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Date : 20160415


Dossier : T-1582-15

Référence : 2016 CF 421

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 15 avril 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

HASSAN AFKARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Hassan Afkari, le demandeur, à l’encontre de la décision rendue le 25 juin 2015 par une juge de la citoyenneté, selon laquelle le demandeur n’avait pas respecté les exigences de l’obligation de résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la « Loi sur la citoyenneté »).

Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen iranien. Il est arrivé au Canada le 18 janvier 2008, accompagné de son épouse, de ses deux fils et de ses deux filles. Ils sont arrivés au Canada en tant que résidents permanents. Deux autres enfants n’avaient pas accompagné la famille. Avant de venir au Canada, le demandeur possédait un permis de séjour et vivait au Koweït avec sa famille où il était associé directeur et détenait 50 pour cent des parts d’une société de textile. Il affirme qu’en janvier 2008, il a vendu la moitié de sa participation dans la société à son fils, qui est resté au Koweït. Il a conservé une participation de 25 pour cent dans la société de sorte à toucher des revenus, mais il ne jouait plus qu’un rôle informel, consultatif et non rémunéré.

[3]               Le 25 février 2014, le demandeur a déposé une demande de citoyenneté. La période visée, aux termes de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, s’échelonne donc du 25 février 2010 au 24 février 2014. Dans sa demande, le demandeur a déclaré 1 095 jours de présence physique et 365 jours d’absence. Il a reçu le Questionnaire sur la résidence, l’a rempli, et Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a reçu le questionnaire le 18 juin 2014. Le 17 mars 2015, un agent de CIC a élaboré un gabarit pour la préparation et l’analyse du dossier (GPAD) et a calculé 1 068 jours de présence physique et des absences totalisant 392 jours, soit un déficit de 27 jours au cours de la période visée.

[4]               Dans le GPAD, un commentaire précisait que, dans sa demande de citoyenneté, le demandeur avait déclaré être un résident permanent du Koweït depuis le 29 octobre 2013. Toutefois, son passeport indiquait que quatre permis de séjour au Koweït avaient été délivrés et avaient expiré au cours de la période visée, le premier permis commençant le 25 décembre 2008. En outre, le demandeur n’a pu fournir que des indices passifs de la résidence, aucune explication n’a été avancée pour expliquer le déficit et aucune documentation n’a été fournie relativement aux clients, à la facturation, aux revenus ou à la publicité de son entreprise au Koweït. L’agent de CIC a transmis le dossier à un juge de la citoyenneté pour qu’il prenne une décision.

Décision faisant l’objet du contrôle

[5]               La juge de la citoyenneté a procédé à une brève introduction et a résumé les faits. Dans son analyse, elle a fait remarquer que le demandeur avait affirmé que son statut de résident au Koweït était indispensable parce qu’il ne serait pas autorisé à posséder des biens ou une entreprise là-bas sans visa de résidence et qu’il ne pourrait pas non plus rendre visite à ses enfants et à ses petits-enfants. Elle a ensuite relevé les préoccupations soulevées par l’agent de CIC dans le GPAD et a structuré son analyse autour de ces questions.

[6]               Sur la question de la résidence permanente du demandeur au Koweït, la juge de la citoyenneté a noté que le demandeur avait déclaré dans sa demande qu’il avait obtenu son statut de résident du Koweït le 29 octobre 2013, mais que son passeport faisait état de plusieurs permis de séjour antérieurs à 2013. Interrogé à ce sujet lors de l’audience, le demandeur a expliqué que la contradiction était due à une erreur d’interprétation et qu’il n’avait inscrit que la date de son dernier permis. Cependant, son passeport indiquait qu’il avait passé vingt ans au Koweït. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer comment il pouvait être résident permanent du Koweït et du Canada, il a déclaré que les visas de séjour koweïtiens représentaient simplement une obligation légale pour pouvoir conserver ses droits, à savoir posséder des biens, faire des affaires et rendre visite à sa famille. Tant qu’il retourne au pays tous les six mois, le permis peut être renouvelé, cependant, plus aucun permis de séjour n’est délivré aux Iraniens. Par conséquent, s’il ne renouvelait pas son permis ou s’il l’annulait, il perdrait ces droits.

[7]               En ce qui a trait à la deuxième question, la juge de la citoyenneté a demandé pourquoi le demandeur n’avait pas fourni de renseignements sur son entreprise au Koweït. Elle a pris en note sa réponse selon laquelle il estimait avoir fourni tous les renseignements nécessaires et que personne ne lui avait demandé de fournir plus de détails. En outre, il a déclaré avoir cessé de travailler dans l’entreprise en janvier 2008, mais a ensuite témoigné qu’il devait se rendre au Koweït au motif suivant : [traduction] « je ne peux pas rester ici si je veux faire des affaires ». La juge de la citoyenneté a conclu que les réponses du demandeur n’étaient pas claires et que cela l’amenait à se poser des questions sur l’étendue de ses intérêts commerciaux au Koweït.

[8]               La juge de la citoyenneté s’est ensuite penchée sur les 27 jours qu’il manquait au demandeur. Lorsqu’on lui a demandé de fournir une explication, le demandeur a déclaré qu’au moment de demander la citoyenneté, il ne savait pas qu’il manquait des jours. Ce n’est qu’au cours du processus de demande, quand on lui a rappelé que ses absences étaient supérieures à celles qu’il avait déclarées à l’origine, qu’il a réalisé qu’il manquait des jours. La juge de la citoyenneté a pris en note la déclaration du demandeur, à savoir que s’il s’était absenté, c’était pour rendre visite à ses enfants et parce qu’il devait quitter le Canada pour pouvoir faire des affaires. Elle a également noté que cette dernière raison semblait contredire sa déclaration antérieure selon laquelle il n’avait pas travaillé dans son entreprise koweïtienne depuis 2008 et qu’elle soulevait des questions quant à la raison du déficit.

[9]               En ce qui concerne la quatrième question, soit le manque de renseignements sur les liens sociaux du demandeur au Canada et les indices majoritairement passifs de sa résidence, la juge de la citoyenneté a pris note de l’argument du demandeur selon lequel il ne savait pas et personne ne lui avait posé de questions sur ses liens sociaux, même s’il se rendait au restaurant Tim Hortons. En outre, elle a estimé que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment de documents portant sur ses activités pour prouver sa présence physique au Canada durant la période visée.

[10]           La juge de la citoyenneté a conclu, après avoir évalué les arguments et les témoignages, que le demandeur avait laissé des questions sans réponse quant au but de son séjour et à la raison du déficit et qu’il n’avait pas présenté suffisamment de documents pour démontrer une présence physique active au Canada durant la période visée. Par conséquent, il était impossible de déterminer le nombre de jours durant lesquels le demandeur était effectivement présent au Canada parce qu’il n’y avait pas suffisamment d'éléments de preuve de sa présence physique continue au cours de la période pendant laquelle il prétendait avoir été au Canada. Se référant au critère de résidence énoncé dans la décision Pourghasemi (Re), [1993] ACF no 232 [Pourghasemi], la juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

Dispositions législatives pertinentes

Loi sur la citoyenneté

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

5 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

5 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[...]

[…]

Questions en litige

[11]           Le demandeur soutient qu’il y a trois questions en litige :

1)      Est-ce que la juge de la citoyenneté a commis une erreur en ne déterminant pas d’abord si le demandeur avait établi une résidence au Canada avant d’appliquer son choix quant au critère de résidence?

2)      Est-ce que la juge de la citoyenneté a appliqué correctement le critère Pourghasemi?

3)      Est-ce que la juge de la citoyenneté a enfreint les principes de justice naturelle et le droit du demandeur à l’équité procédurale?

Norme de contrôle

[12]           Il est bien établi que la norme du caractère raisonnable s’applique à la décision d’un juge de la citoyenneté quant à l’obligation de résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Safi, 2014 CF 947, aux paragraphes 15 et 16; décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Jeizan, 2010 CF 323, au paragraphe 12; décision Farag c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 783, aux paragraphes 24 à 26; décision Zhou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 313, au paragraphe 10, [Zhou]). Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables (arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[13]           Il est également bien établi que les questions d’équité procédurale sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte (arrêt Khosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43; Zhou, au paragraphe 12; décision Fazail v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2016 FC 111, au paragraphe 17 (Fazail]).

Première question en litige : Est-ce que la juge de la citoyenneté a commis une erreur en ne déterminant pas d’abord si le demandeur avait établi une résidence au Canada avant d’appliquer son choix quant au critère de résidence?

Position du demandeur

[14]           Le demandeur soutient que la décision concernant la résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) fait intervenir un critère à deux volets. La première étape consiste à déterminer si le demandeur a établi une résidence au Canada avant ou au début de la période concernée (décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ojo, 2015 CF 757, au paragraphe 25). Ce n’est qu’après avoir répondu par l’affirmative à cette question préliminaire que le juge doit déterminer si la résidence du demandeur respecte le nombre de jours requis en vertu de l’un des trois critères de résidence établis dans la décision Koo, Re, (1992), 59 FTR 27 [Koo], la décision Re Papadogiorgakis, [1978] 2 CF 208 [Papadogiorgakis], ou Pourghasemi. Le demandeur soutient en outre qu’une fois que la résidence a été établie, et s’il manque des jours au demandeur, la juge de la citoyenneté doit appliquer le critère Koo (décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Elzubair, 2010 CF 298; décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Takla, 2009 CF 1120). Le requérant fait valoir que la juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte de cette question préliminaire et que son manque d’analyse exclut toute conclusion implicite à cet égard. Il s’agit d’une erreur susceptible de révision.

Position du défendeur

[15]           Le défendeur affirme que la question préliminaire qui consiste à savoir si la résidence a été établie n’est pas applicable au critère Pourghasemi. La question s’est posée dans Papadogiorgakis, notamment qu’une personne qui était établie au Canada n’a pas cessé d’être une résidente en dépit du fait qu’elle a quitté temporairement le Canada. Autrement dit, il faut d’abord déterminer si la personne avait établi une résidence au Canada avant de pouvoir établir que cette résidence a été maintenue pendant les absences du Canada. En tout état de cause, peu importe si le demandeur avait établi sa résidence, il n’aurait toujours pas satisfait au critère Pourghasemi étant donné qu’il n’avait pas les 1 095 jours requis de présence physique.

[16]           Le défendeur soutient de plus que la juge de la citoyenneté avait le pouvoir discrétionnaire de choisir le critère Pourghasemi plutôt que le critère Koo (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Pereira, 2014 CF 574, au paragraphe 14 [Pereira]), même après que le demandeur a admis qu’il lui manquait des jours pour satisfaire à l’obligation de résidence (décision Salako c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 970, aux paragraphes 10 et 11; décision Ayaz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 701, au paragraphe 43 [Ayaz]).

Analyse

[17]           À mon avis, le demandeur a raison de dire que la jurisprudence a établi une approche en deux étapes pour l’évaluation de la résidence d’un demandeur en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, quel que soit le critère choisi dans la deuxième partie. Même si je reconnais l’argument du défendeur selon lequel la question préliminaire a été élaborée à partir des critères qualitatifs (Papadogiorgakis et Koo), la jurisprudence subséquente a établi que l’analyse relative au seuil est pertinente, même si le juge de la citoyenneté choisit d’appliquer le critère quantitatif de Pourghasemi. La raison est que la première étape, en tant que seuil, est déterminante pour l’affaire. Dans la décision Hao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 46, le juge Mosley a déclaré :

[24]      La décision concernant la résidence prise par les juges de la citoyenneté suppose une analyse en deux étapes. Il faut d’abord se demander si la résidence au Canada a été établie; si ce n’est pas le cas, l’analyse s’arrête là. Si ce critère est respecté, la deuxième étape consiste à décider si la résidence du demandeur en question satisfait ou non au nombre total de jours requis par la loi. Les juges de la citoyenneté ont encore la faculté de choisir entre les deux courants jurisprudentiels énoncés respectivement dans Pourghasemi et Papadogiorgakis/Koo pour prendre cette décision, pourvu qu’ils appliquent raisonnablement l’interprétation de la loi qu’ils privilégient aux faits de la demande dont ils sont saisis.

[18]           Cela laisse supposer que le juge Mosley n’a pas considéré la décision Pourghasemi et la question préliminaire de la résidence comme étant mutuellement exclusives.

[19]           En outre, dans la décision Al Tayeb c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 333, le juge Phelan a accueilli le contrôle judiciaire de la décision d’un juge de la citoyenneté, laquelle se fondait sur la décision Pourghasemi, parce que la question préliminaire n’avait pas été abordée :

[14]      Les faits de la présente affaire soulèvent la question de la résidence antérieure. Le juge ne s’est jamais demandé si la résidence avait été établie avant la période pertinente. Contrairement à l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Guettouche, 2011 CF 574, où le juge Zinn a peut‑être été disposé à inférer que la question du nombre de jours de résidence exigé avait été tranchée parce que le juge avait pris en considération le critère (qualitatif) énoncé dans l’affaire Koo, on ne peut pas tirer une telle inférence du fait de l’adoption du critère (quantitatif) énoncé dans l’affaire Pourghasemi.

[20]           Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le défendeur lorsqu’il affirme que la question préliminaire n’est pas applicable. Et, en l’espèce, rien dans les motifs évoqués par la juge de la citoyenneté n’indique qu’elle s’est penchée sur cette question. En effet, le dossier laisse à penser que la question de savoir si le demandeur avait établi sa résidence faisait partie des préoccupations qui ont incité l’agent de CIC à transmettre l’affaire à un juge de la citoyenneté pour qu’il prenne une décision.

[21]           À cet égard, la section 2 du GPAD, [traduction] « Absences du Canada », fait référence au [traduction] « Temps passé au Canada avant la période visée ». En l’espèce, l’agent de CIC a écrit : [traduction] « Impossibilité d’évaluer le temps (les absences n’ont pas été déclarées, non pas été mentionnées par le demandeur). » La section suivante fait référence au [traduction] « Temps passé au Canada durant la période visée avant la première absence significative ». Dans cette section, l’agent de CIC a écrit : [traduction] « 0 jour (est parti pour le Koweït le 13 janvier 2010 et est revenu le 17 mars 2010). » L’agent de CIC a également soulevé la question de la résidence permanente du demandeur au Koweït.

[22]           Bien que la jurisprudence ait établi que la conclusion préliminaire pouvait être implicite (voir la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Guettouche, 2011 CF 574, aux paragraphes 14 à 16 [Guettouche]; la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khan, 2015 CF 1102, au paragraphe 18; la décision Canada (Citizenship and Immigration) v. Lee, 2016 FC 67, au paragraphe 22 [Lee]), dans cette décision, il n’existe pas de fondement suffisant pour conclure que la juge de la citoyenneté a examiné cette question. Comme dans la décision Guettouche, la preuve a soulevé la question de savoir quand, le cas échéant, le demandeur a établi sa résidence (Guettouche, au paragraphe 15). Le GPAD aurait porté la question préliminaire à l’attention de la juge de la citoyenneté, mais, comme le fait remarquer le demandeur, rien dans la décision n’indique qu’elle était au courant et qu’elle a abordé la question.

[23]           Et, tandis que dans certaines décisions il a été supposé que le juge de la citoyenneté avait répondu à la question préliminaire tout simplement parce qu’il avait procédé à l’examen de la deuxième étape du critère de résidence (voir la décision Boland c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 376 [Boland], au paragraphe 22; Lee, au paragraphe 23), dans ces circonstances, je ne suis pas prête à faire cette présomption.

[24]           Quant à la question de savoir si un juge de la citoyenneté doit appliquer la décision Koo dans la deuxième partie de l’analyse lorsque qu’il manque des jours au demandeur pour atteindre le nombre de 1 095 jours requis, lors de sa comparution devant moi, le demandeur a admis qu’il était loisible au juge de la citoyenneté de sélectionner l’un des trois critères disponibles.

Deuxième question en litige : Est-ce que la juge a appliqué correctement le critère Pourghasemi?

Position du demandeur

[25]           Le demandeur soutient que la juge de la citoyenneté n’a pas examiné complètement les facteurs de la décision Koo quant au caractère adéquat de la preuve présentée par le demandeur et aux justifications de son déficit avant de parvenir à sa conclusion quantitative reposant sur la décision Pourghasemi. Le demandeur fait remarquer qu’il est bien établi en droit que les juges ne peuvent pas appliquer de critères hybrides, ils doivent choisir un critère qualitatif ou un critère quantitatif (décision Edwards c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 748, au paragraphe 27 [Edwards]). En outre, le critère Pourghasemi doit être clairement et systématiquement appliqué, un juge de la citoyenneté ne peut pas mener une enquête sur la résidence en vertu d’un critère de présomption de résidence et parvenir à une décision négative au titre d’un critère quantitatif (décision Muhanna c. Canada (Citoyenneté et Immigration, 2008 CF 1289 [Muhanna]). En dépit du fait que le demandeur n’a pas contesté son déficit, la juge de la citoyenneté a tiré à plusieurs reprises des conclusions défavorables de l’absence d’explications à ce sujet. Les motifs ne permettent pas de savoir avec certitude ce qui aurait constitué une explication adéquate pour un déficit qui est strictement refusée dans Pourghasemi. Les motifs invoqués par la juge de la citoyenneté renvoient à des facteurs appropriés pour une analyse des facteurs de la décision Koo, y compris des [traduction] « indices passifs » de la présence physique et l’étendue de ses liens sociaux au Canada. Lorsqu’un juge de la citoyenneté examine le caractère adéquat de la preuve présentée par un demandeur face à un déficit incontesté, le critère Pourghasemi n’a pas été appliqué correctement (décision Tshimanga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1579, au paragraphe 21 [Tshimanga]).

[26]           Le demandeur fait remarquer, étant donné que son déficit était incontesté, qu’on ne sait pas avec certitude pourquoi la juge de la citoyenneté a estimé qu’il fallait conclure qu’il était [traduction] « impossible de déterminer [...] combien de jours le demandeur était effectivement présent au Canada » en raison de preuve insuffisante. Lorsqu’un déficit est admis, la « suffisance » des indices de présence n’est pas prise en considération dans Pourghasemi. Par conséquent, cette constatation sous-entend l’application incorrecte du critère Pourghasemi ou l’application d’un critère mixte. Le demandeur soutient que la situation dans la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Purvis, 2015 CF 368 [Purvis], évoquée par le demandeur, s’applique également à ce cas. Bien que la juge de la citoyenneté n’ait pas nommé Koo, comme dans Purvis, elle a invoqué Pourghasemi après avoir constaté que le demandeur n’avait pas satisfait au critère Koo. En outre, la critique adressée par le défendeur à l’égard de Muhanna suppose que l’approche de la juge de la citoyenneté était intelligible. Le demandeur affirme qu’on ne saurait prétendre que la juge de la citoyenneté avait clairement appliqué Pourghasemi alors que la décision aborde largement la justification des absences et la suffisance de la preuve. Le demandeur soutient que, si la juge de la citoyenneté a pris une décision en se fondant sur le critère Pourghasemi, elle n’a pas procédé à une analyse des facteurs de la décision Pourghasemi.

Position du défendeur

[27]           Le défendeur fait valoir que la preuve au dossier ne suffit pas à démontrer que la juge de la citoyenneté a fusionné les critères juridiques (Purvis, aux paragraphes 29 et 32), qu’elle n’a pas commis d’erreur en analysant la preuve dont elle disposait et qu’il ne s’agit pas là d’une preuve de combinaison des critères. Le défendeur affirme que la juge de la citoyenneté a clairement indiqué que le critère Pourghasemi avait été appliqué. En outre, les facteurs découlant de Koo n’ont pas été importés. Au lieu de cela, la demande a été rejetée parce que le demandeur n’a pas satisfait au critère de la présence physique requis par le critère Pourghasemi. La jurisprudence citée par le demandeur précise simplement que les critères ne peuvent pas être combinés, mais ne démontre pas qu’une telle combinaison a eu lieu en l’espèce. L’incertitude et les déclarations ambiguës qui ont convaincu la Cour dans Muhanna n’existaient pas en l’espèce, car il avait été clairement dit que le critère Pourghasemi était appliqué. Le défendeur soutient que Tshimanga se distingue du fait que cette décision portait sur la question de savoir si le juge de la citoyenneté avait examiné les facteurs définis dans la décision Koo. En outre, la décision Alouache c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 858, citée dans Tshimanga, se distingue de la présente affaire parce que la juge de la citoyenneté avait omis d’indiquer quel critère avait été utilisé et en raison de l’influence que la preuve qualitative avait eue sur la décision de la juge de la citoyenneté. En l’espèce, la décision selon laquelle le critère Pourghasemi n’avait pas été satisfait s’appuyait sur l’insuffisance du nombre de jours du demandeur et non sur les facteurs définis dans la décision Koo ou l’analyse de ces facteurs.

Analyse

[28]           Comme l’a récemment expliqué le juge LeBlanc dans la décision Hussein c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 88 [Hussein], le critère Pourghasemi comporte le strict comptage des jours de présence effective au Canada, lesquels doivent totaliser 1 095 jours au cours des quatre années précédant la date de la demande. Ce critère est souvent qualifié de critère quantitatif. Le critère Papadogiorgakis est moins strict et reconnaît qu’une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada. Le critère Koo découle de Papadogiorgakis et définit la résidence comme le lieu où l’on a centralisé son mode d’existence. Les deux derniers critères sont souvent qualifiés de critères qualitatifs (Huang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 576, au paragraphe 25 [Huang]).

[29]           Il est maintenant établi en droit que les juges de la citoyenneté sont libres de choisir parmi l’un des trois critères de résidence (Hussein, au paragraphe 15; Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 164 FTR 177, au paragraphe 33; Boland, aux paragraphes 18 et 19; Huang, aux paragraphes 21, 24 et 41 à 44; Ayaz, au paragraphe 43; Purvis, au paragraphe 26; Fazail, au paragraphe 27). Une fois que le critère a été sélectionné, le rôle de la Cour se limite à veiller à ce que le critère ait été correctement appliqué. En appliquant le critère sélectionné, le fait de combiner les critères qualitatifs et quantitatifs constitue une erreur (Edwards, au paragraphe 27; Purvis, au paragraphe 28).

[30]           Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a relevé et réglé chacune des préoccupations qui avaient été soulevées par l’agent de CIC dans le GPAD. Je ne constate aucune erreur dans cette approche. Ainsi, le demandeur a eu l’occasion de répondre spécifiquement aux préoccupations qui ont donné lieu à la nécessité d’une audition par la juge de la citoyenneté (voir les décisions Stine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999), 1999 CanLII 8618 (CF); El-Husseini c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 116, au paragraphe 21; Abdou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 500, au paragraphe 24). C’est dans ce contexte, notamment, que le demandeur a été invité à expliquer et qu’il a expliqué pourquoi il avait conservé la résidence permanente au Koweït et au Canada au cours de la période visée.

[31]           Cependant, en l’espèce, au-delà de l’exercice qui consiste à relever les questions soulevées par l’agent de CIC et à permettre au demandeur d’y répondre, l’analyse effectuée par la juge de la citoyenneté et les raisons invoquées par cette dernière sont limitées. Elle affirme seulement ce qui suit :

[traduction]

[33]      Après avoir évalué les arguments et le témoignage du demandeur, je constate qu’il a laissé des questions sans réponse en ce qui concerne le but de son voyage au cours de la période visée et la raison de son déficit quant aux jours de présence effective. Il n’a pas fourni de documents adéquats pour démontrer sa présence active au Canada pendant la période visée. Comme indiqué dans les décisions El Fihri et Saqur précitées, il ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver qu’il remplissait les conditions énoncées dans la Loi, et en particulier les conditions de résidence.

[34]      Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas possible de déterminer le nombre de jours durant lesquels le demandeur était effectivement présent au Canada parce qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve de sa présence physique continue au cours de la période pendant laquelle il prétend avoir été au Canada.

[35]      En me référant au critère de résidence proposé par le juge Muldoon dans la décision Pourghasemi (Re) [1993] ACF no 232, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’a pas satisfait aux exigences en matière de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

[32]           Le critère Pourghasemi exigeait de la juge de la citoyenneté qu’elle détermine si le demandeur avait été physiquement présent au Canada pendant au moins 1 095 jours durant la période visée selon un comptage strict des jours (Boland, au paragraphe 15; Pereira, au paragraphe 14). D’après ses motifs, il semblerait que la juge de la citoyenneté ait accepté le nombre de jours de présence physique et d’absence établi par l’agent de CIC et inscrit dans le GPAD. Elle a déclaré, au moment de la présentation de sa décision, que le demandeur avait déclaré 1 068 jours de présence et 365 jours d’absence sur sa demande, mais qu’une réévaluation effectuée par la suite par l’agent de réexamen avait révélé 392 jours d’absence pendant la période pertinente, soit un déficit de 27 jours.

[33]           Elle a abordé la question du déficit comme une préoccupation soulevée par l’agent de CIC. Le demandeur n’a pas contesté ce déficit. La juge de la citoyenneté, anticipant sans doute la possibilité qu’elle applique un critère qualitatif, a cherché à connaître les raisons de l’absence. Elle a estimé qu’une partie de son explication, à savoir qu’il ne pouvait pas rester au Canada pour exercer son activité, contredisait sa déclaration antérieure selon laquelle il n’avait pas travaillé dans l’entreprise depuis 2008. Elle était d’accord avec l’agent de CIC pour dire qu’aucune explication adéquate quant au déficit n’avait été fournie. En d’autres mots, elle a remis en question la crédibilité du demandeur.

[34]           Comme je l’ai indiqué plus haut, cette analyse a été réalisée dans le but de répondre aux préoccupations soulevées par l’agent de CIC. Si la juge de la citoyenneté, dans son analyse ultérieure et finale, avait simplement constaté que le strict critère Pourghasemi s’appliquait et ne pouvait pas être satisfait en raison du déficit non contesté de 27 jours, sa décision aurait été raisonnable. Toutefois, elle a conclu que le demandeur avait laissé des questions sans réponse quant au but de son séjour et à la raison pour laquelle il lui manquait des jours de présence physique au Canada. Si elle devait appliquer le critère quantitatif strict, ces questions ne se poseraient pas. Elle a également déclaré que le demandeur n’avait pas fourni de documents adéquats prouvant sa [traduction] « présence active » au Canada pendant la période visée. Cependant, étant donné que le déficit de 27 jours n’était pas contesté, le but de cette conclusion n’est pas clair non plus dans le contexte du critère quantitatif.

[35]           En outre, la juge de la citoyenneté a déclaré que, compte tenu de ses questions en suspens et de l’absence d’une explication adéquate de la part du demandeur, il était impossible de déterminer le nombre de jours durant lesquels le demandeur avait été effectivement présent au Canada. Encore une fois, cependant, étant donné le déficit incontesté et le fait que la juge de la citoyenneté a semblé accepter les chiffres suggérés par l’agent de CIC, sans avoir procédé elle-même à un comptage des jours, le but de cette conclusion n’est pas clair.

[36]           À cet égard, je note les récents commentaires du juge LeBlanc dans Hussein :

[16]      Premièrement, le juge de la citoyenneté n’a pas compté les jours comme l’exige le critère de Pourghasemi. Lorsque l’on examine la décision, il est clair que le juge de la citoyenneté a admis, comme point de départ, le nombre de 1 099 jours de présence effective au Canada. Cependant, rien d’autre n’est dit sur le nombre de jours qui résulterait du dépôt du questionnaire sur la résidence de Mme Hussein et des autres jours d’absence. Rien n’est dit non plus sur le nombre total de jours où Mme Hussein aurait été présente au Canada, même s’il s’agit là de l’élément crucial du critère que le juge de la citoyenneté a choisi et appliqué. Comme l’a déclaré la Cour dans la décision Jeizan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 323, 386 FTR 1, au paragraphe 18 :

Les motifs qui appuient la décision d’un juge de la citoyenneté devraient à tout le moins préciser quel critère de résidence a été appliqué et en quoi il a été ou non satisfait à ce critère : voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Behbahani, 2007 CF 795, aux paragraphes 3 et 4; Eltom c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1555, au paragraphe 32; Gao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 605, [2003] A.C.F. no 790, au paragraphe 22; Gao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 736, au paragraphe 13. [Non souligné dans l’original.]

[17]      En particulier, le juge de la citoyenneté n’a pas expliqué en quoi les prétendues incohérences relevées dans la preuve que Mme Hussein avait fournie faisaient en sorte qu’il lui était [traduction] « impossible » d’effectuer ce calcul.

[37]           En l’espèce, on ne sait pas du tout pourquoi, comme dans Hussein, la juge de la citoyenneté a estimé qu’il était [traduction] « impossible » de déterminer le nombre de jours durant lesquels le demandeur était présent au Canada. Cela laisse supposer que la juge de la citoyenneté a mal compris la preuve ou a mal appliqué le critère Pourghasemi, ce qui dans les deux cas constitue une erreur susceptible de révision. Même si dans Hussein, le demandeur semblait avoir satisfait au critère de la présence physique, par opposition au déficit apparent du demandeur, à mon avis, le même principe est applicable en l’espèce.

[38]           Le fait que la juge de la citoyenneté n’a fait référence à Pourghasemi que dans la dernière phrase de ses motifs n’aide pas non plus.

[39]           Compte tenu de ses motifs, on ne sait pas exactement comment la juge de la citoyenneté est parvenue à cette conclusion, même si elle a fait référence au critère Pourghasemi. Bien que le caractère approprié des motifs ne constitue pas un motif de contrôle (décision Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. TerreNeuveetLabrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14), comme le juge Rennie l’a fait remarquer dans la décision Komolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, au paragraphe 11 :

L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. C’est particulièrement le cas quand les motifs passent sous silence une question essentielle. […] L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page.

[40]           En l’espèce, les points sur la page fournissent deux directions, vers Koo et vers Pourghasemi, sans que la Cour puisse déterminer lequel de ces critères a effectivement été appliqué. Comme l’a indiqué le juge Scott dans Rousse c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 721, au paragraphe 31, une fois qu’un juge de la citoyenneté a sélectionné un critère, il doit l’appliquer systématiquement. Le demandeur doit être en mesure de comprendre la décision ainsi que les motifs et le fondement de cette décision. Cela n’a pas été le cas ici et, par conséquent, la décision était déraisonnable.

[41]           Étant donné ma conclusion précitée, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la juge de la citoyenneté a combiné les critères. Cependant, à mon avis, les circonstances sont similaires à celles de Muhanna. Dans cette décision, le juge Zinn a conclu que le juge de la citoyenneté avait combiné de façon inadmissible les critères qualitatifs et quantitatifs, de sorte qu’on ne savait pas lequel il avait appliqué.

[9]        À mon avis, le critère appliqué par le juge ne ressort pas clairement du tout. Bien que le défendeur soutienne que le critère appliqué par le juge est le calcul strict du nombre de jours de présence physique, toute certitude à ce sujet est compromise par la déclaration du juge selon laquelle [traduction] « une trop longue absence du Canada, même temporaire, au cours de la période de temps minimale établie par la Loi, comme en l’espèce, contrevient à l’objet de l’exigence de résidence de la Loi [non souligné dans l’original]. La durée minimale établie par la Loi est de 1095 jours. La déclaration du juge donne à penser qu’une brève absence, ou une absence qui n’est pas [traduction] « trop longue » pourrait être acceptable. Si c’est bien le cas, alors le calcul strict du nombre de jours de présence physique n’a pas été appliqué comme critère, cependant, au-delà de cette observation, il est possible d’établir avec quelque certitude que ce soit quel critère a été appliqué par le juge. Pour ce seul motif, l’appel doit être accueilli.

[42]           Comme dans Muhanna, en l’espèce la conclusion de la juge de la citoyenneté démontre qu’elle a probablement importé des facteurs qualitatifs au moment de prendre sa décision. Ainsi, elle semble suggérer que si le demandeur avait fourni une raison suffisante pour le déficit ou le but de son voyage, il aurait pu avoir gain de cause. Pourtant, ces considérations ne sont pas pertinentes dans le cadre d’un comptage strict des jours selon le critère Pourghasemi.

[43]           De plus, contrairement à Boland, en l’espèce, la décision de la juge de la citoyenneté ne laisse « aucune ambiguïté » quant à la raison du refus de la demande et, bien qu’elle n’ait pas mentionné Koo, compte tenu de ses motifs, on ne sait pas si elle n’a pas importé des facteurs qui auraient été pertinents si le critère avait été appliqué à sa décision qui, selon elle, s’appuyait sur Pourghasemi.

[44]           Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables (Dunsmuir, au paragraphe 47). Dans ces circonstances, je suis incapable de dire avec certitude pourquoi la juge de la citoyenneté a tiré cette conclusion, sa décision n’est pas raisonnable.

[45]           Compte tenu de mes conclusions précitées, il n’est pas nécessaire d’aborder la troisième question.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la juge de la citoyenneté est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté aux fins de nouvel examen.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1582-15

 

INTITULÉ :

HASSAN AFKARI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE :

Le 15 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Cameron R. MacLean

 

Pour le demandeur

 

Melissa Chan

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cameron R. MacLean

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour le défendeur

 

 

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