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Date : 20160509


Dossier : T-1761-15

Référence : 2016 CF 497

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2016

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

AMRITPAL SINGH PAWAR

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

I.                   Aperçu

[1]               Que le critère appliqué par un juge de la citoyenneté soit le critère quantitatif ou qualitatif, il incombe au demandeur de la citoyenneté d’établir, au moyen d’une preuve claire et convaincante, le nombre de jours de résidence au Canada au cours de la période de référence (Atwani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1354, au paragraphe 12 [Atwani]).

II.                Contexte

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 23 septembre 2015 où un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté du défendeur.

[3]               Le défendeur, Amritpal Singh Pawar (âgé de 60 ans), est un citoyen de l’Inde et a obtenu sa résidence permanente au Canada à son arrivée au pays le 7 mars 2003. Le défendeur était parrainé par son épouse de l’époque. En 2005, le couple s’est séparé.

[4]               Le 18 mars 2008, le défendeur a demandé la citoyenneté canadienne. La période de référence est donc du 18 mars 2004 au 18 mars 2008. Au cours de la période de référence de 1 460 jours, le défendeur a déclaré 1 105 jours de présence physique au Canada et 355 jours d’absence du Canada. Le seuil de l’époque prévu à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C­29, était de 1 095 jours de résidence au Canada au cours d’une période de référence de quatre ans.

[5]               Le 28 juillet 2015, le défendeur a comparu devant le juge de la citoyenneté pour une audience, et dans une décision datée du 23 septembre 2015, le juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté du défendeur.

III.             Décision contestée

[6]               Le juge de la citoyenneté s’est appuyé sur le critère quantitatif décrit dans la décision Pourghasemi (Re), [1993] ACF no 232 pour conclure que, selon la prépondérance des probabilités, le défendeur a satisfait aux exigences en matière de résidence de 1 095 jours au cours de la période de référence. Dans ses motifs, le juge de la citoyenneté mentionne les préoccupations de l’agent de la citoyenneté qui a examiné le dossier : i) le nombre total des absences ne peut pas être calculé puisqu’il semble avoir eu des absences non déclarées, ii) il y a des incohérences concernant le salaire du défendeur entre les lettres d’emploi et l’avis de cotisation et iii) la plupart des documents fournis par le défendeur ne sont que des indicateurs passifs (voir le paragraphe 14 de la décision, dossier du demandeur, page 8).

[7]               Par la suite, le juge de la citoyenneté a tenu compte de ces préoccupations. Premièrement, il était d’avis, après avoir examiné les timbres dans le passeport du défendeur et le rapport du Système intégré d’exécution des douanes, qu’aucune preuve d’absences non déclarées n’avait eu une incidence sur le respect des exigences de résidence du ce dernier. Deuxièmement, le juge de la citoyenneté était satisfait par les explications du défendeur fournies durant l’audience affirmant que les incohérences concernant son salaire étaient causées par les conseils de son comptable, qui avait conseillé à ce dernier qu’en tant qu’entrepreneur indépendant, ses dépenses pouvaient être déduites de ses revenus. Troisièmement, le juge de la citoyenneté était d’avis que même si le défendeur offrait un nombre limité de documents, certains de ces documents étaient, en soi, des indicateurs actifs de la présence de ce dernier au Canada, tels que les lettres d’emploi (des documents fiscaux et des documents indiquant s’il était travailleur autonome ou non). Par conséquent, le juge de la citoyenneté a conclu que selon la prépondérance des probabilités, le défendeur a démontré qu’il a respecté les exigences de résidence.

IV.             Questions en litige

[8]               Le demandeur soumet à la Cour les questions suivantes aux fins d’examen :

1)      Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en examinant les éléments de preuve?

2)      Les motifs du juge de la citoyenneté manquent-ils de clarté, de précision et d’intelligibilité?

V.                Norme de contrôle

[9]               La norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions d’un juge de la citoyenneté en ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit (voir la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Rahman, 2013 CF 1274, aux paragraphes 11 à 14). Par conséquent, la Cour ne doit pas intervenir, à moins que la décision ne fasse pas partie de l’éventail d’issues possibles et acceptables, ou ne concorde pas avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

VI.             Analyse

[10]           Le demandeur soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que le défendeur a respecté les exigences de résidence malgré le manque d’éléments de preuve démontrant la présence physique du défendeur au Canada. À l’inverse, le défendeur soutient que la décision du juge de la citoyenneté est raisonnable, puisque le juge de la citoyenneté a raisonnablement évalué les éléments de preuve. Le juge de la citoyenneté avait devant lui tous les éléments de preuve fournis par le défendeur et avait l’occasion de l’entendre. Par conséquent, le juge de la citoyenneté a raisonnablement conclu qu’il n’y avait aucune raison de douter de la crédibilité du défendeur.

[11]           Que le critère appliqué par un juge de la citoyenneté soit le critère quantitatif ou qualitatif, il incombe au demandeur de la citoyenneté d’établir, au moyen d’une preuve claire et convaincante, le nombre de jours de résidence au Canada au cours de la période de référence (Atwani, précité, au paragraphe 12).

[12]           Selon les observations du défendeur, il avait accumulé 10 jours de plus que les 1 095 jours requis pour que sa demande de citoyenneté soit approuvée. Le dossier démontre que le défendeur n’a pas déclaré ce qui semble être des voyages d’une journée aux États-Unis. Il a également déclaré être au Canada des journées où il aurait été logiquement impossible qu’il soit au Canada, p. ex. en déclarant arriver en Inde (en tenant compte de facteurs de temps, comme le décalage horaire), la même journée qu’il a quitté le Canada. Par la suite, le juge de la citoyenneté a affirmé que les lettres d’emploi étaient des indicateurs actifs de la présence du défendeur au Canada, mais, comme le soutient le demandeur, il semble que la première lettre d’emploi ne couvre que la période allant de juin 2006 à octobre 2006, et que la deuxième lettre d’emploi couvre une période à l’extérieur de la période de référence. Par conséquent, les lettres ne sont pas d’une grande aide pour le défendeur.

[13]           Étant donné que le défendeur avait accumulé seulement dix jours de plus que le seuil, les décisions de fait concernant les incohérences peuvent avoir des conséquences importantes sur la demande de citoyenneté du défendeur. Tout en étant conscient qu’un degré élevé de déférence est dû à l’égard des décisions de fait du juge de la citoyenneté, un juge de la citoyenneté doit néanmoins « se demander si les omissions et les contradictions que contient la preuve minent la crédibilité d’une personne » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Vijayan, 2015 CF 289, au paragraphe 65). Il ressort du dossier que le juge de la citoyenneté a effectivement examiné les importantes omissions et les contradictions apparentes du défendeur, mais qu’il a été en mesure de les éclaircir, comme il a été précisé plus haut.

VII.          Conclusion

[14]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1761-15

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. AMRITPAL SINGH PAWAR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MAI 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS :

LE 9 MAI 2016

COMPARUTIONS :

Kevin Doyle

 

Pour le demandeur

 

Max Berger

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Max Berger Professional Law Corporation

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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