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Date : 20160426

Dossier : T-2018-15

Référence : 2016 CF 469

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ZAHID SATTAR

demandeur

et

CANADA (MINISTRE DES TRANSPORTS)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire relativement à une décision rendue le 6 novembre 2015 par la déléguée du ministre des Transports [le ministre], dans laquelle l’habilitation de sécurité en matière de transport [HST] du demandeur à l’aéroport international de Vancouver a été annulée conformément à l’article 4.8 de la Loi sur l’aéronautique, L.R.C. (1985), ch. A-2 [la Loi]. Pour les motifs suivants, je rejetterais la demande.

I.                   Contexte

[2]               Le demandeur, Zahid Sattar, est employé par la firme Securiguard Services Ltd. à l’aéroport international de Vancouver depuis 1999. Il occupe actuellement le poste d’escorte de sécurité côté piste, ce qui signifie qu’il doit détenir une carte d’identité de zones réglementées [CIZR]. Pour obtenir une CIZR, il faut d’abord obtenir une habilitation de sécurité en vertu du Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport [PHST] (Règlement canadien de 2012 sur la sûreté aérienne, DORS/2011-318, alinéas 165a) et 146(1)c); Politique sur le Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport, article II.1 [Politique du PHST]).

[3]               Le demandeur a reçu une HST et une CIZR en 2004, lesquelles ont été renouvelées à plusieurs reprises depuis.

[4]               La Politique du PHST vise à prévenir les actes illégaux d’interférence avec l’aviation civile. Plus précisément, elle prévient l’entrée non contrôlée dans les zones réglementées d’un aéroport de toute personne, y compris toute personne que le ministre croit, en s’appuyant sur la prépondérance des probabilités, être sujette ou susceptible d’être incitée à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile ou aider ou inciter toute autre personne à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile (Politique du PHST, article I.4).

[5]               Le ministre possède un pouvoir discrétionnaire absolu pour accorder, refuser, suspendre ou annuler une habilitation de sécurité, en vertu de l’article 4.8 de la Loi. Pour user de cette discrétion, le ministre se fonde sur la Politique du PHST (Meyler c. Canada (Procureur général), 2015 CF 357, au paragraphe 3 [Meyler]; Henri c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 38, au paragraphe 26 [Henri]).

[6]               La Politique du PHST décrit le processus à suivre en cas de refus, d’annulation ou de suspension d’une HST, y compris le droit de la personne concernée d’être informée des allégations et de présenter des observations. La question est d’abord soumise à un organisme consultatif, qui soumet à son tour une recommandation au ministre ou à son délégué. À la réception de la recommandation de l’organisme consultatif, le ministre prend la décision définitive d’accorder ou de refuser l’HST à la personne concernée.

[7]               Dans une lettre datée du 12 mai 2015 [la lettre de mai], Transports Canada a avisé le demandeur qu’en raison de renseignements défavorables reçus, son admissibilité à détenir une HST faisait l’objet d’une révision. La lettre de mai faisait état des renseignements préoccupants figurant dans un rapport de vérification des antécédents criminels [rapport de VAC] obtenu de la GRC. Dans cette lettre, on encourageait le demandeur à fournir des renseignements supplémentaires et à justifier les six incidents suivants :

  1. En 2005, le demandeur était inscrit comme nouveau propriétaire du bar Players Club, à Surrey, un établissement reconnu pour être fréquenté par des membres du gang des Hells Angels.
  2. En novembre 2005, le demandeur a été identifié lors d’une soirée d’enterrement de vie de garçon organisée par les Hells Angel au Players Club.
  3. En août 2009, le demandeur était passager à bord d’un véhicule intercepté par la GRC pour une infraction aux règlements de la circulation, en compagnie de trois autres personnes.
  4. En mars 2010, les forces policières ont identifié le demandeur dans un bar en compagnie de personnes reconnues pour être des membres actuels ou d’ex-membres de gangs et les ont expulsés en vertu du programme de surveillance des bars.
  5. En juillet 2010, la GRC a aperçu le demandeur et une autre personne associée à des membres d’un gang indo-canadien, alors qu’ils tentaient de fuir les forces policières; une fois identifié, le demandeur, en état d’ébriété, a eu une attitude agressive envers les policiers. Il a été arrêté pour ensuite être relâché peu de temps après.
  6. En mars 2011, les forces policières ont appris que le demandeur se trouvait à Penticton pour assister à un enterrement de vie de garçon organisé par un membre du gang United Nations (UN).

[8]               La lettre de mai fournissait également des renseignements sur dix personnes avec qui le demandeur s’est associé dans les situations précitées; ces personnes ont des liens avec différentes organisations criminelles et ont posé des gestes criminels graves, dont trafic de drogue, homicide, voies de fait, possession d’une substance répertoriée dans le but d’en faire le trafic et possession d’arme interdite.

[9]               Le demandeur a communiqué avec Transports Canada et a demandé à se présenter en personne, mais a été informé que ses observations devaient être soumises par écrit.

[10]           Le 9 juillet 2015, le demandeur a fait parvenir une lettre de réponse à Transports Canada. Dans cette lettre, il fournissait des renseignements personnels concernant son travail et ses études et décrivait ses liens étroits avec sa famille, sa mosquée et sa communauté locale, ainsi que ses fréquentations et sa vie personnelle. En réponse aux préoccupations soulevées dans la lettre de mai, le demandeur a expliqué qu’il n’était pas associé à des activités criminelles ni impliqué dans ce type d’activité. Il a d’ailleurs fourni les renseignements suivants :

  1. Concernant le Players Club, il a versé un dépôt dans le but d’acheter le club, mais la vente n’a jamais été conclue. Selon son expérience, aucun membre des Hells Angels ne fréquentait le Players Club.
  2. Concernant l’événement organisé en novembre 2005 par les Hells Angels, le demandeur explique qu’il a été appelé pour se rendre au bar en sa qualité de gérant afin de traiter avec les forces policières; il ne savait pas que la soirée était organisée par les Hells Angels.
  3. En ce qui concerne l’incident de mars 2010, le demandeur explique qu’il a été expulsé du bar après avoir parlé à des personnes qui l’ont simplement reconnu pour son travail comme DJ.
  4. L’allégation de juillet 2010 était un malentendu : le demandeur travaillait comme DJ et prenait un verre derrière le bar avec un ami d’enfance. Lorsqu’il a été abordé par les policiers, il a senti que ceux-ci faisaient preuve de discrimination à son endroit, mais maintient qu’il n’était pas en état d’ébriété, qu’il n’a pas tenté de fuir les policiers et qu’il n’était pas agressif.
  5. Il a assisté à la soirée d’enterrement de vie de garçon d’une connaissance, sans se douter des liens allégués de cette personne avec un gang.
  6. Le demandeur ne pouvait identifier aucun sujet selon leur description, mais a nié que des membres de sa famille étaient associés à un gang.

[11]           Le demandeur a également fourni des documents à l’appui comprenant douze lettres de référence personnelles, une lettre de remerciement de l’aéroport international de Vancouver faisant mention du demandeur, une lettre d’un institut pour les études islamiques remerciant le demandeur pour ses contributions financières et une copie du permis de vente d’alcool du Players Club datant de novembre 2005.

[12]           Le 22 septembre 2015, un organisme consultatif composé de cinq représentants de Transports Canada a examiné les observations et le dossier du demandeur. Sept autres participants sans droit de vote étaient présents. L’organisme consultatif a recommandé au ministre d’annuler l’HST à la lumière des détails du rapport de VAC portant sur son association avec quatre gangs et dix personnes associées à ces gangs.

[13]           L’organisme consultatif avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur savait qu’il était associé à des membres de gangs et que, compte tenu des antécédents et de la fréquence des associations du demandeur avec ces dix personnes, il était fort peu probable qu’il s’agisse de simples coïncidences. L’organisme consultatif estimait également que dans ses observations, le demandeur adoptait un ton méprisant, se montrait peu enclin à assumer ses responsabilités personnelles et réduisait la portée de chaque situation. En outre, des divergences entre le rapport de VAC et les observations du demandeur les ont amenés à mettre en doute sa crédibilité.

[14]           Dans une lettre datée du 6 novembre 2015, le ministre, par l’entremise de sa déléguée, Mme Hensler-Hobbs (directrice générale de la sécurité aérienne), a avisé le demandeur de l’annulation de son HST [la décision]. Cette décision a été fondée sur l’examen du dossier du demandeur, la lettre de mai, la recommandation de l’organisme consultatif, la Politique du PHST et les observations du demandeur.

[15]           La décision explique que les associations du demandeur soulèvent des préoccupations concernant son jugement, sa loyauté et sa fiabilité. Le demandeur figure comme propriétaire du Players Club, un endroit reconnu par la police pour être fréquenté par des membres des Hells Angels et le demandeur a assisté à un événement organisé par les Hells Angels à cet endroit. Outre cette association avec les Hells Angels, le demandeur est associé à des personnes liées à trois autres organisations criminelles, soit neuf personnes liées au groupe criminel DUHRE, une personne associée à des gangs indo-canadiens et un membre du gang UN. Le ministre a conclu que les antécédents et la fréquence des associations du demandeur avec des personnes membres de ces groupes criminels sous-entendent qu’il ne s’agit pas de simples coïncidences. De même, l’association du demandeur, qui détient une habilitation de sécurité, avec des personnes associées à des activités criminelles graves compromet la sécurité de l’aéroport.

[16]           Dans la décision, on souligne que les observations du demandeur étaient insuffisantes pour dissiper les préoccupations du ministre.

[17]           Par conséquent, le ministre a annulé l’habilitation de sécurité du demandeur, concluant qu’il y avait des raisons de croire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il pouvait être amené ou incité à commettre un acte, ou à aider ou encourager une personne à commettre un acte qui pourrait illégalement interférer avec l’aviation civile.

II.                Questions en litige

[18]           Voici les questions en litige :

  1. Est-ce que le ministre a contrevenu aux principes d’équité procédurale en annulant l’habilitation de sécurité du demandeur?
  2. La décision du ministre d’annuler l’habilitation de sécurité du demandeur était-elle raisonnable?

III.             Norme de contrôle

[19]           La norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale est la norme de la décision correcte : les principaux éléments de la décision du ministre seront examinés à la lumière de la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Clue c. Canada (Procureur général), 2011 CF 323, au paragraphe 14).

IV.             Analyse

[20]           Les lois pertinentes sont jointes à l’Annexe A.

A.                Est-ce que le ministre a contrevenu aux principes d’équité procédurale en annulant l’habilitation de sécurité du demandeur?

[21]           Le demandeur soutient que, puisque la décision a des répercussions sur son gagne-pain, il est admissible à un plus haut degré d’équité procédurale (Xavier c. Canada (Procureur général), 2010 CF 147, au paragraphe 13; Meyler, précitée, au paragraphe 26). Bien qu’il n’existe aucun droit garanti à une audience, le demandeur soutient que l’équité procédurale commande une audience ou, à tout le moins, la possibilité de clarifier certains renseignements contradictoire lorsqu’une décision est fondée sur la crédibilité.

[22]           Le demandeur fait également valoir que la décision était injuste puisqu’il ne savait pas quels arguments il devait présenter. Le ministre n’a pas informé le demandeur qu’il examinait sa loyauté, son jugement et sa fiabilité, ni du fait que la probabilité qu’il soit amené ou incité à commettre un acte, ou à aider ou encourager une personne à commettre un acte qui pourrait illégalement interférer avec l’aviation civile était en cause.

[23]           En outre, le demandeur soutient qu’en raison de la présence de deux agents de la GRC à titre de participants sans droit de vote lors de la réunion de l’organisme consultatif, on ne lui pas donné réellement l’occasion de répondre. Il présume que ces agents ont fourni d’autres renseignements sur leur rapport de VAC ou sur les préoccupations en matière de sécurité, et ajoute qu’il est injuste de permettre à une partie de renforcer ses allégations sans offrir au demandeur la possibilité d’en faire de même. Il n’était pas présent à cette réunion, on ne l’a pas interrogé relativement aux préoccupations soulevées pendant la réunion et on ne lui a pas permis de fournir d’autres renseignements au terme de ces discussions.

[24]           Selon moi, le droit à l’équité procédurale du demandeur a été respecté pour les motifs qui suivent.

[25]           La jurisprudence a établi que, lorsqu’une habilitation de sécurité en matière de transport est révoquée, le devoir d’équité, bien qu’il soit légèrement supérieur au minimum, se situe quand même à l’extrémité inférieure du spectre (Brown c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1081, aux paragraphes 84 et 85 [Brown]; Pouliot c. Canada (Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2012 FC 347, aux paragraphes 9 et 10 [Pouliot]).

[26]           Le ministre jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour accorder, refuser ou suspendre les habilitations de sécurité et assurer la sécurité publique en vertu de l’article 4.8 de la Loi (Fontaine c. Canada (Transports), 2007 CF 1160, au paragraphe 80).

[27]           La Cour d’appel fédérale s’est penchée récemment sur les litiges concernant le degré d’équité procédurale qui s’impose dans ce contexte : l’équité procédurale commande uniquement que les personnes dans la même situation que le demandeur aient une occasion réelle de répondre aux faits allégués à leur encontre et que cette réponse soit prise en compte. Il n’y avait aucune obligation de la part du ministre ou de l’organisme consultatif d’accorder au demandeur une audience ou une entrevue (Henri, précitée, au paragraphe 35).

[28]           En outre, je suis en désaccord avec le demandeur que la décision du ministre était axée sur sa crédibilité; il ne s’agissait que de l’un des nombreux aspects pris en compte par l’organisme consultatif.

[29]           Aucun élément du processus suivi pour rendre la décision ne suggère que le droit à l’équité du demandeur n’a pas été respecté. Les procédures désignées dans la Politique du PHST ont été respectées : le demandeur a été informé des allégations figurant dans le rapport de VAC et la divulgation a été suffisante pour lui permettre de répondre, ce qu’il a fait. L’organisme consultatif a examiné les renseignements défavorables ainsi que les observations du demandeur et a transmis ses recommandations au ministre. À la lumière de ces recommandations et après examen du dossier du demandeur, le ministre a pris la décision définitive d’annuler l’HST du demandeur.

[30]           Par ailleurs, tel qu’il est énoncé par la juge Catherine Kane dans la décision Salmon c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1098, au paragraphe 60 :

De plus, ni l’Organisme consultatif ni la directrice générale n’étaient tenus de donner au demandeur une deuxième occasion de dissiper les doutes qui, malgré un examen de ses observations, étaient toujours présents au moment de rendre leur décision (Lorenzen, précitée, aux paragraphes 51 et 52). L’équité procédurale n’emporte pas l’obligation de permettre la présentation d’observations chaque fois qu’un doute subsiste dans l’esprit du décideur.

[31]           Le ministre n’a pas non plus l’obligation d’informer le demandeur de chaque motif particulier sur lequel il peut fonder son refus de lui accorder une habilitation de sécurité (Pouliot, précitée, aux paragraphes 12 à 14).

[32]           La présence de participants sans droit de vote lors de la réunion de l’organisme consultatif ne constituait pas une violation du droit à l’équité procédurale. Le compte rendu de la discussion de la réunion montre que l’organisme consultatif a tenu compte du rapport de VAC, qui a été décrit en détail au demandeur dans la lettre de mai. Le demandeur n’a fourni aucun élément pour justifier sa déclaration selon laquelle les participants sans droit de vote ont fourni des allégations factuelles supplémentaires à son sujet à l’organisme consultatif. D’ailleurs, aucun autre élément du dossier ne soutient cette affirmation. Lorsque le dossier indique que les participants sans droit de vote n’ont rien fait de plus que commenter des renseignements factuels dont le demandeur a déjà été informé, le droit à l’équité procédurale n’est pas violé (Jada Fishing Co. Ltd. c. Canada (Ministre des pêches et des océans), 2002 CAF 103, au paragraphe 17).

B.                 La décision du ministre d’annuler l’habilitation de sécurité du demandeur était-elle raisonnable?

[33]           Le demandeur soutient que la conclusion du ministre, selon laquelle il pourrait poser un risque pour la sécurité de l’aviation en raison du risque d’être suborné par ses associés allégués, est déraisonnable au motif que le ministre n’a pas accordé une importance suffisante aux observations du demandeur et a pris une décision sans fondement factuel suffisant.

[34]           Le demandeur soutient que, puisque les allégations qui figurent dans le rapport de VAC sont admises sous forme de preuve par ouï-dire, il était déraisonnable qu’elles aient préséance sur ses observations sans fournir de justifications. Il cite la décision Ho c. Canada (Procureur général), 2013 FC 865, au paragraphe 28 [Ho], dans laquelle le juge Sean Harrington a conclu que l’affirmation du ministre, à savoir que les observations de M. Ho ne contenaient pas suffisamment d’information pour répondre aux préoccupations soulevées, était « insuffisante et opaque » et ne répondait pas aux normes de transparence énoncées dans l’arrêt Dunsmuir. Bien que la Cour reconnaisse qu’une décision puisse être justifiée par le dossier (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62), il n’existe aucune indication que les explications de M. Ho ont bel et bien été prises en compte.

[35]           Le demandeur applique ce raisonnement au cas en l’espèce. Nonobstant le fait que ses observations détaillées étaient étayées par des lettres de référence, le demandeur fait valoir que l’organisme consultatif a conclu qu’elles étaient « méprisantes » et qu’elles réduisaient la portée des situations en cause. En cas de divergence, l’organisme consultatif a donné préséance au rapport de VAC, sans expliquer pourquoi. La conclusion du ministre, selon laquelle le demandeur n’est pas crédible en raison des divergences entre son compte rendu et le rapport de VAC, était déraisonnable compte tenu de l’absence d’indices étayant l’inférence que le demandeur n’a pas dit la vérité. En outre, même si les références du demandeur confirmaient son caractère et le fait qu’il ne faisait pas partie de gangs, le ministre n’a fourni aucune raison pour laquelle il doutait de leur crédibilité et ne leur a accordé aucune importance.

[36]           Le demandeur soutient également qu’aucun élément sur les événements figurant dans le rapport de VAC, individuellement ou conjointement, ne mène à la conclusion que le demandeur présente un risque d’être suborné pour porter atteinte à la sécurité du transport aérien. Le demandeur prétend que de nombreux éléments de preuve attestent du contraire : ses références confirment sa bonne réputation, sa loyauté, son engagement envers son travail dans le domaine de la sécurité, sa force de caractère et sa volonté de donner l’exemple.

[37]           Pour permettre la révocation d’une HST, on doit seulement croire raisonnablement, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne peut être amenée ou incitée à commettre un acte qui peut illégalement interférer avec l’aviation civile ou aider ou encourager une personne à commettre un tel acte (Politique du PHST, article I.4). Il s’agit d’une norme de faible niveau qui sous-entend une propension prospective à commettre un acte de cette nature. Compte tenu de l’objectif du PHST, qui consiste à assurer la sécurité publique, et du vaste pouvoir discrétionnaire dont dispose le ministre pour exécuter ce mandat, j’estime que la décision fait partie des issues possibles acceptables.

[38]           En alléguant que le ministre n’a pas accordé une importance suffisante à ses observations ou a fait fi de celles-ci, le demandeur demande essentiellement de réévaluer les éléments de preuve. Dans le cadre d’un examen judiciaire, ce n’est pas le rôle de la Cour de réévaluer les éléments de preuve ou de substituer sa propre conclusion à celles des décideurs responsables en accordant la priorité aux éléments de preuve du demandeur au lieu du rapport de VAC.

[39]           Bien que je reconnaisse et accepte la conclusion de la Cour dans la décision Ho, précitée, selon laquelle le rejet des motifs du demandeur sans autre justification n’est pas conforme au critère de transparence des motifs, j’estime qu’elle ne s’applique pas ici. Bien que le ministre n’ait pas évalué individuellement chaque divergence lorsqu’il a expliqué pourquoi il accordait préséance au rapport de VAC plutôt qu’aux observations du demandeur, il a fourni des motifs permettant de rejeter explicitement plusieurs des explications du demandeur comme étant déraisonnables. L’organisme consultatif et le ministre étaient libres de déclarer que les éléments de preuve du demandeur n’étaient pas suffisants pour dissiper les préoccupations concernant sa loyauté, son jugement et sa propension à être influencé.

[40]           Comme l’indiquent l’organisme consultatif et la décision, ce sont les antécédents et la fréquence des associations du demandeur sur une période de six ans avec dix personnes ayant commis des crimes graves et liées à quatre organisations criminelles violentes qui ont mené à la conviction que ces associations étaient plus que de simples coïncidences et à la décision définitive d’annuler l’HST du demandeur.

[41]           Bien que je comprenne les répercussions que cette décision aura sur l’emploi du demandeur, le ministre est autorisé à favoriser la sécurité publique lorsqu’il pèse le pour et le contre des intérêts du demandeur à pouvoir accéder aux zones réglementées d’un aéroport, accès qui est accordé comme un privilège et non comme un droit (Brown, précitée, aux paragraphes 64, 70, 71 et 74; Clue, précitée, au paragraphe 20).

[42]           J’estime que la décision est justifiée par des motifs transparents et intelligibles et qu’elle se situe dans le cadre des issues possibles acceptables, selon le dossier de preuve présenté à l’organisme consultatif et au représentant du ministre et en tenant compte de l’approche prospective élargie et du rôle que doit jouer le ministre pour assurer la sécurité publique. Par conséquent, la présente demande est rejetée.

[43]           Les parties ont convenu qu’au terme de l’audience, la partie ayant gain de cause aura droit à des dépens de 2 000 $.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Les dépens sont adjugés au défendeur au montant de 2 000 $.

« Michael D. Manson »

Juge

 


ANNEXE A

Loi sur l’aéronautique, L.R.C. (1985), ch. A-2

Habilitations de sécurité

Délivrance, refus, etc.

4.8 Le ministre peut, pour l’application de la présente loi, accorder, refuser, suspendre ou annuler une habilitation de sécurité.

Security Clearances

Granting, suspending, etc.

4.8 The Minister may, for the purposes of this Act, grant or refuse to grant a security clearance to any person or suspend or cancel a security clearance.

Règlement canadien de 2012 sur la sûreté aérienne, DORS/2011-318

Délivrance des cartes d’identité de zone réglementée

Critères de délivrance

146 (1) Il est interdit à l’exploitant d’un aérodrome de délivrer une carte d’identité de zone réglementée à une personne à moins qu’elle ne réponde aux conditions suivantes :

c) elle possède une habilitation de sécurité;

Issuance of Restricted Area Identity Cards

Issuance criteria

146 (1) The operator of an aerodrome must not issue a restricted area identity card to a person unless the person …

(c) has a security clearance;

Contrôle de l’accès aux zones réglementées

Interdiction d’accès non autorisé

165 Il est interdit à toute personne d’entrer ou de demeurer dans une zone réglementée à moins qu’elle ne soit, selon le cas :

a) titulaire d’une carte d’identité de zone réglementée; …

Control of Access to Restricted Areas

Unauthorized access prohibition

165 A person must not enter or remain in a restricted area unless the person

(a) is a person to whom a restricted area identity card has been issued; or …

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2018-15

 

INTITULÉ :

ZAHID SATTAR c. CANADA (MINISTRE DES TRANSPORTS)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Craig Bavis

Pour le demandeur

Jon Khan

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Victoria Square Law Office LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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