeur en conséquence. Cette méthode est raisonnable. Elle est juste et elle nous donne un point de référence. Il n’est pas suffisant de décréter que sur 150 mâles non castrés, seulement 30 d’entre eux seront vendus après avoir été chassés. D’où viennent ces chiffres? Sur quoi se fonde l’ACIA pour faire de telles affirmations? Sur du vent. Pour justifier ses chiffres, l’ACIA doit appliquer une formule de calcul et une structure raisonnable. Selon nous, c’est un très bon exemple.

Sur la même page, nous donnons une liste des autres mâles selon l’âge et, à la partie 2, nous avons estimé la valeur actualisée par rapport à l’évaluation précédente afin d’établir la valeur réelle des mâles de ce groupe. Nous avons additionné les deux résultats et nous avons obtenu le montant de l’indemnité réclamée, soit à peu près 1,1 million de dollars.

Cette méthode est structurée. Elle est raisonnable. Cette méthode est rationnelle et peut être justifiée. Elle s’appuie sur des projections. Le reçu produit pour l’achat en bloc auprès de la ferme Klettberg indique le prix payé pour un groupe de 17 mâles, dont certains ont déjà été réformés, pour votre information. Il s’agit d’un processus raisonnable.

La dernière page contient les évaluations de prix de trois fermes. Les listes proviennent notamment des fermes Iron River et Bruce Friedel. La ferme Bruce Friedel est reconnue – j’espère que l’ACIA sera d’accord – comme un chef de file de l’industrie. Ses mâles non castrés comptent parmi les meilleurs au monde. Nous avons enlevé – il a refusé de communiquer sa liste de prix et, honnêtement, comme ce groupe de mâles était probablement de qualité supérieure, nous les avons enlevés. Nous avons établi un prix moyen afin de déterminer la juste valeur marchande. À mon avis, l’ACIA n’a pas vraiment cherché à corroborer ses chiffres. Notre méthode est raisonnable. Elle est juste. Malgré tout, elle n’a pas été prise en compte dans la proposition originale.

Le rapport intégral que le Dr Graham a transmis au ranch et à moi-même est reproduit à la section 10. Il tient sur une page. D’autres documents ont été fournis pour des animaux en particulier – ils sont joints et cités en renvoi dans les deux dossiers soumis à la Cour. Ils donnent la valeur de chaque mâle non castré, mais c’est un résumé des documents fournis. 4,15 % du troupeau adulte – voici la dernière phrase (tel que l’extrait a été lu) :

La qualité a été attribuée à 4,15 % du troupeau adulte. Environ 31 animaux ont été chassés chaque année au cours des cinq dernières années dans le troupeau adulte de quelque 200 têtes.

Donc, 4,1 %, soit 8 ou 9 des mâles adultes font partie de la catégorie gibier de chasse. Ces chiffres sont tellement faux que ça frise le ridicule. Ils sont absolument sans fondement. Cette estimation est arbitraire et tout à fait insoutenable. Pour ce qui est du bois de velours – dans les éléments à considérer, il est indiqué que la vente de bois de velours compte pour une bonne partie des revenus tirés du troupeau. Nous sommes d’accord. (tel que l’extrait a été lu) :

Le Dr Bischop a attribué une valeur de 4 800 $ en tenant pour acquis que tous les mâles du troupeau étaient de qualité trophée.

Mais c’est loin d’être aussi simple – certains mâles du troupeau valent plus que 4 800 $, et d’autres valent moins. Nous avons appliqué une formule qui tient compte de la valeur des mâles chassés vendus antérieurement, soit leur prix de vente véritable. Le Willow Hollow Game Ranch ne cherche pas à acheter des mâles non castrés à la pièce. Son but est de bâtir son troupeau avec ses propres ressources, pour ne pas avoir à acheter des animaux auprès de producteurs comme moi. Il s’agit d’un principe élémentaire d’économie et de saine gestion. Si le ranch me donne 20 000 $ pour acheter un de mes mâles, il aura 20 000 $ en moins dans ses coffres. Pourquoi m’achèterait-il un mâle s’il peut en produire un lui-même? Le ranch a réformé les animaux de la tranche inférieure du troupeau. Il possède un groupe de mâles non castrés adultes.

Nous n’avons pas contesté le bilan de 31 animaux chassés par année. Ce chiffre est réel. Nous avons repris ce chiffre, même si nous sommes dans une période d’essor économique, et même si l’offre et le nombre de fermes de chasse sont probablement en déclin en Saskatchewan. Nous étions d’accord. Nous avons tenu pour acquis que 31 animaux seraient chassés chaque année, pendant cinq ans. Cette moyenne de 31 animaux chassés par année est dérivée d’une période antérieure de cinq ans. Nous tiendrons donc pour acquis que la moyenne sera de 31 dans les prochaines années. Cette moyenne me semble juste, elle me semble raisonnable et elle me semble valable pour l’ensemble du troupeau de mâles adultes. Parallèlement, une proportion croissante des animaux du troupeau du ranch atteindront l’âge adulte et remplaceront les mâles abattus ou chassés – quelle industrie merveilleuse! Elle permet d’élever – les mâles non castrés sont conservés pendant six ou huit ans, jusqu’à ce qu’ils soient mûrs pour la chasse et, pendant tout cet intervalle, la vente de leurs bois de velours génère des revenus. C’est une formidable façon – c’est une formidable industrie, et c’est pourquoi de plus en plus d’anciens producteurs y reviennent et de nouveaux se lancent. Elle met en valeur l’ensemble du secteur de l’élevage, qui est envisagé dans une perspective différente. L’industrie est unique. Elle offre d’autres possibilités que le secteur bovin, des possibilités que seul un élevage de cervidés peut offrir, du moins à ma connaissance. Malgré tout, les gens mal informés continuent de l’associer au secteur de la boucherie parce qu’ils ne connaissent rien d’autre.

(Transcription de l’audience, pages 78 à 86)

[133]       M. Wehrkamp a également commenté l’évaluation du Dr Bischop :

[traduction] J’aimerais prendre quelques minutes pour commenter l’évaluation du Dr Bischop, qui se trouve dans la section 5, je crois. Que dire! Quand nous avons reçu le rapport du Dr Bischop – en fait, nous avons dû le demander... Il n’y a pas eu d’échange d’information, la communication a été limitée au strict minimum pendant tout le processus, mais nous avons demandé à voir le rapport et l’ACIA nous l’a transmis. En fait, l’ACIA a transmis – ce n’était pas une obligation mais, quand nous lui avons posé des questions et fait valoir les lois sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels – par souci d’ouverture et de transparence, elle a accepté de nous communiquer d’autres renseignements, ce dont nous lui sommes reconnaissants.

Le rapport nous a semblé plein de bon sens. L’évaluation de la valeur selon l’âge nous semble judicieuse. Nous pouvons nous en accommoder. Les résultats sont raisonnables et ils sont applicables aux animaux du ranch.

(Transcription de l’audience, pages 86 et 87)

[134]       Pendant le contre-interrogatoire, M. Wehrkamp a confirmé que WHGR avait été indemnisé pour un total de 266 mâles non castrés.

[135]       Il a également confirmé que WHGR n’avait pas fourni de reçus pour les wapitis achetés en bloc auprès de diverses fermes, et que les chiffres sur la valeur qui ont été fournis pour ces animaux provenaient d’autres fermes.

[136]       M. Wehrkamp a de plus admis que l’ACIA avait accordé l’indemnité maximale de 8 000 $ en vertu du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux pour le mâle non castré 901W Stinson, pour lequel un reçu a été produit.

[137]       Il a aussi concédé que le Dr Graham avait tenu compte de certains éléments d’information fournis dans ses calculs :

[traduction] Q         Donc, le 25 mars, il suggère d’accorder une valeur de 4 000 $ pour le gibier de chasse. Le 3 avril, soit une semaine plus tard environ, l’ACIA reçoit une facture de la ferme Klettberg attestant que des wapitis ont été vendus au ranch Willow Hollow pour un prix moyen de 4 250 $. Le 2 mai, dans le rapport final, l’indemnité est augmentée à 4 500 $. Est-ce exact?

R         Oui.

Q         Nous pourrions donc – vous avez dit ce matin que vous ne pensiez pas que les documents sur la vente de Klettberg avaient eu une influence sur l’évaluation. Est-il possible qu’ils aient eu une influence?

R         Je pense – peut-être. Oui, c’est possible.

(Transcription de l’audience, page 132)

[138]       M. Wehrkamp a donné des précisions sur son exposé concernant le prix des bois de velours :

[traduction] LE JUGE :      Êtes-vous en train de nous dire que l’explication que vous venez de nous donner concernant la plupart des bois de velours n’a pas été transmise à l’ACIA?

R         Non, pas du tout. Je veux dire que, lors de nos discussions avec l’ACIA, nous n’avons certainement pas parlé d’un prix moyen de 40 $ pour les bois. Nous lui aurions donné des chiffres précis. Le prix des bois s’établissait à 27 ou 28 $ la livre. Nous avons inscrit 28 $. Certains producteurs ont reçu 27 $ ou...

LE JUGE :      D’accord.

R         Je suis certain que cette information aurait été communiquée à l’ACIA. Je vous donne une plage de prix pour que vous compreniez bien que, pour la première fois en 16 ans, les bois de velours se vendaient 40 $ la livre. C’est un élément important. C’est un signe que la tendance du marché est à la hausse et que nous commençons à atteindre les niveaux de rentabilité dont j’ai parlé ce matin.

Q         Mme BIRD : Donc, la seule information fournie concernant le prix des bois de velours est celle qui se trouve dans votre rapport et celle qui a été fournie par la Elk...

R         L’Alberta Elk Commission.

Q         Oui, l’Alberta Elk Commission.

R         C’est exact.

Q         Et quelle est la valeur accordée au bois de velours dans le rapport final du Dr Graham?

R         30 $.

Q         30 $?

R         Je crois, oui. C’est le chiffre qui...

Q         Donc, si nous allons à l’onglet 2, à la page 81, nous avons un renvoi à la page 1 – le rapport a plus d’une page, non? Il avait deux pages, est-ce exact?

R         Pouvez-vous me donner un moment pour...

Q         Oh!

R         ... fouiller dans...

Q         Je suis désolée. Imaginez ce que ce serait si nous ne les avions pas numérotés.

R         Oui. Merci encore. Voilà, j’ai trouvé.

Q         Donc, au paragraphe 4 – non, pardon, au paragraphe 3 – je crois comprendre d’où vient la confusion. Le Dr Graham se fonde sur l’information que lui a transmise le Dr McLane, du bureau du district de Battleford de l’ACIA, concernant le prix de 2013, qui était de 30 $ la livre. Mais si vous allez au paragraphe suivant, à la première, deuxième, troisième, disons à la quatrième ligne (tel que l’extrait a été lu) :

Le prix moyen des bois de velours devrait atteindre au moins 700 $ par mâle en 2014, c’est-à-dire 20 livres à 35 $ la livre.

Dans les faits, il a donc attribué une valeur de 35 $ la livre, exact?

[traduction] R         C’est exact.

Q         Et le Dr Graham a demandé des éléments de preuve des ventes réelles de bois de velours du ranch Willow Hollow en 2013, n’est-ce pas?

R         Oui, c’est exact.

Q         Pourtant, les chiffres exacts des ventes de bois de velours ne lui ont pas été transmis, non? Seules les moyennes lui ont été données. Nous avons vu ces moyennes dans une annexe de votre rapport, mais vous n’avez pas donné les chiffres de ventes réels. Est-ce exact?

R         C’est comme si on disait six au lieu d’une demi-douzaine... Non, ils n’ont pas été fournis.

(Transcription de l’audience, pages 148 à 150)

[139]       M. Wehrkamp a expliqué de nouveau pourquoi le WHGR avait jugé que les reçus des achats en bloc seraient inutiles :

R         C’est exact. La raison – pour être plus précis, je signale que le reçu d’achat n’indique nulle part si un mâle non castré sera élevé pour la viande, la chasse ou les bois de velours. Il est impossible de le savoir. Ces mâles non castrés ont été achetés à une période où ils n’avaient pas de bois et, lorsque l’on achète un groupe d’animaux – j’ai expliqué ce matin que certains seront de piètre qualité, d’autres de qualité moyenne et d’autres de qualité supérieure. L’information – pourquoi fournir un reçu d’achat qui ne peut corroborer l’information demandée?

[...]

(Transcription de l’audience, page 156)

R         Les chiffres ne sont pas une référence. Si les bois prélevés sur un mâle pèsent 30 livres, il est de qualité supérieure. S’il a plus de six ans, il sera probablement dirigé vers la pourvoirie. Il est mûr pour la chasse et recèle donc plus de valeur. Les mâles de qualité inférieure, dont le rendement est insatisfaisant, sont envoyés à l’abattoir. Ce sont les individus du groupe d’animaux achetés en bloc que le ranch a réformés, comme nous l’avons déjà dit. À cause du processus de réforme, le prix d’achat est diminué, parce que celui qui figure sur le reçu était pour 100 mâles. Si 10 ou 15 % des mâles les moins productifs sont réformés et vendus pour leur viande, peu importe la situation du marché de la viande, ils sont éliminés. Il reste les plus productifs, ceux dont les bois pèsent 15 ou 20 livres. Ces mâles valent plus que le prix d’achat inscrit sur le reçu. Le reçu n’est donc d’aucune utilité pour déterminer la valeur d’un animal introduit dans un troupeau trois ans auparavant, alors que le tiers au moins, parfois la moitié des animaux achetés en bloc ont été vendus pour la viande. Il reste un petit nombre de mâles non castrés de qualité supérieure.

Le reçu indiquant le prix d’achat n’est donc d’aucune utilité pour estimer la valeur d’un mâle non castré trois ans après l’achat. S’il avait été pertinent, croyez-moi... Si des renseignements utiles avaient pu être tirés d’un reçu sur lequel figure le prix global payé pour de 50 mâles, nous vous l’aurions fourni sans hésitation. Le ranch Willow Hollow vous l’aurait remis volontiers mais, dans ce groupe de mâles, certains ont été achetés. Certains valaient entre 8 000 ou 10 000 $. D’autres valaient à peine le prix de leur viande. Cependant, le reçu ne donne pas cette information. Il donne un prix moyen pour un achat en bloc, et il est donc inutile dans le cadre de négociations visant à établir la valeur des animaux deux ou trois ans après leur introduction dans le troupeau du ranch. Ils ont un, deux ou trois ans de plus et, comme nous en avons convenu, du moins je pense, leur valeur augmente à mesure qu’ils vieillissent. Par conséquent, à quoi pourrait bien servir ce reçu?

[...]

(Transcription de l’audience, pages 158 et 159)

R         Le but – je voulais replacer l’exercice dans son contexte. Nous n’avons jamais dit – jamais nous n’avons prétendu que chaque mâle valait 9 000 $, pour donner un prix moyen fictif. Nous avons simplement fourni une liste de reçus émis dans une très petite industrie et un très petit marché par un producteur qui vend des animaux. Nous voulions simplement vous faire comprendre que la valeur de ces animaux ne provient pas uniquement de leur viande. Est-ce que ces reçus provenaient du ranch Willow Hollow? Deux ou trois en provenaient, et nous avons déjà convenu que...

(Transcription de l’audience, page 160)

[140]       M. Wehrkamp a également confirmé que des précisions sur ces questions avaient été données à l’ACIA :

[traduction] LE JUGE :      Avez-vous eu l’occasion de fournir à l’ACIA l’explication que vous nous avez donnée concernant la différence entre la vente d’animaux à la pièce et l’achat en bloc, et ses répercussions?

R         Oui, tout à fait. Nous avons tenté, à maintes reprises, d’expliquer ce processus. Il y a – il semble y avoir – très franchement, je pense que le Dr Bischop a compris le concept et que, quand il a fait son évaluation, il en a tenu compte. Cependant, ce matin, j’ai cité en référence un document dans lequel une note manuscrite a été ajoutée qui indique que les animaux réformés – que tout rajustement de la valeur en raison du processus de réforme n’avait aucun sens ou ne serait pas pris en compte. Il faudrait que je revoie le document en question. Je crois que je vous l’ai remis.

LE JUGE :      Je m’en souviens, en effet.

R         C’est une grave erreur, peu importe l’élevage – la question, ou l’affirmation, est fausse, pas seulement pour ce qui concerne les wapitis. C’est la même chose dans toute l’industrie de l’élevage. C’est une grossière erreur. On nous demande des reçus pour un achat d’animaux en bloc dont une bonne partie parmi les moins productifs a été éliminée, mais il est difficile de comprendre l’intérêt d’un tel reçu. Comment pourrait-il éclairer, assurer le caractère raisonnable et la justesse du processus de détermination de l’indemnisation? C’est pour ces raisons qu’ils n’ont pas été produits.

(Transcription de l’audience, pages 161 et 162)

M. Blaine Weber – Éléments saillants

(a)                Contexte et expérience

[141]       M. Blaine Weber vient de Lanigan, en Saskatchewan. Il est éleveur de wapitis depuis 18 ans. Il travaille également au sein d’une coopérative de nouvelle génération appelée Norelko, créée par 70 producteurs de wapitis. M. Weber siège au conseil d’administration et il est membre de la direction du secteur de la coopérative chargé de l’achat de bois de velours.

[142]       Il a indiqué qu’au cours des cinq dernières années, Norelko avait acheté entre 180 000 et 200 000 livres de bois de velours. En 2015, elle a acheté près de 30 % de la production de bois de velours de l’Ouest canadien. M. Weber s’estime compétent pour établir le prix des bois de velours.

(b)               Information sur le marché

[143]       Selon M. Weber, en 2015, le prix le moins élevé pour le bois de velours – il existe quelques qualités de bois de velours – était de 48 $ la livre et le prix le plus élevé était de 53,50 $ la livre. Le prix moyen se situait autour de 40 $ la livre en 2014, à 27 $ la livre en 2013, et à 20 $ en 2012. La valeur des bois de velours s’est donc considérablement appréciée ces dernières années.

[144]       M. Weber est de plus courtier en vente de viande de wapiti, et il confirme que les prix ont aussi grimpé :

[traduction] R         Il y a sept ans, à mes débuts, nous versions aux producteurs de 1,10 à 1,25 $ la livre de carcasse chaude suspendue. Dans les trois dernières années, les prix sont passés de 3 $ la livre de carcasse chaude suspendue à – il y a à peine trois semaines, j’ai expédié de la viande à l’usine d’un acheteur qui a payé 4,35 $ la livre. C’est clair que les prix ont monté.

Q         Pour le producteur?

R         Pour le producteur.

Q         C’est impressionnant.

LE JUGE :      C’était en 2015?

R         Oui.

LE JUGE :      Très bien. Et qu’en était-il en 2014?

R         Les prix se situaient autour de 4,10 $, 4 $ – peut-être 3,85 $, ou quelque part par là.

(Transcription de l’audience, pages 167 et 168)

[145]       Voici ce que M. Weber avait à dire à l’égard des mâles destinés à la chasse :

[traduction] Q         Lorsque le prix de la viande augmente de 50 ou de 100 %, ou de plus de 100 % sur cinq ans, et que la hausse du prix des bois de velours frise les 200 %, comme vous l’avez dit, je crois, pendant une période donnée, qu’advient-il du prix des animaux?

R         À vrai dire, cela ne prend même pas en considération la progression du marché de la chasse. Le marché des trophées exerce une forte pression sur les prix des mâles non castrés. Il y a cinq ans, un mâle de boucherie dans la moyenne se vendait 1 500 $ ou 2 000 $, ou quelque part par là, et beaucoup de mâles en provenance de l’Alberta étaient livrés à des réserves de chasse avant le développement des bois. Les fermes engrangeaient 4 800 $ US par tête.

Q         Dans la triste réalité d’aujourd’hui, 4 800 $ US équivalent à 6 000 $ CA.

R         Tout à fait, et nous parlons de mâles qui n’avaient pas fait leurs preuves.

Q         Et donc qui n’avaient pas forcément des caractéristiques génétiques particulières.

R         Non, leurs bois n’avaient jamais grandi. Dans ce cas, il est impossible de prédire quel genre de ramure ils auront.

Q         Impressionnant!

R         Le principal problème vient de l’approvisionnement. Au plus fort – j’ai commencé en 1997 et, deux ou trois ans plus tard, le cheptel – 90 % des wapitis élevés en captivité sont en Saskatchewan et en Alberta. Le cheptel des deux provinces se situait autour de 85 000 têtes, je crois. Les registres sont censés être – je ne fais pas trop confiance aux données des programmes gouvernementaux mais, selon mon expérience concernant l’approvisionnement en viande et en bois de velours, et après avoir parlé à beaucoup de producteurs, je pense que le cheptel combiné des deux provinces ne doit pas dépasser 20 000 têtes aujourd’hui. C’est une baisse de 75 %, et la pression sur l’offre et les prix est très forte.

Q         De toute évidence, cette baisse doit se répercuter sur le prix de vente des animaux. Vous avez parlé de vos difficultés d’approvisionnement en animaux de boucherie et – vous êtes aussi acheteur... Achetez-vous aussi des mâles non castrés pour... est-ce que vous achetez et vendez des animaux pour votre propre compte?

R         Essentiellement, ces animaux sont écoulés sur le marché de la viande, lorsqu’il y a des problèmes avec un troupeau ou si le propriétaire décide qu’il ferme les livres. Nous sommes dans la même position que toutes les autres industries d’élevage. Nous avons tous dépassé 55 ans, et il ne semble pas – certains de nos collègues ne veulent plus continuer et, s’ils ne trouvent pas de filière pour écouler leurs animaux, ils se tournent vers le marché de la viande, bien entendu. Si nous avons vent d’un groupe de mâles non castrés, nous pouvons essayer de les diriger vers l’industrie de la chasse ou vers un producteur qui a un œil sur cette industrie.

Q         J’aimerais juste clarifier un point avant de passer à un autre sujet. Dans quelle direction semble aller la valeur des mâles non castrés utilisés comme gibier, selon toute vraisemblance?

R         Elle suit une tendance à la hausse. J’ai moi-même racheté les parts de mes associés il y a deux ans. J’ai vendu un groupe de 25 mâles non castrés n’ayant pas fait leurs preuves pour 50 000 $. C’était – j’aurais sans doute pu obtenir un peu plus, mais l’acheteur a accepté de me payer sur-le-champ, et je disposais d’une période de livraison de deux ans. Comme je tiens à préserver le profil génétique de mon troupeau, cette année-là, j’ai dû acheter d’autres mâles non castrés pour remplir mon engagement. J’ai payé en moyenne 3 400 $ par animal de remplacement...

Q         D’accord. D’accord. Merci.

R         ... comparativement à 2 000 $.

Q         D’accord. D’accord. Bien. Je crois que nous avons consacré assez de temps à l’évaluation du marché et à son évolution. Ces renseignements confirment en partie ce que nous avons entendu avant votre arrivée. J’aimerais maintenant vous entendre au sujet des mâles destinés à la chasse. La Cour sait que – voyons un peu... À quel âge un mâle non castré peut-il normalement servir de gibier?

R         Les critères ont changé avec l’évolution des connaissances en génétique. Les mâles de grande taille sont plus jeunes. Avant, les mâles non castrés destinés à la chasse étaient considérés comme des champions vers sept ou huit ans. Maintenant, ils peuvent atteindre ce stade à cinq ou six ans mais, selon moi, il faut attendre qu’ils aient en tout cas six ou sept ans pour en faire du gibier de chasse.

Q         D’accord. Bien. Je vois. Concernant la progression – j’aimerais maintenant parler de la croissance des mâles non castrés. Est-ce que les mâles continuent de grossir année après année? Leurs bois deviennent-ils de plus en plus grands? Un mâle de cinq ans a-t-il une ramure de plus grande taille qu’un autre de deux, trois ou quatre ans?

R         Oui, leur taille augmente normalement jusqu’à un certain âge, puis elle diminue. Du moins, c’est ce que j’ai pu observer.

(Transcription de l’audience, pages 168 à 171)

[146]       M. Weber a été invité à donner son avis sur les listes de prix des producteurs sur lesquelles WHGR s’est fondé pour établir la valeur des animaux de remplacement :

[traduction] M. WEHRKAMP :    Oui, je vais présenter au témoin une liste des prix des producteurs, qui a servi de base à l’établissement de la valeur des animaux de remplacement du ranch à gibier Willow Hollow. Nous avons demandé à M. Weber de donner son avis sur la validité de cette liste de prix...

LE JUGE :      C’est la liste figurant à l’onglet 2, n’est-ce pas?

M. WEHRKAMP :     7.

LE JUGE :      Oui, je vois.

M. WEHRKAMP :     L’information que nous avons soumise vient de quatre sources différentes. Le premier document est le rapport annuel de l’Alberta Elk Commission, dans lequel elle établit la juste valeur marchande de l’industrie, selon elle. Suivent trois autres estimations, si vous voulez, qui ont été sollicitées auprès de fermes de la Saskatchewan qui pourraient approvisionner le ranch Willow Hollow en mâles dont les caractéristiques génétiques vont de moyennes à supérieures. Je vous invite à prendre un moment pour les examiner. Si vous comparez ces estimations, vous constaterez que l’une d’entre elles est plus élevée que les trois autres. Deux s’équivalent plus ou moins, et la dernière est celle de l’Alberta. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de chacune des estimations, ou de la validité des prix figurant sur ces listes?

R         Je dirais qu’elles sont relativement justes, mais – celle qui se démarque – personne n’aurait pu prédire que les prix de vente de mâles n’ayant pas fait leurs preuves en Alberta atteindraient de tels niveaux, comme je l’ai déjà dit. Je ne sais pas vraiment combien il faudrait payer aujourd’hui pour remplacer des mâles abattus. Il ne faut pas oublier non plus que les prix donnés correspondent à une période précise... Bref, je dirais que ces prix sont plausibles.

Q         Ai-je bien compris que, selon vous, ces estimations sont justes pour une certaine période mais que, vu le coût actuel de remplacement ou la valeur marchande, elles sont...

R         Globalement, elles m’apparaissent faibles.

Q         Ces estimations sont faibles, donc. D’accord. Merci.

(Transcription de l’audience, pages 172 et 173)

[147]       Voici le témoignage de M. Weber au sujet du processus de réforme et de son incidence sur la valeur :

[traduction] Q         Pouvez-vous nous expliquer le processus de réforme et son rôle dans les élevages de bétail?

R         Volontiers. Le processus de réforme vise à éliminer les animaux qui ont moins d’intérêt en raison de leur âge ou de leurs caractéristiques génétiques inférieures, ou tout simplement parce que leurs attributs physiques ne correspondent pas à ceux qui sont recherchés dans le cadre d’un programme.

Q         Pouvez-vous nous donner une idée générale du nombre d’animaux qui peuvent être réformés chaque année dans le secteur de l’élevage?

R         De 10 à 20 %, au minimum.

Q         D’accord. Quelle est la valeur – si de 10 à 20 % des animaux sont réformés chaque année, quelle est l’incidence sur la valeur des animaux qui restent?

R         De toute évidence, si un animal est conservé plus longtemps, il faudra le nourrir. Il faut donc tenir compte des frais d’entretien de base des animaux conservés et – si le travail est bien fait, leur valeur devrait augmenter.

Q         Si les animaux de qualité inférieure sont réformés et que les meilleurs sont conservés, la valeur globale du troupeau...

LE JUGE :      Trop suggestif, de nouveau.

Q         M. WEHRKAMP :     Je suis désolé. Je croyais...

R         C’est exact, la valeur du troupeau devrait augmenter.

(Transcription de l’audience, pages 173 et 174)

[148]       M. Weber a reconnu lors du contre-interrogatoire qu’il n’avait pas participé à l’évaluation des animaux du ranch Willow Hollow, mais qu’il lui avait toutefois vendu des wapitis. Voici ses observations sur les reçus :

[traduction]] Q       D’accord. Alors ma question suivante – j’aimerais savoir si vous avez remis des reçus pour... lorsque vous avez vendu des animaux au ranch Willow Hollow, avez-vous remis des reçus ou des factures?

R         Ils sont habituellement intégrés au permis. Les prix sont indiqués sur une copie du permis.

Q         Sur le permis de mouvement de cervidés?

R         C’est ce que nous utilisons parfois. Je ne suis pas tout à fait certain...

Q         Ne devrait-on pas trouver dans leurs registres combien d’animaux ont été achetés chez vous?

R         Oui, en principe.

Q         Et le prix payé?

R         En principe. L’un d’entre nous devrait avoir un document quelconque, un chèque annulé ou quelque chose du genre.

(Transcription de l’audience, pages 182 et 183)

M. Terry Moorman – Éléments saillants

(a)                Expérience

[149]       Le troisième témoin appelé par le ranch à gibier Willow Hollow est M. Terry Moorman, qui élève des wapitis depuis 20 ou 25 ans, et qui est maintenant [traduction] « producteur et éleveur de wapitis à temps plein » :

[traduction] R         Je suis agriculteur depuis – je suis éleveur de wapitis depuis 20 ou 25 ans. Je dirais que, depuis 2013 environ, j’essaie de constituer un troupeau pour le prélèvement des bois de velours dont les animaux sont de qualité génétique supérieure afin d’augmenter la production parce que tous les marchés – j’imagine que vous l’avez entendu trois ou quatre fois aujourd’hui – sont en explosion à cause de la pénurie d’animaux. Les marchés de l’offre et de la demande se portent beaucoup mieux.

Q         Vous parlez du marché du bois de velours?

R         Le bois de velours est le principal attrait de cet élevage, et la chasse et un autre incitatif important. Je tiens à dire que, contrairement à ce que l’on croit, nous n’élevons pas des wapitis pour leur viande. Il ne faut pas nous comparer aux éleveurs de bovins. Notre industrie est totalement différente. Le processus de réforme est excellent.

Q         Merci. La viande – vous nous avez indiqué que vous éleviez des animaux pour le bois de velours et la chasse. Ce sont les principaux marchés?

R         C’est exact.

Q         La production de viande est le résultat du processus de réforme, c’est bien ce que vous avez dit?

R         C’est exact.

Q         D’accord.

R         Mon but était de produire du bois de velours mais, après dix années de prix à la baisse et les épisodes d’encéphalopathie spongiforme bovine et de MDC, les marchés étaient au plus bas. Mais avec la pénurie et la hausse des prix, la situation s’est complètement inversée, comme je l’ai dit.

(Transcription de l’audience, pages 185 et 186)

(b)               Abattage intégral

[150]       En 2014, l’élevage de wapitis de M. Moorman a également été abattu intégralement en raison de la MDC. Il n’est pas satisfait de la façon dont l’ACIA a traité sa demande d’indemnisation :

[traduction] R         [...] j’ai malheureusement été pris dans l’engrenage de la MDC. Tous mes animaux ont été abattus. C’est une expérience très éprouvante. Normalement, les victimes d’une telle catastrophe devraient être soutenues par des spécialistes de l’industrie. J’ai très vite réalisé que c’est loin d’être le cas. On ne peut pas comparer les wapitis et les bovins. Ils ne sont pas dans la même catégorie. Il est impossible de décréter que tout un troupeau élevé pour le bois de velours vaut tant la livre. Comment la valeur ajoutée des bois de velours est-elle prise en compte? Et celle du gibier? Cette évaluation en fait totalement abstraction. Je n’ai pas amélioré le profil génétique. J’ai payé 3 500 $ pour des femelles de reproduction. J’ai aussi payé 16 000 $ pour un mâle non castré d’élite. Si j’avais élevé des animaux de boucherie, j’aurais payé quelque chose comme 1 500 ou 1 600 $. J’aurais eu d’excellents animaux de boucherie à ce prix. Mais ce n’était pas mon intention, ça ne m’intéressait pas.

Je ne – dans toutes les conversations, on en revient toujours au prix de la viande. Je le répète : l’activité principale de cette industrie n’est pas la production de viande.

Q         D’accord. Nous allons donc – merci, Monsieur Moorman. Nous avons entendu beaucoup de témoignages concernant la situation de l’industrie du wapiti. Nous aimerions entendre brièvement votre point de vue sur l’offre d’animaux dans cette industrie. Quelle est la situation de la population globale?

R         Comme je l’ai déjà dit, en raison de la crise de la vache folle et de la MDC, le cheptel a beaucoup diminué. Je dirais qu’il se situe aujourd’hui à quelque chose comme 25 % de ce qu’il a déjà été. Il existe pourtant une solution facile. Si mes animaux valent 2 000 $ chacun au prix de la viande, selon ce que propose le Dr Graham, alors remplacez-les. C’est simple. Il est impossible actuellement de trouver une ferme qui dispose d’autant d’animaux à vendre à ce prix. Il serait impossible de trouver autant d’animaux.

(Transcription de l’audience, pages 186 et 187)

[151]       M. Moorman a parlé de ses négociations difficiles avec l’ACIA lors d’une réunion d’évaluation à Saskatoon, à laquelle participait le Dr Graham :

[traduction] Q         D’accord. Merci. J’aimerais prendre un moment pour parler de votre expérience avec l’ACIA. Le 4 septembre, vous avez assisté à une réunion à Saskatoon. Les personnes présentes – je crois qu’une personne y participait par téléconférence?

R         Oui.

Q         Un certain Dr Dunn, est-ce exact?

R         C’est exact.

Q         J’y étais.

R         Oui.

Q         Le Dr Graham y était-il?

R         Oui.

Q         Vous y étiez aussi, avec votre femme.

R         C’est exact.

Q         Y avait-il d’autres personnes à la réunion?

R         Initialement – non, je ne crois pas.

Q         Je ne...

R         Non.

Q         Bien. Comment les négociations se sont-elles déroulées et quel – je vais m’arrêter là. Comment se sont-elles déroulées? Lui demander ce qui s’est passé. Y a-t-il eu des déclarations? Comment vous a-t-on convaincu que vous seriez traité équitablement ou autrement?

R         Je n’ai jamais pensé que je serais traité équitablement parce que, dès le début de la conversation – on me ramenait tout le temps à l’industrie du bœuf, sans arrêt. Nous ne sommes pas dans l’industrie du bœuf et, à tout bout de champ, nos interlocuteurs nous disaient qu’ils ne comprenaient pas. Il était difficile de nous convaincre que nous pourrions avoir une conversation intelligente avec ces gens... Nous avons ensuite parlé brièvement de mon troupeau, du fait que j’avais payé 16 000 $ pour un mâle reproducteur de première qualité. Le Dr Greg Graham nous a regardés droit dans les yeux et nous a demandé pourquoi nous acceptions de payer un sou de plus que le prix de la viande pour un wapiti. Il ne comprenait pas, nous a-t-il dit. J’ai été un peu surpris, je dois l’admettre. Comment lui expliquer? Que j’avais envie de donner à quelqu’un 14 000 $ de plus que ce que j’aurais dû? Je ne savais pas quoi répondre à cette question.

Q         Avez-vous remplacé ce mâle?

R         Oui, je l’ai remplacé. Malheureusement, je l’ai remplacé par un autre qui présentait aussi des qualités génétiques supérieures, que j’ai payé 20 000 $.

Q         Pourquoi avez-vous payé 20 000 $ pour un mâle non castré alors que vous aviez payé 16 000 $ pour un autre mâle de catégorie supérieure trois années plus tôt. Est-ce bien ce que vous avez dit?

R         Oui, c’est ce que j’ai dit. Le marché était – la valeur du marché avait augmenté, c’est tout.

Q         Les mâles étaient d’égale qualité?

R         Oui, comme je l’ai dit. Oui.

Q         Vous avez donc payé un prix plus élevé tout simplement à cause d’un redressement du marché.

R         Tout à fait, un redressement du marché.

Q         Et quand avez-vous acheté ce mâle de remplacement? Vous pouvez nous indiquer l’année, cela suffira.

R         En 2014.

Q         D’accord. En 2014. Soit l’année de l’abattage intégral de votre troupeau.

R         C’est cela, je l’ai acheté pour remplacer mon mâle reproducteur.

(Transcription de l’audience, pages 189 à 191)

(c)                Âge et valeur

[152]       Sur la question de l’âge auquel les mâles non castrés sont mûrs pour la chasse, M. Moorman a affirmé ce qui suit :

[traduction] Q         D’accord. Je comprends. Et qu’en est-il des mâles destinés à la chasse? À quel âge un mâle devient-il adulte? Quel est l’âge raisonnable pour introduire un mâle dans le marché de la chasse?

R         À cinq ou six ans, mais il peut y avoir des variations dépendant de la génétique, du type de mâle, de sa qualité.

Q         Mais, de façon générale, un mâle non castré qui – disons un mâle de six ans, selon vos connaissances et votre expérience de 20 ans dans cette industrie...

R         Oui.

Q         ... ce mâle serait considéré comme étant adulte et mûr pour le marché de la chasse.

R         C’est exact.

(Transcription de l’audience, pages 188 et 189)

[153]       M. Moorman a également confirmé que les mâles non castrés prennent de la valeur à mesure qu’ils vieillissent, jusqu’à un certain âge.

[154]       Lors du contre-interrogatoire, M. Moorman a concédé qu’il n’avait jamais vendu de wapitis au ranch Willow Hollow, et qu’il n’avait pas participé au processus d’indemnisation de celui-ci. Quand il vend des wapitis, a-t-il affirmé, il donne un reçu.

[155]       M. Moorman a aussi admis qu’il avait lui-même interjeté appel concernant l’indemnisation que lui a accordée l’ACIA après l’abattage intégral de son troupeau en 2014.

B.                 Témoins de l’intimé

Témoignage du Dr Graham – Éléments saillants

(a)                Compétences et expérience

[156]       Le Dr Graham travaille comme vétérinaire au sein de la Division de la santé des animaux de l’ACIA depuis 23 ans. Il a été nommé président de l’évaluation des wapitis mâles non castrés du Willow Hollow Game Ranch qui ont été abattus en 2014.

[157]       Le Dr Graham cumule une longue expérience avec différentes espèces animales. Cependant, quand il a participé à l’évaluation du troupeau du ranch Willow Hollow, il avait pris part à une seule évaluation de wapitis, à titre de président de l’équipe d’évaluation du troupeau des fermes Forjay en 2013. Après son expérience avec le ranch Willow Hollow, il a présidé l’équipe d’évaluation du troupeau de M. Moorman, qui a également interjeté appel.

[158]       Le Dr Graham a confirmé le compte rendu de M. Wehrkamp concernant les développements récents dans l’industrie du wapiti en Saskatchewan, et il tire les conclusions suivantes :

[traduction] L’industrie, à mon point de vue, a évolué vers la production de viande. Les prix, comme il a été dit hier, sont à la hausse. La production de bois de velours connaît une reprise. Les prix approchent les 40 $ la livre. La production combinée de viande et de bois de velours est rentable. Si un producteur a la chance de posséder des animaux de qualité suffisante pour les offrir comme trophées de chasse, il peut les commercialiser dans cette filière quand ils arrivent à la fin de leur cycle économique naturel, ce qui représente un atout supplémentaire.

(Transcription de l’audience, page 221)

(b)               Évaluation de WHGR

[159]       L’ordre du jour de la réunion du 5 mars 2014 se trouve à la pièce A-1, onglet 2, pages 16 et 17. Cependant, le Dr Graham a admis en avoir fourni une copie papier seulement après la réunion. Il affirme toutefois qu’il n’a pas dérogé à l’ordre du jour durant la réunion. Il a passé en revue les paramètres de la législation et la formule d’indemnisation prescrite.

[160]       Il a expliqué ses raisons pour exiger des reçus :

[traduction] R         Selon moi, les reçus donnent une idée – ils donnent de l’information sur les animaux dont il est question. À la base, il nous indique s’il s’agit de gibier de chasse, s’ils sont destinés à la production de viande ou de bois de velours, ou à la reproduction. Essentiellement, le reçu nous renseigne sur ce qui a été acheté et à quel prix. J’avais besoin d’un point de départ. Vous savez, rien ne ressemble plus à un wapiti qu’un autre wapiti, mais si vous en voyez cinq dans un enclos, rien ne permet d’affirmer qu’ils auront tous le même usage. Tout renseignement sur leurs antécédents, leur parcours, la valeur de leur production en dollars, le poids approximatif et le chiffre des ventes de bois de velours, de la progéniture dans le cas d’une femelle – le reçu donne une idée des caractéristiques d’un animal en particulier et de la valeur qui pourrait lui être attribuée.

Q         Vous aviez besoin de cette information pour avoir un point de départ...

R         Exactement, un point de départ.

(Transcription de l’audience, pages 228 et 229)

[...]

R         Dans tous les autres processus d’indemnisation auxquels j’ai participé, qu’il s’agisse de chevaux, de moutons, de blessures chez les cervidés, les cerfs de Virginie, de même que si je dois faire des contrôles sur place, j’ai toujours commencé par examiner les reçus. Pour établir la valeur d’un animal, je dois savoir de quoi je parle au juste. C’est par là que j’aime commencer, et j’ai – comme je l’ai dit, j’ai demandé les reçus d’entrée de jeu, en passant l’ordre du jour en revue.

(Transcription de l’audience, page 230)

[161]       Le Dr Graham a aussi expliqué l’importance du Manuel des procédures communes, en précisant qu’il s’en sert comme guide :

[traduction] R         Le Manuel des procédures communes contient différents éléments, des procédures communes – que nous appliquons souvent dans le cadre de nos activités quotidiennes dans le domaine de la santé des animaux. L’indemnisation est l’un de ces éléments, de sorte que le Manuel – les demandes d’indemnisation sont assez fréquentes après le dépistage d’une maladie déclarable qui nous oblige à déclarer qu’un lieu est infecté et à délivrer une ordonnance de destruction. Nous versons des indemnités pour compenser la perte des animaux ou autres biens détruits ou retirés. Le Manuel nous guide – il nous indique comment procéder, simplement. Je parle... Parlez-vous du Manuel des procédures communes? Je parle d’une section précise, la section 12, qui essentiellement les éléments du processus et comment il fonctionne.

Q         Devez-vous appliquer le Manuel des procédures communes à la lettre?

R         C’est un guide. En fait – il donne certaines directives assez précises, et d’autres qui nous laissent une certaine marge de manœuvre.

(Transcription de l’audience, pages 229 et 230)

[162]       Le Dr Graham a aussi confirmé que M. Wehrkamp avait fait un exposé de la situation lors de la réunion du 5 mars 2014.

[163]       Pour se préparer en vue de l’évaluation de WHGR, le Dr Graham a examiné les indemnités accordées pour des animaux semblables (ceux des fermes Forjay, pour lesquels des reçus ont été fournis).

[164]       Le Dr Graham s’est également entretenu avec le Dr Alex McIsaac, le spécialiste de l’ACIA en matière de contrôle sanitaire pour la Saskatchewan. Celui-ci a transmis au Dr Graham des renseignements sur les indemnités accordées récemment pour des cervidés, et plus précisément pour des cerfs de Virginie.

[165]       Le Dr Graham explique qu’il a fait sa propre collecte de renseignements parce qu’il [traduction] « avait de la difficulté » à comprendre les estimations proposées par le ranch Willow Hollow.

[traduction] Les documents fournis n’étaient pas ceux que j’avais demandés. Randy [M. Wehrkamp] m’a transmis des reçus provenant de sa propre exploitation [...] En fait, je ne comprenais pas pourquoi il me donnait les prix de vente pour ses animaux alors que je lui avais demandé des renseignements sur les animaux du ranch Willow Hollow.

[166]       Le Dr Graham a aussi examiné les reçus fournis par WHGR concernant les animaux de remplacement achetés après l’abattage intégral.

[167]       Il soutient qu’il comprenait les activités de WHGR :

[traduction R          Fondamentalement, c’était une ferme d’élevage. On m’a expliqué que le troupeau avait été abattu intégralement en 2009 et que le ranch souhaitait reprendre l’élevage des wapitis parce qu’il avait beaucoup investi dans l’infrastructure. Le ranch se concentrait surtout sur le gibier de chasse. Il a investi en vue – c’était ce qui les intéressait et c’était leur gagne-pain, et ils voulaient reprendre leurs activités. Donc, après 2009, ils avaient acheté des femelles et des mâles pour les introduire dans le troupeau. C’est tout à fait sensé. Les animaux de moindre qualité étaient réformés. Par animaux de moindre qualité, j’entends ceux qui ne pouvaient être élevés pour le bois de velours – je parle des mâles – et qui étaient dirigés vers l’abattoir. Ceux qui avaient une certaine valeur étaient conservés pour une, deux ou quatre années. Tant que c’était économiquement rentable, les animaux étaient conservés pour la vente des bois de velours, et ceux qui atteignaient la qualité requise étaient dirigés vers la pourvoirie, pour y être chassés.

C’était la même chose pour les femelles achetées auprès d’une dizaine de producteurs. C’est ce que j’ai compris – des femelles ont aussi été réformées. Seules les meilleures étaient conservées. Les femelles de qualité inférieure étaient vendues pour la boucherie, et les autres servaient à la reproduction pour que le ranch n’ait plus à acheter de mâles pour la chasse. C’était plus judicieux sur le plan économique. Il était plus rentable pour le ranch de produire ces mâles. Au moins, il pouvait contrôler sa production annuelle et éviter d’avoir à concurrencer les autres fermes à gibier de la province pour s’approvisionner aux mêmes sources. Ce plan d’affaires me semblait logique.

(Transcription de l’audience, pages 236-237)

[168]       Le Dr Graham a de plus examiné les permis de mouvement de cervidés qui ont été délivrés à WHGR :

[traduction] Q         Quels types de permis ont été délivrés au ranch Willow Hollow ou aux expéditeurs qui y amenaient des animaux?

R         Eh bien, certains permis étaient délivrés seulement pour des mâles adultes – un permis pour des mâles. D’autres avaient été délivrés pour des femelles. D’autres encore avaient été délivrés pour des mâles et des femelles. Certains permis visaient des animaux mûrs pour la chasse, achetés juste avant la saison, en août ou en septembre. J’imagine que ce gibier était dirigé directement vers la pourvoirie, pour être chassé au cours de l’année puisqu’il provenait de fermes à gibier ou de producteurs d’animaux mûrs pour la chasse.

LE JUGE :      J’ai une petite question. Est-ce que le permis donne des renseignements au sujet de l’animal?

R         Le permis indique la classification générale. Le permis indique – le permis indique chasse, élevage ou d’autres utilisations dont je ne me souviens pas.

(Transcription de l’audience, page 239)

[...]

Q         D’accord. Cependant, pour avoir une vue d’ensemble, nous avons trois permis de mouvement de cervidés, soit un pour les animaux destinés à la chasse, un pour les animaux reproducteurs... Bien entendu, ce sont les classifications qui ont été données et l’information qui a été transmise au producteur – il y a donc les animaux de chasse, de reproduction et de boucherie.

R         C’est exact.

Q         En gros, en quoi ces documents vous sont-ils utiles pour caractériser les activités de l’entreprise? Et est-ce que – pardon. Je vous poserai une seule question à la fois. Sur quoi vous basez-vous pour comprendre de quoi il est question?

R         Essentiellement, une partie des animaux aboutissent à l’abattoir. Certains animaux susceptibles d’être dirigés vers la reproduction – la reproduction ou la production de bois de velours, la viande, ou les deux, ainsi que la chasse... pourraient éventuellement servir de gibier.

Q         Ces documents vous ont-ils amené à conclure qu’il s’agit d’un mouvement fluide à l’intérieur d’une exploitation de type statique?

R         J’ai eu l’impression qu’il était fluide parce qu’il était continu. Les trois types d’activités se déroulaient parallèlement. De nouveaux animaux étaient achetés. Certains qui avaient été achetés auparavant avaient été éliminés parce qu’ils ne remplissaient pas les normes de valorisation du troupeau. D’autres étaient de meilleure qualité que prévu. Ils sont dirigés vers la pourvoirie pour y être chassés et vendus comme gibiers. C’est donc un processus dynamique.

Q         Est-ce que ces constatations ont confirmé votre compréhension globale de l’entreprise avant d’enclencher le processus d’indemnisation?

R         Oui, elles concordaient avec l’aperçu que nous avait donné Randy lors de la première réunion.

(Transcription de l’audience, pages 241 et 242)

[169]       Le Dr Graham était aussi au courant de l’abattage intégral du troupeau de WHGR en 2009, mais il n’était impliqué ni dans le processus de 2009 ni dans celui de 2014. Il savait que même si tous les mâles non castrés ont été abattus en 2014, seulement cinq cas ont été détectés. Les documents relatifs à l’abattage intégral confirment l’âge et le sexe des animaux.

[170]       Avant que le ministre rende sa décision définitive, le rapport d’évaluation du Dr Graham avait été soumis à l’examen du directeur régional de l’ACIA, lequel savait déjà que le ranch Willow Hollow n’était pas satisfait de cette évaluation.

[171]       Le Dr Graham a confirmé le montant payé pour le mâle SNOR 901W :

[traduction] C’était le mâle SNOR 901W. Un reçu nous a été transmis pour ce mâle non castré, qui venait de la ferme de Randy Wehrkamp. Je crois que le reçu indique 9 250 $ mais, comme le plafond est fixé à 8 000 $, c’est le montant que nous avons accordé.

(Transcription de l’audience, page 259)

[172]       Le Dr Graham a décrit en détail la démarche suivie pour arriver à son évaluation finale. Ce témoignage porte sur le cœur du litige et mérite un examen attentif :

[traduction] Q         Votre évaluation initiale de la viande se fonde sur les données de l’AWAPCO qui, selon le témoignage de M. Wehrkamp hier – je ne me souviens pas si nous en avons déjà parlé, mais où se trouve l’AWAPCO au juste?

R         L’AWAPCO est la coopérative albertaine spécialisée dans les produits du Wapiti. Je crois qu’elle est située à Leduc ou – quoi qu’il en soit, la coopérative loue les installations d’abattage de Bouvry Meats, à Fort Macleod.

Q         Très bien. Je crois que vous aviez accordé une valeur de 7 $ le kilogramme au début?

R         Effectivement.           

Q         Puis vous avez accordé – pour les mâles destinés à la chasse en 2012, ou les mâles évalués en 2012, les valeurs de 2011 sont-elles aussi indiquées?

R         Exact.

Q         Et quelle valeur avez-vous attribuée à la viande, ou au bois de velours? Excusez-moi, si vous allez au premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième paragraphe – vous avez tout d’abord évalué la livre de bois de velours à 30 $ environ?

R         Oui, 30 $.

Q         C’est cela, 30 $? Bien. Et si nous allons deux paragraphes plus loin, à quoi l’évaluation correspond-elle?

R         Sur la même page?

Q         Oui.

R         La page 47?

Q         Oui, la page 47.

R         J’y suis.

Q         Vous parlez en premier du tiers du troupeau de chasse.

R         C’est exact.

Q         Et quelle valeur avez-vous attribuée aux animaux susceptibles de devenir des trophées?

R         4 000 $, pour ceux qui avaient 370 et plus. Cette valeur vient du système de cotation international.

Q         C’est la dernière phrase avant... merci. Sur la même page – pouvez-vous me dire ce qui est écrit?

R         (Tel que l’extrait a été lu)

Nous sommes disposés à discuter de ces chiffres et à répondre à vos demandes d’éclaircissement, ou à fournir des documents à l’appui.

Q         Après le 25 mars, selon ce que nous avons compris hier, le ranch Willow Hollow a produit une facture supplémentaire. Est-ce que vous êtes au courant?

R         Une facture pour – je ne suis pas...

Q         Veuillez m’excuser. Une facture concernant des animaux achetés après...

R         Oui, je vous suis.

Q         ... l’abattage intégral.

R         Ils avaient acheté des animaux – selon ce que j’ai compris, ils achetaient des animaux pour commencer – probablement pour approvisionner la pourvoirie en vue de la saison annuelle de chasse.

Q         Et d’où venait cette facture ou ce reçu?

R         De Manfred Klettberg.

Q         Vous souvenez-vous du prix d’achat de ces animaux?

R         7 250 $.

Q         En moyenne – j’ai fait des calculs hier, Monsieur Wehrkamp. Vous aviez raison, le prix est de 4 264 $ environ.

R         Vraiment?

Q         Oui, c’est cela.

R         J’ai peut-être arrondi.

Q         Je ne crois pas que 14 $ feront une grande différence mais, par souci de précision, je veux être certain.

R         Je suis désolé pour cette erreur.

Q         Ce n’est pas grave... Disons entre 4 200 et 4 300 $...

R         C’est exact.

Q         ... comme prix moyen...

R         Exact.

Q         ... pour les animaux achetés. Donc, dans votre rapport final, évoqué par M. Wehrkamp hier, quelle valeur avez-vous accordée à ces mâles non castrés?

R         Pouvez-vous m’indiquer l’onglet, Sarah?

Q         Nous parlons de votre rapport final.

R         Oui, je sais.

Q         Nous pourrions nous reporter au – nous avons plusieurs exemplaires, mais nous pouvons utiliser celui qui figure à l’onglet...

R         Je peux... je pense que je peux m’en souvenir.

Q         Pour les besoins de la Cour...

LE JUGE :      Oui.

R         Je suis désolé.

Q         Mme BIRD :     Nous allons nous reporter à l’onglet 122 du...

R         C’est le gros livre.

Q         Oui, à l’onglet 122, la petite reliure de la pièce R-1.

R         C’est exact.

Q         Si on se reporte à la page 3 de cet onglet – en fait, aux pages 3 et 4 – je vous renvoie à cette version du rapport. C’est la même que les autres, mais les caractères sont plus gros. Donc, disions-nous, quelle valeur avez-vous finalement attribuée aux mâles de qualité trophée destinés à la chasse?

R         4 500 $, je crois.

Q         Pardon?

R         Je crois que je leur ai attribué une valeur de 4 500 $.

Q         4 500 $.

R         C’est cela.

Q         Et quelle valeur finale avez-vous attribuée pour le bois de velours?

R         Pour le bois de velours, j’ai attribué une moyenne de 700 $ par mâle, en estimant que chacun produit en moyenne 20 livres de velours, à 35 $ la livre. Donc, pour les mâles utilisés pour la production de velours et de viande, j’ai attribué une valeur de 700 $ pour le velours et 1 675 $ environ pour la viande pour chaque mâle.

Q         D’accord. Donc, pour en revenir à votre rapport et aux prix des trophées de chasse – ou aux valeurs que vous avez attribuées, avez-vous tenu compte de la facture de la ferme Klettberg qui a été produite le 3 avril dans votre évaluation finale?

R         Oui, j’en ai tenu compte.

Q         En réalité, vous aviez indiqué dans votre courriel que vous étiez prêt...

R         Oui, c’est exact.

Q         Que vous étiez prêt à examiner d’autres sources d’information?       Pour ce qui est de – et d’autres renseignements qui auraient pu être pertinents aux fins de l’évaluation des mâles destinés à la chasse, que j’appellerai les trophées. Avez-vous pris d’autres renseignements en considération pour ces mâles?

R         Oui. J’ai utilisé les renseignements fournis par M. Wehrkamp pour 2014. En fait, il s’agit des prix auxquels d’autres personnes avaient vendu des mâles de qualité gibier – selon les différentes échelles de cotation. J’ai dû ensuite décider comment j’évaluerais les trophées, selon la cote moyenne. Je devais trancher. J’ai opté pour une cote moyenne de 400 pouces, soit la moyenne de 350 et 450, ce qui équivalait à peu près aux spécimens chassés les cinq années précédentes, pour la plupart. J’ai donc estimé que 400 constituait un point de départ juste pour l’établissement de la valeur.

LE JUGE :      Je veux être certain de bien comprendre. Vous nous avez bien dit que vous aviez pris en considération les comptes de la ferme Klettberg – pardon, le reçu...

R         Oui, c’est exact.

LE JUGE :      ... de même que les renseignements fournis par M. Wehrkamp concernant ses ventes en 2014, n’est-ce pas? Quel poids leur avez-vous accordé? Comment avez-vous utilisé ces renseignements? Quelle incidence ont-ils eue sur vos calculs?

R         Vous savez, ils ont parlé de – en fait, tout était mis en œuvre pour vendre le plus grand nombre possible de mâles chassés, parce qu’ils trônent au sommet de la chaîne alimentaire pour ce qui est de la valeur et du rendement. Comme les mâles prometteurs avaient été abattus, ils devaient – ils sont dans cette industrie depuis longtemps. Ils soignent leurs relations, et ils devaient acheter des mâles pour leur pourvoirie pour la saison à venir. Ils ont donc obtenu un reçu pour 17 animaux, qui indique un prix moyen de 4 250 $. À mes yeux, ces chiffres sont indicatifs de la valeur des mâles destinés à la chasse. C’est ce que j’ai présumé.

LE JUGE :      D’accord. Ce reçu a donc joué un rôle déterminant dans votre analyse.

R         Oui, j’en ai tenu compte.

LE JUGE :      Très bien. Et quels recoupements avez-vous faits entre les renseignements fournis par M. Wehrkamp et le reçu de M. Klettberg?

R         Eh bien, j’avais choisi 400. Cette cote représente une moyenne.

LE JUGE :      Oui, je vois.

R         À partir des renseignements fournis, j’ai visité des fermes à gibier ou des fermes qui avaient fourni des mâles destinés à la chasse et j’ai établi que, en moyenne, ou du moins ce qui constituait une moyenne à mes yeux – je crois que j’ai visité trois fermes. Le prix moyen – j’ai retenu 4 500 $ parce que c’était juste selon moi, et j’ai pris en compte le prix moyen de 4 250 $.

LE JUGE :      Oui. Merci.

Q         MME BIRD :    J’aimerais poursuivre sur la lancée du juge Russell. Quand vous avez examiné les renseignements figurant à l’onglet 7 de la reliure noire – n’hésitez pas à me corriger si je me trompe – si vous regardez l’onglet 7 à la page 2, c’est-à-dire la liste de prix de 2013 fournie par M. Wehrkamp, en sachant que les animaux de la ferme Klettberg se vendaient entre 4 200 et 4 300 $ en 2014... C’est le prix d’achat qui figure sur le reçu que vous avez sous les yeux, et si vous examinez les documents de M. Wehrkamp, qu’y trouvez-vous?

R         C’est la liste de 213 – de 2013.

[traduction] Q         D’accord. C’est bien, mais où se trouve cette gamme d’animaux?

R         De 391 à 410, le prix est de 4 500 $.

Q         Avez-vous examiné les autres renseignements figurant sous cet onglet, notamment ceux du ranch Elk Valley et du Cosha Farms Elk Ranch, concernant l’application des cotes SCI?

R         Le prix des animaux du ranch Cosha cotés entre 380 et 400 était de 4 500 $.

Q         Et quels étaient les prix des animaux du ranch Elk Valley?

R         Je n’ai pas vraiment pu en tenir compte parce qu’ils sont classés en fonction de l’âge.

Q         Je crois que les cotes SCI sont aussi fournies.

R         Vraiment? Ah bon.

Q         Oui. À votre avis, votre évaluation...

R         Oh, je vois. Exact.

Q         ... était-elle juste aussi?

R         Oui. De 390 à 410, le prix était de 4 700 $.

Q         Mais vous saviez qu’ils avaient acheté des animaux pour remplacer au moins 17 des mâles abattus...

R         Oui, je le savais.

Q         ... à moins de 4 500 $ par tête.

R         Oui, effectivement.

Q         D’accord. Merci.

[...]

LE JUGE :      Allez-y quand vous voulez.

Q         MME BIRD :    Merci. Nous avons déjà parlé de la valeur que vous avez attribuée aux mâles destinés à la chasse et de la méthode que vous avez suivie. Comment avez-vous procédé pour le bois de velours? Vous indiquez dans votre premier rapport – ou dans votre courriel – que vous évaluiez le bois de velours à 30 $ la livre. C’est ce qui a été dit plus tôt, n’est-ce pas?

R         C’est exact.

Q         Puis, dans votre rapport final, vous indiquez que le bois de velours valait 35 $ la livre.

R         Effectivement.

Q         Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez établi la valeur du bois de velours?

R         Eh bien, Randy – M. Wehrkamp – avait indiqué qu’une hausse de 10 à 15 % était prévue pour 2014. J’ai tout simplement ajouté 15 % à la première évaluation de 30 $, et j’ai arrondi à 35 $.

Q         Vous êtes-vous fondé sur les évaluations que vous aviez faites pour le processus d’indemnisation précédent?

R         La fois précédente, j’avais accordé 30 $.

Q         La livre?

R         Oui, par livre de bois de velours.

Q         M. Wehrkamp et le ranch Willow Hollow avaient communiqué le poids moyen des bois de velours vendus en 2013. Nous en avons déjà parlé. En avez-vous tenu compte dans votre évaluation du bois de velours?

R         En fait, ils ont indiqué le poids moyen en fonction du groupe d’âge...

Q         D’accord.

R         ... et non les prix.

Q         Avez-vous demandé d’autres renseignements sur les prix?

R         Non, je ne crois pas. J’avais les données de l’Alberta Elk Commission. Je crois que je les ai examinées.

Q         Je suis désolé. Je ne suis pas certaine que vous avez saisi ma question. Avez-vous demandé au ranch Willow Hollow ou à M. Wehrkamp de vous fournir d’autres renseignements sur les prix, les ventes, ou des reçus...

R         Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Durant la première réunion, j’ai demandé les reçus pour les animaux vivants, le bois de velours, la viande, bref, tout ce qui était disponible.

Q         Et après la première réunion sur l’indemnisation, une fois que vous avez eu entre les mains le rapport final de M. Wehrkamp et d’autres documents, les factures et les reçus concernant le mâle SNOR 901W et les autres documents à l’appui, avez-vous demandé d’autre information?

R         J’ai continué de demander des reçus...

Q         D’accord.

R         ... à plusieurs reprises. J’en avais besoin pour avoir un point de départ.

Q         Et pourquoi était-ce si important? Nous – vous en avez déjà parlé un peu plus tôt.

R         Oui. J’en avais besoin pour établir le profil des animaux en cause et leur valeur aussi actualisée que possible, mais trois ans en arrière.

Q         Vous avez expliqué vos raisons au ranch Willow Hollow et à son représentant?

R         Je crois que – au nombre de fois où je l’ai répété, j’imagine qu’ils étaient au courant.

Q         Si vous examinez – la pièce A-1, soit la reliure noire...

R         Oui.

Q         ... et l’onglet 2, ce sont les pages 27, 28 à – laissez-moi vérifier – 27 à 28, oui... Il s’agit d’une série de courriels échangés entre vous et M. Wehrkamp, n’est-ce pas?

R         C’est exact.

Q         Dans les courriels échangés, demandiez-vous des compléments d’information? Dans le courriel qui remonte à – sur lequel il est marqué 10 h 38, à la page 27.

R         Pouvez-vous répéter?

Q         Le courriel se trouvant au bas de la page, à partir du milieu.

R         Je vois. Au milieu de la page?

Q         Oui, à partir du milieu de la page.

R         Je vois.

Q         Le sceau indique 10 h 38.

R         Je vois.

Q         Dans ce courriel, vous sollicitez des compléments d’information et vous expliquez pourquoi cette information est pertinente?

LE JUGE :      Je pense que c’est assez évident.

MME BIRD :    Je le pense aussi.

LE JUGE :      Y a-t-il une autre interprétation possible, Docteur Graham?

R         Non.

MME BIRD :    Oui. Merci. Je suis désolée. J’essaie de m’assurer que nous gardons...

LE JUGE :      Bien entendu. Je comprends.

Q         MME BIRD :    ... le fil et que vous avez tenu compte de certains éléments concernant le bois de velours et son évaluation. Avez-vous sollicité d’autres – dans votre rapport, vous semblez dire... De quelles autres sources avez-vous obtenu ou tenté d’obtenir des renseignements concernant le prix du bois de velours?

R         Concernant le prix du bois de velours ou les ventes?

Q         Ou les ventes de bois de velours.

R         J’ai indiqué au Dr McLane, qui est attaché au bureau du district de Battleford, que j’étais à la recherche de reçus.

Q         D’accord.

R         Je sais qu’une grande partie du bois de velours est vendue à l’étranger, et qu’un certificat d’exportation est exigé.

Q         Vous avez raison.

R         Par conséquent, je suis certain que toute ferme qui vend du bois de velours passe par le même acheteur que les autres fermes de la province, et qu’un...

Q         ... qu’un – pardon. Poursuivez.

R         ... et qu’un document d’exportation a certainement été exigé, que ce soit pour l’ensemble d’un autre district ou pour ici. Je ne le savais pas. C’est le Dr McLane qui me l’a appris.

Q         D’accord.

R         Il m’a informé que 4 000 livres avaient été vendues en 2013, si je me souviens bien.

Q         Et qu’est-ce que vous...

LE JUGE :      Il vous a donné cette information de vive voix?

R         Oui, de vive voix.

LE JUGE :      D’accord.

Q         MME BIRD :    Et qu’avez-vous compris de ce que le Dr McLane vous a dit? Que le bois de velours avait été acheté ou vendu à un certain prix la livre?

R         Il ne disposait pas de cette information.

Q         Dans votre rapport, vous mentionnez que 4 000 livres avaient été vendues – à quel prix la livre? Soit dit en passant, je n’oublie pas que le rapport a été rédigé il y a une année et demie.

R         Vous parlez de l’onglet 027 ou de mon rapport?

Q         Je parle de votre rapport. Je suis désolée. À...

R         Je crois que j’ai parlé de 4 000 livres, à 30 $ la livre, pour un total de 120 000 $.

Q         Je vois. Vous avez donc sollicité des compléments d’information – ou plutôt, vous avez dit que le Dr McLane vous avait donné cette information. J’aimerais toutefois savoir si vous avez cherché à obtenir d’autres renseignements que ceux que le ranch Willow Hollow vous avait transmis?

R         Comme je l’ai déjà dit, lors de la première réunion... Ce n’était pas la première fois que je rencontrais des gens qui vendaient du bois de velours. Le vendeur reçoit un document sur lequel est inscrit le poids du bois de velours. Des papiers sont fournis, c’est clair.

Q         Et quand vous avez pris connaissance de l’information fournie par le ranch Willow Hollow, avez-vous également – à l’onglet 7, toujours dans la reliure noire, Docteur Graham – à la première page, concernant l’Alberta Elk Commission... Avez-vous également pris connaissance de l’information fournie par le ranch concernant le bois de velours et les prix?

R         Oui, j’imagine que j’en ai pris connaissance.

Q         Vous avez examiné toute l’information fournie par l’appelant?

R         Pour ce qui concerne – aucun reçu n’a été produit pour le poids total vendu. C’est ce qui a été fourni. Randy a parlé du bois de velours lors de la première réunion, de la hausse importante des prix dans les dernières années.

Q         Pouvez-vous – avec l’information que le ranch Willow Hollow a fournie concernant le poids, qui était annexée au rapport du 10 mars du Dr – excusez-moi, de M. Wehrkamp, auriez-vous pu établir la valeur ou la juste valeur marchande du bois de velours en vous fondant seulement sur la production moyenne par animal – ou pas par animal, mais sur la production moyenne d’un mâle pour une année?

R         Il est possible de faire une estimation assez juste si...

Q         En vous fondant sur l’information fournie par M. Wehrkamp, soit le poids moyen du bois de velours?

R         Si le nombre approximatif d’animaux dont la production a été calculée pour établir la moyenne est connu – la production moyenne de bois de velours au cours d’une année...

Q         Disposiez-vous de cette information?

R         En fait, je le l’ai extraite des chiffres transmis après l’abattage intégral. Je crois que du bois de velours aurait pu être prélevé sur 266 animaux. J’ai remonté trois ans en arrière, je pense. Il y avait 200 animaux, peut-être un peu plus, mais autour de 200. Si on divise par 4 000, soit la production totale, on obtient 20 livres environ par animal. Cette moyenne est comparable aux chiffres transmis par M. Wehrkamp pour l’année en question. C’était une estimation plausible.

Q         Pour ce qui a trait aux prix de la viande ou à votre évaluation de la production de viande, dans le premier courriel – je crois que nous en avons déjà parlé – vous indiquez 7 $ le kilogramme environ, et vous avez affirmé – d’où viennent ces prix exactement?

R         De l’AWAPCO.

Q         L’AWAPCO? Ce sont les prix de l’AWAPCO pour 2013. Vous en souvenez-vous?

R         Oui. J’ai appelé. Pouvez-vous m’indiquer à quel onglet se trouve mon rapport?

Q         À l’onglet 122. Votre rapport se trouve aux pages 3 et 4, soit la pièce R-1. Cependant, si l’on se fie aux prix de l’AWAPCO en 2013...

R         C’est exact.

Q         ... je crois que nous pouvons aussi – pour le ranch en particulier, l’information figure aussi dans la pièce A-1, la reliure noire. Je vous renvoie à l’onglet 2, aux pages 64 à 68, je crois. À la page 64, vous pouvez voir un courriel transmis par Bentley Brown à Randy Wehrkamp. Aux pages suivantes, on trouve les prix payés par l’AWAPCO au Willow Hollow Game Ranch en 2013. C’est l’information donnée aux pages 65, 66 et 67, n’est-ce pas?

R         C’est exact.

Q         Et à quelle année correspond l’information donnée à la page 68? Ce sont les prix pour 2011, soit 7,10 $. Le prix en 2011 s’établissait à 7,10 $ par kilogramme de carcasse chaude suspendue, est-ce exact? Je suis à la page 60...

R         C’est exact, c’est ce qui est indiqué.

Q         Très bien. Et quelle valeur avez-vous accordée dans votre rapport final? Je suis revenue à l’onglet 122.

R         Il me semble que c’est le prix de la viande à la date de l’abattage, soit le 13 mars ou le 14 mars 2014.

Q         D’accord.

R         C’est ça, du 14 au 27, en 2014. J’aurais pu diviser ce chiffre pour établir... Mais peu importe, j’ai bel et bien demandé à Cindy les prix exacts de la viande à cette date précise.

Q         Et quel prix par kilogramme avez-vous accordé?

R         Je sais que j’ai accordé 1 675 $ par mâle.

Q         Eh bien...

R         Alors combien – il est indiqué entre parenthèses qu’il s’agit de la valeur moyenne des animaux abattus par l’AWAPCO entre le 13 et le 27 mars. J’ai donc – j’ai parcouru les documents remplis, j’imagine, ou j’ai récupéré – je ne me rappelle pas exactement comment je suis arrivé à ces estimations. Je sais par contre que j’ai parlé à Cindy. J’ai calculé la valeur moyenne selon le poids et multiplié le poids par – de la carcasse habillée moyenne, j’ai multiplié par la valeur que m’a transmise Cindy, et j’ai obtenu 1 675 $. J’ai ajouté 700 $ pour le bois de velours, ce qui donne 2 375 $ par mâle pour la viande et le bois de velours.

Q         Bien. Et avez-vous établi – vous avez utilisé les prix de l’AWAPCO pour 2013, c’est bien ce que vous avez dit?

R         C’est exact.

Q         Et vous l’avez confirmé.

R         C’est exact.

Q         Est-ce que vous – si nous nous fions – je ne vais pas refaire les calculs... Mais si nous faisions les calculs, est-ce qu’un prix de 7,15 $ serait...

R         C’était au moins 7,15 $.

Q         D’accord.

R         Oui.

Q         Vous avez donc utilisé les prix de l’AWAPCO pour 2013. Avez-vous pris en compte l’indemnisation que vous aviez accordée aux fermes Forjay?

R         J’avais fait la même démarche. J’ai téléphoné à Cindy pour obtenir l’information, j’ai multiplié par le poids moyen, ou le poids de la carcasse habillée, pour établir la valeur des animaux abattus...

Q         D’accord.

R         ... en dollars. Je l’ai additionnée à la valeur du bois de velours, et j’ai obtenu la valeur d’un mâle non castré utilisé pour le bois de velours et la viande.

(Transcription de l’audience, pages 267 à 284)

[173]       Le Dr Graham a par la suite expliqué en détail pourquoi il ne pouvait accepter les données du ranch Willow Hollow aux fins de l’évaluation :

[traduction] Q         Selon ce que M. Wehrkamp et le ranch Willow Hollow ont allégué concernant la méthode d’évaluation, et selon ce que nous savons de l’information qui a été transmise, y compris les listes de prix, les factures, les reçus et les documents connexes, aurait-il été possible d’en arriver aux montants réclamés par l’appelant, le ranch Willow Hollow, seulement à partir de l’information fournie?

R         Non, cela n’aurait pas été possible.

Q         Et de quels autres renseignements auriez-vous eu besoin, si jamais?

R         Il faut commencer par établir le profil du troupeau en cause, un profil complet, pour savoir comment un wapiti élevé dans un lieu donné se distingue d’un autre élevé ailleurs.

Q         D’accord.

R         Si vous produisez des factures pour me prouver que vous avez vendu du gibier de façon régulière, tout ce que je pourrai en déduire, c’est que des mâles sont utilisés pour la chasse, et qu’une partie du troupeau d’une ferme est destinée à la chasse. Mais s’il n’existe pas de reçu pour un mâle destiné à la chasse, comment lui attribuer une valeur?

Q         Et effectivement, quand vous avez obtenu des reçus pour des animaux en particulier, vous avez attribué – par exemple, pour SNOR, qui est...

R         C’est exact.

 Q        D’accord. Vous avez donc attribué la valeur maximale au mâle SNOR 901W.

R         C’est exact.

Q         Et donc, si vous aviez reçu un document quelconque concernant les animaux abattus, vous auriez mieux compris comment le ranch Willow Hollow avait établi leur valeur. Si des documents vous avaient été transmis pour des animaux précis, auriez-vous été en mesure d’accorder des indemnités plus proches de celles qui ont été réclamées?

R         Non, pas sans les reçus.

Q         Je vous demande si, avec les factures, vous auriez pu...

R         Les factures des ventes de la ferme?

Q         Oui, ou des factures pour les animaux chassés ou tout autre document que vous n’avez pas reçu – pensez-vous que vos estimations auraient pu se rapprocher de celles qui vous ont été proposées?

R         Peut-être. J’aurais peut-être été en mesure d’estimer plus précisément la proportion du troupeau du ranch qui était de qualité suffisante pour la chasse.

Q         D’accord.

R         Les reçus m’auraient donné une idée de la valeur en gros d’un mâle destiné à la chasse et, de là, j’aurais pu déterminer la valeur des mâles utilisés à la fois pour le bois de velours et pour la chasse. Cependant, j’ai pu évaluer uniquement la valeur de viande et du bois de velours. C’était assez simple.

Q         J’aimerais revenir brièvement sur le rapport du Dr Bischop, que vous avez reçu...

LE JUGE :      Tout d’abord, avant d’aborder ce sujet – nous pourrons y revenir plus tard. M. Wehrkamp nous a expliqué hier que ces reçus n’existaient pas parce que, si j’ai bien compris, des ententes d’achat en bloc avaient été conclues et aucun reçu pour l’achat d’animaux individuels n’avait été produit. Il pensait que cette explication vous avait été donnée. Est-ce que – aviez-vous reçu cette explication?

R         Pas à ce moment, non.

LE JUGE :      D’accord. Vous ne saviez donc pas – vous n’étiez pas au courant des ententes d’achat en bloc qui...

R         Plus tard au cours des négociations, peut-être – durant l’une des discussions téléphoniques que j’ai eues avec M. Wehrkamp, ou peut-être dans un courriel, je ne me rappelle plus. J’ai appris que les animaux étaient achetés par l’intermédiaire d’un courtier...

LE JUGE :      Oui.

R         ... et que, pour cette raison, les reçus ne pouvaient pas être fournis.

LE JUGE :      D’accord.

R         Je parle des mâles chassés...

LE JUGE :      Oui.

R         ... qui sont vendus...

LE JUGE :      Oui, je comprends.

R         ... et non de ceux qui sont achetés.

LE JUGE :      D’accord.

R         C’était ce qui m’intéressait. Je voulais connaître le prix d’achat des mâles non castrés. Les ventes étaient – cela en fait partie puisque, quand du gibier chassé est vendu, c’est une vente au détail.

LE JUGE :      Oui. Très bien.

R         Je voulais connaître les prix d’achat en gros.

LE JUGE :      D’accord. Nous parlons des autres animaux du troupeau, ceux qui restent après la chasse, n’est-ce pas?

R         Oui, c’est exact.

LE JUGE :      Il nous a dit qu’il ne pouvait pas vous donner des reçus pour ces animaux puisqu’ils faisaient partie d’un achat en bloc. Vous savez, il n’y a pas – j’imagine qu’il est difficile d’identifier ces animaux.

R         Ce n’était pas un achat en bloc. C’était une vente en bloc.

LE JUGE :      Une vente en bloc.

R         Oui, une vente au détail. Je voulais de l’information sur un achat en bloc de mâles non castrés...

LE JUGE :      D’accord.

R         ... qui seraient éventuellement vendus par l’entremise d’un courtier.

LE JUGE :      Je vois. Très bien. Mais vous saviez que – avant de rédiger votre rapport final, vous aviez déjà eu cette conversation avec M. Wehrkamp, n’est-ce pas?

R         Je savais que le gibier chassé était vendu par l’entremise d’un courtier.

LE JUGE :      Très bien. D’accord. Merci.

Q         MME BIRD :    J’aimerais revenir sur la question du juge Russell. Hier, M. Weber nous a parlé d’un groupe d’animaux vendus au ranch Willow Hollow, dont plusieurs – ou quelques-uns ont aussi été abattus. Si, par exemple, on vous avait fourni le reçu de vente ou d’achat de ces animaux, étant donné la rapidité avec laquelle – si on vous avait transmis ce type d’information, auriez-vous été en mesure de faire le plus de recoupements possible avec les animaux abattus qui figuraient sur le permis de mouvement de cervidés?

R         C’est juste.

Q         Vous auriez pu faire des recoupements et dresser un portrait ou avoir une idée des catégories d’animaux qui avaient été achetés, même dans cette...

R         Cela aurait été possible parce qu’il était indiqué, je crois, que 34 mâles avaient été achetés en janvier – à la fin de janvier 2013. Il aurait été possible de comparer les identifiants figurant sur le permis de mouvement de cervidés aux données des fiches d’abattage, puisque les animaux ont été identifiés avant leur départ vers l’abattoir. C’est comme si on disposait de fiches d’information en double. Des recoupements auraient pu être faits entre ces doubles pour déterminer combien il reste d’animaux au ranch. Donc, si 15 animaux sur 34 sont abattus, il en reste 19. Qu’est-il arrivé à ces 19 animaux? Certains ont pu être dirigés vers la pourvoirie. D’autres ont peut-être été envoyés à l’abattoir. Il y a donc le gibier et les animaux envoyés à l’abattoir. Certains animaux ont été conservés – même s’ils avaient été gardés pour leurs bois de velours, ils ont été abattus. Cela donne une idée de la composition mixte du troupeau...

Q         D’accord.

R         ... avec cette particularité – il y a eu un autre durant le même mois, à la fin de janvier 2013. Il s’agissait de mâles, mais aucun reçu n’est disponible.

LE JUGE :      Vous avez dit qu’il aurait été possible de faire des recoupements. Avez-vous fait cet exercice?

R         J’ai fait des recoupements avec les fiches d’indemnisation. Les sommes sont versées en fonction des fiches d’indemnisation s’appliquant aux animaux détruits. J’ai fait les recoupements avec le permis de mouvement de cervidés – dans certains cas, les deux permis étaient disponibles et indiquaient qu’une ordonnance de destruction avait été émise pour les animaux en question.

LE JUGE :      Donc, vous avez fait des recoupements. Ont-ils eu une influence quelconque sur votre méthode d’évaluation?

R         Essentiellement, j’ai présumé que certains animaux qui n’étaient manifestement pas là au cours de l’année avaient probablement été envoyés à l’abattoir.

LE JUGE :      Oui. D’accord.

R         D’autres avaient pu être dirigés vers la pourvoirie, et ceux qui restaient avaient fort probablement été conservés, s’ils avaient une valeur pour l’abattage – pas pour l’abattage, pour leurs bois de velours – ils ont pu être conservés dans l’espoir d’en faire du gibier. À ce stade, ils ont pu être déplacés. Autrement, si la production de bois de velours ne justifiait pas de les garder, les mâles étaient dirigés vers l’abattoir. C’est un processus dynamique.

LE JUGE :      Je vois. Et vous avez tenu compte de cette dynamique dans votre évaluation.

R         Eh bien, à part – je savais qu’il y avait différentes catégories d’animaux, mais je voulais déterminer le pourcentage de chacune.

LE JUGE :      Oui.

R         C’est pour cette raison que j’ai demandé – quel était le profil du troupeau. Il est possible d’établir un profil en recoupant les permis et les formulaires d’indemnisation, mais on peut aussi l’obtenir – les reçus donnent aussi des indications.

(Transcription de l’audience, pages 284 à 291)

[174]       Le Dr Graham a expliqué pourquoi il avait refusé l’évaluation proposée dans le rapport du Dr Bischop :

[Traduction] R         Je l’ai lu, mais il exprimait des réserves à la fin. Il n’y avait aucun – je crois que les chiffres utilisés étaient ceux qui lui avaient été fournis par Randy, et ils n’étaient pas justifiés par des reçus. Les reçus étaient probablement contradictoires et auraient peut-être enlevé du crédit au rapport.

Q         Ce rapport figure à l’onglet 122 de la pièce R-1, aux pages 6 à 11. Je m’excuse si vous en avez déjà parlé.       Vous avez donc tenu compte d’une partie du rapport, en tenant compte des réserves exprimées quant à...

R         C’est exact.

Q         ... l’information?

R         Oui... c’est exact.

Q         D’accord. Très bien, parce qu’il y a certainement – nous parlerons de ce rapport en détail un peu plus tard mais, quand vous l’avez parcouru – quelle a été votre réaction initiale, ou qu’avez-vous pensé des éclairages qu’il pouvait vous apporter?

R         J’avais du mal à comprendre comment certains calculs avaient été faits, à partir de 2001 jusqu’à 2010. Je crois qu’à ce moment, Clarence se bornait à affirmer que le troupeau comptait des bêtes de qualité suffisante pour la chasse et qu’une partie – si c’était le cas, s’il existait des éléments de preuve, la valeur devait être établie en fonction de l’âge, puisque les animaux plus vieux sont plus susceptibles de servir de gibier et d’être de qualité supérieure, mais...

Q         Je m’excuse. Monsieur le Juge, avez-vous...

LE JUGE :      Non. Dans les éléments à considérer, et plus particulièrement le deuxième, vous dites ce qui suit (tel que l’extrait a été lu) :

Le Dr Bischop a attribué une valeur de 4 800 $ en tenant pour acquis que tous les mâles du troupeau étaient de qualité trophée.

Est-ce que vous le voyez, Docteur Graham?

R         À quelle page?

LE JUGE :      Je pense que c’est à la deuxième page, à la rubrique des éléments à considérer.

R         Dans mon rapport ou dans le sien?

LE JUGE :      Je crois que vous commentez le rapport... vous avez signé ce rapport le 2 mai 2014. Si votre dossier est ouvert, c’est à l’onglet 122.

R         122?

LE JUGE :      Oui.

R         Je vois. Bien.

LE JUGE :      Si vous tournez la page...

R         Je suis d’accord.

LE JUGE :      ... vous tombez sur les éléments à considérer.

R         Je suis d’accord.

LE JUGE :      Au paragraphe 2.

R         Je suis d’accord. J’y suis. (tel que l’extrait a été lu) :

Le Dr Bischop a attribué une valeur de 4 800 $ en tenant pour acquis que tous les mâles du troupeau étaient de qualité trophée. J’ai demandé au ranch Willow Hollow et à M. Wehrkamp, à trois reprises au moins, de me fournir des reçus et des documents attestant que c’était réellement le cas.

Dans ce rapport, il est tenu pour acquis que tous les mâles non castrés étaient de qualité trophée, mais je n’étais pas d’accord.

LE JUGE :      Et pouvez-vous nous redire pourquoi vous avez conclu qu’il avait considéré tous – que tous les mâles étaient de cette qualité? Comment êtes-vous arrivé à cette conclusion?

R         En raison des valeurs attribuées.

(Transcription de l’audience, pages 291 à 294)

[175]       Lors du contre-interrogatoire, le Dr Graham a confirmé qu’il avait très peu d’expérience en matière d’indemnisation avant l’évaluation du ranch Willow Hollow. Il a également admis que l’ACIA ne lui avait donné aucune formation sur les évaluations.

[176]       Le Dr Graham a confirmé que la copie papier de l’ordre du jour de la réunion du 5 mars 2014 avait été fournie le 11 mars 2014.

[177]       La discussion qui suit est importante pour ce qui concerne les chiffres des fermes sources qui ont été fournis par le ranch Willow Hollow :

[traduction] Q         D’accord. Est-il vrai que les animaux de certaines fermes peuvent présenter un profil génétique exclusif?

R         C’est effectivement possible.

Q         Par conséquent, on peut prétendre à juste titre, comme nous le disons dans le rapport, que le profil génétique des animaux de certaines fermes leur confère une valeur supérieure, moyenne ou inférieure, et que les fermes que nous avons identifiées, comme la ferme Friedel, produisent des animaux dont la génétique est supérieure.

R         Dans la liste – la liste contient trois colonnes, soit productivité supérieure, moyenne et modérée.

Q         C’est juste.

R         C’est votre évaluation, Randy.

Q         Exactement. La question...

MME BIRD :    Il serait peut-être utile pour le Dr Graham d’avoir ces pages sous les yeux.

LE JUGE :      D’accord. Ce serait sans doute utile. Où devons-nous regarder – pouvez-vous nous indiquer où ça se trouve?

M. WEHRKAMP :     Volontiers. C’est à l’onglet 4, dans la reliure noire. Je pose cette question parce que l’élément clé, ou l’un des éléments clés...

LE JUGE :      Laissez-lui – c’est à la page 2, n’est-ce pas?

M. WEHRKAMP :     Exact.

LE JUGE :      Oui, cette liste.

Q         M. WEHRKAMP :     L’avez-vous trouvée, Docteur Graham?

R         Oui.

Q         D’accord.

R         Je l’ai trouvée.

Q         Je pose cette question parce que, pour établir la valeur marchande, la valeur de remplacement, l’indemnisation juste – ou quelle que soit l’expression que vous choisirez, parce qu’elles sont plus ou moins synonymes selon moi –, ne faut-il pas tenir compte des caractéristiques génétiques de certains animaux et de certains groupes, qu’ils aient été achetés en bloc ou individuellement?

R         Oui, ça peut être utile.

Q         D’accord. Dans quelle mesure l’ACIA a-t-elle accès à cette information?

R         Comme vous l’avez affirmé hier, dans cette industrie, les transactions se font de gré à gré. Personne n’est au courant des affaires des autres. Il y a beaucoup d’information. Mais personne n’y a accès. Le gouvernement n’y a pas accès. Vous me demandez de vous croire sur parole. Vos animaux sont très, moyennement ou modérément productifs. C’est ce que vous affirmez, et je dois vous croire.

Q         Dans ce document en particulier – il est question de mâles – ces producteurs ont une vaste expérience. Ils ont participé à des concours de bois. Ils ont obtenu des résultats exceptionnels et, honnêtement, nous sommes tout à fait d’accord pour dire que tous les wapitis ne naissent pas égaux. Le but est de transmettre de l’information à l’ACIA...

R         C’est juste.

Q         ... de faciliter le processus.

R         C’est juste.

Q         C’est tout à fait simple.

R         Oui, je comprends.

(Transcription de l’audience, pages 304 à 306)

[178]       Au cours du contre-interrogatoire, le Dr Graham a rejeté l’allégation selon laquelle il avait mal saisi les activités du WHGR :

[traduction] R         Si vous lisez mon rapport, à l’onglet 122, il y est écrit que le troupeau de wapitis du ranch Willow Hollow produit de la viande, du bois de velours et du gibier de chasse. Mon évaluation tient compte de ces trois volets.

Q         Vous placez la production de viande en premier, le bois de velours en deuxième, et...

R         Non.

Q         ... la chasse en troisième?

R         Mon but était justement de ventiler les activités entre la viande et le bois de velours, et d’ajouter la chasse.

Q         Mais n’aurait-il pas été mieux de nommer l’activité principale en premier au lieu de...

R         Honnêtement...

Q         Ne serait-ce pas la procédure normale?

R         C’est une énumération. Je ne suis pas certain d’avoir – j’imagine que j’aurais pu inverser l’ordre sur ma liste. Mais est-ce que cela aurait signifié que la chasse constituait le volet principal? Si, à long terme, tous les mâles en venaient à posséder des attributs de gibier et étaient vendus à ce titre, ce serait extraordinaire. Je comprends bien tout cela, Randy. Seulement, les mâles n’y arriveront pas tous. Les bons producteurs de bois de velours sont conservés. Ceux qui ne sont même pas bons pour le velours sont éliminés. C’est un processus dynamique.

Q         Le...

LE JUGE :      Permettez-moi de revenir sur cette question. Donc, au moment de votre évaluation, Docteur Graham, vous n’avez pas pu déterminer la vocation principale du ranch Willow Hollow? Vous saviez que ses activités se divisaient en trois volets, n’est-ce pas?

R         C’est juste.

LE JUGE :      Toutefois, à vos yeux, aucun de ces volets n’était plus important?

R         Non, pas à partir des renseignements fournis. Ils m’ont donné un plan de match, c’est tout. Ils souhaitaient revenir à la situation antérieure, parce que la chasse – c’était leur objectif, je crois, mais ils avaient repris les activités en 2009 seulement, soit depuis six ans. Ils avaient acheté des animaux, en avaient réformé, acheté d’autres, et ainsi de suite, dans l’espoir de – il ne faut pas oublier que des femelles sont aussi en cause. L’objectif était de ne plus avoir à acheter de mâles non castrés pour la chasse, difficiles à trouver, ou de les produire eux-mêmes. Il est plus rentable de produire ces mâles que de les acheter ailleurs.

LE JUGE :      Selon le témoignage de M. Wehrkamp, vous avez décrété que le ranch Willow Hollow élevait essentiellement des animaux de boucherie.

R         Pas du tout.

Q         M. WEHRKAMP :     C’est ce que vos évaluations laissent entendre, du moins à nos yeux.

R         Si vous m’aviez fourni plus de documents indiquant un nombre supérieur d’animaux chassés, j’aurais attribué un plus fort pourcentage au volet chasse et moins à la production de viande, de sorte que la valeur composite aurait été supérieure.

Q         Nous vous avons fourni des documents faisant état de ventes de gibier de 275 000 $ environ en 2013. Nous avons fourni – vous aviez de l’information...

R         Quand avez-vous...

Q         ... indiquant que 120 000 $...

LE JUGE :      Est-il possible de nous dire quand cette information a été fournie, pour rafraîchir la mémoire du Dr Graham?

M. WEHRKAMP :     Cette information a été transmise de vive voix par Bentley Brown lors – à la réunion.

LE JUGE :      D’accord. C’est bien.

Q         M. WEHRKAMP :     Les documents concernant – les chiffres concernant les ventes de gibier figurent aussi à l’onglet 6 – dans les tableaux dont nous avons parlé – Docteur Graham, les voyez-vous?

R         Oui, la valeur des mâles adultes – l’évaluation.

Q         Oui. Nous vous avons fourni de l’information sur la taille des mâles tués...

R         C’est juste.

Q         ... par des chasseurs.

R         C’est juste.

Q         Nous vous avons proposé une juste valeur marchande – une évaluation des mâles à ce moment.

R         C’est juste.

Q         Nous vous avons aussi indiqué le pourcentage d’animaux chassés selon la catégorie ou la taille.

R         C’est juste.

Q         Nous avons ensuite extrapolé pour établir un nombre de mâles. Selon votre témoignage – est-ce que vous me suivez?

R         Dans la partie supérieure, je vois la moyenne historique sur cinq ans, le nombre de mâles, le pourcentage d’animaux chassés, selon la valeur moyenne sur cinq ans des mâles chassés et le coût total de remplacement. Est-ce que je suis au bon endroit?

Q         Oui, exactement. À vrai dire, je viens de remarquer qu’à la colonne – un, deux, trois – à la quatrième colonne, où figure la valeur des mâles chassés, il s’agit des valeurs établies pour l’indemnisation de l’ACIA, et non de la valeur totale du gibier.

R         Je suis d’accord.

Q         Mais – vous me suivez bien?

R         Je pense que je comprends bien.

Q         Ces chiffres correspondent au nombre d’animaux chassés. Il a déjà été convenu qu’une moyenne de 31 mâles étaient chassés chaque année.

R         C’est juste.

Q         Ou, pour être plus précis, 30,8 en moyenne.

R         Oui.

Q         Dans votre témoignage – nous avons reconnu et convenu que les ventes annuelles de bois de velours avoisinaient les 120 000 $.

R         C’est exact. En 2013.

Q         Oui, en 2013.

R         C’est tout ce que je peux dire.

Q         Nous sommes d’accord. Et nous savons que, toujours en 2013, les ventes de viande ont atteint plus ou moins 90 000 $. Nous sommes toujours d’accord?

R         Selon – vous dites que cette information a été transmise de vive voix à la réunion. Je ne m’en souviens pas, mais...

Q         Cette information se trouve sur les reçus des ventes de viande en 2013, qui figurent aussi dans ce document. Je pense que c’est à l’onglet 11, où figurent les résultats globaux du programme de réforme. Ils sont inclus parce que...

LE JUGE :      À l’onglet 11 – Docteur Graham, connaissiez-vous cette information ou saviez-vous qu’elle existait?

R         Très franchement, je n’en suis pas certain.

Q         M. WEHRKAMP :     D’accord.

R         Je n’en suis pas certain.

Q         D’accord.

R         Désolé.

Q         Pas de problème. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est question du programme de réforme en 2013, dont les ventes totalisent 90 000 $ environ. De toute évidence, la viande a moins rapporté au ranch que les autres volets d’activité.

R         Cette année-là.

LE JUGE        Étiez-vous au courant?

R         Au sujet du chiffre des ventes de 90 000 $? Non, je n’étais pas au courant.

M. WEHRKAMP :     Voilà.

LE JUGE :      Les chiffres indiqués à l’onglet 11, qui proviennent de l’AWAPCO, figuraient-ils dans des documents que vous avez transmis?

M. WEHRKAMP :     Ces documents n’ont pas été fournis sur papier au Dr Graham.

LE JUGE :      D’accord. Comment l’information lui a-t-elle été transmise alors? Lors de votre témoignage – vous ne pouvez plus témoigner mais, quand vous avez témoigné, que nous avez-vous dit au sujet de la transmission au Dr Graham de l’information concernant les ventes de viande de 90 000 $?

M. WEHRKAMP :     Nous lui avons donné cette information à la réunion du 5 mars.

LE JUGE :      De vive voix. Je vois. C’est très bien. Je vais jeter un coup d’œil.

Q         M. WEHRKAMP :     Merci. En fait, aux fins de l’évaluation et d’un point de vue commercial, l’activité principale est logiquement celle qui génère le plus de revenus. Cela relève du sens commun en affaires. C’est celui qui ressortira sur les factures, que l’entreprise vende des cervidés ou des voitures, ou qu’elle les répare. C’est logique, non?

R         Pouvez-vous répéter, Randy?

Q         Bien entendu. Aucun problème. Avec grand plaisir. Si une entreprise vend divers produits ou si ses activités sont diversifiées...

R         Oui.

Q         ... son volet principal sera celui qui génère les ventes ou le revenu le plus important, que ce soit par l’ARC ou au nom du bon sens commercial.

R         À un moment donné.

Q         Nous sommes d’accord. Donc, nous avons entendu des témoignages comme quoi l’information sur les ventes se rapportait au volet chasse. L’information sur les volumes de vente a été transmise lors la première réunion, le 5 mars. Cette information vous a été fournie, du moins de vive voix?

R         Si c’est le cas, je ne m’en souviens pas du tout.

(Transcription de l’audience, pages 307 à 313)

[179]       Lors d’un autre échange clé, le Dr Graham a affirmé qu’il n’avait pas tenu compte des renseignements figurant sur les permis de mouvement de cervidés :

[traduction] Q         Vous avez mentionné que vous aviez besoin de reçus pour déterminer si les mâles achetés étaient destinés à la production de bois de velours ou de viande, ou à la chasse. Vous avez indiqué que vous auriez pu faire cet exercice à partir d’un reçu se rapportant à un bloc d’animaux.

R         Je pense qu’il est possible – qu’un reçu peut donner une bonne idée de ce qui a été acheté. La facture qui y est agrafée peut contenir des détails comme l’âge et le sexe, et indiquer un total.

Q         Mais ce qui nous intéresse, ce sont les mâles non castrés...

R         Dans ce dossier en particulier...

Q         ... aux fins de la présente procédure d’indemnisation.

R         Oui.

Q         Sur un reçu concernant un bloc, un achat en bloc – si vous me le permettez, je vais expliquer ce qu’est un achat en bloc. Lorsqu’elle fait un achat en bloc, une ferme achète un groupe de mâles à une autre ferme. Elle n’obtient pas une liste de chaque animal du groupe. Vous comprenez?

R         Oui, je comprends.

MME BIRD :    Je tiens à être bien certaine que c’est clair – je ne me souviens pas du mot exact que M. Wehrkamp a suggéré dans son témoignage, mais je veux m’assurer qu’il pose de véritables questions, parce que j’ai eu l’impression au début qu’il tentait d’apporter de nouveaux éléments de preuve.

LE JUGE :      Eh bien...

MME BIRD :    C’était une affirmation, et...

LE JUGE :      Comme vous pouvez le constater...

MME BIRD :    Mais il a ensuite répondu...

LE JUGE :      ... ce n’était pas le cas. Il lui a simplement demandé s’il était d’accord.

MME BIRD :    C’est juste.

LE JUGE :      Rien ne l’en empêche. Poursuivez.

Q         M. WEHRKAMP :     Si c’est le cas, si vous avez – qu’il s’agisse ou non d’un reçu, si je vous dis aujourd’hui que j’ai acheté 100 mâles non castrés, qu’ai-je acheté?

R         Randy, vous devriez avoir un permis de mouvement de cervidés.

Q         Et qu’est-ce que ce permis vous apprendra?

R         Il m’indiquera l’âge. Il m’indiquera le sexe.

Q         Vous avez déjà cette information, non?

R         Oui, nous l’avons.

Q         Vous aviez déjà cette information. Vous aviez déjà en main tous les permis de mouvement des cervidés du Willow Hollow Game Ranch.

R         Oui, nous les avions.

Q         Donc, vous aviez déjà cette information.

R         C’est juste.

Q         D’accord. La seule chose – vous saviez que les animaux achetés par le ranch...

R         C’est juste.

Q         ... vous saviez d’où ils venaient. Vous connaissiez leur âge. Vous connaissiez leur sexe.

R         C’est exact.

Q         Vous saviez s’ils étaient désignés comme des reproducteurs ou comme du gibier.

R         Comme je travaille pour le gouvernement, je sais que les catégories reproduction, gibier ou boucherie sont souvent – je l’ai constaté dans mon propre bureau, les classifications ne sont pas toujours bien utilisées.

Q         Il y a donc un problème, des possibilités d’erreur, si je vous comprends bien.

R         En fait, lorsque vous achetez – disons 34 mâles. Vous les amenez et vous déterminez quel type d’animaux vous avez. Vous les répartissez selon les catégories. S’ils ont du potentiel, ils sont conservés pour le bois de velours, comme je l’ai déjà dit. S’ils sont de plus grande qualité encore, ils seront élevés pour la chasse. Ceux qui sont de moindre qualité sont envoyés à l’abattoir.

Q         Si vous avez déjà cette information, comme vous l’avez confirmé, vous avez ce qu’il vous faut, selon ce que vous nous avez dit, pour déterminer si un animal est destiné à la chasse, ou du moins une bonne partie de l’information nécessaire pour faire cette évaluation...

R         Il faut un reçu pour corroborer l’information, Randy. Si, dans un groupe de 34 mâles non castrés, 20 sont bons pour la chasse, cela équivaut à 24 000 $ – pour un total de 80 000 $. Cependant, si tous les animaux sont de qualité inférieure et bons seulement pour la boucherie, ils ne vaudront pas 80 000 $. Ils vaudront beaucoup moins. Cela vous donne une idée du portrait bigarré du groupe.

Q         Mais vous avez aussi indiqué que vous aviez besoin de l’information figurant sur les permis de mouvement pour prendre une décision. C’était l’élément clé – de votre évaluation. Vous aviez cette information.

R         Oui, l’information existe, mais si vous l’avez – et vous devriez l’avoir. Selon mon expérience, les commerçants écrivent « payé » quand c’est payé au complet, et le montant est ventilé selon le nombre d’animaux dans la catégorie reproduction, gibier, bois de velours, et je ne sais quoi. La valeur est indiquée selon la classification, avec le total au bas.

Q         Je ne sais pas trop quoi dire parce que...

LE JUGE :      Concernant l’information sur les formulaires de mouvement de cervidés et les catégories indiquées, en avez-vous vraiment tenu compte, ou avez-vous simplement décidé de l’ignorer parce que vous ne l’estimiez pas fiable?

R         Je savais que ces permis existaient.

LE JUGE :      Oui.

R         Je savais que des animaux avaient été achetés au cours de la dernière année, mais des animaux avaient aussi été achetés durant les six années précédentes – comme je l’ai déjà expliqué, des animaux avaient été conservés pendant une année pour déterminer leur potentiel, puis ils avaient été envoyés à l’abattoir. Des animaux jeunes qui semblaient prometteurs avaient été conservés pour leurs bois de velours. C’était un processus continu.

LE JUGE :      Oui.

R         Mais oui, les reçus m’auraient donné une idée.

LE JUGE :      Je comprends que vous auriez souhaité avoir les reçus, mais il a été suggéré que vous disposiez de toute l’information voulue, et que vous auriez pu utiliser les permis de mouvement de cervidés. Auriez-vous pu vous appuyer sur ces permis, oui ou non? Avez-vous utilisé ou auriez-vous pu utiliser cette information?

R         Non, je ne l’ai pas utilisée parce que le mot gibier [hunt en anglais] est trop général. De la façon dont il est utilisé, ce mot signifie simplement qu’une entente a été conclue avec un tiers qui souhaite aller à la chasse pour capturer un mâle que vous lui fournissez à un prix convenu. Peu importe que ce mâle ait une taille de 500 ou de 250 pouces, une entente est conclue.

LE JUGE :      Très bien. Si j’ai bien compris, vous n’avez pas pris cette information en compte dans vos calculs.

R         Non, aucunement.

(Transcription de l’audience, pages 317 à 321)

[180]       La discussion suivante nous éclaire l’évaluation du gibier chassé.

[traduction] Q         D’accord. Quelle est la valeur d’un mâle non castré de 400 pouces qui a été tué à la chasse?

R         Vous voulez le prix de détail ou de gros?

Q         Le prix de gros. Mais d’accord pour le prix de détail. Nous avons les prix au détail.  Nous en avons déjà parlé.

R         Oui, nous en avons parlé tout à l’heure. J’ai opté pour 400.

Q         Oui.

R         Et j’ai attribué une valeur de 4 500 $.

Q         Pourquoi n’avez-vous pas – pour revenir à cette question, pourquoi avez-vous utilisé une valeur moyenne, alors que les registres du ranch vous avaient été fournis...

R         C’est exact.

Q         ... et indiquaient les moyennes pour les 31 animaux chassés et – vous disposiez de cette information précise concernant le ranch. Cette information vous avait été transmise.

R         À quel onglet faites-vous référence?

Q         Il s’agit du rapport de l’évaluateur, à l’onglet numéro – comment oublier – je m’en souviendrais. C’est à l’onglet numéro 6. C’est votre évaluation des mâles, à la troisième page.

R         Celle dont nous avons déjà parlé?

Q         Oui, celle-là.

R         Il y en a 151. Puis-je me lever, Monsieur le Juge?

LE JUGE :      Bien sûr. Je vous en prie.

R         Il y a 151 mâles non castrés. Si je divise par 5, j’obtiens 31. D’accord?

Q         M. WEHRKAMP :     Exact.

R         Je suis d’accord. Ces mâles sont ceux qui ont été tués à la chasse au cours des cinq années précédentes.

Q         Si.

R         Des cotes leur ont été attribuées – quelle proportion des 151 mâles, quelle était la ventilation des mâles selon les cotes? Tout au bas, vous voyez le nombre de mâles non castrés en fonction de l’âge. Ces mâles sont ceux qui étaient toujours dans le troupeau du ranch au moment de l’abattage intégral, n’est-ce pas?

Q         Concentrons-nous, si vous le voulez bien, sur la partie supérieure et laissons de côté...

R         Je suis d’accord.

Q         ... le nombre total de mâles pour l’instant. Nous y reviendrons.

R         Très bien. Vous affirmez que ce sont les mâles qui ont été chassés au cours des cinq années précédentes. J’ai l’impression tout à coup de mener le contre-interrogatoire.

Q         C’est aussi mon impression.

R         Quoi qu’il en soit, pouvez-vous m’expliquer ce que les chiffres des cinq années précédentes ont à voir avec les mâles qui ont été détruits?

Q         Ils ont tout à voir! Mais tout d’abord, êtes-vous d’accord pour dire que les données du tableau sont raisonnables et nous donnent une image claire des cinq dernières années?

R         Ce tableau donne une image claire des mâles chassés dans les cinq dernières années.

Q         C’est ce que je voulais vous entendre dire. Merci.

R         Je suis d’accord.

Q         Pourtant, votre évaluation s’applique à un mâle non castré de 400 pouces.

R         Nous y revenons encore. Ce que vous – le passé n’a rien à voir – vous en achetez toujours de nouveaux. Ce n’est pas comme si vous étiez – comme si le ranch Willow Hollow avait toujours les mêmes vaches depuis 11 ou 12 ans. Dans ce cas, vous savez que, d’année en année, le profil génétique est maintenu, il a été développé, il y a une constance. Dans votre cas, vous achetiez, vous réformiez, vous achetiez, vous réformiez. Il n’y a pas de constance d’une année à l’autre. Comment pouvez-vous affirmer que les données des cinq dernières années peuvent être extrapolées aux cinq années suivantes? Ce n’est pas possible.

Q         Le troupeau pourrait s’améliorer.

R         Il pourrait s’améliorer, il pourrait se détériorer, alors j’ai choisi un entre-deux, 400.

Q         Il me semble plus précis d’utiliser les données historiques existantes et de faire des projections.

R         Si les données historiques sont exactes.

Q         D’accord.

R         Ces données sont exactes, mais si...

Q         D’accord. Merci.

R         ... mais il est impossible – ce serait possible si tous les autres paramètres étaient constants. Dans ce cas-ci, ils ne l’étaient pas.

Q         Je ne veux pas rediscuter de cela...

R         Je suis d’accord.

Q         ... avec vous. Nous avons des données historiques et, juste pour clore cette partie, permettez-moi de récapituler ce que je crois avoir entendu. Les données réelles des cinq années antérieures n’ont pas été prises en compte pour estimer la valeur future. Une moyenne arbitraire de 400 a été appliquée. Est-ce bien ce que vous avez dit? Oui ou non?

R         C’est exact.

(Transcription de l’audience, pages 322 à 325)

[181]       La discussion suivante porte sur l’importante question de l’âge auquel un mâle non castré est considéré mûr pour la chasse :

[traduction] Q         À quel stade de son développement un mâle non castré devient-il adulte et donc mûr pour le marché de la chasse?

R         Eh bien, dès qu’il atteint les dimensions requises pour être considéré comme du gibier chassable.

Q         Et quelles sont les dimensions minimales, selon vous?

R         Selon moi? Il est possible de chasser – comme je l’ai dit, vous pouvez chasser les mâles que vous voulez pourvu que – le prix peut être très bas, pas beaucoup plus que le prix de la viande. Alors pourquoi se casser la tête?

Q         Est-ce à vous de décider ou à Willow Hollow?

R         Ce n’est pas à moi de décider. Tout ce que je veux dire, c’est que...

Q         Vous avez dit pourquoi se casser la tête, et...

R         Non. Je dis simplement...

Q         J’aimerais entendre votre réponse. En effet, pourquoi se casser la tête?

R         Vous m’avez demandé à quel âge un mâle non castré était mûr pour la chasse.

Q         C’est juste.

R         L’âge du mâle importe peu si quelqu’un est prêt à l’acheter.

Q         Je vois. Donc, à titre de représentant de l’ACIA, de président et d’auteur du rapport, quel âge avez-vous fixé? Dans votre rapport, vous appliquez – à combien de mâles non castrés, jugés adultes et mûrs pour le marché de la chasse les indemnités accordées s’appliquent-t-elles?

R         15 % sur 200, je crois.

Q         D’accord. Ce sont 31 mâles environ aux fins...

R         C’est cela.

Q         Vous avez reconnu les données des années antérieures, et vous en avez tenu compte, même si...

R         C’est très précis – c’est le nombre de mâles chassés. Il est impossible – même si vous savez combien d’animaux sont chassés chaque année, vous ne pouvez pas affirmer que ce qui s’est passé au cours des cinq années se reproduira dans les prochaines. Vous semblez oublier, Randy, que le ranch n’arrivait pas à approvisionner chaque année sa pourvoirie à même son troupeau et que, pour vendre des animaux à des chasseurs, il devait acheter des mâles mûrs pour la chasse à l’extérieur. Ces mâles chassés n’avaient pas vraiment – ils comptaient parmi les 31, mais ils ont été ajoutés. Le ranch a dû acheter des mâles pour compléter son troupeau de chasse.

Q         Pouvez-vous le confirmer? Vous êtes certain de ce que vous avancez?

R         J’ai le...

Q         Concernant tous les mâles chassés?

R         Je pense que oui.

Q         Vous êtes certain – tous les mâles chassés?

R         Je suis certain pour quelques-uns, oui.

Q         Bien. Vous avez tout à fait raison. Nous sommes d’accord avec vous que certains mâles ont été achetés à l’extérieur du ranch, mais ce sont des spécimens choisis. Il s’agit en règle générale de gros mâles, qui représentent un très faible pourcentage de ceux qui sont chassés.

R         Oui, je comprends.

(Transcription de l’audience, pages 326 à 329)

[182]       Le Dr Graham a fait part d’une importante divergence de vues concernant l’importance et la logique du processus de réforme de wapitis de WHGR :

[traduction] Q         M. WEHRKAMP :     [...] J’aimerais m’attarder un peu sur les procédés de gestion et de réforme du ranch. Savez-vous que le ranch Willow Hollow réforme des animaux tous les ans?

R         Oui, je le sais.

Q         Nous avons convenu ce matin que le ranch achète des blocs de mâles non castrés, les introduit dans son troupeau, réforme les animaux de boucherie et conserve les autres pour leurs bois de velours ou pour la chasse.

R         Oui. Exact.

Q         Bien. Êtes-vous familier avec cette pratique? Êtes-vous d’accord avec cette pratique, croyez-vous qu’elle est courante dans l’industrie de l’élevage, et tout particulièrement dans le cas des wapitis?

R         Oui, j’en conviens.

Q         Je vais vous donner un exemple et vous demander de le commenter. Nous en avons déjà parlé hier. Si vous achetez un bloc d’animaux pour un prix forfaitaire, un prix global et non un prix individuel, et que vous soustrayez 27 % pour les animaux de qualité inférieure qui ont été réformés dans le troupeau du ranch Willow Hollow l’année précédente, en 2013...

R         Oui.

Q         ... est-ce qu’il y aura une incidence sur la valeur des autres animaux?

R         C’est juste.

Q         Il y aura une incidence.

R         Oui...

Q         Comment se comporteront les valeurs?

R         ... les autres animaux.

Q         Leur valeur augmentera-t-elle ou diminuera-t-elle?

R         En principe, ils devraient valoir plus.

Q         D’accord. Merci. Pouvez-vous – j’aimerais attirer votre attention sur ce document, la petite brochure. À la section 118 – je vous laisse chercher – ce document de trois pages vous est adressé. C’est un courriel que je vous ai transmis.

R         Oui.

Q         Au bas, on peut voir une note manuscrite indiquant qu’aucun reçu n’a été pris en compte pour la viande et le bois de velours. Je crois qu’il est écrit : « Frais d’entretien annualisés » avec un point d’interrogation et, en dessous, « Je ne vois pas comment le processus de réforme augmente la valeur des autres animaux ». Est-ce votre écriture?

R         Oui, c’est mon écriture. Vous voyez...

Q         Pourtant, vous venez de dire...

R         D’accord.

Q         ... que l’incidence serait positive, mais vous écrivez que vous ne voyez pas comment la réforme pourrait avoir une incidence positive.

R         Je vais vous expliquer.

Q         Je vous écoute.

R         Une partie des animaux est réformée chaque année. Des animaux sont amenés à la ferme. Certains seront abattus pour leur viande. D’autres sont conservés pour leurs bois de velours. D’autres encore sont dirigés vers la pourvoirie, et il faut donc regarnir le troupeau. La moyenne reste constante, Randy, parce qu’il y a un va-et-vient incessant, année après année. Vous éliminez un certain nombre d’animaux mais, pour regarnir le troupeau de chasse, il faut parfois aller chercher des animaux à l’extérieur. Par conséquent, la moyenne change peu.

Q         Sauf votre respect, je pense que vous devriez revoir vos calculs. Si vous avez 100 mâles non castrés – je donne ce nombre en guise d’exemple... Supposons que vous avez 100 mâles.

R         Exact.

Q         25 sont éliminés.

R         Exact.

Q         Vous venez d’éliminer 25 % de votre troupeau.

R         Tout à fait.

Q         Il en reste 75. Si vous ajoutez une autre centaine...

R         Exact.

Q         ... et réformez 25 % des animaux de ce troupeau...

R         C’est juste.

Q         ... les proportions changent. La proportion d’animaux réformés n’est plus de 25 %. Une plus petite proportion d’animaux sont réformés. C’est ce...

R         Si les opérations sont continues et que l’intention est de conserver les 100 – dans le cadre de la présente procédure d’indemnisation, le ranch Willow Hollow avait introduit des animaux de trois et de deux ans. Ces animaux font partie du premier groupe issu d’une autre ferme et introduit dans le programme d’élevage. Il est impossible de connaître la qualité des animaux introduits. Des animaux avaient été réformés l’année précédente. D’autres ont été introduits après, qui font partie du troupeau détruit. Vous ne connaissez pas leur valeur parce qu’ils ont été introduits à deux ou trois ans. La moyenne globale ne change pas.

Q         Je pense que vos calculs sont faux. Je ne vois vraiment pas comment ils pourraient être justes.

R         Non, ils ne sont pas faux. En fait, j’ai eu cette idée hier soir.

Q         Bon. Il est évident que nous ne sommes pas d’accord sur ce point.

R         Je suis d’accord.

Q         Si vous – nous avons déjà donné un exemple. Il est inutile de le répéter, mais sur les animaux survivants après la première réforme – les animaux réformés, les 75 – pour simplifier, je vais reprendre l’exemple...

R         Exact.

Q         ... ce groupe vaudrait plus que ce que vous avez dit. Ces 75 animaux auraient pris de la valeur.

R         Il reste 75 animaux. Chacun d’entre eux aurait été considéré de qualité supérieure parce que les moins bons ont été éliminés.

Q         Exactement. Merci. Pour ce qui est des mâles non castrés destinés à la chasse...

R         C’est juste.

(Transcription de l’audience, pages 337 à 341)

[183]       Le Dr Graham a ensuite expliqué la valeur d’un mâle non castré de six ans selon lui :

[Traduction] Q        [...] nous avons vu – avant le dîner, vous avez affirmé que le prix de vente des mâles chassés est établi en fonction de la cote...

R         C’est juste.

Q         ... et non de l’âge.

R         À vrai dire, tout dépend de l’âge requis pour obtenir une certaine cote.

Q         C’est – c’est exact. Vous avez raison.

R         Oui.

Q         Mais le paramètre le plus important est la cote.

R         C’est exact, si j’ai bien compris le fonctionnement.

Q         D’accord. J’aimerais revenir sur les témoignages d’hier, durant lesquels nous avons entendu que, dans les concours de bois, l’âge adulte est fixe. Le 5 mars, nous avons discuté – et je vais vous demander de le confirmer – au cours de la réunion qui a eu lieu au ranch Willow Hollow, à laquelle vous étiez présent, ainsi que le Dr Bischop – nous vous avons transmis la même information, à vous et au Dr Bischop, et il était d’accord pour dire qu’il était raisonnable de fixer l’âge adulte des mâles à six ans. Vous en souvenez-vous?

R         Oui, je m’en souviens.

Q         D’accord. Ensuite, le Dr Bischop et vous-même êtes partis. Il était votre expert de l’industrie, et il est parti en pensant que – que nous nous étions mis d’accord pour dire qu’au ranch à gibier Willow Hollow, les mâles non castrés étaient considérés comme des adultes à cet âge.

R         Nous nous étions mis d’accord avec vous sur cet âge, tout à fait.

Q         D’accord. En a-t-il tenu compte dans son rapport?

R         Je dois vérifier le rapport, mais il a effectué ses évaluations en fonction de l’âge. Je crois qu’il – je pense que c’est ce qu’il a fait.

Q         D’accord. Merci. Ensuite, quand on nous a demandé – à cause de cette entende, quand on a demandé à la ferme de fournir des évaluations provenant d’autres fermes... Vous constaterez dans les documents qui ont été examinés – si vous avez besoin de les consulter à nouveau, ils se trouvent à l’onglet 6 de votre reliure noire. Ce sont des reçus ou le – le coût de remplacement des mâles non castrés.

R         À quelle page, Randy?

Q         Un instant... Je cherche encore.          Désolé. En fait, ce n’est pas l’onglet 6. Je crois que c’est l’onglet 7, et non l’onglet 6. Vous remarquerez que pour les deux – que pour tous les – que pour la ferme Cosha, le ranch Elk Valley et la ferme Northwinds, l’âge est indiqué seulement pour les animaux de remplacement jusqu’à cinq ans, suivant l’entente conclue au ranch Willow Hollow le 5 mars avec l’expert de l’industrie qui représentait l’ACIA et, présumons-nous, avec vous.

R         Non. Peut-être avez-vous conclu cette entente avec Clarence, mais pas avec moi.

Q         D’accord. N’aurait-il pas été important de transmettre cette information dès le début au lieu de laisser la ferme poursuivre le processus jusqu’au 2 mai, alors que vous appliquiez une autre règle que celle convenue par l’expert de l’industrie et celui du ranch comme étant raisonnable?

R         Clarence voulait connaître la valeur des mâles non castrés utilisés pour la chasse, qui doivent avoir six ans si je me fie à ce que vous dites...

Q         C’est juste.

R         ... ce qui ne me pose aucun problème. Vous m’avez fourni les documents pour ceux-là. Pour les mâles destinés à la chasse. Nos points de vue divergent sur leur nombre. Nous ne sommes pas d’accord sur le nombre de mâles destinés à la chasse.

Q         Je vous pose donc la question suivante : dans le cadre de ce processus, en quoi vos connaissances, votre expertise étaient-elles supérieures à celles de l’expert de l’industrie de l’ACIA, de l’expert que le ranch a désigné et des propriétaires du ranch, qui l’exploitent depuis 30 ans?

R         Selon vous, en vieillissant, les mâles non castrés grossissent et, éventuellement, ils serviront comme gibier. Mais ce n’est pas toujours le cas. Certains ne serviront jamais pour la chasse. Vous le savez bien.

Q         Tous les mâles non castrés deviennent du gibier. Tous, sans exception.

R         Pourvu que quelqu’un puisse les coter. Les mâles n’atteignent pas tous 400 pouces. Ils n’atteignent pas tous cette taille. Même moi, je le sais.

Q         Nous ne disons pas – la majorité des mâles chassés qui sont vendus ont moins de 400...

R         Exact.

Q         ... de 400 pouces. Vous avez tout à fait raison quand vous affirmez que tous les mâles non castrés – si je vous ai bien compris – ne deviennent pas du gibier. Tous les mâles ne deviennent pas du gros gibier, mais tous – ai-je bien compris?

R         S’il y a – vous pouvez inclure tous les mâles que vous voulez. Vous pouvez dire...

Q         Donc, en théorie...

R         ... qu’ils sont des mâles destinés à la chasse, du gibier.

Q         Donc, en théorie, tous les mâles deviendront du gibier.

R         Non. Ce que je veux dire, c’est que tous les mâles pourraient être vendus comme gibiers si quelqu’un est prêt à payer le prix.

Q         Alors j’aimerais entendre votre définition d’un mâle destiné à la chasse. Qu’entendez-vous par gibier?

R         Un mâle est vendu comme gibier si quelqu’un consent à vous verser une certaine somme pour le chasser.

Q         Effectivement. Et y a-t-il une cote minimale?

R         Elle varie d’une personne à l’autre et de sa fortune.

Q         Par conséquent, la réponse est non. Est-ce que – je vous demanderais de répondre par oui ou non. Existe-t-il une cote minimale pour établir qu’un mâle est prêt pour la chasse?

R         Pas que je sache.

Q         Donc, la réponse est non. Autrement dit, il ne serait pas faux de dire que tous les mâles non castrés peuvent devenir du gibier.

R         Tous les mâles peuvent devenir du gibier, mais leur prix de vente variera en fonction de la cote et de la taille de la ramure.

Q         Merci. C’était – c’est un point important étant donné que nous parlons d’une évaluation selon la catégorie de mâle et que ce n’est pas ce que vous avez dit auparavant dans votre témoignage. Vous avez dit que certains mâles servaient à la production de bois de velours – que certains servaient seulement pour le velours, et d’autres pour la boucherie. Ceux de qualité inférieure ont été éliminés.

Q         Il reste seulement les animaux de qualité supérieure.

R         C’est cela.

Q         Ce groupe de mâles – un mâle de six ans...

R         Oui.

Q         ... si c’est un âge raisonnable, et il a été convenu à un certain point que c’était le cas...

R         Exact.

Q         ... pour diriger un mâle vers la chasse – mais un mâle qui a quatre ou cinq ans atteindra un jour six ans.

R         Exact.

Q         Dans le cadre de votre évaluation, selon ce que vous avez affirmé, vous avez appliqué ce seuil et 31 mâles...

R         C’est juste.

Q         ... à partir des chiffres de l’année précédente, ont été classés dans la catégorie gibier de chasse. Votre évaluation ne prévoyait aucune provision pour la catégorie des mâles encore en croissance – les mâles de cinq ou six ans. Vous avez choisi la valeur 31 de manière arbitraire, et nous aimerions savoir pourquoi vous estimez qu’il s’agit d’un nombre raisonnable alors que, en fait, cette estimation repose sur les bêtes chassées l’année précédente...

R         Exact.

Q         ... le nombre de mâles chassés les années précédentes. Il n’y a pas de lien avec la population réelle de mâles sur le ranch. Vous avez fait des suppositions...

R         Exact.

Q         ... mais elles restent des suppositions. Vous êtes d’accord?

R         Ce ne sont pas des suppositions.

Q         En...

R         Vous auriez pu transférer les 100 mâles, peu importe le nombre, Randy, à la pourvoirie. Ai-je raison? Gibier, mâles destinés à la chasse, peu importe. Appelez-les comme vous voulez... Est-ce que tout ce gibier sera chassé? Supposons que quelqu’un veuille vous donner 3 000 – ou 2 500 $, peu importe, et que vous acceptiez. Il tuera la bête et la paiera 2 500 $.

Q         Je ne suis pas certain que vous soyez en mesure d’estimer... En fait, j’aimerais savoir en quoi vous êtes compétent pour déterminer que ce mâle vaut 2 500 $.

R         Eh bien, il ne vaudrait pas beaucoup plus qu’un autre mâle de boucherie ou producteur de bois de velours. Je vous invite à réfléchir à certains éléments. En deçà de 300, pour certains mâles – ces prix équivalent aux prix de la viande, plus ou moins.

Q         Mais vous ne pouvez me donner aucun prix, et vous n’avez rien d’autre pour appuyer votre rapport que des suppositions et le rapport de Darcy Lepowick.

R         Je ne tiens pas compte de l’information transmise par Darcy Lepowick. Vous devrez vous adresser à Clarence pour cela. Ce n’est pas mon...

Q         D’accord. D’accord. Je vois. Mon point est que tous les mâles peuvent être chassés. Je ne parle pas de 31 mâles sur les 260 et quelque...

R         Pourquoi ne pas tout simplement – c’est une question de terminologie. Mâle destiné à la chasse, gibier, trophée, peu importe. Tous les mâles sont chassables. Si quelqu’un est prêt à payer pour l’obtenir, c’est parfait. Mais, dans les faits, ce sont les trophées qui sont convoités, c’est-à-dire ceux qui arrivent un peu plus haut sur l’échelle et pour lesquels les acheteurs sont prêts à payer plus.

Q         Les mâles plus gros valent plus cher que les plus petits, mais ce sont tous des mâles destinés à la chasse et, peu importe la cote, ceux qui les mettent à mort ou les traquent obtiennent leur trophée, non?

R         Vous avez raison. Si c’est ce qu’ils veulent et ils sont prêts à payer le prix, je suis d’accord. Par contre, aujourd’hui, nous cherchons à déterminer le nombre de mâles qui sont destinés à la chasse, et le prix que les chasseurs sont prêts à mettre pour les obtenir. Nous voulons établir quelle proportion du troupeau est visée. C’est tout.

(Transcription de l’audience, pages 341 à 347)

[184]       En ma qualité d’évaluateur adjoint, j’ai demandé au Dr Graham comment il était arrivé à la conclusion que toutes les bêtes achetées par le ranch à gibier Willow Hollow après le dépeuplement de 2009 (outre celles qui avaient été expressément désignées autrement) l’avaient été au prix de la viande, et comment il avait accordé les valeurs qui, selon lui, formaient le point de désaccord essentiel en l’espèce :

[traduction] LE JUGE :      Merci beaucoup. J’aimerais à mon tour vous poser quelques questions, Docteur Graham. Dans la reliure noire, à l’onglet 2 de la page 81, où figure votre second rapport...

R         C’est juste.

LE JUGE :...   au troisième paragraphe, qui commence par « Willow Hollow game farms », vous affirmez ce qui suit : (tel que l’extrait a été lu) :

La constitution du troupeau a débuté en 2009, avec l’achat de femelles et de mâles provenant d’au moins dix producteurs. Le ranch n’a fourni aucune facture d’achat au cours du présent processus d’indemnisation...

Le passage suivant est celui qui a retenu mon attention : (tel que l’extrait a été lu) :

... mais il a affirmé que les animaux avaient été achetés au prix de la viande.

R         C’est juste.

LE JUGE :      Où est-ce indiqué?

R         Nous avons commencé la réunion le 5 mars 2014 à 10 h. À 14 h 30, les discussions n’étaient pas terminées, mais je n’avais toujours pas de reçu. À deux ou trois reprises, j’ai mentionné que j’avais besoin des reçus, et M. Brown m’a indiqué que les reçus existaient, mais qu’ils se trouvaient à quelque part parmi les déclarations de revenus, les documents fiscaux, et qu’il faudrait un certain temps pour les retrouver. J’ai répondu que je pouvais attendre, et le sujet a été clos. J’ai quitté la maison. Après quatre heures et demie de discussions, celles-ci stagnaient.

LE JUGE :      Vous avez affirmé toutefois – ils ont bel et bien dit que les bêtes avaient été achetées au prix de la viande.

R         Oui. C’est ce que m’a dit M. Brown. Il m’a dit que les factures se trouvaient à quelque part parmi les déclarations de revenus. Et j’ai répondu que j’attendrais, que j’avais le temps. Puis il a ajouté que les bêtes avaient été achetées au prix de la viande, plus ou moins.

LE JUGE :      D’accord. Et vous – et vous avez utilisé cette information pour faire votre évaluation?

R         Oui, je l’ai utilisée.

LE JUGE :      Très bien. C’est le fondement de votre hypothèse...

R         C’est exact.

LE JUGE :      ... concernant les prix de la viande. Très bien. Donc, pour récapituler et m’assurer que j’ai bien compris, pouvez-vous m’expliquer la différence fondamentale, selon vous, entre l’évaluation de l’appelant et la vôtre? Quelle est cette différence, en quelques mots?

R         La différence vient de la proportion de bêtes qui sont désignées comme étant du gibier et qui sont véritablement abattues par des chasseurs, et celle des mâles qui ne sont pas suffisamment de qualité pour être dirigés vers la zone de chasse. Le ranch a estimé que tous les mâles présents sur le ranch étaient suffisamment de qualité pour servir de gibier, sans ceux de deux et trois ans.

LE JUGE :      Je comprends. La même différence est constatée dans le rapport de M. – du Dr Bischop.

R         C’est juste.

(Transcription de l’audience, pages 350 à 352)

Témoignage du Dr Bischop – Éléments saillants

(a)                Compétences et expérience

[185]       Le Dr Bischop est le vétérinaire spécialiste des risques de propagation de la rage au sein du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. L’ACIA sous-traite ses services sur une base ponctuelle. Il a occupé divers postes au sein de l’ACIA de 1981 à 2012. Il a collaboré à des dossiers mettant en cause diverses espèces d’animaux et possède une grande expérience des élevages de wapitis :

[traduction] R         J’ai été souvent en contact, durant des périodes assez intenses dans plusieurs cas. Le profil des producteurs varie sur le plan des antécédents et de la connaissance des animaux.     L’industrie dans son ensemble a fait beaucoup de progrès aux chapitres du savoir, de l’équipement et du traitement, ainsi que de l’amélioration des animaux. Certains acteurs de cette industrie sont très dévoués.

Q         Et quand cette industrie est-elle née?

R         Dans les années 1980 – les choses ont vraiment commencé à bouger vers la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Q         À la même époque où vous avez commencé votre carrière, à Yorkton?

R         J’ai commencé en 1981.

Q         D’accord. Pour en revenir aux wapitis, et plus précisément aux fermes d’élevage de wapitis, que faut-il savoir à ce sujet, selon vous?

R         Il existe beaucoup de similitudes avec les autres élevages de bétail, et notamment les opérations liées à la reproduction, bien entendu, qui visent à augmenter le nombre de têtes. Les sources de revenus varient d’une personne à l’autre, dépendant des ressources et de leurs objectifs. Si un éleveur possède un terrain propice à la chasse, il peut décider d’ajouter une pourvoirie pour diversifier ses sources de revenus. Un autre peut élever des wapitis pour la viande et le bois de velours – la viande étant dans ce cas l’ultime source de revenus générés par un animal. Un producteur peut vendre des reproducteurs si ses bêtes sont de bonne qualité et s’il s’est acquis une bonne réputation. C’est la santé de l’industrie qui détermine la situation dans chaque segment. Les prix du wapiti montent et descendent. Les restrictions commerciales internationales peuvent avoir une grande incidence sur la valeur des animaux. Nous avons exporté des bêtes vers la Corée et du bois de velours vers divers pays asiatiques. Nous avons exploré la plupart des segments de l’industrie, y compris la collecte d’embryons dans les premières années et même la collecte de semences, quoique beaucoup moins maintenant.

(Transcription de l’audience, pages 357 à 359)

[186]       Le Dr Bischop a participé à des évaluations en raison d’un abattage intégral de différentes espèces, dont les wapitis. Il a exercé ce rôle en solo ou, à plusieurs reprises, au sein d’une équipe.

[187]       Il a pris part à des opérations d’abattage intégral de wapitis [traduction] « à sept ou huit reprises ». Il a assumé seul l’évaluation de wapitis [traduction] « à cinq ou six reprises », et [traduction] « au moins deux fois » au sein d’une équipe avant l’évaluation des wapitis du WHGR, à laquelle il a participé à titre d’expert de l’ACIA. Il a également présidé des procédures d’évaluation de wapitis.

[188]       Le Dr Bischop a de plus pris part à l’évaluation du troupeau des fermes Forjay en 2013, qui était présidée par le Dr Graham. Il estime que cette évaluation a été terminée quatre mois environ avant celle de WHGR.

[189]       Aux yeux du Dr Bischop, le Manuel des procédures communes donne des directives et assure la prise en compte d’éléments clés de la méthode d’évaluation d’animaux dans le cadre d’une procédure d’indemnisation.

(b)               Évaluation de WHGR

[190]       Le Dr Bischop témoigne de la difficulté de recueillir de l’information pertinente en Saskatchewan et de la démarche qu’il a suivie pour l’exploitation des fermes Forjay :

[traduction] Q         Très bien. Savez-vous quand la décision définitive concernant l’indemnisation des fermes Forjay a été rendue?

R         Non, je ne le sais pas. Au préalable, j’ai recueilli des chiffres de ventes réels auprès de gens de l’industrie. La somme reçue par une ferme pour un animal chassé ne suffit pas vraiment pour établir sa valeur exacte.

Q         Quelles sont vos autres sources d’information? D’où vient l’information que vous n’avez pas recueillie dans le cadre de vos propres recherches ou dans vos propres systèmes? Avez-vous accès à d’autres – par exemple, pouvez-vous consulter les dossiers de l’Agence du revenu du Canada pour obtenir les chiffres de ventes ou les revenus d’une ferme?

R         Non, ce n’est pas possible. Nous ne disposons pas de rapports sur les marchés de bétail. Même les données publiées par les organismes provinciaux ne nous indiquent pas les ventes réelles. Il est impossible de savoir s’il s’agit des prix d’un groupe de personnes, ce qui est différent des prix de vente.

Q         Cela n’existe pas en Saskatchewan?

R         Non.

Q         Et en Alberta?

R         Oui, ce document existe en Alberta.

(Transcription de l’audience, pages 369 et 370)

[191]       Le Dr Bishop a aussi décrit comment il a abordé l’évaluation de WHGR :

[traduction] Q         MME BIRD : Au début de la procédure d’indemnisation du ranch Willow Hollow – vous saviez qu’une centaine de bêtes avaient été achetées l’année précédente. Qu’avez-vous déduit de cette information préliminaire? Sachant cela, comment avez-vous abordé la première réunion sur l’indemnisation?

 R        Je pensais que ce serait relativement facile parce que j’étais convaincu que nous aurions de l’information précise sur le prix de chaque bête, et que allions simplement passer en revue les changements survenus dans la dernière année.    Une année s’était écoulée depuis l’achat des animaux, ou six mois, peu importe. Je pensais qu’il serait possible de préciser chiffres en tenant compte de l’évolution de la valeur dans le secteur, et que nous en arriverions à une indemnisation très juste.

Q         Aviez-vous déjà eu des expériences semblables dans d’autres processus d’évaluation?

R         Oui, ça m’était déjà arrivé. Il m’était arrivé, à quelques reprises, de travailler avec des documents qui indiquaient le prix d’achat des animaux et le prix de vente d’animaux similaires du même troupeau – il avait été assez facile d’en arriver à des chiffres qui nous semblaient très justes.

(Transcription de l’audience, pages 370 et 371)

[192]       Le Dr Bischop a fait une synthèse des éléments importants de la réunion du 5 mars 2014 :

[traduction] R         Du côté de l’ACIA – nous avons passé l’ordre du jour en revue, et les documents exigés ont été – nous avons discuté de la procédure. Nous n’avons pas vraiment eu d’autre occasion de donner de l’information.           Le but était de recueillir l’information nécessaire pour procéder aux évaluations.

Q         Avez-vous – veuillez m’excuser. J’aimerais revenir – avant la réunion, saviez-vous comment l’évaluation de l’ACIA se déroulerait?

R         Dans une certaine mesure – nous savions que nous allions demander des documents indiquant la valeur – des reçus, des factures, ce genre de documents.

Q         La procédure vous laissait-elle une certaine latitude? Par exemple, exception faite des éléments de preuve dont vous avez parlés – l’ACIA a-t-elle expliqué la procédure aux représentants du ranch Willow Hollow?

R         Je ne pense pas que le but était d’expliquer quoi que ce soit, mais de recueillir de l’information. Nous avons très peu parlé. Randy Wehrkamp a parlé longuement du document manuscrit qu’il a présenté, qui tenait en cinq ou six pages et qui exposait pourquoi lui et, je suppose, les propriétaires du ranch estimaient que leurs bêtes valaient un certain montant.

Q         Au cours de la réunion, avez-vous réussi à vous entendre sur la valeur des animaux?

R         Je crois que j’ai dit que j’étais assez d’accord – pour ce qui est de la valeur d’un animal mûr pour la chasse. Mon évaluation n’était pas égale à la leur, mais j’arrivais à quelques centaines de dollars près par animal. Je veux dire que mon évaluation n’était pas la moitié ou le double de la leur.

Q         Donc, après la réunion du 5 mars – au fait, comment la réunion s’est-elle terminée? Comment s’est-elle terminée?

R         Je me rappelle seulement que j’ai plus ou moins approuvé ce qu’ils disaient au sujet des mâles mûrs pour la chasse, sans plus.

Q         Sur quoi votre évaluation était-elle fondée?

[traduction] R         [...] des antécédents et des listes de prix fournies par des tiers. On peut estimer le prix d’un mâle mûr pour la chasse à partir des transactions de vente et d’achat d’animaux de la même catégorie, tout comme on peut obtenir le prix de la viande à une certaine date ou un certain mois.

Q         Après cette réunion – vous avez reçu l’information des gens de Willow Hollow, et vous étiez sûr que tout irait bien. Vous avez reçu de ce qui semblait une évaluation initiale, des réclamations et des déclarations concernant les animaux eux-mêmes. En étiez-vous toujours sûr à votre départ?

(Transcription de l’audience, pages 372 à 374)

[193]       Le Dr Bischop a présenté son rapport le 26 mars 2014 :

[traduction] Q         D’accord. Merci. Quel genre d’information fournie par le ranch Willow Hollow avant le 26 mars avez-vous utilisée pour rédiger votre rapport?

R         Je ne crois pas qu’il a fourni beaucoup plus d’information. Les factures et les reçus concernant les nombreux animaux achetés récemment pour reconstituer le troupeau n’ont pas été fournis. Je consacre quelques pages de mon rapport à la valeur générale des animaux chassés mais, à dire le vrai, je n’ai pas pu rédiger un bon rapport. J’ai été déçu – les documents essentiels pour faire une évaluation précise et juste n’ont pas été produits.

(Transcription de l’audience, page 375)

[194]       Le Dr Bischop a parlé assez longuement du fait qu’il n’a pas pu rédiger un bon rapport :

[traduction] Q         Aviez-vous – vous avez fait des comparaisons entre le troupeau du ranch Willow Hollow et celui de la ferme Janzen – concernant le poids du bois de velours, n’est-ce pas?

R         C’est exact. Le troupeau de la ferme Janzen produisait un plus gros volume de bois de velours, mais ce n’est pas tellement important. Cela peut nous donner une idée de la valeur d’un animal, mais également de la compétence du producteur. En effet, la nutrition joue un grand rôle dans l’optimisation du potentiel génétique de croissance de la ramure. Des animaux semblables, ayant le même patrimoine génétique, mais qui sont élevés sur des fermes différentes ne donneront pas forcément les mêmes rendements. Il ne faut donc pas en faire tout un plat.

Q         Concernant l’évaluation des fermes Janzen et Forjay, vous rappelez-vous la valeur accordée au bois de velours?

R         Non, je ne me rappelle pas.

Q         Avez-vous attribué une valeur au bois de velours dans votre rapport?

R         Non. Je n’avais pas suffisamment d’information pour achever mon rapport. J’aurais pu décréter que les animaux de boucherie valaient tant mais – en fait, nous avons un portrait beaucoup plus précis de la valeur des animaux de boucherie. Nous connaissons leur poids réel à l’abattage, que nous pouvons multiplier par un prix raisonnable, et non le prix que – quand une ordonnance de destruction a été donnée, le prix transmis à l’ACIA par les abattoirs est généralement plus bas que le prix réel. Par conséquent, les reçus ne reflètent pas les prix courants des animaux vendus par l’intermédiaire d’un abattoir. Toutefois, le poids inscrit devrait normalement être exact.

Q         C’est le cas en l’espèce, n’est-ce pas?

R         C’est effectivement le cas.

Q         Et savez-vous quel prix exact a été attribué au bois de velours?

R         Au bois de velours ou à la viande?

Q         Pardon, la viande.

R         Oui, la viande.

Q         Toutes mes excuses.

R         Je vous en prie. Je vais devoir vérifier le rapport du Dr Graham.

Q         Je parlais des prix qui ont été déclarés par l’abattoir en 2014.

R         Je ne suis pas certain. C’était plus autour de 4 $ le kilogramme que de 7 ou 7,50 $.

Q         Donc, l’abattoir – si nous allons à la pièce R-1, à l’onglet 43 – oh, pardon.

R         C’est ça, 4,50 $ le kilogramme.

Q         Donc – vous ne pourriez pas vous fier à cette information pour établir la valeur de ces animaux en 2014, n’est-ce pas?

R         Non, pas au prix par kilogramme, non.

Q         Vous avez donc besoin d’autres...

R         D’autres ventes réalisées à la même date ou autour sont beaucoup plus utiles pour établir une valeur juste. Les abattoirs procèdent ainsi parce qu’ils veulent éviter les contrôles supplémentaires, les décontaminations, et parce qu’ils peuvent le faire.

[traduction] Q         Quand vous avez rédigé votre rapport, sur quels chiffres vous êtes-vous fondé? Quelle information avez-vous utilisée?

R         Je pouvais difficilement me servir des reçus d’achat fournis par des personnes comme Darcy Lepowick et des descriptions générales d’animaux similaires. Des animaux mûrs pour la chasse ont été achetés et le troupeau était en pleine reconstitution. Beaucoup de ces animaux ont été abattus, ce qui explique les achats et le fait que les autres animaux n’ont pas forcément été achetés au même prix. La qualité pouvait varier parce que les animaux ont été achetés pour des raisons différentes.

Q         Donc, vous deviez vous fier à des reçus ou de l’information transmis par le ranch Willow Hollow. Avez-vous maintenu l’approche que vous entendiez suivre avant la réunion sur l’indemnisation?

R         Non. Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas faire une évaluation digne de ce nom parce que je n’avais pas les prix réels de vente et d’achat des animaux.

Q         Si nous comparons l’évaluation proposée par M. Wehrkamp dans son rapport du 10 mars à votre propre rapport et à la valeur finale que vous avez accordée aux animaux, êtes-vous d’accord pour dire que c’est assez proche?

R         Oui, je suis d’accord.

Q         J’aimerais avoir quelques précisions, pour mon propre bénéfice et pour celui de la Cour : vous avez dit que vous ne pouviez pas faire une évaluation précise, mais vous – votre évaluation est proche de celle que propose le ranch Willow Hollow. Est-ce que vous êtes allés de l’avant avec les prix fournis?

R         La question n’était pas tant de connaître le prix exact des animaux, à mon avis. Même si notre évaluation était relativement proche de la leur, la question centrale était de déterminer le nombre d’animaux à évaluer, ou la proportion, si vous aimez mieux. À combien d’animaux s’appliquaient les critères tels que la vente de bois de velours et le poids? J’aime bien tenir compte des valeurs extrêmes pour avoir une meilleure idée. Par exemple, si un troupeau est élevé uniquement pour le bois de velours et la viande, et qu’il compte 600 têtes, il serait raisonnable de tenir compte en premier lieu du prix du bois de velours, du prix de la viande, et ainsi de suite. Mais qu’arrive-t-il si un ranch ou une ferme vend un seul animal chassé par année? Est-ce qu’il faut placer tout le troupeau dans la catégorie gibier et accorder une valeur supplémentaire de 2 000 $ par tête? Ne serait-il pas plus logique de considérer qu’un seul animal était destiné à la chasse? Je pense que c’est la démarche suivie par le Dr Graham dans son rapport final, et j’abonde dans son sens. Comme on ne lui a pas fourni d’autres documents, son évaluation m’apparaît la plus juste possible.

Q         Donc je...

LE JUGE :      Excusez-moi.

MME BIRD :    Oui, bien sûr.

LE JUGE :      Vous parlez du rapport du Dr Graham, n’est-ce pas?

R         C’est juste.

LE JUGE :      Cela signifie-t-il que vous remettez en question vos propres conclusions après avoir pris connaissance du rapport du Dr Graham?

R         Dans mon rapport – à vrai dire, je n’ai jamais terminé mon rapport.

LE JUGE :      Pourtant, vous avez bel et bien fait une évaluation.

R         J’ai fait une évaluation qui était très proche de celle du Dr Graham. En revanche, l’important était de déterminer le nombre d’animaux visés par cette évaluation et, à défaut de cette information, je n’ai pas pu me prononcer.

LE JUGE :      Vous avez quand même recommandé un montant d’indemnisation, non?

R         Certes, mais je n’ai pas dit que ce montant devait être multiplié par 265 ou un nombre quelconque.

LE JUGE :      D’accord. Je vois. Merci.

Q         MME BIRD : Si vous aviez eu à votre disposition toute l’information fournie au Dr Graham, en sachant qu’aucun autre document ne serait produit, votre évaluation ou votre rapport auraient-ils été très différents?

R         J’imagine que si j’avais su à ce moment qu’aucun autre document ne serait fourni, j’aurais dû procéder un peu comme le Dr Graham et estimer combien de bêtes devaient être évaluées comme du gibier et combien devaient l’être à une moindre valeur.

Q         Faites-vous part de vos préoccupations dans votre rapport?

R         Oui, j’en parle.

Q         Et quelles étaient ces préoccupations?

R         J’y souligne le manque d’information au sujet des prix d’achat. D’emblée, il a été tenu pour acquis que la plupart des animaux achetés étaient de valeur égale à ceux qui avaient été achetés à l’origine aux fins de la chasse. Or, très peu de documents ont été fournis à l’appui de cette prétention.

Q         Si le ranch Willow Hollow avait fourni des documents, sous quelque forme que ce soit, pour justifier ses réclamations, auriez-vous maintenu l’évaluation présentée dans votre rapport?

R         Si j’avais eu d’autres renseignements en main, j’aurais très bien pu modifier mon évaluation. Il est devenu évident que des animaux ont été achetés peu de temps après, qui avaient apparemment les mêmes qualités que les gibiers du troupeau précédent, et...

Q         Parlez-vous de la ferme Klettberg...

R         Oui.

Q         ... des animaux qu’elle a achetés?

R         Cette évaluation pourrait s’appliquer à une partie du troupeau.

Q         Et cette information a été transmise à l’ACIA après que vous avez remis votre rapport.

R         C’est exact, selon ce que j’ai compris.

Q         Et vous a-t-on demandé de réviser votre rapport?

R         Non, on ne me l’a pas demandé.

(Transcription de l’audience, pages 376 à 382)

[195]       Dans son rapport d’évaluation, le Dr Graham s’est peut-être trompé quand il affirme que le Dr Bishop – comme celui-ci l’a confirmé – a accordé une valeur de 4 800 $ au troupeau de chasse, en tenant pour acquis qu’il était constitué entièrement de mâles de qualité trophée :

[traduction] LE JUGE :      J’aimerais vous poser une question, Docteur Bischop. Le Dr Graham commente votre rapport dans son rapport du 2 mai 2014. Je ne sais pas si vous êtes au courant. Si vous ne l’êtes pas, je vais vous lire le passage en question. L’un des éléments à considérer est le suivant (tel que l’extrait a été lu) :

Le Dr Bischop a attribué une valeur de 4 800 $ en tenant pour acquis que tous les mâles du troupeau étaient de qualité trophée.

Est-ce exact?

R         Oui, c’est exact.

LE JUGE :      Avez-vous vraiment fait l’hypothèse que tout le troupeau était composé de trophées?

R         Je n’avais aucune preuve que c’était ou non le cas.

LE JUGE :      Mais était-ce votre hypothèse de départ, oui ou non? Si vous n’aviez aucune preuve, alors pourquoi avoir fait l’hypothèse que tous les mâles étaient de qualité trophée?

R         Alors non, je n’ai pas fait cette hypothèse. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas décrété qu’il fallait multiplier le prix par 265 ou par un nombre quelconque.

LE JUGE :      Ce que vous nous dites, c’est que le Dr Graham se trompe?

R         C’est peut-être bien le cas, en effet.

(Transcription de l’audience, pages 382 et 383)

[196]       Le Dr Bischop estime que le président n’est pas obligé d’accepter les rapports d’évaluation des experts participant au processus d’évaluation :

[traduction] Q         ... pour un abattage intégral. Je suppose que l’essentiel est de déterminer si le président doit accepter tous les rapports d’évaluation ou si – est-il possible qu’il y ait des désaccords?

R         Oui, des désaccords sont certainement possibles. Le président a le dernier mot. Il doit examiner tous les éléments de preuve, vérifier si la preuve est complète, et rendre une décision à partir de la preuve produite, mais également des éléments manquants. Tout au long du processus, le Dr Graham a reçu des courriels indiquant qu’un bon nombre de bêtes avaient été achetées plus ou moins au prix de la viande, et sa décision en tient compte.

(Transcription de l’audience, pages 384 et 385)

[197]       Au cours du contre-interrogatoire, le Dr Bischop a confirmé qu’un wapiti mâle de six ans est adulte :

[traduction] R         Je crois que c’est six ans et plus.

Q         Ce n’est pas seulement l’avis des gens du ranch, c’est aussi le vôtre et c’est assurément celui de l’industrie. Il serait raisonnable de penser qu’un mâle qui a atteint cet âge est mûr pour la chasse.

R         C’est juste.

(Transcription de l’audience, page 389)

[198]       Concernant la hausse récente de la valeur des wapitis, le Dr Bischop affirme ce qui suit :

Q         D’accord. Merci. Vous avez parlé tout à l’heure des prix de 2009. Est-ce que de l’information donnée au Dr Graham par un expert de l’industrie vous a été relayée?

R         Je crois que oui.

Q         Et ces prix figurent tous – que pouvez-vous nous dire au sujet des prix?

R         Ils ont grimpé de façon constante.

Q         D’accord. Bien. Tout à l’heure – si je me fie aux témoignages précédents, les prix avaient augmenté de 122 % au moins au cours de cette période – ceux des wapitis, notamment.

LE JUGE :      Êtes-vous d’accord?

R         Tout dépend de la période.

Q         M. WEHRKAMP :     Dans le témoignage, il est question d’une période de cinq ans.

R         Oui, je m’en souviens.

Q         Pardon?

R         Je me souviens de ce témoignage, et cela me semble raisonnable.

(Transcription de l’audience, pages 389 et 390)

[199]       Le Dr Bischop a confirmé le problème important lié à l’évaluation dans son rapport :

[traduction] Q         Les exploitants vous ont donné une idée des ventes totales de gibier et du type de mâles chassés, n’est-ce pas?

R         Effectivement mais, comme je le mentionne dans mes remarques, les autres animaux du ranch n’étaient pas forcément de la même qualité que ceux qui ont servi de gibier au cours des dernières années. Aucune preuve ne m’a été donnée à ce sujet.

(Transcription de l’audience, page 390)

[200]       Quand on lui a fait remarquer que l’écart entre l’évaluation présentée dans son rapport et celle du ranch Willow Hollow était de 10 % à peine, le Dr Bischop a donné l’explication suivante :

[traduction] Q         Cependant, vous n’avez pas – vous n’avez pas eu l’occasion de consulter le second rapport d’évaluation de l’expert de l’industrie.

R         Je ne crois pas.

Q         D’accord.

R         Je ne suis pas certain.

Q         Le ranch a donc procédé à sa propre évaluation. De votre côté, sans avoir vu le rapport produit par le ranch, vous avez fait votre évaluation et vous en êtes arrivés à des valeurs semblables, à 10 % près. Nous sommes d’accord?

R         Pas tout à fait. Je n’ai pas réussi à déterminer combien d’animaux pouvaient être évalués comme étant mûrs pour la chasse.

Q         Je vais m’en tenir à votre rapport du 26 mars, dans lequel vous soulignez les valeurs des animaux les plus représentatifs ou, plus précisément, qui sont propres au ranch... Puisque ce rapport a été déposé et que – je comprends que vous n’aviez pas toute l’information voulue, mais vous en aviez une partie. Vous avez rédigé un rapport fondé sur votre évaluation.     Vous l’avez soumis au Dr Graham. Ensuite, le Dr Graham – j’essaie simplement de comprendre votre démarche. Le Dr Graham devait donc prendre connaissance de votre rapport, puisque vous étiez l’expert de l’industrie. Oui? Non?

R         Oui. Je me rappelle en effet que le Dr Graham a précisé que ces valeurs s’appliquaient aux animaux du troupeau qui étaient mûrs pour la chasse.

Q         Et plus tôt, vous avez mentionné que Willow Hollow était un ranch de chasse, que son activité principale était la chasse. Nous sommes d’accord?

R         J’ai dit que c’était la désignation que le ranch s’était donnée.

Q         Hum. Donc, selon ma compréhension, l’information vous a été transmise le 5 mars. De l’information pertinente a été communiquée au Dr Graham. Une partie, mais vous n’êtes pas certain quelle partie, vous a été communiquée. Vous avez rédigé votre rapport au mieux de vos compétences, compte tenu de l’information dont vous disposiez?

R         J’ai souligné le manque d’information...

Q         D’accord, mais...

R         ... que l’information fournie était insuffisante.

Q         Vous avez rédigé ce rapport à partir de l’information à votre disposition et au mieux de vos compétences.

R         En fait, je n’ai pas terminé le rapport parce que je n’y arrivais pas.

Q         Mais n’a-t-il pas...

R         Je n’avais pas toute l’information voulue, et je présume que vous avez lu la partie du Manuel des procédures communes qui porte sur l’évaluation, et qui indique que les reçus et les factures...

(Transcription de l’audience, pages 392 à 394)

XI.             ANALYSE

[201]       Lors de la réunion du 5 mars 2014, l’appelant a indiqué clairement que la [traduction] « valeur génétique » constituait un élément clé du processus d’évaluation. Voici les déclarations que fait M. Wehrkamp à ce sujet dans ses observations manuscrites :

[traduction] La valeur génétique est le premier élément à considérer pour établir la valeur des mâles non castrés. La détermination doit se fonder sur les ventes précédents et les résultats de production réels, tels qu’en font foi les résultats aux concours de ramure. Il est essentiel de remplacer les animaux du cheptel par des sujets dont les caractéristiques et le potentiel génétiques sont équivalents. Ce point clé est exposé dans la partie 4.4 (Valeur marchande) du Manuel des procédures communes.

[202]       En l’espèce, il a été difficile d’établir la valeur génétique parce que la cote des bois de velours était inconnue. De plus, comme la plupart des animaux chassés avaient été achetés au stade où ils étaient « mûrs pour la chasse », leur prix de vente n’était pas forcément indicatif de la valeur génétique des autres animaux du troupeau. Par ailleurs, l’appelant a refusé de produire des reçus ou des factures d’achat des autres animaux du troupeau, exception faite de SNOR 901W, pour lequel une indemnité maximale de 8 000 $ a été versée. Hormis les bêtes chassées, aucun autre animal vivant n’a été vendu.

[203]       À la réunion du 5 mars 2014 et ensuite, l’appelant s’est efforcé de pallier par divers moyens le manque d’information dû au défaut de produire des reçus.

[204]       Comme on le constate dans les observations écrites soumises par M. Wehrkamp le 5 mars 2014, il a divisé le cheptel en trois groupes : production supérieure; production moyenne et production modérée. Étant donné que, depuis 2009, des bêtes avaient été achetées dans diverses fermes, il a attribué à chacune une valeur fondée sur la productivité [traduction] « en fonction de la qualité génétique et de la qualité marchande de chaque wapiti ». Il a ensuite classé les mâles non castrés du cheptel de l’appelant selon leur ferme d’origine, en ajoutant l’âge comme indicateur additionnel de la valeur.

[205]       Le Dr Graham, au nom de l’ACIA, estime qu’il a fait une évaluation raisonnable vu le manque d’information avec lequel il a dû composer. Mme Bird, avocate de l’ACIA, a résumé le point de vue de l’ACIA lors de l’audience tenue devant moi à Battleford :

[traduction] MME BIRD :   Vu le peu d’information fournie qui concernait directement les animaux dépeuplés, la capacité de l’ACIA à en faire l’évaluation a été, selon nous, indûment compromise. Je déduis de cela – selon le témoignage livré par le Dr Graham aujourd’hui, il est au fait des répercussions importantes de ce type de processus d’indemnisation. Il comprend que c’est le gagne-pain des personnes touchées est en jeu. Il comprend que, suivant la ferme – des agriculteurs sont plus passionnés et d’autres, quand leurs animaux sont dépeuplés – certains sont plus engagés que d’autres. Toutefois, à mon avis, il a abordé le processus d’indemnisation avec toute la – c’est ce qu’il a exprimé, du moins à mes yeux, et même s’il n’a pas lui-même utilisé ce mot, je vais le dire – avec toute la compassion voulue. Il n’a jamais laissé entendre que son évaluation était à prendre ou à laisser. Son évaluation, compte tenu de l’information qu’il a eue sous les yeux et compte tenu du fait qu’il était prêt, selon ce que nous avons entendu, à apporter les ajustements voulus aux valeurs accordées, montre que le Dr Graham a vraiment fait de son mieux.

[...]

MME BIRD :    Oui, tout à fait. L’ACIA a réalisé l’évaluation des wapitis de l’appelant en tenant compte de divers facteurs, notamment l’information qu’il a fournie, les valeurs de remplacement, ses réclamations fondées sur les caractéristiques génétiques, l’âge et l’utilisation des animaux, ainsi que l’information, je le répète, sur la comparaison des prix des autres fermes et, bien entendu, les données recueillies par l’ACIA elle-même. La tâche n’a pas été facile. L’ACIA a fait de son mieux pour établir les justes valeurs marchandes pour déterminer les indemnités accordées par le ministre. Nous estimons que l’indemnisation accordée est raisonnable. À moins que vous n’ayez d’autres questions...

(Transcription de l’audience, pages 430 à 432)

[206]       Les deux parties conviennent que l’évaluation de ces wapitis n’était pas chose facile. Cependant, la principale préoccupation vient de l’écart de 500 000 $ entre leurs évaluations respectives. Les désaccords sont normaux entre des personnes raisonnables, mais cet écart porte à croire qu’une partie s’est vraiment trompée.

[207]       Voici la réponse que m’a donnée le Dr Graham lorsque je lui ai demandé quelles étaient selon lui les principales différences entre l’évaluation de l’appelant et la sienne :

[traduction] LE JUGE :      ... concernant les prix de la viande. D’accord. Pour récapituler et pour ma propre gouverne, quelles sont à votre avis les principales différences entre l’évaluation de l’appelant et la vôtre? Pour l’essentiel?

R         La différence tient à la proportion d’animaux considérés comme étant des mâles destinés à la chasse et qui sont réellement abattus à la chasse, et de ceux qui, selon mon évaluation, n’ont pas la qualité voulue pour servir de gibier. L’appelant a estimé que tous les animaux du ranch pouvaient servir de gibier, sauf ceux de deux ou trois ans.

LE JUGE :      Je comprends. La même différence est constatée dans le rapport de M. – du Dr Bischop.

R         C’est juste.

(Transcription de l’audience, page 352)

[208]       Les valeurs en cause s’appliquent aux animaux achetés par WHGR en vue de la reconstitution du troupeau après l’abattage intégral de 2009. Dans son témoignage, le Dr Graham a indiqué qu’il comprenait bien le plan :

[traduction] Q         Selon vous, quel type d’entreprise l’appelant exploite-t-il?

R         Fondamentalement, c’était une ferme d’élevage. On m’a expliqué que le troupeau avait été abattu intégralement en 2009 et que le ranch souhaitait reprendre l’élevage des wapitis parce qu’il avait beaucoup investi dans l’infrastructure. Le ranch se concentrait surtout sur le gibier de chasse. Des investissements ont été faits, dans l’intention – c’était le principal intérêt et le gagne-pain des exploitants, et ils voulaient reprendre leurs activités. Donc, depuis 2009, ils achetaient des femelles et des mâles, pour les élever à la ferme. C’est tout à fait sensé. Les animaux de moindre qualité étaient réformés. Par animaux de moindre qualité, j’entends ceux dont les bois ne présentaient aucun intérêt – je parle des mâles – et qui étaient dirigés vers l’abattoir. Ceux qui avaient une certaine valeur étaient conservés pour une, deux ou quatre années. Tant que c’était économiquement rentable, les animaux étaient conservés pour la vente des bois de velours, et ceux qui atteignaient la qualité requise étaient dirigés vers la pourvoirie, pour y être chassés. C’était la même chose pour les femelles achetées auprès d’une dizaine de producteurs. C’est ce que j’ai compris – des femelles ont aussi été réformées. Seules les meilleures étaient conservées. Les femelles de qualité inférieure étaient vendues pour la boucherie, et les autres servaient à la reproduction pour que le ranch n’ait plus à acheter de mâles pour la chasse. C’était plus judicieux sur le plan économique. Il était plus rentable pour le ranch de produire ces mâles. Au moins, il pouvait contrôler sa production annuelle et éviter d’avoir à concurrencer les autres fermes à gibier de la province pour s’approvisionner aux mêmes sources. Ce plan d’affaires me semblait logique.

(Transcription de l’audience, pages 236-237)

[209]       La preuve indique clairement que l’achat de wapitis [traduction] « en bloc » auprès d’autres fermes est un élément clé du processus de reconstitution. D’après le témoignage de M. Wehrkamp, si j’ai bien compris, cela signifie qu’un prix global est payé pour un groupe d’animaux dont la qualité peut varier. Il est donc impossible, à partir du prix d’achat global, d’attribuer une valeur à un animal en particulier au moment de l’acquisition. Ces groupes d’animaux achetés en bloc font l’objet d’une procédure annuelle de réforme assez rigoureuse, au cours de laquelle les piètres producteurs sont éliminés afin d’améliorer la valeur globale du troupeau et la valeur individuelle des survivants.

[210]       Si un autre abattage intégral frappe le troupeau de wapiti (ce qui fut le cas en 2014), il est évident que le processus annuel et cyclique de réforme des animaux achetés en bloc complique considérablement l’évaluation. S’il n’y a pas d’inspection physique des animaux touchés (comme ce fut le cas en l’espèce), il n’y a pas de reçus ni de factures disponibles pour les individus, ni même pour des groupes d’animaux de qualité similaire, susceptibles de comporter des indications sur la qualité et la valeur de chaque animal au moment de l’achat.

[211]       Dans leur témoignage, ni le Dr Graham ni le Dr Bischop n’ont semblé dire qu’ils avaient déjà rencontré des problèmes analogues au cours d’une évaluation. Ils n’ont pas non plus indiqué qu’ils avaient déjà collaboré avec quelqu’un qui avait eu une telle expérience, ou consulté une autorité à même de les éclairer sur l’évaluation de wapitis détruits quelques années après leur acquisition en bloc. Il n’existe pas non plus de preuve que WHGR recourait à des méthodes inhabituelles ou contraires aux normes de l’industrie pour reconstituer son troupeau de wapitis. Comme l’a affirmé le Dr Graham, [traduction] « ce plan d’affaires lui semblait judicieux ». Par conséquent, aucune preuve ne suggère que l’ACIA se trouvait face à des pratiques commerciales inhabituelles ou contraires aux normes de l’industrie. Pourtant, les témoignages du Dr Graham et du Dr Bischop donnent à entendre qu’ils ont tous les deux eu de la difficulté à réaliser leur évaluation, et que celle proposée par le Dr Graham dans son rapport final, qui a été acceptée par le ministre, est très éloignée de la réalité de l’industrie. À vrai dire, du point de vue de WHGR, elle se traduit par un manque à gagner de 500 000 $ de l’indemnisation accordée.

[212]       Eu égard au litige, l’importance des reçus est sans cesse revenue sur le tapis et le Dr Graham a réquisitionné à maintes reprises les reçus des achats en bloc tout au long du processus. Dans son rapport, il explique qu’il avait besoin des reçus d’achat pour [traduction] « établir si les individus du troupeau actuel valaient autant que les trophées chassés ». Le Dr Graham est d’avis que les reçus auraient permis de déterminer la valeur des wapitis qui n’avaient pas été chassés. Seulement, on ne trouve dans son rapport aucune explication de l’utilité d’un reçu d’achat en bloc dénué de toute indication de la valeur individuelle des animaux (ou de groupes à l’intérieur du bloc) pour déterminer la valeur au moment de la destruction quelques années plus tard. Le Dr Graham s’est montré tout aussi silencieux dans son témoignage de vive voix. Jusqu’à la fin, il est resté convaincu que seuls des reçus lui auraient fourni les justifications recherchées, sans expliquer comment ils auraient été utiles dans le cas d’animaux de qualités et d’âges variables qui sont achetés en bloc, et dont on ne connaît donc pas les prix individuels.

[213]       Du côté de WHGR, on a expliqué que les animaux achetés en bloc sont de qualités et d’âges variables, et que les piètres producteurs sont éliminés dans le cadre d’un programme de réforme et vendus pour leur viande. Durant l’audience tenue à Battleford, le Dr Graham a souligné le [traduction] « bon sens » de ces mesures visant à valoriser le reste du troupeau. En revanche, il a tenu les propos suivants au cours de la même audience :

[traduction] Q         M. WEHRKAMP : Merci, Monsieur le Juge. Pour poursuivre la discussion amorcée avant le dîner, j’aimerais m’attarder un peu sur les procédés de gestion et de réforme du ranch. Savez-vous que le ranch Willow Hollow réforme des animaux tous les ans?

R         Oui, je le sais.

Q         Nous avons convenu ce matin que le ranch achète des blocs de mâles non castrés, les introduit dans son troupeau, réforme les animaux de boucherie et conserve les autres pour leurs bois de velours ou pour la chasse.

R         Oui. Exact.

Q         Bien. Êtes-vous familier avec cette pratique? Êtes-vous d’accord avec cette pratique, croyez-vous qu’elle est courante dans l’industrie de l’élevage, et tout particulièrement dans le cas des wapitis?

R         Oui à toutes ces questions.

Q         Je vais vous donner un exemple et vous demander de le commenter. Nous en avons déjà parlé hier. Si vous achetez un bloc d’animaux pour un prix forfaitaire, un prix global et non un prix individuel, et que vous soustrayez 27 % pour les animaux de qualité inférieure qui ont été réformés dans le troupeau du ranch Willow Hollow l’année précédente, en 2013...

R         Oui.

Q         ... est-ce qu’il y aura une incidence sur la valeur des autres animaux?

R         Exact.

Q         Il y aura une incidence.

R         Oui...

Q         Comment se comporteront les valeurs?

R         ... les autres animaux.

Q         Leur valeur augmentera-t-elle ou diminuera-t-elle?

R         En principe, ils devraient valoir plus.

Q         D’accord. Merci. Pouvez-vous – j’aimerais attirer votre attention sur ce document, la petite brochure. À la section 118 – je vous laisse chercher – ce document de trois pages vous est adressé. C’est un courriel que je vous ai transmis.

R         Oui.

Q         Au bas, on peut voir une note manuscrite indiquant qu’aucun reçu n’a été pris en compte pour la viande et le bois de velours. Je crois qu’il est écrit : [traduction] « Frais d’entretien annualisés » avec un point d’interrogation et, en dessous, [traduction] « Je ne vois pas comment le processus de réforme augmente la valeur des autres animaux ». Est-ce votre écriture?

R         Oui, c’est mon écriture. Vous voyez...

Q         Pourtant, vous venez de dire...

R         C’est juste.

Q         ... que l’incidence serait positive, mais vous écrivez que vous ne voyez pas comment la réforme pourrait avoir une incidence positive.

R         Je vais vous expliquer.

Q         Je vous écoute.

R         Une partie des animaux est réformée chaque année. Vous en introduisez de nouveaux. Certains seront abattus et vendus pour leur viande. D’autres seront conservés pour leurs bois de velours. D’autres encore sont dirigés vers la pourvoirie, et il faut donc regarnir le troupeau. La moyenne reste constante, Randy, parce qu’il y a un va-et-vient incessant, année après année. Vous éliminez un certain nombre d’animaux mais, pour regarnir le troupeau de chasse, il faut parfois aller chercher des animaux à l’extérieur. Par conséquent, la moyenne change peu.

Q         Sauf votre respect, je pense que vous devriez revoir vos calculs. Si vous avez 100 mâles non castrés – je donne ce nombre en guise d’exemple...   Supposons que vous avez 100 mâles.

R         Exact.

Q         25 sont éliminés.

R         Exact.

Q         Vous venez d’éliminer 25 % de votre troupeau.

R         Exact.

Q         Il en reste 75. Si vous introduisez une autre centaine...

R         C’est juste.

Q         ... et réformez 25 % des animaux de ce troupeau...

R         C’est juste.

Q         ... les proportions ont changé. La proportion d’animaux réformés n’est plus de 25 %. Le nombre d’animaux réformés est inférieur. Ce sont...

R         Si les opérations sont continues et que l’intention est de conserver les 100 – dans le cadre de la présente procédure d’indemnisation, le ranch Willow Hollow avait introduit des animaux de trois et de deux ans. Ces animaux font partie du premier groupe issu d’une autre ferme et introduit dans le programme d’élevage. Il est impossible de connaître la qualité des animaux introduits. Des animaux avaient été réformés l’année précédente. D’autres ont été introduits après, qui font partie du troupeau détruit. Vous ne connaissez pas leur valeur parce qu’ils ont été introduits à deux ou trois ans. La moyenne globale ne change pas.

Q         Je pense que vos calculs sont faux. Je ne vois vraiment pas comment ils pourraient être justes.

R         Non, ils ne sont pas faux. En fait, j’ai eu cette idée hier soir.

Q         Bon. Il est évident que nous ne sommes pas d’accord sur ce point.

R         Je suis d’accord.

Q         Si vous – nous avons déjà donné un exemple. Il est inutile de le répéter, mais sur les animaux survivants après la première réforme – les animaux réformés, les 75 – pour simplifier, je vais reprendre l’exemple...

R         C’est juste.

Q         ... ce groupe vaudrait plus que ce que vous avez dit.  Ces 75 animaux auraient pris de la valeur.

R         Il reste 75 animaux. Chacun d’entre eux aurait été considéré de qualité supérieure parce que les moins bons ont été éliminés.

Q         Exactement. Merci. Pour ce qui est des mâles non castrés destinés à la chasse...

(Transcription de l’audience, pages 337 à 341)

[214]       Dans son témoignage, le Dr Graham admet que, avant son évaluation finale, il ne pensait pas que le programme de réforme faisait augmenter la valeur des autres animaux. Pourtant, il affirme que [traduction] « le programme de réforme lui apparaît plein de bon sens ». Si le Dr Graham maintient que [traduction] « la valeur moyenne globale ne change pas », il est difficile de comprendre comment le programme de réforme pourrait avoir un quelconque intérêt commercial. Je pense aussi que, quand le Dr Graham admet qu’il a eu [traduction] « cette idée hier soir », il défend son évaluation a posteriori, et il omet de dire ce qu’il pensait ou ce qu’il a fait au moment qui nous intéresse. Somme toute, tout porte à croire qu’au moment des faits, le Dr Graham n’a pas reconnu que le processus de réforme contribuait à hausse importante ou réelle de la valeur, même s’il a admis son intérêt commercial.

[215]       Dans son propre rapport, le Dr Bischop révèle qu’il possède une expérience certaine en matière d’évaluation des wapitis. Par contre, rien ne laisse entendre qu’il a déjà rencontré ou réglé des difficultés d’évaluation analogues à celles qui ont surgi en l’espèce eu égard aux achats en bloc et au processus de réforme visant à reconstituer le troupeau après l’abattage intégral de 2009, ou qu’il a déjà sollicité des avis à cet égard. Qui plus est, le rapport ne mentionne nulle part qu’il a déjà été confronté à cette difficulté, ou qu’il savait comment aborder ce genre d’évaluation.

[216]       Le Dr Bischop a mentionné qu’il avait collaboré avec le Dr Graham à l’évaluation des fermes Forjay quelques mois auparavant et que, du moins pour ce qu’il en savait, ce processus d’indemnisation s’était déroulé sans heurts. Ni le Dr Bischop ni le Dr Graham n’ont fait allusion à des difficultés associées aux achats en bloc, et donc aux solutions trouvées dans ce cas et dans d’autres. Tous les deux ont affirmé s’être référés au dossier des fermes Forjay quand ils ont été saisis de celui de WHGR. Or, le Dr Graham affirme que [traduction] « rien ne ressemble plus à un wapiti qu’un autre wapiti ». Il s’avère par conséquent difficile de comprendre la pertinence de se référer aux fermes Forjay pour appliquer la méthode proposée par le Dr Graham à WHGR. De fait, il ressort clairement du témoignage du Dr Bischop qu’il a abordé l’évaluation de WHGR avec la certitude que la situation n’aurait rien d’exceptionnel et qu’il pourrait s’appuyer sur des reçus :

[traduction] R         Je pensais que ce serait relativement facile parce que j’étais convaincu que nous aurions de l’information précise sur le prix de chaque bête, et que allions simplement passer en revue les changements survenus dans la dernière année. Une année s’était écoulée depuis l’achat des animaux, ou six mois, peu importe. Je m’attendais à obtenir des précisions sur certains chiffres, sur l’évolution des prix dans le secteur. Je pensais que nous en arriverions à une indemnité très équitable.

Q         Aviez-vous déjà eu des expériences semblables dans d’autres processus d’évaluation?

R         Oui, ça m’était déjà arrivé. Il m’était arrivé, à quelques reprises, de travailler avec des documents qui indiquaient le prix d’achat des animaux et le prix de vente d’animaux similaires du même troupeau – il avait été assez facile d’en arriver à des chiffres qui nous semblaient très justes.

(Transcription de l’audience, pages 370 et 371)

[217]       Apparemment, c’était la première fois que le Dr Graham et le Dr Bischop étaient appelés à évaluer des wapitis acquis dans le cadre d’ententes d’achat en bloc de sujets de valeurs et d’âges variables, qui avaient été assujettis à un processus de réforme avant d’être abattus. Cet aspect crucial de l’évaluation est en jeu dans le présent litige. Pourtant, aucun des témoins de l’ACIA n’a parlé d’une expérience analogue ou proposé une méthode pour régler cette question. Ils ont réitéré à quel point les reçus étaient importants, sans expliquer en quoi un reçu d’achat en bloc aurait pu les aider à évaluer les animaux abattus. Ils ne semblent pas non plus avoir sollicité des avis ou fait de recherches concernant cet aspect cardinal de l’évaluation. Les deux ont continué d’insister sur l’importance des reçus, sans toutefois préciser ce qu’un reçu d’achat en bloc leur aurait appris sur la valeur individuelle des animaux. Ils n’ont pas non plus indiqué comment WHGR aurait pu fournir un point de comparaison pour les ventes dans un contexte où il tentait de reconstituer son troupeau après un abattage intégral et où celui-ci était constitué de survivants d’un programme de réforme axé sur la valorisation du troupeau.

[218]       Le Dr Graham et le Dr Bischop voulaient à tout prix que des reçus et des factures soient produits comme éléments de preuve de la qualité et de la valeur des animaux au moment de leur acquisition ou de leur vente. Comme ces documents ne lui ont pas été fournis, le Dr Bischop n’a pas été en mesure de terminer son rapport :

[traduction] R         Je n’ai pas pu faire une évaluation correcte parce que je ne connaissais pas les prix d’achat et de vente réels des animaux en cause.

(Transcription de l’audience, page 379)

[219]       Lorsque j’ai interrogé le Dr Bischop sur sa position au moment de l’audience, voici ce qu’il a répondu :

[traduction] Q         J’aimerais avoir quelques précisions, pour mon propre bénéfice et pour celui de la Cour : vous avez dit que vous ne pouviez pas faire une évaluation précise, mais vous – votre évaluation est proche de celle que propose le ranch Willow Hollow. Est-ce que vous êtes allés de l’avant avec les prix fournis?

R         La question n’était pas tant de connaître le prix exact des animaux, à mon avis. Même si notre évaluation était relativement proche de la leur, la question centrale était de déterminer le nombre d’animaux à évaluer, ou la proportion, si vous aimez mieux. À combien d’animaux s’appliquaient les critères tels que la vente de bois de velours et le poids? J’aime bien tenir compte des valeurs extrêmes pour avoir une meilleure idée. Par exemple, si un troupeau est élevé uniquement pour le bois de velours et la viande, et qu’il compte 600 têtes, il serait raisonnable de tenir compte en premier lieu du prix du bois de velours, du prix de la viande, et ainsi de suite. Mais qu’arrive-t-il si un ranch ou une ferme vend un seul animal chassé par année? Est-ce qu’il faut placer tout le troupeau dans la catégorie gibier et accorder une valeur supplémentaire de 2 000 $ par tête? Ne serait-il pas plus logique de considérer qu’un seul animal était destiné à la chasse? Je pense que c’est la démarche suivie par le Dr Graham dans son rapport final, et j’abonde dans son sens. Comme on ne lui a pas fourni d’autres documents, son évaluation m’apparaît la plus juste possible.

Q         Donc je...

LE JUGE :      Excusez-moi.

MME BIRD :    C’est juste.

LE JUGE :      Vous parlez du rapport du Dr Graham, n’est-ce pas?

R         C’est juste.

LE JUGE :      Cela signifie-t-il que vous remettez en question vos propres conclusions après avoir pris connaissance du rapport du Dr Graham?

R         Dans mon rapport – à vrai dire, je n’ai jamais terminé mon rapport.

LE JUGE :      Pourtant, vous avez bel et bien fait une évaluation.

R         J’ai fait une évaluation qui était très proche de celle du Dr Graham. En revanche, l’important était de déterminer le nombre d’animaux visés par cette évaluation et, à défaut de cette information, je n’ai pas pu me prononcer.

LE JUGE :      Vous avez quand même recommandé un montant d’indemnisation, non?

R         Certes, mais je n’ai pas dit que ce montant devait être multiplié par 265 ou un nombre quelconque.

LE JUGE :      D’accord. Je vois. Merci.

Q         MME BIRD : Si vous aviez eu à votre disposition toute l’information fournie au Dr Graham, en sachant qu’aucun autre document ne serait produit, votre évaluation ou votre rapport auraient-ils été très différents?

R         J’imagine que si j’avais su à ce moment qu’aucun autre document ne serait fourni, j’aurais dû procéder un peu comme le Dr Graham et estimer combien de bêtes devaient être évaluées comme du gibier et combien devaient l’être à une moindre valeur.

Q         Faites-vous part de vos préoccupations dans votre rapport?

R         Oui, j’en parle.

Q         Et quelles étaient ces préoccupations?

R         J’y souligne le manque d’information au sujet des prix d’achat. D’emblée, il a été tenu pour acquis que la plupart des animaux achetés étaient de valeur égale à ceux qui avaient été achetés à l’origine aux fins de la chasse. Or, très peu de documents ont été fournis à l’appui de cette prétention.

(Transcription de l’audience, pages 379 à 381)

[220]       Lors de l’audience tenue à Battleford, j’ai interrogé le Dr Bischop sur la valeur présumée des animaux en cause, établie à 4 800 $ :

[traduction] LE JUGE :      J’aimerais vous poser une question, Docteur Bischop. Le Dr Graham commente votre rapport dans son rapport du 2 mai 2014. Je ne sais pas si vous êtes au courant. Si vous ne l’êtes pas, je vais vous lire le passage en question. L’un des éléments à considérer est le suivant (tel que l’extrait a été lu) :

Le Dr Bischop a attribué une valeur de 4 800 $ en tenant pour acquis que tous les mâles du troupeau étaient de qualité trophée.

Est-ce exact?

R         Oui, c’est exact.

LE JUGE :      Avez-vous vraiment fait l’hypothèse que tout le troupeau était composé de trophées?

R         Je n’avais aucune preuve que c’était ou non le cas.

LE JUGE :      Mais était-ce votre hypothèse de départ, oui ou non? Si vous n’aviez aucune preuve, alors pourquoi avoir fait l’hypothèse que tous les mâles étaient de qualité trophée?

R         Alors non, je n’ai pas fait cette hypothèse. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas décrété qu’il fallait multiplier le prix par 265 ou par un nombre quelconque.

LE JUGE :      Ce que vous nous dites, c’est que le Dr Graham se trompe?

R         C’est peut-être bien le cas, en effet.

(Transcription de l’audience, pages 382 et 383)

[221]       Nous constatons aussi que le Dr Graham a octroyé la qualité trophée à 15 % du troupeau adulte. Il est difficile de comprendre comment il a déterminé la valeur des 85 % des animaux adultes restants mais, selon la note manuscrite citée ci-dessus, la valorisation attribuable au processus de réforme (même s’il concède que le plan d’affaires de WHGR était plein de bon sens) ne semble pas avoir fait une grande différence.

[222]       Il ressort clairement de la preuve que le Dr Graham et le Dr Bischop que le défaut de fournir des reçus d’achat (ou des factures) a joué un rôle déterminant dans l’évaluation des autres mâles. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le Manuel des procédures communes indique que des reçus doivent être produits. Toutefois, le Dr Graham et le Dr Bischop ont tous les deux témoigné que le Manuel donne des directives, et que le processus autorise une certaine latitude. Malheureusement, je crois que cette partie a été oubliée. L’absence de reçus est restée une préoccupation constante pour le Dr Graham tout au long du processus d’évaluation, et il en fait abondamment mention dans son rapport final. Il s’agit donc d’un élément clé du présent appel.

[223]       Il est question ici du défaut du WHGR de produire les reçus ou les factures des achats en bloc d’animaux qui représentaient la principale partie du troupeau abattu en 2014.

[224]       Premièrement, WHGR a eu tort de ne pas produire les reçus ou les factures et d’autres documents qui auraient pu attester les ententes d’achat en bloc, et le Dr Graham pouvait à bon droit exiger ces documents. D’après la preuve qui m’a été présentée, lesdits documents existent mais, pour marquer leur manque de pertinence, WHGR a refusé de les produire. Normalement, devant pareil refus de produire des documents de base (conformément au Manuel des procédures communes), l’évaluateur aurait dû tirer une conclusion défavorable à WHGR. Ce refus pourrait laisser entendre que WHGR essayait de dissimuler des faits puisqu’il n’avait rien à perdre en produisant ces documents. Si tout ce que ces documents auraient pu révéler est le prix des achats en bloc, ils n’auraient pas pu nuire à la cause de WHGR et ils n’auraient pas influé sur la décision du Dr Graham, sauf si les reçus ou les factures contenaient des renseignements clés aux fins du processus d’évaluation que le WHGR préférait dissimuler à l’ACIA ou à l’évaluateur. M. Brown et M. Conacher n’ont pas été appelés à témoigner à l’audience d’appel, de sorte que ni l’ACIA ni l’évaluateur adjoint n’ont eu la possibilité de les interroger sur les documents manquants et leur contenu. Dans son témoignage, M. Wehrkamp a prétendu qu’ils n’avaient pas été produits tout simplement parce qu’ils n’étaient d’aucun intérêt aux fins de l’évaluation ou de l’appel. Or, il échoit à l’ACIA et à l’évaluateur de départager les éléments pertinents et ceux qui sont dépourvus d’intérêt. Cette décision n’est certes pas du ressort de M. Wehrkamp ou de l’appelant. Les documents sont disponibles maintenant, tout comme ils l’étaient quand ils ont été demandés. Normalement, le défaut de les produire conformément à un manuel des procédures communes aurait pu entraîner un refus d’accorder une indemnisation et d’accorder une autorisation d’appel. Cette mise en garde vaut pour tous les producteurs. M. Wehrkamp explique qu’il règne dans l’industrie une méfiance à dévoiler les méthodes et les procédés d’affaires. Soit, mais une demande d’indemnisation déposée en vertu de la Loi et un appel interjeté devant un évaluateur ne ressortissent pas au domaine privé. Lorsque les producteurs demandent d’être indemnisés par le Trésor public, une transparence totale est de mise, et toute dérogation à cette obligation pourrait fort bien aboutir à la négation de toute forme d’indemnisation.

[225]       Par chance, WHGR a échappé à cette déconvenue. Le Dr Graham a accepté de se fier aux déclarations faites de vive voix par les gens de WHGR concernant l’évaluation au prix de la viande des animaux en cause dans le présent appel. M. Wehrkamp a déclaré que leur valeur [traduction] « avoisinait celle de la viande », sans toutefois donner de chiffres concrets. Le Dr Graham a donc conclu à bon droit que ces animaux avaient été achetés au prix de la viande, et j’en arrive à la conclusion de fait qu’ils l’ont été. Aucun élément de preuve ne vient démontrer le contraire. À l’évidence, la question cardinale dans cette affaire n’est pas réglée.

[226]       La question est de déterminer la valeur marchande qu’il convient d’accorder à des wapitis achetés en bloc au prix de la viande après qu’ils ont été assujettis à un processus de réforme visant à éliminer les piètres producteurs et à hausser la valeur du troupeau, en privilégiant la chasse et les mâles de qualité trophée.

[227]       Si j’ai bien compris, après l’abattage intégral de 2009, WHGR a entrepris de reconstituer son troupeau et, pour ce faire, il a acheté des groupes de wapitis à un prix global dans le cadre des ententes d’achat en bloc évoquées en l’espèce. Dans chacun des groupes, l’âge, la qualité et le potentiel de chaque individu pouvaient varier, de sorte que le prix d’achat individuel n’a jamais été connu, pour aucun de ces animaux. WHGR procédait ensuite à l’élimination des piètres producteurs du troupeau en vue de hausser progressivement la valeur des survivants et la valeur globale du troupeau. Comment évaluer un troupeau détruit après qu’il a été soumis à un tel processus de valorisation? Les deux parties conviennent que ce n’est pas chose aisée. Toutefois, la législation exige que cette évaluation soit faite parce que, sous le régime des alinéas 51(2)a) et b), l’indemnité payable est égale à la valeur marchande de l’animal au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de son cadavre.

[228]       L’ACIA attache beaucoup d’importance à l’absence de reçus. Toutefois, étant donné que les animaux avaient été achetés en bloc et que leur âge et leur potentiel pouvaient varier, je pense que les reçus auraient tout au plus corroboré l’achat d’animaux en groupe et au prix de la viande. Les reçus n’auraient pas pu nous renseigner sur la qualité ou le potentiel d’un animal en particulier ou de l’ensemble des animaux ayant survécu au processus de réforme. Si ce type d’entente d’achat en bloc constitue une pratique légitime de l’industrie, et aucune preuve dont j’ai été saisi ne m’indique le contraire, alors l’ACIA doit proposer une méthode pour établir la valeur marchande raisonnable des animaux en cas d’abattage intégral. On ne peut pas s’attendre à ce que des producteurs s’abstiennent de conclure certains types d’ententes commerciales (qui, admet le Dr Graham, sont pleines de bon sens) parce que les animaux achetés ainsi risquent d’être difficiles à évaluer en cas de destruction.

[229]       La démarche du Dr Graham pour évaluer les mâles survivants du troupeau, compte tenu de la nature des activités de WHGR et de son plan de reconstitution, qu’il a lui-même avalisé, me semble incohérente. Se fondant sur des données historiques, il a décrété que 15 % des sujets adultes du troupeau étaient de qualité trophée, et il leur a donc accordé une valeur de 4 500 $ chacun. Cependant, étant donné qu’il a attribué une valeur composite pondérée (gibier, bois de velours, boucherie) aux animaux nés avant 2010, je comprends mal comment il a évalué les autres animaux, ou quelle justification il pourrait donner étant donné que WHGR applique un programme de réforme.

[230]       Cette question a été amplement débattue lorsque M. Wehrkamp a contre-interrogé le Dr Graham à l’audience de l’appel.

[231]       Tout d’abord, il a été rappelé au Dr Graham que, même en l’absence de reçus, il disposait de toute l’information nécessaire pour évaluer les animaux en question :

 [traduction] Q        Très bien. Avez-vous – c’est l’élément clé sur lequel nous voulons insister : vous saviez que cette information existait et vous en aviez pris connaissance. J’aimerais m’attarder un instant sur les reçus. Vous avez dit que les reçus n’étaient pas disponibles. À plusieurs reprises, selon la preuve, vous avez demandé les reçus.

R         C’est juste.

Q         Nous sommes d’accord? Nous sommes d’accord. Cependant, dans plusieurs de vos réponses, vous mentionnez que les reçus n’étaient pas disponibles. J’aimerais savoir...

LE JUGE :      Laissez-le répondre. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation, Docteur Graham?

R         Oui, je suis d’accord.

Q         M. WEHRKAMP : Très bien. La demande a donc été répétée plusieurs fois et la réponse était invariablement « je suis désolé, ils ne sont pas disponibles ». Est-ce bien cela?

R         C’est bien cela.

Q         Vous avez mentionné que vous aviez besoin de reçus pour déterminer si les mâles achetés étaient destinés à la production de bois de velours ou de viande, ou à la chasse. Vous avez indiqué que vous auriez pu faire cet exercice à partir d’un reçu se rapportant à un bloc d’animaux.

R         Je pense qu’il est possible – qu’un reçu peut donner une bonne idée de ce qui a été acheté. La facture qui y est agrafée peut contenir des détails comme l’âge et le sexe, et indiquer un total.

Q         Mais ce qui nous intéresse, ce sont les mâles non castrés...

R         Dans ce dossier en particulier...

Q         ... aux fins de la présente procédure d’indemnisation.

R         Oui.

Q         Sur un reçu concernant un bloc, un achat en bloc – si vous me le permettez, je vais expliquer ce qu’est un achat en bloc. Lorsqu’elle fait un achat en bloc, une ferme achète un groupe de mâles à une autre ferme. Elle n’obtient pas une liste de chaque animal du groupe. Vous comprenez?

R         Oui, je comprends.

MME BIRD :    Je tiens à être bien certaine que c’est clair – je ne me souviens pas du mot exact que M. Wehrkamp a suggéré dans son témoignage, mais je veux m’assurer qu’il pose de véritables questions, parce que j’ai eu l’impression au début qu’il tentait d’apporter de nouveaux éléments de preuve.

LE JUGE :      Eh bien...

MME BIRD :    C’était une affirmation, et...

LE JUGE :      Comme vous pouvez le constater...

MME BIRD :    Mais il a ensuite répondu...

LE JUGE :      ... que ce n’était pas le cas. Il lui a simplement demandé s’il était d’accord.

MME BIRD :    Oui, d’accord.

LE JUGE :      Rien ne l’en empêche. Poursuivez.

Q         M. WEHRKAMP :     Si c’est le cas, si vous avez – qu’il s’agisse ou non d’un reçu, si je vous dis aujourd’hui que j’ai acheté 100 mâles non castrés, qu’ai-je acheté?

R         Randy, vous devriez avoir un permis de mouvement de cervidés.

Q         Et qu’est-ce que ce permis vous apprendra?

R         Il m’indiquera l’âge. Il m’indiquera le sexe.

Q         Vous avez déjà cette information, non?

R         Oui, nous l’avons.

Q         Vous aviez déjà cette information. Vous aviez déjà en main tous les permis de mouvement des cervidés du Willow Hollow Game Ranch.

R         Oui, nous les avions.

Q         Donc, vous aviez déjà cette information.

R         C’est juste.

Q         D’accord. La seule chose – vous saviez que les animaux achetés par le ranch...

R         C’est juste.

Q         ... vous saviez d’où ils venaient. Vous saviez quel âge ils avaient. Vous connaissiez leur sexe.

R         C’est exact.

Q         Vous saviez s’ils étaient désignés comme des reproducteurs ou comme du gibier.

R         Comme je travaille pour le gouvernement, je sais que les catégories reproduction, gibier ou boucherie sont souvent – je l’ai constaté dans mon propre bureau, les classifications ne sont pas toujours bien utilisées.

Q         Il y a donc un problème, des possibilités d’erreur, si je vous comprends bien.

R         En fait, lorsque vous achetez – disons 34 mâles. Vous les ramenez chez vous et vous faites un examen des animaux pour voir à qui vous avez affaire. Vous les répartissez selon les catégories. S’ils ont du potentiel, ils sont conservés pour le bois de velours, comme je l’ai déjà dit.           S’ils sont de plus grande qualité encore, ils seront élevés pour la chasse. Ceux qui sont de moindre qualité sont envoyés à l’abattoir.

Q         Si vous avez déjà cette information, comme vous l’avez confirmé, vous avez ce qu’il vous faut, selon ce que vous nous avez dit, pour déterminer si un animal est destiné à la chasse, ou du moins une bonne partie de l’information nécessaire pour faire cette évaluation...

R         Il faut un reçu pour corroborer l’information, Randy. Si, dans un groupe de 34 mâles non castrés, 20 sont bons pour la chasse, cela équivaut à 24 000 $ – pour un total de 80 000 $. Cependant, si tous les animaux sont de qualité inférieure et bons seulement pour la boucherie, ils ne vaudront pas 80 000 $. Ils vaudront beaucoup moins. Cela vous donne une idée du portrait bigarré du groupe.

Q         Mais vous avez aussi indiqué que vous aviez besoin de l’information figurant sur les permis de mouvement pour prendre une décision. C’était l’élément clé de votre évaluation. Vous aviez cette information.

R         Oui, l’information existe, mais si vous l’avez – et vous devriez l’avoir. Selon mon expérience, les commerçants écrivent « payé » quand c’est payé au complet, et le montant est ventilé selon le nombre d’animaux dans la catégorie reproducteur, gibier, bois de velours, et je ne sais quoi. La valeur est indiquée selon la classification, avec le total au bas.

Q         Je ne sais pas trop quoi dire parce que...

LE JUGE :      Concernant l’information sur les formulaires de mouvement de cervidés et les catégories indiquées, en avez-vous vraiment tenu compte, ou avez-vous simplement décidé de l’ignorer parce que vous ne l’estimiez pas fiable?

R         Je savais que ces permis existaient.

LE JUGE :      Oui.

R         Je savais que des animaux avaient été achetés au cours de la dernière année, mais des animaux avaient aussi été achetés durant les six années précédentes – comme je l’ai déjà expliqué, des animaux avaient été conservés pendant une année pour déterminer leur potentiel, puis ils avaient été envoyés à l’abattoir. Des animaux jeunes qui semblaient prometteurs avaient été conservés pour leurs bois de velours. C’était un processus continu.

LE JUGE :      Oui.

R         Mais oui, les reçus m’auraient donné une idée.

LE JUGE :      Je comprends que vous auriez souhaité avoir les reçus, mais il a été suggéré que vous disposiez de toute l’information voulue, et que vous auriez pu utiliser les permis de mouvement de cervidés.           Auriez-vous pu vous appuyer sur ces permis, oui ou non? Avez-vous utilisé ou auriez-vous pu utiliser cette information?

R         Non, je ne l’ai pas utilisée parce que le mot gibier [hunt en anglais] est trop général. De la façon dont il est utilisé, ce mot signifie simplement qu’une entente a été conclue avec un tiers qui souhaite aller à la chasse pour capturer un mâle que vous lui fournissez à un prix convenu. Peu importe que ce mâle ait une taille de 500 ou de 250 pouces, une entente est conclue.

LE JUGE :      Très bien. Si j’ai bien compris, vous n’avez pas pris cette information en compte dans vos calculs.

R         Non, aucunement.

(Transcription de l’audience, pages 316 à 321)

[232]       Le Dr Graham affirme que les reçus lui auraient donné une idée, sans préciser une idée de comment ou de quoi. Rien dans la preuve qui m’a été soumise n’amène à trancher que des reçus d’achat en bloc auraient de quelque façon contribué à l’évaluation des sujets survivants du troupeau. De plus, le refus du Dr Graham de reconnaître la catégorie « gibier » (hunt) sur les permis de transport de cervidés repose sur des conjectures. Il ne donne aucune justification digne de ce nom pour ignorer la désignation gibier qui figurait sur les permis visés en l’espèce. Le Dr Graham estime que cette désignation n’a pas de véritable impact sur l’établissement de la valeur puisque la valeur du gibier est celle que l’acheteur est prêt à payer. Aucune preuve ne démontre que c’est véritablement le cas ici et, quoi qu’il en soit, le Dr Graham ne nous éclaire pas sur la façon dont un reçu pour un achat en bloc aurait été utile, comme l’a déclaré M. Wehrkamp dans son témoignage, ces reçus n’indiquent le prix d’achat d’aucun animal en particulier. Si l’on adhère au point de vue du Dr Graham comme quoi un mâle destiné à la chasse n’est pas forcément un mâle de qualité trophée, il faut en contrepartie admettre que cette désignation ne signifie pas forcément non plus que la valeur de l’animal se limite à sa viande. Je réitère qu’il est difficile de voir comment les reçus manquants en l’espèce auraient permis à l’ACIA de résoudre les difficultés liées à l’évaluation.

[233]       Mais surtout, si cette désignation peut englober des animaux de valeurs diverses (autant des animaux de qualité trophée que des animaux de boucherie), le Dr Graham n’explique jamais comment il a déterminé les proportions, exception faite de la répartition entre les trophées et les animaux de boucherie. Il accorde la valeur trophée, soit 4 500 $, à 15 % du troupeau, mais il semble classer tous les autres mâles comme étant destinés à la production de bois de velours ou de viande, et il évalue leur valeur à 2 375 $. Selon lui, [traduction] « le mot gibier est général » et peut désigner aussi bien [traduction] « un mâle de 500 que de 250 pouces ». Cela signifie en revanche qu’il n’a aucune base pour évaluer les mâles qui ont été désignés comme du gibier et qui ont été détruits. Exception faite de la proportion de 15 % d’animaux qui sont désignés comme des trophées sur le permis, il octroie arbitrairement une faible valeur aux autres animaux, sans justification. Il justifie sa démarche en affirmant que [traduction] « des reçus lui auraient donné une idée » et que la désignation gibier sur un permis peut signifier n’importe quoi. Il n’explique pas comment un reçu pour un achat en bloc lui aurait donné quelque idée que ce soit de la valeur des animaux non réformés, et aucune preuve ne corrobore sa prétention comme quoi la désignation gibier sur un permis de mouvement de cervidés n’indique pas la valeur d’un animal et, dans ce cas, sur quels paramètres il s’est fondé pour apprécier la valeur des autres mâles.

[234]       Son évaluation des mâles de qualité trophée est tout aussi arbitraire. À cet égard, l’échange suivant est révélateur:

Q         D’accord. Quelle est la valeur d’un mâle non castré de 400 pouces qui a été tué à la chasse?

R         Vous voulez le prix de détail ou de gros?

Q         Le prix de gros. Mais d’accord pour le prix de détail. Nous avons les prix au détail. Nous en avons déjà parlé.

R         Oui, nous en avons parlé tout à l’heure. J’ai opté pour 400.

Q         Oui.

R         Et j’ai attribué une valeur de 4 500 $.

Q         Pourquoi n’avez-vous pas – pour revenir à cette question, pourquoi avez-vous utilisé une valeur moyenne, alors que les registres du ranch vous avaient été fournis...

R         Oui, c’est juste.

Q         ... et indiquaient les moyennes pour les 31 animaux chassés et – vous disposiez de cette information précise concernant le ranch. Cette information vous avait été transmise.

R         À quel onglet faites-vous référence?

Q         Il s’agit du rapport de l’évaluateur, à l’onglet numéro 24 – comment oublier – je m’en souviendrais. C’est à l’onglet numéro 6. C’est votre évaluation des mâles, à la troisième page.

R         Celle dont nous avons déjà parlé?

Q         Oui, celle-là.

R         Il y en a 151. Puis-je me lever, Monsieur le Juge?

LE JUGE :      Bien sûr. Je vous en prie.

R         Il y a 151 mâles non castrés. Si je divise par 5, j’obtiens 31. D’accord?

Q         M. WEHRKAMP :     Exact.

R         Je suis d’accord. Ces mâles sont ceux qui ont été tués à la chasse au cours des cinq années précédentes.

Q         Oui, celle-là.

R         Des cotes leur ont été attribuées – quelle proportion des 151 mâles, quelle était la ventilation des mâles selon les cotes? Tout au bas, vous voyez le nombre de mâles non castrés en fonction de l’âge. Ces mâles sont ceux qui étaient toujours dans le troupeau du ranch au moment de l’abattage intégral, n’est-ce pas?

Q         Concentrons-nous, si vous le voulez bien, sur la partie supérieure et laissons de côté...

R         Je suis d’accord.

Q         ... le nombre total de mâles pour l’instant. Nous y reviendrons.

R         Très bien. Vous affirmez que ce sont les mâles qui ont été chassés au cours des cinq années précédentes. J’ai l’impression tout à coup de mener le contre-interrogatoire.

Q         C’est aussi mon impression.

R         Quoi qu’il en soit, pouvez-vous m’expliquer ce que les chiffres des cinq années précédentes ont à voir avec les mâles qui ont été détruits?

Q         Ils ont tout à voir! Mais tout d’abord, êtes-vous d’accord pour dire que les données du tableau sont raisonnables et nous donnent une image claire des cinq dernières années?

R         Ce tableau donne une image claire des mâles chassés dans les cinq dernières années.

Q         C’est ce que je voulais vous entendre dire. Merci.

R         Je suis d’accord.

Q         Pourtant, votre évaluation s’applique à un mâle non castré de 400 pouces.

R         Nous y revenons encore. Ce que vous – le passé n’a rien à voir – vous en achetez toujours de nouveaux. Ce n’est pas comme si vous étiez – comme si le ranch Willow Hollow avait toujours les mêmes vaches depuis 11 ou 12 ans. Dans ce cas, vous savez que, d’année en année, le profil génétique est maintenu, il a été développé, il y a une constance. Dans votre cas, vous achetiez, vous réformiez, vous achetiez, vous réformiez. Il n’y a pas de constance d’une année à l’autre. Comment pouvez-vous affirmer que les données des cinq dernières années peuvent être extrapolées aux cinq années suivantes? Ce n’est pas possible.

Q         Le troupeau pourrait s’améliorer.

R         Il pourrait s’améliorer, il pourrait se détériorer, alors j’ai choisi un entre-deux, 400.

Q         Il me semble plus précis d’utiliser les données historiques existantes et de faire des projections.

R         Si les données historiques sont exactes.

Q         D’accord.

R         Ces données sont exactes, mais si...

Q         D’accord. Merci.

R         ... mais il est impossible – ce serait possible si tous les autres paramètres étaient constants. Dans ce cas-ci, ils ne l’étaient pas.

Q         Je ne veux pas rediscuter de cela...

R         Je suis d’accord.

Q         ... avec vous. Nous avons des données historiques et, juste pour clore cette partie, permettez-moi de récapituler ce que je crois avoir entendu. Les données réelles des cinq années antérieures n’ont pas été prises en compte pour estimer la valeur future. Une moyenne arbitraire de 400 a été appliquée. Est-ce bien ce que vous avez dit? Oui ou non? C’est...

R         C’est exact.

Q         Bien. Merci. Alors poursuivons.

(Transcription de l’audience, pages 322 à 325)

[235]       Le litige de fond sur la question de l’âge et du stade adulte est illustré de manière éloquente par l’échange suivant :

[traduction] Q         Parlons de la décision concernant le nombre de mâles non castrés s’étant qualifiés comme gibiers.

R         Si vous voulez.

Q         À mon sens, il s’agit d’un élément clé dans cette affaire. C’est un élément clé aux fins de l’indemnisation. C’est sans doute le bon moment pour examiner le tableau...

R         Je suis d’accord.

Q         ... figurant au bas de la page qui, vous en conviendrez, donne un portrait exact pour ces mâles en particulier.

R         Vous parlez du nombre total?

Q         Ceux qui sont indiqués ici.

R         Oui.

Q         D’accord.

R         Cela me semble exact.

Q         Bien. Merci. Dans les documents que vous avez produits et pendant votre témoignage, vous avez indiqué l’âge auquel les mâles sont considérés mûrs pour la chasse, n’est-ce pas?

R         Eh bien, j’ai attribué un prix précis aux mâles de deux et trois ans, je crois.

Q         Non. À quel âge les mâles sont-ils considérés comme adultes et mûrs pour le marché de la chasse?

R         Est-ce que j’en parle dans mon rapport?

Q         À vrai dire, je vous demande à quel âge vous avez déterminé qu’un mâle avait atteint ce stade, et j’imagine que vous penseriez la même chose aujourd’hui.

R         Là encore, je ne suis pas certain de comprendre la question. Je suis désolé.

Q         À quel stade de son développement un mâle non castré devient-il adulte et donc mûr pour le marché de la chasse?

R         Eh bien, dès qu’il atteint les dimensions requises pour être considéré comme du gibier chassable.

Q         Et quelles sont les dimensions minimales, selon vous?

R         Selon moi? Il est possible de chasser – comme je l’ai dit, vous pouvez chasser les mâles que vous voulez, pourvu que – le prix peut être très bas, pas beaucoup plus que le prix de la viande. Alors pourquoi se casser la tête?

Q         Est-ce à vous de décider ou à Willow Hollow?

R         Je n’ai pas pris de décision. Tout ce que je veux dire, c’est que...

Q         Étant donné que vous avez dit pourquoi se casser la tête, et...

R         Non. Je dis simplement...

Q         J’aimerais entendre votre réponse. En effet, pourquoi se casser la tête?

R         Vous m’avez demandé à quel âge un mâle non castré était mûr pour la chasse.

Q         C’est juste.

R         L’âge du mâle importe peu si quelqu’un est prêt à l’acheter.

Q         Je vois. Donc, à titre de représentant de l’ACIA, de président et d’auteur du rapport, quel âge avez-vous fixé? Dans votre rapport, vous appliquez – à combien de mâles non castrés, jugés adultes et mûrs pour le marché de la chasse les indemnités accordées s’appliquent-t-elles?

R         15 % sur 200, je crois.

Q         D’accord. Donc plus ou moins 31 mâles aux fins...

R         C’est cela.

Q         Vous avez reconnu les données des années antérieures, et vous en avez tenu compte, même si...

R         C’est très précis – c’est le nombre de mâles chassés. Il est impossible – même si vous savez combien d’animaux sont chassés chaque année, vous ne pouvez pas affirmer que ce qui s’est passé au cours des cinq années se reproduira dans les prochaines. Vous semblez oublier, Randy, que le ranch n’arrivait pas à approvisionner chaque année sa pourvoirie à même son troupeau et que, pour vendre des animaux à des chasseurs, il devait acheter des mâles mûrs pour la chasse à l’extérieur. Ces mâles chassés n’avaient pas vraiment – ils comptaient parmi les 31, mais ils ont été ajoutés. Le ranch a dû acheter des mâles pour compléter son troupeau de chasse.

Q         Pouvez-vous le confirmer? Vous êtes certain de ce que vous avancez?

R         J’ai le...

Q         Concernant tous les mâles chassés?

R         Je pense que oui.

Q         Vous êtes certain – tous les mâles chassés?

R         Je suis certain pour quelques-uns, oui.

Q         Bien. Vous avez tout à fait raison. Nous sommes d’accord avec vous que certains mâles ont été achetés à l’extérieur du ranch, mais ce sont des spécimens choisis. Il s’agit en règle générale de gros mâles, qui représentent un très faible pourcentage de ceux qui sont chassés.

R         Oui, je comprends.

Q         Il s’agit – pour la gouverne de la Cour, si vous me le permettez, je précise que le ranch de chasse occupe un grand...

LE JUGE :      Cette information – vous ajoutez des éléments de preuve.

M. WEHRKAMP :     D’accord.

LE JUGE :      Vous ne pouvez pas ajouter d’éléments de preuve. Vous ne pouvez pas donner cette explication. Vous pouvez présenter cette explication au Dr Graham et lui demander s’il est d’accord...

M. WEHRKAMP :     Je vois.

LE JUGE :      ... ou s’il la comprend.

Q         M. WEHRKAMP :     Êtes-vous d’accord pour dire que – merci, Monsieur le Juge. Donc, pour en revenir à l’aire de chasse – avez-vous déjà visité l’aire de chasse du ranch Willow Hollow?

R         Je ne crois pas.

Q         D’accord. Et est-ce que vous – et vous n’avez pas examiné les animaux abattus?

R         Non, en effet.

(Transcription de l’audience, pages 325 à 329)

[236]       Dans la discussion suivante, le Dr Graham révèle l’élément pivot de sa démarche :

[traduction] R         Tous les mâles peuvent devenir du gibier, mais leur prix de vente variera en fonction de la cote et de la taille de la ramure.

Q         Merci. C’était – c’est un point important étant donné que nous parlons d’une évaluation selon la catégorie de mâle et que ce n’est pas ce que vous avez dit auparavant dans votre témoignage. Vous avez dit que certains mâles servaient à la production de bois de velours – que certains servaient seulement pour le velours, et d’autres pour la boucherie. Ceux de qualité inférieure ont été éliminés.

R         C’est exact.

Q         Il reste seulement les animaux de qualité supérieure.

R         Exact.

Q         Ce groupe de mâles – un mâle de six ans...

R         Oui.

Q         ... si c’est un âge raisonnable, et il a été convenu à un certain point que c’était le cas...

R         C’est juste.

Q         ... pour diriger un mâle vers la chasse – mais un mâle qui a quatre ou cinq ans atteindra un jour six ans.

R         C’est juste.

Q         Dans le cadre de votre évaluation, selon ce que vous avez affirmé, vous avez appliqué ce seuil et 31 mâles...

R         C’est juste.

Q         ... à partir des chiffres de l’année précédente, ont été classés dans la catégorie gibier de chasse. Votre évaluation ne tient aucunement compte de la catégorie des mâles en croissance et sur le point de – les mâles de cinq ou six ans. Vous avez choisi le nombre 31 de manière arbitraire. Nous aimerions savoir pourquoi vous estimez qu’il s’agit d’un nombre raisonnable alors que, en fait, cette estimation repose sur le nombre de bêtes chassées l’année précédente...

R         Exact.

Q         ... le nombre de mâles chassés les années précédentes. Il n’y a pas de lien avec la population réelle de mâles sur le ranch. Vous avez fait des suppositions...

R         C’est juste.

Q         ... mais elles restent des suppositions. Vous êtes d’accord?

R         Ce ne sont pas des suppositions.

Q         En...

R         Vous auriez pu transférer les 100 mâles, peu importe le nombre, Randy, à la pourvoirie. Ai-je raison? Gibier, mâles destinés à la chasse, peu importe. Appelez-les comme vous voulez... Est-ce que tout ce gibier sera chassé? Supposons que quelqu’un veut vous donner 3 000 – ou 2 500 $, peu importe, et que vous acceptez, il chassera la bête et la paiera 2 500 $.

Q         Je ne suis pas certain que vous soyez en mesure – d’estimer... En fait, j’aimerais savoir en quoi vous êtes compétent pour déterminer que ce mâle vaut 2 500 $.

R         Eh bien, il ne vaudrait pas beaucoup plus qu’un autre mâle de boucherie ou producteur de bois de velours. Je vous invite à réfléchir à certains éléments. En deçà de 300, pour certains mâles – ces prix équivalent aux prix de la viande, plus ou moins.

Q         Mais vous ne pouvez pas me donner de prix, et vous n’avez rien d’autre pour appuyer votre rapport que des suppositions et le rapport de Darcy Lepowick.

R         Je ne tiens pas compte de l’information transmise par Darcy Lepowick. Vous devrez vous adresser à Clarence pour cela. Ce n’est pas mon...

Q         D’accord. D’accord. Je vois. Mon point est que tous les mâles peuvent être chassés. Je ne parle pas de 31 mâles sur les 260 et quelque...

R         Pourquoi ne pas tout simplement – c’est une question de terminologie. Mâle destiné à la chasse, gibier, trophée, peu importe. Tous les mâles sont chassables. Si quelqu’un est prêt à payer pour l’obtenir, c’est parfait. Mais, dans les faits, ce sont les trophées qui sont convoités, c’est-à-dire ceux qui arrivent un peu plus haut sur l’échelle et pour lesquels les acheteurs sont prêts à payer plus.

Q         Les mâles plus gros valent plus cher que les plus petits, mais ce sont tous des mâles destinés à la chasse et, peu importe la cote, ceux qui les mettent à mort ou les traquent obtiennent leur trophée, non?

R         C’est juste. Si c’est ce qu’ils veulent et ils sont prêts à payer le prix, je suis d’accord. Par contre, aujourd’hui, nous cherchons à déterminer le nombre de mâles qui sont destinés à la chasse, et le prix que les chasseurs sont prêts à mettre pour les obtenir Nous voulons établir quelle proportion du troupeau est visée. C’est tout.

(Transcription de l’audience, pages 345 à 347)

[237]       Cette discussion met en lumière le cœur des difficultés soulevées par l’évaluation. Le Dr Graham affirme que [traduction] « tous les mâles peuvent servir de gibier », mais que la distinction importante aux fins de l’évaluation est celle qui différencie les « trophées » des autres, qui n’ont pas de valeur particulière, même s’ils sont désignés comme du gibier sur le permis de mouvement de cervidés. Par conséquent, il existe une démarcation très nette entre les deux groupes. Apparemment, le Dr Graham n’accorde aucune importance à la désignation gibier dans ses calculs. Pour lui, un wapiti est soit un trophée, soit un animal de boucherie ou utilisé pour ses bois de velours, sans gradation réelle entre les deux catégories.

[238]       Cette distinction marquée n’est étayée par aucune autre preuve dont je dispose. Tout d’abord, je ne dispose d’aucun élément de preuve pour affirmer que la désignation gibier sur un permis de mouvement de gibier est insignifiante (ou sans importance en l’espèce) et qu’elle pourrait s’appliquer à des animaux tout juste bons pour la boucherie ou la production de bois de velours, ou que cette interprétation s’applique aux permis de mouvement de cervidés en l’espèce.

[239]       Deuxièmement, au vu du processus de valorisation auquel WHGR a dû s’astreindre après l’abattage intégral de 2009 et de son projet (approuvé par le Dr Graham) de regagner son statut de réserve de chasse de classe mondiale. On ne peut pas présumer non plus, comme semble l’avoir fait le Dr Graham, que l’achat annuel de bêtes de qualité trophée pour satisfaire à la demande du marché de la chasse indique que le troupeau en était dépourvu, ou qu’il en contenait à peine 15 %, selon ce qu’il a lui-même établi.

[240]       Troisièmement, le Dr Graham déclare dans son rapport que [traduction] « des caractéristiques supérieures à la moyenne et d’exception se seraient traduites par des prix d’achat plus élevés ». Ce pourrait être le cas si un prix d’achat pouvait être attribué à un animal en particulier, mais non si l’évaluation porte sur des individus de qualités et d’âges variables qui ont été achetés en bloc et qui ont été assujettis à un processus de réforme s’étendant sur plusieurs années afin d’éliminer les animaux de boucherie du troupeau. Le Dr Graham n’explique nulle part dans son rapport comment son affirmation s’applique à des animaux achetés par groupes, selon ce que la preuve indique, composés d’individus dont l’âge et la qualité génétique varient, et parmi lesquels les animaux de boucherie seront éliminés. J’ai l’impression que, dans son rapport, le Dr Graham fait tout simplement fi d’un élément central de la question qu’il a été appelé à trancher. Il ne semble pas savoir comment traiter les achats d’animaux en bloc, et sa focalisation sur l’absence de reçus donne à croire qu’il n’a jamais été au clair quant à la méthode d’évaluation du troupeau. Le Dr Graham, me semble-t-il, a tenu pour acquis qu’un groupe d’animaux est acheté pour la valeur de la viande, et que les animaux du troupeau utilisés à d’autres fins ne prendront pas vraiment de valeur, malgré son approbation du plan d’affaires de WHGR visant à reconstituer et à revaloriser le troupeau de wapitis. Il a abordé cette difficulté – et loin de moi la prétention d’affirmer que la solution était facile – en se bornant à accorder la qualité trophée à 15 % des bêtes et une valeur composite pondérée (gibier, bois de velours, boucherie) aux bêtes nées avant 2010, sans reconnaître la valeur supérieure des sujets plus jeunes.

[241]       Le rapport incomplet du Dr Bischop, dont le Dr Graham n’a pas tenu compte, nous éclaire sur l’incidence de l’âge sur la valeur d’un wapiti :

[traduction] La valeur d’un wapiti mâle est déterminée essentiellement par la cote accordée à la ramure dans l’industrie de la chasse. L’envergure des bois dépend notamment de l’âge, de sorte que la valeur moyenne d’un groupe d’animaux constitué en majorité de mâles adultes devrait être supérieure.

[242]       Selon ses calculs, le Dr Bischop a établi l’âge moyen pondéré des mâles non castrés du troupeau de  WHGR à 6,5 ans.

[243]       Dans son rapport, le Dr Bischop souligne que :

[traduction] Cette estimation justifie l’octroi d’une valeur moyenne supérieure (à celle qui a été accordée aux mâles non castrés de la ferme Janzen) aux mâles du troupeau de chasse du ranch Willow Hollow, puisque ceux-ci gagnent généralement en taille et en valeur à mesure qu’ils vieillissent.

Lors de notre réunion avec les propriétaires, j’ai affirmé que j’étais d’accord avec leur évaluation de la valeur (5 100 $ en moyenne) des 54 mâles non castrés de plus de 8 ans (ceux qui étaient nés avant 2006), fondée sur l’âge et la cote des mâles chassés les cinq années précédentes. Il a été sous-entendu que la cotation combinée des mâles plus âgés correspondait à celle des mâles qui avaient été chassés. J’ai convenu avec eux que les mâles non castrés qui étaient nés en 2007 et en 2008 devraient normalement atteindre la même valeur. Je n’ai reçu aucune information (reçus d’achat) indiquant que les wapitis du troupeau nés avant 2008 étaient de qualité égale (potentiel de croissance des bois) à ceux qui avaient été chassés au cours des cinq dernières années. Je comprends que beaucoup des wapitis chassés ont été achetés alors qu’ils étaient « mûrs pour la chasse », c’est-à-dire qu’ils étaient déjà au stade de trophée.

[244]       À nouveau, la production de « reçus » d’achat est présentée comme la seule avenue possible pour établir la valeur. Là encore, le Dr Bischop n’indique aucunement comment la valeur peut être établie à partir de reçus d’achat en bloc.

[245]       Il souligne qu’il est [traduction] « difficile d’extrapoler la valeur du reste des animaux » à partir de celle [traduction] « des animaux chassés au cours des cinq années précédentes ». Les animaux chassés n’avaient pas tous été achetés alors qu’ils étaient « mûrs pour la chasse », mais le Dr Bischop ne fournit aucune explication sur les conclusions qu’il faut en tirer. Par ailleurs, même si le ranch avait acheté des animaux « mûrs pour la chasse » alors qu’il tentait de reconstituer son troupeau après un premier abattage intégral, rien ne permet d’affirmer que son troupeau ne comptait aucun autre mâle adulte présentant une valeur certaine comme gibier. Le Dr Bischop reproduit le modèle d’évaluation du Dr Graham, focalisé sur la production de reçus, sans toutefois expliquer comment il s’applique à des achats en bloc d’animaux éventuellement soumis à un programme de réforme visant à éliminer ceux qui sont bons seulement pour la viande. Lorsque l’avocate de l’ACIA l’a interrogé sur [traduction] « la façon dont les wapitis se vendent habituellement en Saskatchewan », le Dr Bishop a mentionné [traduction] les « ententes de gré à gré », mais non les ententes d’achat en bloc. Il n’a donc pas pu dire si elles étaient courantes et comment se déroulent les évaluations après l’abattage intégral d’un troupeau ainsi constitué qui est touché par la MDC.

[246]       Le Dr Graham et le Dr Bischop ont concédé que le Manuel des procédures communes donnait des directives, mais ils ont tous les deux présumé que, outre la différence accordée pour les 15 % de trophées du troupeau, la valeur des autres animaux se limitait à la viande et aux bois de velours. Ils justifient cette estimation par l’absence de reçus d’achat démontrant que d’autres animaux pouvaient être de qualité trophée. Le Dr Graham ajoute que la désignation gibier pourrait signifier à peu près n’importe quoi. Aucun des deux ne fait allusion à une quelconque expérience en matière d’évaluation d’animaux achetés en bloc et de l’utilité de reçus dans ces cas. Ce flou a donné lieu à une division arbitraire du troupeau en trophées et en animaux de boucherie et producteurs de bois de velours.

[247]       Le Dr Bischop a été interrogé sur la méthode à suivre pour établir la valeur marchande :

[traduction] Q         Très bien. Désolé. Comment envisagiez-vous le processus d’indemnisation selon la valeur marchande des animaux du ranch Willow Hollow?

R         Pour établir la valeur marchande, il faut déterminer quelle était, au moment de l’évaluation, la valeur d’un produit vendu par un vendeur consentant à un acheteur consentant qui n’ont pas de lien de dépendance entre eux – par exemple, qui ne sont pas dans une même entreprise. La vente peut être attestée de diverses façons. La façon la plus évidente serait de produire des factures et des reçus pour certains animaux en particulier qui – dont la valeur doit être établie.

(Transcription de l’audience, pages 366 et 367)

[248]       Autrement dit, le Dr Bischop sait comment évaluer des animaux seulement s’il dispose d’un reçu donnant un prix individuel. Il évoque une évaluation précédente à laquelle il a participé aux côtés du Dr Graham et qui, apparemment, n’avait présenté aucune difficulté. Aucun des deux ne fait de parallèle avec les difficultés rencontrées en l’espèce. Si, selon ses propres dires, le Dr Bischop exige toujours des reçus relatifs à des animaux en particulier avant d’amorcer son évaluation, il faut en déduire que ces reçus ont été fournis par les fermes Forjay et que, dans ce cas, les animaux avaient été achetés ou vendus à la pièce ou, à tout le moins, que l’exploitation n’avait pas fait conclu d’ententes d’achat en bloc en vue de reconstituer un troupeau à la suite d’un abattage intégral.

[249]       Le Dr Bischop concède que, lors de la réunion du 5 mars 2014, il était à peu près d’accord avec ce qui avait été dit concernant les mâles non castrés mûrs pour la chasse. Il avait pu se rallier à ce qui avait été dit en raison

[traduction] R         [...] des antécédents et des listes de prix fournies par des tiers. On peut estimer le prix d’un mâle mûr pour la chasse à partir des transactions de vente et d’achat d’animaux de la même catégorie, tout comme on peut obtenir le prix de la viande à une certaine date ou un certain mois.

(Transcription de l’audience, pages 373 et 374)

[250]       Le Dr Bischop convient que, à la réunion du 5 mars 2014, on lui a expliqué que les reçus d’achat n’étaient pas disponibles et que WHGR estimait qu’ils seraient inutiles. Pourtant, il n’a pas cherché de moyen d’évaluer le troupeau autrement que sur la base des reçus d’achat. Il n’a pas cherché de solution pour évaluer le troupeau en l’absence de reçus donnant la valeur individuelle des bêtes. Or, il ne dit nulle part que cette situation est inédite, ou que les achats en bloc sont exceptionnels dans l’industrie du wapiti.

[251]       Voici comment il décrit son approche globale de l’évaluation :

[traduction] Q         Quand vous avez rédigé votre rapport, sur quels chiffres vous êtes-vous fondé? Quelle information avez-vous utilisée?

R         Je pouvais difficilement me servir des reçus d’achat fournis par des personnes comme Darcy Lepowick et des descriptions générales d’animaux similaires. Des animaux mûrs pour la chasse ont été achetés et le troupeau était en pleine reconstitution. Beaucoup de ces animaux ont été abattus, ce qui explique les achats et le fait que les autres animaux n’ont pas forcément été achetés au même prix. La qualité pouvait varier parce que les animaux ont été achetés pour des raisons différentes.

Q         Donc, vous deviez vous fier à des reçus ou de l’information transmis par le ranch Willow Hollow. Avez-vous maintenu l’approche que vous entendiez suivre avant la réunion sur l’indemnisation?

R         Je n’ai pas pu faire une évaluation correcte parce que je ne connaissais pas les prix d’achat et de vente réels des animaux en cause.

Q         Si nous comparons l’évaluation proposée par M. Wehrkamp dans son rapport du 10 mars à votre propre rapport et à la valeur finale que vous avez accordée aux animaux, êtes-vous d’accord pour dire que c’est assez proche?

R         Oui, je suis d’accord.

Q         J’aimerais avoir quelques précisions, pour mon propre bénéfice et pour celui de la Cour : vous avez dit que vous ne pouviez pas faire une évaluation précise, mais vous – votre évaluation est proche de celle que propose le ranch Willow Hollow. Est-ce que vous êtes allés de l’avant avec les prix fournis?

R         La question n’était pas tant de connaître le prix exact des animaux, à mon avis. Même si notre évaluation était relativement proche de la leur, la question centrale était de déterminer le nombre d’animaux à évaluer, ou la proportion, si vous aimez mieux. À combien d’animaux s’appliquaient les critères tels que la vente de bois de velours et le poids? J’aime bien tenir compte des valeurs extrêmes pour avoir une meilleure idée. Par exemple, si un troupeau est élevé uniquement pour le bois de velours et la viande, et qu’il compte 600 têtes, il serait raisonnable de tenir compte en premier lieu du prix du bois de velours, du prix de la viande, et ainsi de suite. Mais qu’arrive-t-il si un ranch ou une ferme vend un seul animal chassé par année? Est-ce qu’il faut placer tout le troupeau dans la catégorie gibier et accorder une valeur supplémentaire de 2 000 $ par tête? Ne serait-il pas plus logique de considérer qu’un seul animal était destiné à la chasse? Je pense que c’est la démarche suivie par le Dr Graham dans son rapport final, et j’abonde dans son sens. Comme on ne lui a pas fourni d’autres documents, son évaluation m’apparaît la plus juste possible.

Q         Donc je...

LE JUGE :      Excusez-moi.

MME BIRD :    Oui, d’accord.

LE JUGE :      Vous parlez du rapport du Dr Graham, n’est-ce pas?

R         C’est juste.

LE JUGE :      Cela signifie-t-il que vous remettez en question vos propres conclusions après avoir pris connaissance du rapport du Dr Graham?

R         Dans mon rapport – à vrai dire, je n’ai jamais terminé mon rapport.

LE JUGE :      Pourtant, vous avez bel et bien fait une évaluation.

R         J’ai fait une évaluation qui était très proche de celle du Dr Graham. En revanche, l’important était de déterminer le nombre d’animaux visés par cette évaluation et, à défaut de cette information, je n’ai pas pu me prononcer.

LE JUGE :      Vous avez quand même recommandé un montant d’indemnisation, non?

R         Certes, mais je n’ai pas dit que ce montant devait être multiplié par 265 ou un nombre quelconque.

LE JUGE :      D’accord. Je vois. Merci.

Q         MME BIRD :    Si vous aviez eu à votre disposition toute l’information fournie au Dr Graham, en sachant qu’aucun autre document ne serait produit, votre évaluation ou votre rapport auraient-ils été très différents?

R         J’imagine que si j’avais su à ce moment qu’aucun autre document ne serait fourni, j’aurais dû procéder un peu comme le Dr Graham et estimer combien de bêtes devaient être évaluées comme du gibier et combien devaient l’être à une moindre valeur.

Q         Faites-vous part de vos préoccupations dans votre rapport?

R         Oui, j’en parle.

Q         Et quelles étaient ces préoccupations?

R         J’y souligne le manque d’information au sujet des prix d’achat. D’emblée, il a été tenu pour acquis que la plupart des animaux achetés étaient de valeur égale à ceux qui avaient été achetés à l’origine aux fins de la chasse. Or, très peu de documents ont été fournis à l’appui de cette prétention.

(Transcription de l’audience, pages 378 à 381)

[252]       Selon le Dr Bischop, il était particulièrement difficile de déterminer [traduction] « combien d’animaux étaient mûrs pour la chasse et pouvaient être évalués à ce titre ». De toute évidence, il s’agit de l’enjeu principal du présent appel. Cela étant dit, le Dr Bischop a aussi déclaré dans son témoignage qu’il serait raisonnable de penser qu’un mâle non castré de six ans est mûr pour la chasse :

[traduction] R         Oui. Bien sûr. Dans mon rapport, je conviens qu’un mâle de six ans et plus devrait recevoir une valeur relativement semblable ou...

Q         M. WEHRKAMP :     Connaissez-vous les concours de bois qui se tiennent en Alberta et qui se tenaient auparavant en Saskatchewan...

R         Oui.

Q         ... et dans le cadre desquels un âge adulte fixe sert de critère? À quel âge un mâle est-il adulte?

R         Je crois que c’est à six ans.

Q         Ce n’est pas seulement l’avis des gens du ranch, c’est aussi le vôtre et c’est assurément celui de l’industrie. Il serait raisonnable de penser qu’un mâle qui a atteint cet âge est mûr pour la chasse.

R         C’est juste.

(Transcription de l’audience, page 389)

[253]       Il semblerait donc que l’âge (six ans) constitue un paramètre raisonnable pour déterminer si un animal est mûr pour la chasse. Le Dr Graham n’est pas d’accord, soit, mais la preuve dont je dispose me porte à penser que le Dr Bischop (qui agit à titre d’expert de l’ACIA en l’espèce) a beaucoup plus d’expérience et de connaissance pour ce qui concerne l’industrie du wapiti. Le Dr Bischop a participé à un bon nombre d’évaluations de wapitis. Pour cette raison, je suis d’avis qu’il convient, à ce stade-ci, d’accorder la préséance à son témoignage.

[254]       Jusqu’ici, j’ai tenté de mettre en lumière :

a)      la difficulté que l’évaluation a posée aux deux parties;

b)      la démarche suivie par l’ACIA pour pallier cette difficulté;

c)      les lacunes que cette démarche semble comporter.

[255]       Du point de vue de l’ACIA, le manque d’information a joué un rôle déterminant dans le processus. Le Dr Graham convient que le processus de réforme vise à rehausser la valeur d’un troupeau, [traduction] « du moins en principe », même si [traduction] « la moyenne globale ne change pas » – un point de vue que je ne puis ni comprendre ni avaliser –, mais il réfute l’estimation de WHGR concernant la proportion de bêtes mûres pour la chasse dans les 85 % restants du troupeau : [traduction] « [...] cette évaluation tient pour acquis que toutes les bêtes sur place avaient une valeur de gibier chassable, sauf celles qui avaient deux ou trois ans.

[256]       J’accepte l’analyse du Dr Graham : tous les wapitis ne deviendront pas du gibier et ne peuvent être évalués à ce titre. Cependant, il déclare dans son témoignage que [traduction] « rien ne ressemble plus à un wapiti qu’un autre wapiti », mais que chacun recèle une valeur qui lui est propre, et que le troupeau de WHGR ne peut être comparé à d’autres troupeaux. Selon lui, les critères généraux tels que l’âge et les désignations sur le permis de mouvement de cervidés ne signifient pas grand-chose. En gros, il faut comprendre qu’il n’existe pas de comparateur possible pour un troupeau ou un animal en particulier, et que la seule manière d’évaluer un animal est d’examiner le reçu d’achat indiquant sa qualité au moment de l’achat. C’est la démarche suivie par le Dr Graham en l’espèce. Or, l’inconvénient de cette démarche est son caractère rigide et l’impossibilité de l’appliquer aux pratiques de l’industrie telles que l’achat en bloc, qui a été utilisé en l’espèce, et de déterminer la valeur des animaux en cause conformément à l’alinéa 51(2)a) de la Loi.

[257]       Dans son volet chasse, WHGR vendait des animaux ayant atteint l’âge adulte et dont la ramure avait atteint une certaine cote. Le Dr Graham a établi la proportion de ces animaux à 15 %, mais cette estimation est inexacte dans le contexte. WHGR achetait des bêtes « mûres pour la chasse » pour satisfaire à une bonne partie de la demande du marché de la chasse. L’explication donnée est que le ranch tentait de reconstituer son troupeau après l’hécatombe causée par l’abattage intégral de 2009, et qu’il devait conserver les bêtes adultes ayant un bon potentiel de reproduction. À mon sens, la difficulté posée par l’estimation de la proportion de trophées (15 %) du Dr Graham concerne la proportion des animaux restants qui étaient mûrs pour la chasse et devaient être évalués à ce titre, et l’évaluation par tranche d’âges des animaux qui, quoique n’ayant pas atteint le stade adulte, présentaient le potentiel voulu pour être éventuellement dirigés vers la pourvoirie.

[258]       Bien que l’ACIA soit d’avis que les reçus originaux d’achat de ces animaux auraient facilité la résolution de cette impasse, elle n’a pas expliqué comment cela aurait été possible étant donné que les animaux avaient été achetés en bloc et qu’ils étaient de qualité variable. Si j’ai bien compris, il était impossible de déterminer combien chaque animal valait. Le Dr Graham a déclaré que cette pratique commerciale était un moyen valable de reconstituer un troupeau, mais il n’a pas tenu compte du programme de réforme lorsqu’il a déterminé les valeurs. Il n’a pas non plus reconnu que les valeurs moyennes des bêtes chassées au cours des cinq dernières années n’étaient pas forcément indicatives du nombre de bêtes de qualité gibier chassable à l’intérieur d’un troupeau en reconstitution, un processus qui commande de conserver les individus présentant un bon potentiel et de bonnes caractéristiques génétiques.

[259]       C’est ce manque d’information que WHGR a tenté de combler en mettant en concordance l’âge des individus du troupeau et les fermes où ils avaient été achetés. Le Dr Graham a rejeté ces indicateurs de la valeur au motif qu’ils ne permettaient pas une évaluation suffisamment précise des animaux du troupeau de WHGR. Cependant, je ne crois pas que les reçus lui auraient permis d’être plus précis puisqu’ils se rapportaient à des achats en bloc d’animaux dont l’âge, la valeur et le potentiel pouvaient varier. Je ne dispose d’aucune preuve m’indiquant que les déclarations de M. Wehrkamp à ce sujet étaient erronées. Il a bel et bien affirmé que les animaux achetés en bloc étaient de qualité supérieure, moyenne et modérée. Si ce n’était pas le cas, je suis certain que le Dr Bischop, fort de sa longue association avec l’industrie du wapiti, aurait rétabli les faits pour la Cour. Par ailleurs, il n’aurait été d’aucun intérêt pour WHGR d’acheter des groupes ne contenant aucun wapiti présentant le potentiel requis pour reconstituer un troupeau de chasse de classe mondiale. Même le Dr Graham a admis la logique de la démarche de WHGR.

[260]       M. Weber a confirmé que l’âge constituait un paramètre relativement fiable pour établir la valeur, et le Dr Bischop a abondé dans son sens : [traduction] « Il ne s’agit pas d’un seuil [six ans] inventé par les propriétaires d’un ranch. C’est votre opinion [celle du Dr Bischop] et celle de toute l’industrie : les mâles de six ans sont des adultes. » À l’évidence, tous les mâles non castrés de six ans ne sont pas mûrs pour la chasse, mais le dossier mis à ma disposition suggère que cette prétention est raisonnable, d’autant plus que le plan d’affaires de WHGR prévoyait une réforme progressive du troupeau en vue de redevenir un ranch de qualité supérieure.

[261]       Il m’apparaît donc que, sur cette question de base, WHGR a établi le bien-fondé de ses prétentions : il aurait été raisonnable d’évaluer tous les mâles non castrés de six ans et plus comme étant mûrs pour la chasse.

[262]       À mon sens, WHGR a également réussi à démontrer que, lorsqu’un programme de réforme est appliqué, la valeur des wapitis, de manière générale, augmente à mesure qu’ils vieillissent. Par conséquent, dans le cas des sujets de moins de six ans qui ne sont pas mûrs pour la chasse, l’évaluation devrait tenir compte des tranches d’âges. M. Weber le confirme dans son témoignage, et le Dr Bischop l’établit sans équivoque dans son rapport.

[263]       WHGR allègue en outre que les calculs du Dr Graham concernant le bois de velours ne sont pas justes. Dans ses calculs, il a considéré que le bois de velours de wapiti se vendait 35 $ la livre, alors que le prix réel en 2014 s’établissait à 40 $ la livre. Lors de l’audience qui s’est tenue devant moi, M. Weber a déclaré que les prix moyens se situaient autour de 40 $ la livre en 2014. Il était bien placé pour connaître les prix puisqu’il achète du bois de velours pour Norelko, une coopérative qui a acheté 30 % environ du bois de velours dans l’Ouest canadien.

[264]       En conclusion, la législation stipule que l’indemnisation doit correspondre à la valeur marchande au moment de l’évaluation. Elle ne parle pas de la valeur marchande au moment de l’achat d’un animal, ni du fait que la valeur marchande doit être établie à partir de reçus d’achat. Le Dr Graham a mentionné à juste titre qu’il n’existe pas de méthode unique pour évaluer les animaux restants du troupeau, mais il n’était pas pour autant dispensé de l’obligation d’attribuer une valeur raisonnable au vu des faits de l’espèce.

[265]       Le Dr Graham était au courant, ou aurait dû être au courant, des facteurs suivants :

a)      WHGR était en train de reconstituer son troupeau pour redevenir un établissement de chasse de qualité supérieure après l’abattage intégral de 2009;

b)      l’un des aspects importants de ce processus de reconstitution était l’acquisition de mâles non castrés dans le cadre d’ententes d’achat en bloc;

c)      bien que, en l’espèce, l’achat en bloc de mâles non castrés se fît moyennant un prix global qui pouvait équivaloir au prix de la viande, l’âge, la qualité et le potentiel des animaux étaient variables;

d)     la valeur des animaux conservés s’accroissait à la faveur d’un processus de réforme visant à éliminer les animaux dont le potentiel ne correspondait pas à l’objectif global de WHGR de reconstituer son troupeau de chasse;

e)      les reçus d’achat en gros n’auraient pas facilité l’évaluation individuelle des animaux, et ils n’auraient pas appris davantage au Dr Graham que ce qu’il savait déjà, savoir que les groupes d’animaux étaient achetés à un prix équivalant au prix de la viande;

f)       WHGR était en train de reconstituer son troupeau de chasse et conservait les bêtes mûres et de qualité suffisante à cet escient, de sorte que les animaux de qualité gibier n’étaient pas tous chassés chaque année;

g)      même si, en l’espèce, il n’était pas possible de faire une évaluation exacte en raison des achats en bloc et du processus de réforme visant à reconstituer le troupeau, la valeur marchande des animaux au moment de l’évaluation devait être établie;

h)      de plus, même si une évaluation exacte n’était pas possible, il aurait paru raisonnable d’utiliser des indicateurs et des hypothèses pour évaluer les autres mâles, notamment :

i)        l’âge;

ii)      le poids des bois de velours;

iii)    les permis de mouvement de cervidés;

iv)    une comparaison selon la source;

v)      la valeur des mâles de remplacement achetés après l’abattage intégral de 2014.

[266]       La valeur du bois de velours aurait dû être fixée à 40 $ la livre, soit le prix moyen pratiqué au sein de l’industrie en 2014.

[267]       Je ne vois aucune raison de conclure que la méthode appliquée par le Dr Graham pour évaluer la viande était déraisonnable.

XII.          ÉVALUATION

[268]       Après avoir examiné la preuve et tiré les conclusions formulées ci-devant, j’ai remis aux parties une ébauche de mes conclusions et je les ai invitées à déterminer si elles étaient applicables et si elles pouvaient s’entendre sur un montant d’indemnité additionnel et mutuellement acceptable. Subsidiairement, je leur ai demandé de me fournir leurs calculs respectifs fondés sur mes conclusions.

[269]       Dans un esprit de coopération fort louable, les parties se sont entendues sur le montant d’indemnité additionnel à verser à WHGR.

[270]       J’ai pris connaissance du montant proposé et de la méthode de calcul utilisée, telle qu’elle figure dans la lettre du 14 mars 2016 envoyée par l’avocate de l’intimé. La lettre est jointe aux présents motifs à titre d’annexe A.

[271]       J’estime que les calculs ont été effectués conformément à mes motifs, dans un esprit de coopération et avec l’accord des experts de l’industrie représentant les deux parties. Pour cette raison, cette démarche apparaît préférable et plus convaincante que toute tentative de la Cour d’établir le montant réel. Pour cette raison également, j’estime que cette démarche et son résultat font partie intégrante de mes motifs.

XIII.       DÉPENS

[272]       WHGR m’a demandé de lui accorder les dépens du présent appel. La justification de cette requête est fournie dans la lettre du 14 mars 2016 que m’a adressée M. Wehrkamp :

[traduction] Pour donner suite à la lettre transmise par Mme Bird à la même date, et en sus de l’octroi proposé d’une indemnité supplémentaire de 332 260 $, Willow Hollow Game Ranch Ltd. demande à la Cour d’examiner la possibilité de lui rembourser les frais judiciaires encourus.

Le processus de règlement a duré deux années complètes à compter de la première réunion avec l’ACIA. Il s’est avéré fastidieux et onéreux pour les propriétaires de Willow Hollow Game Ranch Ltd. Bien qu’ils se réjouissent de la décision de la Cour et qu’ils sachent gré au juge Russell de sa diligence et de sa compréhension de la nécessité d’augmenter l’indemnité accordée, les propriétaires tiennent à souligner qu’une nouvelle flambée des prix empêchera le ranch d’acheter autant de mâles qu’il en possédait avant l’abattage intégral. La perte de revenus attribuable à la taille insuffisante du troupeau inflige au ranch un nouveau coup dur dont il ne pourra jamais se remettre. Le mécanisme d’appel ne reconnaît pas ces facteurs clés et ne prévoit aucun recours.

Pour ces raisons, le ranch Willow Hollow demande à la Cour de lui accorder les dépens relatifs à la présente instance. Comme nous sommes des profanes, nous ne comprenons pas vraiment comment calculer les frais judiciaires et, si le juge Russell décide de les accorder au ranch, nous lui demandons de se prononcer sur le mécanisme le plus approprié pour les calculer. Nous attendons les directives de la Cour à ce sujet.

[273]       L’intimé me laisse toute discrétion sur cette question en vertu du paragraphe 57(2) de la Loi, mais il estime que chaque partie devrait assumer ses propres frais :

[traduction] L’intimé, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, estime que chaque partie doit assumer ses propres frais concernant l’instance susmentionnée. Eu égard à la question des frais, l’intimé demande que soient pris en compte le respect et la rigueur dont les parties ont fait preuve, qui leur ont d’ailleurs mérité les félicitations du juge Russell dans son projet de décision présenté le 12 février 2016.

[274]       Les lacunes du régime d’indemnisation qui sont relevées par M. Wehrkamp ne peuvent servir de fondement aux fins de l’adjudication des dépens. Elles représentent un aspect intrinsèque et malencontreux du régime actuel.

[275]       Le pouvoir de l’évaluateur d’accorder des dépens en vertu du régime législatif est régi par le paragraphe 57(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

Pouvoirs de l’évaluateur

Powers of Assessor

57 (1) ...

57 (1) ...

Frais

Costs

(2) Les frais peuvent être accordés au ministre ou mis à sa charge.

(2) Costs may be awarded to or against the Minister in an appeal.

[...]

...

[276]       La disposition législative ne donne pas de directive quant au moment et à la manière dont les dépens doivent être accordés, et elle ne propose pas de base de calcul.

[277]       Selon la jurisprudence sur cette question, la plupart des instances visées par l’article 56 n’ont pas donné lieu à une analyse substantielle des dépens ni à un examen des prétentions des parties sur cette question, de sorte que chaque partie a dû assumer ses propres frais : voir à cet égard Kreshewski c. Canada (Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2006 CF 1506; Mills v Canada (Minister of Agriculture and Agri-Food), 1996 CarswellNat 678; Vanderwees Poultry Farm c. Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 1993 CarswellNat 464.

[278]       Dans la décision Alsager, précitée, après une évaluation sommaire des positions des parties, j’ai tranché que chacune devait payer ses propres frais :

[139]    Le ministre n’a pas demandé que l’appelant assume les dépens et demande que chaque partie assume ses propres frais. M. Alsager a demandé des dépens, mais j’ai rejeté la plus grande partie de son appel et l’indemnité à laquelle il pourrait avoir droit éventuellement n’a pas encore été fixée. En outre, M. Alsager a décidé de se représenter lui-même dans cette affaire. Dans les circonstances, il me paraît approprié que les parties assument leurs propres frais.

[279]       Toutefois, dans la décision Ferme Avicole Héva, précitée, la juge Tremblay-Lamer rejette trois appels interjetés devant l’évaluateur et accorde les dépens au ministre, conformément au tarif prescrit dans les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, sans fournir de plus ample explication.

[280]       Dans la décision Donaldson, précitée, la Cour accorde 730 796,14 $ à l’appelant, après avoir établi que le montant touché pour la destruction de ses nègre-soie reproducteurs en raison de la grippe aviaire, soit 439 719,36 $, était nettement inférieur à la valeur marchande. Le juge Kelen se prononce ainsi sur la question des dépens :

[34]      Le paragraphe 57(2) de la Loi sur la santé des animaux dispose que les frais de justice peuvent être accordés au ministre ou mis à sa charge. Dans la présente espèce, l’appelant a droit aux dépens, que, suivant le tarif des honoraires d’avocat de la Cour fédérale, à la limite supérieure de la colonne III, je taxe globalement à 4 680 $.

[281]       Dans les deux décisions précitées, les dépens sont accordés à une partie représentée par un avocat, de sorte que la Cour a été en mesure de se fonder sur le tarif des honoraires d’avocat de la Cour fédérale.

[282]       En l’espèce, WHGR était représenté de façon très compétente par M. Wehrkamp, l’un des experts ayant pris part aux évaluations initiales. Cependant, M. Wehrkamp est un expert de l’industrie, mais il n’est pas avocat et il n’a donc pas droit aux honoraires d’avocat prévus dans le tarif.

[283]       WHGR ne m’a pas encore présenté de mémoire de dépens qui me donnerait une idée plus précise des honoraires et des débours engagés dans le cadre de l’appel. Cela étant dit, il serait pour le moins singulier qu’un appelant représenté par un avocat soit autorisé à réclamer seulement les honoraires inscrits au tarif, alors qu’un autre qui aurait été représenté par quelqu’un comme M. Wehrkamp serait autorisé à réclamer la totalité des honoraires payés.

[284]       L’adjudication de dépens à une personne non autorisée à pratiquer le droit en Saskatchewan pose un autre problème. Le processus prévu par la Loi permet aux appelants de se représenter eux-mêmes, dans un cadre moins rigide que celui des procédures judiciaires normales, et le ministre ne s’est pas opposé à la volonté de WHGR de solliciter l’aide de M. Wehrkamp pour défendre sa position à l’audience. Pour autant, cela ne fait pas de M. Wehrkamp un avocat pour qui WHGR est autorisé à demander le remboursement des honoraires suivant le tarif de la Cour. De fait, si la présente espèce avait été instruite conformément aux Règles des Cours fédérales, M. Wehrkamp aurait été autorisé à intervenir uniquement à titre de témoin.

[285]       Il est important que, au nom de l’accès à la justice, la Loi autorise les appelants à se représenter eux-mêmes étant donné que les services d’un avocat peuvent représenter des sommes extraordinaires dans certains cas. Dans la présente espèce, WHGR a opté pour une représentation sans avocat, ce qui n’enlève rien au soutien important et compétent reçu de M. Wehrkamp. Lorsqu’une partie décide de se représenter elle-même dans le cadre d’une procédure judiciaire normale, elle ne peut habituellement recouvrer les frais encourus. Elle a droit uniquement aux débours autorisés. Voici l’explication donnée par la Cour à ce sujet dans la décision Stubicar c. Canada, 2015 CF 722 :

[8]        La plupart du temps, la Cour ne donne pas de directives spéciales visant à accorder des dépens pour les services taxables selon le tarif B aux parties agissant pour leur propre compte, qu’il s’agisse ou non d’avocats. Comme il est indiqué dans l’arrêt Lavigne c. Canada (ministère du Développement des Ressources humaines), 229 NR 205, [1998] ACF no 855 (QL) (CA), aux paragraphes 1 et 2, le tarif B ne permet pas d’accorder des honoraires d’avocats aux plaideurs qui ne sont pas avocats. Un plaideur ne peut pas assurer le service à lui-même.

[9]        Il est arrivé que la Cour procède à une adjudication spéciale. Dans l’arrêt Sherman c. Canada (ministre du Revenu national), 2003 CAF 202, la Cour d’appel a accordé les dépens selon le tarif B à un avocat agissant pour son propre compte. L’ordonnance disait toutefois ceci :

[...] un montant raisonnable pour le temps et les efforts que l’appelant a consacrés à la préparation et à la présentation de la cause en première instance et en appel sur preuve que, ce faisant, l’appelant a engagé un coût d’opportunité en renonçant à une activité rémunératrice.

[Non souligné dans l’original.]

[286]       Dans l’arrêt Sherman c. Canada (Ministre du revenu national), 2004 CAF 29, la Cour d’appel fédérale s’exprime comme suit à ce sujet :

[8]        L’objet des règles relatives aux dépens n’est pas de rembourser toutes les dépenses et débours engagés par une partie dans la poursuite d’un litige, mais bien d’assurer une compensation partielle. Les dépens adjugés sont, en principe, les dépens partie-partie. À moins que la Cour n’en ordonne autrement, la Règle 407 exige qu’ils soient évalués selon la colonne III du tableau du tarif B. Comme la Cour fédérale l’a dit de façon fort à propos dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 1998 CanLII 8792 (CF), 159 F.T.R. 233, le tarif B représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a obtenu gain de cause et l’imposition d’une charge excessive à la partie déboutée.

[9]        La colonne III du tableau du tarif B vise les cas de complexité moyenne : Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2001 CAF 137. Le tarif inclut les honoraires d’avocat dans les frais judiciaires. Puisqu’il s’applique uniformément dans tout le Canada, il ne représente manifestement pas les honoraires réels des avocats puisque les taux horaires de ces professionnels varient considérablement d’une province à l’autre, d’une ville à l’autre et même entre les régions urbaines et rurales.

[10]      Il ne fait aucun doute que l’appelant, qui n’était pas représenté, a consacré du temps et des efforts pour faire valoir ses prétentions. Toutefois, comme la Cour d’appel de l’Alberta le signale dans l’arrêt Dechant c. Law Society of Alberta, 2001 ABCA 81, [TRADUCTION] « les parties à un litige qui sont représentées consacrent également une partie importante de leur temps et de leurs efforts sans pour autant en être dédommagés ». Qui plus est, les honoraires de leurs avocats ne leur sont pas totalement remboursés. Je conviens que [TRADUCTION] « l’application d’un barème de coûts identique aux parties représentées et non représentées entraînera une injustice pour la partie représentée qui, même si les dépens lui sont adjugés, devra assumer certains frais judiciaires et n’obtiendra aucune compensation pour le temps consacré à la défense de la cause » : ibid., paragraphe 16. Cela pourrait également encourager les parties à se défendre elles-mêmes : ibid., paragraphe 17; voir également Lee c. Anderson Resources Ltd., 2002 ABQB 536, (2002) 307 A.R. 303 (Cour d’appel de l’Alberta).

[11]      En l’espèce, si l’appelant avait été représenté, il aurait obtenu les dépens partie-partie selon la colonne III du tableau du tarif B. Je crois que l’adjudication des dépens en sa faveur, en tant que partie non représentée, peut, au mieux, équivaloir à ce qui lui aurait autrement été versé s’il avait été représenté par un avocat, mais non pas dépasser ce montant. J’ajouterai que la partie non représentée ne jouit d’aucun droit lui permettant d’obtenir automatiquement le plein montant prévu par le tarif. Le montant de l’adjudication est du ressort discrétionnaire de la Cour. Le concept du « montant raisonnable » est une indication d’une indemnité partielle bien que, comme je l’ai déjà mentionné, je convienne que, dans des cas appropriés mais rares, le montant de cette indemnité puisse être égal à ce que le tarif prévoit d’accorder à une partie représentée

[12]      Comme l’indique le registraire Doolan dans City Club Development (Middlegate) Corp. c. Cutts (1996), 26 B.C.L.R. (3d) 39, la registraire Roland de la Cour suprême du Canada a conclu dans l’arrêt Metzner c. Metzner, [2000] A.C.S.C. no 527, que [TRADUCTION] « la démarche suivie par l’avocat raisonnablement compétent ne peut être utilisée pour évaluer les coûts spéciaux adjugés à un profane » : Bulletin de la C.S.C. 2001, p. 1158. Elle a appuyé la conclusion selon laquelle la seule démarche raisonnable était d’adjuger les dépens sur la base du quantum meruit.

[13]      Dans l’arrêt Clark c. Taylor [2003] N.W.T.J. no 67, M. le juge Vertes de la Cour suprême des Territoires-du-Nord-Ouest devait évaluer les dépens pour une femme qui se représentait elle-même. Au paragraphe 12 de la décision, il écrit ce qui suit :

[TRADUCTION]
 
En examinant ce qui serait un montant « raisonnable » pour le temps que la demanderesse a consacré à la préparation et à la présentation de sa cause, je ne suis pas convaincu qu’il soit approprié d’utiliser simplement le taux horaire qu’elle aurait elle-même demandé à un client. La réalité est la suivante : tout litige exige du temps et des dépenses que l’on soit ou non représenté par avocat.

[14]      Il ajoute que le tarif peut fournir des repères utiles, même si les dépens ne sont pas calculés sur la base du tarif. Je partage ce point de vue. Le taux horaire réclamé par l’appelant en l’espèce n’est pas le repère à utiliser pour déterminer le quantum du montant raisonnable. Cela dépasse de beaucoup le taux visé par le tarif.

[Non souligné dans l’original.]

[287]       La Cour d’appel fédérale adhère à ce même angle de vue dans sa décision Air Canada c. Thibodeau, 2007 CAF 115 :

[21]      L’octroi de frais est une mesure qui ne vise qu’à indemniser partiellement la partie qui se les voit accorder : Sherman v. The Minister of National Revenue, 2004 FCA 29, au paragraphe 8. Selon la Règle 407 des Règles des cours fédérales, ils sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B. Le tarif B se veut un compromis entre une pleine compensation de la partie gagnante et l’imposition d’un écrasant fardeau à la partie perdante. La colonne III vise les cas d’une complexité moyenne ou habituelle : ibidem, paragraphes 8 et 9.

[22]      Je ne crois pas qu’il y ait lieu de déroger en l’espèce au principe de la Règle 407 et de procéder comme l’intimé l’a fait, aussi bien en Cour fédérale qu’en appel, à une computation des frais selon la colonne V du tableau du tarif B. La nature et teneur des questions en litige ne justifient pas une dérogation au principe.

[23]      En outre, l’intimé n’est pas avocat et, en conséquence, ne peut toucher d’honoraires d’avocat, y compris ceux prévus au tarif.

[24]      Toutefois, la jurisprudence, compte tenu de la triple finalité recherchée par l’adjudication de dépens, i.e. l’indemnisation, l’incitation à régler et la dissuasion de comportements abusifs, a reconnu l’opportunité d’octroyer une certaine forme de dédommagement à la partie qui se représente seule, particulièrement lorsque sa présence à une audience est nécessaire et qu’elle encourt, de ce fait, des pertes de revenus : voir Sherman c. Le ministre du Revenu national, [2003] 4 CAF 865. Mais l’indemnisation accordée peut, au mieux, être égale à ce que la partie aurait eu selon le tarif si elle avait été représentée par un avocat : voir Sherman, supra, 2004 CAF 29, au paragraphe 11. Généralement, ce sera une fraction de ce montant. C’est ce qu’a fait le juge en Cour fédérale.

[Non souligné dans l’original.]

[288]       À mes yeux, l’évaluateur ne serait nullement justifié de déroger à cette démarche dans la présente espèce.

[289]       Il s’ensuit que la Cour ne peut adjuger un dédommagement des frais judiciaires, y compris ceux qui figurent au tarif. Toutefois, la Cour peut accorder un « montant raisonnable ».

[290]       Au titre du tarif B de la Cour, il est stipulé au paragraphe 1(3) que le mémoire de frais doit comprendre les débours, notamment :

a)      les sommes versées aux témoins selon le tarif A;

b)      les taxes sur les services, les taxes de vente, les taxes d’utilisation ou de consommation payées ou à payer sur les honoraires d’avocat et sur les débours acceptés selon le présent tarif.

[291]       Le paragraphe 1(4) est libellé comme suit :

Preuve

Evidence of disbursements

(4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

(4) No disbursement, other than fees paid to the Registry, shall be assessed or allowed under this Tariff unless it is reasonable and it is established by affidavit or by the solicitor appearing on the assessment that the disbursement was made or is payable by the party.

[292]       Au même titre qu’un plaideur qui se représente lui-même en vertu des Règles des Cours fédérales, la Cour est disposée à examiner les débours autorisés aux paragraphes 1(3) et (4).

[293]       Si WHGR souhaite faire une demande de frais, il devra préparer un mémoire conforme à la jurisprudence précitée et au tarif des débours, et le soumettre à l’examen de la Cour et de l’avocate du ministre. Celle-ci transmettra à la Cour les observations et objections qu’elle jugera à propos. La Cour déterminera alors si des dépens doivent être adjugés en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      L’appel est accueilli. L’ACIA devra verser à l’appelant un montant d’indemnité additionnel équivalant à 332 260 $.

2.      L’appelant peut soumettre un mémoire de dépens conforme aux directives de la Cour, lequel fera l’objet d’une ordonnance complémentaire relative aux dépens.

« James Russell »

Évaluateur adjoint


Annexe A


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

P-2-14

 

INTITULÉ :

WILLOW HOLLOW GAME RANCH LTD c. LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

BATTLEFORD (SASKATCHEWAN)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 DÉCEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 MARS 2016

 

ONT COMPARU :

Randy Wehrkamp (représentant)

POUR L’APPELANT

 

Sarah Bird

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Battleford (Saskatchewan)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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