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Date : 20160504


Dossier : IMM-4368-15

Dossier : 2016 CF 504

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

YUSUF OLAWALE MOSHOOD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), en date du 13 août 2015, ayant conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger selon les articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et que sa demande n’avait pas un minimum de fondement en vertu du paragraphe 107(2) de la LIPR.

Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen nigérian de 21 ans. Il affirme que son père a été assassiné, tout comme son cousin, qui avait été désigné pour aider à la gestion de l’entreprise de transport de son père. Deux semaines plus tard, le demandeur a été attaqué par deux inconnus et a été poignardé à la main. Le demandeur prétend que ses oncles ont vendu certains biens qui appartenaient à son père et qu’ils en ont gardé le produit de la vente, et qu’ils tentent également d’avoir accès à des fonds détenus dans le compte bancaire de son père. L’un de ces oncles a embauché un agent afin d’aider le demandeur à s’inscrire à des écoles canadiennes et à faire une demande de visa d’étudiant canadien, qui lui a été accordé. Il est arrivé au Canada en mai 2014 et a rapidement découvert que seul le dépôt pour l’inscription à l’école avait été payé. En attendant que son oncle paye ses frais de scolarité, le demandeur a habité à Calgary pendant sept mois. L’agent lui a alors dit qu’il avait été accepté dans plusieurs autres collèges et, en janvier 2015, il est déménagé à Lethbridge pour y entreprendre un programme. Toutefois, son oncle a de nouveau omis de payer ses frais de scolarité.

[3]               Le demandeur a présenté une demande d’asile le 3 juin 2015. Il a prétendu qu’il ne pouvait pas retourner au Nigéria, puisque la famille de son père cherchait à lui faire du mal pour avoir accès aux fonds restants dans le compte bancaire de son père. Il a également affirmé que, en plus de son père et de son cousin, il y avait eu une tentative d’assassinat contre son frère aîné. Bien qu’il ne sache pas qui s’en prend à sa famille, il a prétendu que ces personnes sont toujours à sa recherche pour l’empêcher de venger la mort de son père ou pour lui interdire de prendre possession de la richesse de son père.

Décision faisant l’objet du contrôle

[4]               En rejetant la demande du demandeur, la SPR a conclu que la crédibilité était la question déterminante et que sa demande n’avait pas un minimum de fondement.

[5]               La SPR a noté que le demandeur avait indûment retardé à formuler sa demande pendant plus d’un an après son entrée au Canada. Elle n’accepte pas l’explication fournie par le demandeur qu’il ne savait pas comment présenter une demande ou comment consulter un avocat ou faire des recherches. Le demandeur n’a pas non plus fourni une explication crédible quant à la raison pour laquelle son oncle continuerait de payer un agent pour qu’il fasse des demandes d’inscription à des collèges, puis qu’il omettrait de payer les frais de scolarité. La SPR a fait observer que le demandeur a fait valoir que les membres de sa famille paternelle qui avaient saisi les biens de son père essayaient de lui causer du tort, mais a conclu que le demandeur avait omis de fournir une explication raisonnable de sa prétention selon laquelle le même oncle qui l’a aidé à venir au Canada voulait lui faire du mal ou le tuer s’il retournait au Nigéria. En outre, la demande de visa étudiant du demandeur contenait des incohérences, notamment en ce qui a trait au nom de son père et à la date de son décès. Bien que le demandeur ait fait valoir que l’agent avait rempli la demande, la SPR a noté que celle-ci contenait également des renseignements exacts qui avaient dû provenir du demandeur. La SPR a conclu que cette incohérence dans les renseignements indiquait un manque de crédibilité et qu’elle n’a pas pu déterminer lesquels, parmi ces renseignements, étaient crédibles et lesquels ne l’étaient pas. Enfin, la SPR a conclu que le demandeur a fourni peu d’éléments de preuve crédibles et raisonnables pour indiquer qu’il risquait de subir un préjudice de la part des mêmes personnes qui ont tué son père, opinion fondée sur la conviction qu’il allait se venger de la mort de son père. Le demandeur a fondé sa croyance sur la mort de son père et de son cousin et sur le fait qu’il a été poignardé lors d’une attaque, mais il ne savait pas si ces événements étaient liés et, bien que l’affidavit de sa mère ait indiqué que des personnes s’étaient informées du demandeur, il n’était pas clair qui était à la recherche du demandeur ou pourquoi.

[6]               La SPR a également évalué les documents présentés par le demandeur à l’appui de sa demande. Elle a conclu que même si le demandeur avait présenté un article de presse évoquant la mort de Rabiu Moshood, en raison des incohérences dans la demande de visa concernant le nom de son père et la date de son décès, et l’absence de certificat de naissance, elle n’a pas été en mesure de vérifier si Rabiu Moshood était en fait le père du demandeur. Bien que l’affidavit de la mère du demandeur ait confirmé cette relation, la SPR n’y a accordé aucune importance en raison des problèmes de crédibilité quant à la demande faite par le demandeur, et a traité un certificat de décès de la même manière, en faisant observer que de nombreux documents délivrés au Nigéria sont faux.

[7]               La SPR a conclu que le retard dans la présentation de la demande d’asile était déraisonnable, les motifs pour lesquels le demandeur avait fui n’étaient pas objectivement étayés et le bien-fondé de ses craintes n’avait pas été prouvé à la lumière de son témoignage quant à la personne qui l’avait aidé à quitter le pays et ses motifs. Par conséquent, sa demande a été rejetée et, en outre, elle n’avait pas un minimum de fondement.

Questions en litige et norme de contrôle

[8]               La seule question en l’espèce consiste à déterminer si la décision de la SPR était raisonnable.

[9]               Comme la Cour l’a déjà établi, les conclusions quant à la crédibilité de la SPR, parfois décrites comme étant « au cœur de la compétence de la Commission », sont essentiellement de pures conclusions de fait qui commandent la déférence et sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable [Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 62 (Dunsmuir); Pournaminivas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1099, au paragraphe 5 (Pournaminivas); Zhou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 619, au paragraphe 26 (Zhou)]. On a jugé que la question de savoir si une demande n’a pas un minimum de fondement est une question mixte de fait et de droit qui commande l’application de la norme de la décision raisonnable [Hernandez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 144, au paragraphe 3 (Hernandez)]. Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité, ainsi qu’à la question de savoir si la décision appartient aux issues possibles acceptables [Dunsmuir, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59].

Analyse

Crédibilité

[10]           Le demandeur soutient, essentiellement, que la SPR a entrepris de substituer son propre point de vue, fondé sur des conjectures, à ce qui était plausible au-delà de la preuve non contredite du demandeur. En outre, il soutient que la décision de la SPR n’était pas fondée sur l’ensemble de la preuve, mais sur ses propres spéculations et sur ses conclusions injustifiées. Comme il a été noté précédemment, les conclusions quant à la crédibilité sont au cœur de la compétence de la SPR et commandent un degré élevé de déférence (Pournaminivas, au paragraphe 5; Zhou, au paragraphe 26). Pour les motifs qui suivent, je juge que la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’était pas crédible était raisonnable compte tenu du dossier dont elle disposait.

[11]           Le demandeur a fait valoir dans son formulaire Fondement de la demande d’asile qu’il craignait les partenaires d’affaires de son père, ses oncles et sa belle-mère. À l’audience devant la SPR, on a demandé au demandeur pourquoi son père avait été tué. Il a déclaré que son père avait été le président de l’Association nigérienne des propriétaires routiers (l’« ANPR ») à un parc pour caravanes et que les gens qui ont tué son père avaient été embauchés par ceux qui travaillent pour sortir de ce parc. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les gens, qui avaient tué son père parce qu’il était le chef des travailleurs membres du syndicat de transport, voudraient également tuer le demandeur, il a témoigné que c’était parce que ces personnes pensaient qu’il pourrait vouloir venger la mort de son père. Aucune explication n’a été donnée pour expliquer pourquoi ces personnes pourraient penser de la sorte. La SPR a noté que lorsqu’on lui a demandé s’il avait déjà fait de telles déclarations ou fourni une quelconque indication qu’il vengerait la mort de son père, le demandeur a déclaré que ce n’était pas le cas. En outre, le demandeur n’a pas pu expliquer pourquoi ces personnes seraient motivées à le poursuivre s’il retournait au Nigéria et s’installait dans une autre ville. À mon avis, en m’appuyant sur ce qui précède, la SPR a conclu raisonnablement que les menaces invoquées par le demandeur de la part d’inconnus, en présumant qu’elles sont liées à la mort de son père, manquaient de crédibilité.

[12]           Le demandeur a également affirmé qu’il était menacé par ses oncles parce que ceux-ci veulent prendre le contrôle des actifs de son défunt père. Toutefois, l’un de ces oncles qui, selon ce qu’il a prétendu, voudrait lui nuire, a également payé un agent pour que celui-ci fasse des demandes d’inscription à des écoles canadiennes et présente une demande de visa d’étudiant canadien. Et, toujours selon le demandeur, son oncle a continué à payer l’agent pour qu’il inscrive le demandeur dans d’autres écoles après avoir refusé de payer les frais de scolarité pour la première école, puis a de nouveau refusé de payer les frais de scolarité lorsque le demandeur a été accepté par la suite dans une autre école. À mon avis, en l’absence d’une explication quant à la raison pour laquelle son oncle dépenserait de l’argent afin d’aider le demandeur, mais voudrait lui faire du mal s’il devait retourner au Nigéria, la SPR a raisonnablement conclu que la crainte du demandeur de faire l’objet d’un préjudice par son oncle n’a pas été expliquée et a été contredite par l’assistance que lui a accordée son oncle.

[13]           De plus, mis à part le témoignage du demandeur, le dossier ne contenait aucun document à l’appui de son affirmation selon laquelle il était menacé par les membres de sa famille. Dans son affidavit, sa mère affirme que son mari a été tué par des inconnus. Après cela, son cousin a été assassiné, le demandeur a été poignardé à la main et la voiture de son frère a été attaquée. Elle déclare de plus que des gens étranges sont venus la voir pour lui demander où se trouvait le demandeur depuis son départ du Nigéria, en prétendant le connaître. L’affidavit ne mentionne aucunement que le demandeur fait l’objet de menaces et ne fournit aucun motif pour expliquer les transferts de biens ou les prétendues attaques contre ses fils.

[14]           Comme la SPR l’a fait remarquer, le demandeur a déclaré qu’il soupçonnait que les personnes qui ont tiré sur la voiture de son frère étaient liées à son oncle ou étaient les mêmes personnes qui avaient tué son père, mais qu’il ne savait pas qui était responsable de l’attaque. Il a également témoigné qu’après l’assassinat de son cousin, il soupçonnait son oncle et a émis l’hypothèse que peut-être son oncle avait simplement voulu prendre possession de tout. À mon avis, compte tenu de la preuve vague et non corroborée, preuve quant à l’agent persécuteur, la SPR a raisonnablement conclu que les allégations du demandeur quant aux menaces de préjudice auxquelles il aurait à faire face s’il était renvoyé au Nigéria manquaient de crédibilité.

[15]           En ce qui concerne la question du retard dans la présentation de sa demande d’asile, la SPR n’accepte pas l’explication fournie par le demandeur pour les treize mois de retard à revendiquer le statut de réfugié, soit qu’il ne savait pas comment faire la demande et qu’il n’a pas consulté un avocat ou effectué des recherches, malgré le fait que des gens lui avaient recommandé de faire une demande d’asile. La SPR a également jugé que son témoignage quant à la raison pour laquelle il continuerait d’essayer d’être admis dans d’autres écoles alors que son oncle ne paierait pas ses frais de scolarité était confus et absurde. Le demandeur fait valoir que la conclusion de la SPR n’était pas plausible, et qu’elle était fondée sur des spéculations et des conclusions injustifiées. En outre, il possédait un visa d’étudiant valide et n’avait donc pas besoin de présenter immédiatement une demande d’asile.

[16]           À mon avis, il n’était pas déraisonnable dans ces circonstances de la part de la SPR de rejeter l’explication fournie par le demandeur et de tirer des conclusions défavorables relativement à la crédibilité fondées sur le retard du demandeur à revendiquer le statut de réfugié [Kostrzewa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1449, au paragraphe 27; Gutierrez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 266, aux paragraphes 44 à 46; Licao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 89, aux paragraphes 53 à 60]. Un examen de la transcription de l’audience confirme que la SPR a soulevé cette question à plusieurs reprises et que les réponses du demandeur n’ont offert que peu de clarté. La SPR ne disposait d’aucun élément de preuve que le demandeur jugeait inutile de présenter une demande d’asile en raison de son visa d’étudiant valide. Le retard est un facteur pertinent lors de l’évaluation d’une demande d’asile au motif qu’une personne qui a une crainte véritable demanderait l’asile à la première occasion, bien que cela puisse ne pas constituer un motif suffisant pour rejeter la demande dans tous les cas [Bhandal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 426, au paragraphe 29; Garcia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 412, aux paragraphes 19 et 20]. En l’espèce, les conclusions de la SPR au sujet du retard n’étaient pas déterminantes, elles ne constituaient que l’une des raisons qu’elle a fournies pour mettre en doute la crédibilité du demandeur. Ces conclusions ont été mentionnées précédemment et comprennent également la conclusion de la SPR selon laquelle il y avait des incohérences dans la demande de permis d’étude, ce qui l’a empêchée de confirmer ce qui était crédible et ce qui ne l’était pas. En outre, ce n’est pas parce qu’un demandeur donne une explication que cela signifie que cette explication doit être acceptée par la SPR; il lui est loisible d’examiner la réponse ou l’explication et de déterminer si elle est suffisante [Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 87, au paragraphe 10], ce qu’elle a fait en l’espèce.

[17]           La SPR a également évalué les pièces justificatives fournies par le demandeur. Ces pièces étaient limitées et comprenaient l’affidavit de sa mère et deux autres affidavits apparemment fournis dans le but d’obtenir des copies des certificats de décès du père et du cousin du demandeur. Les certificats de décès ne mentionnent pas la cause du décès et les reportages ne font aucune mention du décès du père du demandeur, mais parlent de façon générale d’assassinats au Nigéria et de la crise entre les factions de l’ANPR.

[18]           La SPR a noté l’absence de certificat de naissance pour confirmer que Rabiu Moshood était le père du demandeur, qui est décédé le 13 avril 2013, comme le prétend le demandeur. De plus, elle a noté que les renseignements contenus dans le certificat de décès et fournis par le demandeur durant son témoignage étaient incompatibles avec sa demande de visa, qui identifie son père comme Ola Moshood décédé le 19 mai 2008. La SPR a conclu qu’il était impossible de déterminer si Rabiu Moshood était en réalité le père du demandeur. Et, compte tenu de ses nombreuses préoccupations quant à la crédibilité et parce que les éléments de preuve objectifs indiquent que de nombreux documents délivrés au Nigéria sont faux, elle n’a accordé aucune importance aux certificats de décès fournis. La SPR a conclu que les documents soumis afin de corroborer la prétention du demandeur, y compris l’affidavit de sa mère, ne l’emportent pas sur les problèmes de crédibilité qu’elle a soulevés.

[19]           Le demandeur affirme que la SPR a mal compris la preuve puisque son propre affidavit signé sous serment affirmait que Rabiu Moshood était son père et que cette preuve n’est pas contredite, et qu’en outre la SPR a omis de tenir compte de la totalité de la preuve.

[20]           Je ne suis pas convaincue que la SPR a mal compris la preuve ou n’en a pas tenu compte. Il est vrai que, lorsque le demandeur jure que certaines allégations sont vraies, ces allégations sont présumées véridiques sauf s’il existe des raisons d’en douter [Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CAF), au paragraphe 5]. En l’espèce, la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible et a motivé cette conclusion. Une fois que la SPR en est venue à la conclusion que le demandeur n’était pas crédible, il ne lui était pas suffisant de déposer un affidavit et de confirmer la véracité de son contenu; une forme de corroboration ou une preuve indépendante était nécessaire pour compenser la conclusion défavorable de la SPR quant à la crédibilité [Hamid c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1995] A.C.F. no 1293, au paragraphe 20]. La SPR fait référence aux documents présentés par le demandeur à l’appui de sa demande et a spécifiquement renvoyé à l’affidavit de sa mère, aux certificats de décès, à une photographie sous-titrée se rapportant au décès de Rabiu Moshood et des articles de presse. Il existe également une présomption que la SPR a examiné tous les éléments de preuve dont elle disposait [Hassan c. Canada (Emploi et Immigration), [1992] A.C.F. no 946 (CAF), au paragraphe 3] et le défaut de mentionner un élément de preuve en particulier ne signifie pas qu’elle en a fait fi ou qu’elle a commis une erreur susceptible de révision, sauf si ce défaut contredit la conclusion de la SPR [Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 266, au paragraphe 19 (Li)]. Bien que le demandeur affirme que, compte tenu de ses autres éléments de preuve, il ne lui était pas nécessaire de produire un certificat de naissance pour établir la paternité de son père, je voudrais noter que lorsque le récit d’un demandeur est jugé non crédible, l’absence de preuve documentaire est une considération valide [Matsko c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 691, au paragraphe 14].

[21]           Quant au renvoi par la SPR à la prépondérance de documents frauduleux au Nigéria, à mon avis, une évaluation plus approfondie était nécessaire si la SPR cherchait à contester la validité des documents prétendument délivrés par le gouvernement. Ces documents sont présumés être valides [voir Chen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1133, au paragraphe 10]. Toutefois, tandis que les certificats de décès et les photographies peuvent confirmer que Rabiu Moshood est mort en 2013, ils ne disent rien quant à la cause de son décès ou sur ses liens de paternité au demandeur. Les articles de presse ne sont pas très utiles, car ils rapportent des assassinats non reliés au Nigéria et un conflit qui persiste au sein de l’ANPR. Par conséquent, il était raisonnable pour la SPR d’accorder peu de poids à ces documents puisqu’ils n’appuient guère le fondement de la demande du demandeur.

[22]           Quant à l’affidavit de la mère du demandeur, comme il est indiqué précédemment, celui-ci déclare que Rabiu Moshood était le père du demandeur et qu’il a été assassiné le 13 avril 2013. L’un des affidavits de l’oncle déclare également que Rabiu Moshood a été assassiné le 13 avril 2013. Toutefois, en dépit du renvoi par la SPR à la prépondérance des documents frauduleux, à mon avis, la SPR n’a pas mis en doute la validité de l’affidavit de la mère du demandeur, mais a plutôt conclu que le contenu de l’affidavit ne permettait pas de corroborer suffisamment sa demande et, de même que les autres éléments de preuve documentaire, il ne l’emportait pas sur les préoccupations de la SPR quant à la crédibilité.

[23]           Il s’agit d’une conclusion raisonnable. Comme l’a déclaré la Cour dans la décision Li, au paragraphe 19, « La conclusion générale d’absence de crédibilité du demandeur peut en théorie s’appliquer à l’ensemble de la preuve émanant du témoignage du demandeur ». Les affidavits de la mère du demandeur et de son oncle reprennent les mêmes affirmations que la SPR a jugées non crédibles dans le témoignage du demandeur. Ils ne fournissent pas d’autres détails sur les assassins présumés. Dans son affidavit, sa mère affirme que son mari a été tué par des assassins inconnus. Elle ne fait pas de lien entre sa mort et les attaques présumées à l’égard du demandeur ou de son frère. Et elle n’indique pas pourquoi son mari a été assassiné ou pourquoi il y aurait eu des attaques présumées contre son fils. Il s’agissait toutes de préoccupations quant à la demande et au témoignage du demandeur telles qu’elles ont été soulevées par la SPR. La seule preuve supplémentaire se rapportant directement au demandeur est la déclaration de sa mère selon laquelle [traduction] « des gens étranges sont venus la voir pour lui demander où [il] se trouvait depuis son départ du Nigéria [...] », ce qui étaye peu sa demande. À mon avis, il était loisible à la SPR de n’accorder aucun poids à cette preuve par affidavit à la face même de ses conclusions défavorables quant à la crédibilité de la demande du demandeur.

[24]           En conclusion, je suis convaincue que la SPR a raisonnablement évalué et examiné la totalité des éléments de preuve dont elle disposait et que cette décision appartient aux issues possibles acceptables.

Absence de fondement crédible

[25]           La SPR a également conclu que la demande du demandeur n’avait pas un minimum de fondement. La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, au paragraphe 19 [Rahaman] a conclu que lorsque la seule preuve reliant le demandeur au préjudice invoqué émane du témoignage de l’intéressé et que ce dernier est jugé non crédible, la SPR peut, après une analyse de la preuve documentaire, en venir à une conclusion générale d’absence de minimum de fondement. Ce n’est toutefois le cas que lorsqu’il n’y a aucune preuve documentaire indépendante et crédible capable d’étayer une reconnaissance du statut de réfugié [voir également Ouedraogo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 21, au paragraphe 19; Levario c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 314, aux paragraphes 18 et 19; Rahaman, au paragraphe 51].

[26]           En l’espèce, même s’il était admis que Rabiu Moshood était le père du demandeur et qu’il a été assassiné, la seule preuve qui aurait pu corroborer la prétention du demandeur était les affidavits de sa mère et de son oncle. Comme je l’ai déjà conclu, compte tenu des conclusions de la SPR quant à la crédibilité et le manque de spécificité des affidavits, il n’était pas déraisonnable pour la SPR de leur accorder peu de poids et de constater qu’ils ne peuvent étayer à eux seuls une reconnaissance de la revendication du demandeur (voir la décision Hernandez, au paragraphe 11). Il n’y a également aucune preuve à l’appui de l’allégation du demandeur selon laquelle les membres de sa famille cherchent à lui faire du tort au Nigéria. En conséquence, et tout en notant le seuil élevé pour en arriver à une conclusion d’absence de minimum de fondement et ses graves répercussions (Hernandez au paragraphe 10; Rahaman aux paragraphes 51 et 52), à mon avis, il était loisible à la SPR de rendre sa décision en se fondant sur ses conclusions quant à la crédibilité et sur le dossier.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

3.      Les parties n’ont proposé aucune question d’importance générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4368-15

 

INTITULÉ :

YUSUF OLAWALE MOSHOOD c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 AVRIL 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MAI 2016

 

COMPARUTIONS :

Simeon A. Oyelade

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ladan Shahrooz

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simeon A. Oyelade

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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