Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160506


Dossier : IMM-8286-14

Référence : 2016 CF 515

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 6 mai 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

IMTIAZ NASREEN ET IMITIAZ AHMED

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Présentement à l’étude est la décision (la décision) du 24 novembre 2014 de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui annule l’asile accordé le 2 août 2005 aux demandeurs, le mari et sa femme. La décision a été rendue aux termes de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). En vertu de cette disposition, la SPR peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

[2]               Quant aux noms des demandeurs, il existe des variantes originales dans les références des présents motifs de décision. La narration dans ces motifs suit l’intitulé de la cause.

[3]               En guise de contexte, la décision orale du 2 août 2005 accordant aux demandeurs l’asile énonce les faits sous-jacents suivants et les principales constatations :

[TRADUCTION]

M. Imtiaz Ahmed, et sa femme Nasreen Imtiaz, sont des citoyens du Pakistan. Ils ont demandé l’asile au Canada en raison d’une menace à leur vie, et d’un risque de traitements ou de peines cruels et inusités.

Ils allèguent que Mme Imtiaz travaillait comme sage-femme. Elle a mis au monde le bébé d’une mère célibataire, qui était la fille du principal responsable du commissariat de police local, et la nièce de Molvi Goldar. Ils allèguent qu’ils ont été avertis de ne rien dire au sujet de cette naissance afin de ne pas jeter le déshonneur sur la famille de la mère célibataire. Ils ont par la suite été détenus et maltraités par les policiers, tant en signe d’avertissement de garder le silence, et aussi pour essayer de savoir où se trouvait la mère célibataire, ce que ne savaient pas les demandeurs. Ils ont fait l’objet d’autres menaces, et un faux dossier a été monté contre eux, les impliquant dans la possession et la distribution d’alcool, dossier qui a finalement donné lieu à un mandat d’arrestation à leur encontre. Ils allèguent que s’ils retournaient au Pakistan, étant donné que ces accusations ont été faites par un haut gradé de la police, ils ne pourraient pas obtenir un procès équitable, de faux témoins peuvent facilement être produits, et ils subiraient des conséquences graves, voire mortelles.

(...)

La crédibilité était l’élément central analysé par le Tribunal. Les deux demandeurs adultes ont témoigné de façon directe et simple. Ils ont fourni les détails de la demande comme il leur était demandé. Ils ont tous les deux témoigné de manière spontanée et sans exagérer. Chacun de leurs témoignages était intrinsèquement cohérent et compatible avec le témoignage de chacun et la preuve documentaire présentée dans le cadre de cette demande. Là où il y avait un peu de confusion, c’était l’objectif double de l’allégation au poste de police. Le Tribunal était convaincu du témoignage de M. Ahmed à cet égard.

Leurs identités sont appuyées par plusieurs documents, dont un passeport pour madame, une carte d’identité nationale (CIN), un certificat de mariage et un certificat d’enregistrement familial. Ils ont également présenté des documents qui confirment les antécédents professionnels de Mme Imtiaz ainsi que des documents qui confirment leurs ennuis judiciaires au Pakistan. Bien que leur cas soit inhabituel, il est néanmoins plausible dans le contexte du Pakistan. La structure et les mœurs sociales au Pakistan sont connues du Tribunal, tant par la preuve documentaire que par les connaissances spécialisées du Tribunal.

(Dossier certifié du tribunal, p. 270 et 271)

[4]               Une caractéristique essentielle motivant l’application par le ministre de l’article 109 est le fait qu’en 2007, peu de temps après avoir obtenu leur résidence permanente, les demandeurs ont présenté une demande de parrainage de leurs quatre enfants au Canada. Dans le cadre de cette démarche, ils ont reconnu que l’un des enfants nommés dans la demande d’asile n’était pas leur enfant, mais le fils du frère du mari. Cette admission a donné lieu à une enquête par le ministre sur l’identité fournie par les demandeurs lorsqu’ils ont présenté leur demande d’asile.

[5]               Le 18 septembre 2012, la SPR a accueilli la demande du ministre en vertu de l’article 109 d’annuler l’asile accordé. Lors d’un contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision, en vertu d’une ordonnance du 16 avril 2014, le juge Roy a annulé la décision de la SPR et renvoyé l’affaire pour réexamen avec la directive que [traduction] « les défendeurs devraient essayer d’expliquer plus systématiquement les écarts d’identité et que les demandeurs fourniraient une explication précise des circonstances entourant leur arrivée au Canada le 18 février 2005 » (Dossier certifié du tribunal, p. 119). La décision visée par le contrôle est le nouvel examen par la SPR en vertu de l’article 109.

[6]               L’argument à l’appui de la présente requête mettait de l’avant deux questions distinctes à l’appui d’une ordonnance annulant la décision : savoir si lors d’une conférence préparatoire entre le commissaire de la SPR (commissaire), l’avocat des demandeurs et l’avocat du ministre une entente avait été conclue selon laquelle seule la question de fausse représentation de la part de la demanderesse, Nasreen Imtiaz, déterminerait l’application de l’article 109; et savoir si, en prenant sa décision, le commissaire a injustement produit et appliqué des éléments de preuve.

[7]               Immédiatement avant l’audience de la présente demande, l’avocat des demandeurs a présenté un nouvel argument : le commissaire n’a plus compétence pour trancher le réexamen en raison de l’apparence de partialité exposée lors de la conférence préparatoire avec l’avocat. Malgré les objections de l’avocat du ministre, cet argument a été accueilli.

I.                   Questions à trancher

A.                Y avait-il une entente?

[8]               Cette question découle des paragraphes 1 à 4 de la preuve par affidavit du 19 décembre 2014 de M. Bruce Perrault, avocat des demandeurs à l’audience de la SPR, déposée à l’appui des demandeurs à l’égard de la présente requête :

[traduction]  Je, BRUCE PERREAULT, de la ville de Toronto, province de l’Ontario, déclare sous serment ce qui suit :

l. J’étais l’avocat inscrit au dossier tant pour la demande d’annuler une décision instruite et réglée à Montréal le 28 septembre 2012 que dans la demande d’annuler une décision instruite et réglée à Toronto le 27 novembre 2014 suite à une ordonnance de monsieur le juge Roy datée du 16 avril 2014.

2. La commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié […] a déclaré au début de l’instance que si elle concluait que les personnes protégées étaient des citoyens britanniques, la demande d’annulation serait accueillie, et si elle concluait qu’ils n’étaient pas des citoyens britanniques, la demande présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d’annuler une décision en vertu de laquelle Nasreen Imtiaz et Ahmed Imtiaz avaient le statut de personnes protégées au Canada ne serait pas [sic] rejetée. [Non souligné dans l’original.]

3. Tant le représentant du ministre que moi-même avons convenu qu’il s’agirait d’une prémisse juste pour aller de l’avant.

4. La commissaire a conclu que les personnes protégées n’étaient pas des citoyens britanniques mais, en rendant sa décision, elle a omis de suivre sa propre prémisse énoncée au début de l’instance.

[Non souligné dans l’original.]

(Dossier du demandeur, page 65)

L’avocat du ministre soutient qu’aucune telle entente n’a été conclue. Pour les motifs suivants, je suis d’accord.

[9]               La transcription certifiée de la conférence préparatoire concernant l’entente est la suivante :

[traduction] COMMISSAIRE : (…) Il s’agit d’une demande d’annulation présentée par le ministre à l’égard du dossier numéro TB4-05495. Les personnes protégées dans cette demande sont Nasreen Imtiaz et Imitiaz Ahmed.

Le tribunal a demandé une conférence préparatoire afin de clarifier les questions en litige en l’espèce. Ce dont j’aimerais vous parler à tous les deux, ce sont les litiges que vous avez recensés : en particulier, madame représentante du ministre, j’aimerais que vous me parliez des fausses représentations sur lesquelles vous allez vous fonder dans la demande en l’espèce. Donc, dès que vous êtes prête, si vous pouvez me donner un bref aperçu, je vous en serais reconnaissante.

AVOCATE DU MINISTRE : Très bien, d’accord. Madame la commissaire, nous nous appuyons sur la même trousse de demande d’annulation qui a été déposée et qui a servi à Montréal et, en outre, mon collègue à Montréal a présenté trois nouvelles pièces avant que l’affaire soit transférée à...

COMMISSAIRE : Oui.

AVOCATE DU MINISTRE :... Toronto. Puis, j’ai présenté la transcription de la première audience...

COMMISSAIRE : J’ai compris cela.

AVOCATE DU MINISTRE :... d’annulation...

COMMISSAIRE : Merci.

AVOCATE DU MINISTRE : …la semaine dernière. D’accord, nous avons maintenant 19 pièces.

La fausse représentation que la défenderesse aurait commise selon le ministre est très simple. Il s’agit d’une fausse représentation, donc il s’agit de savoir si elle est ou non citoyenne britannique. Nous reconnaissons qu’elle a admis avoir utilisé un passeport britannique lorsqu’elle est venue au Canada en 2005. Donc, nous ne disons pas qu’elle... qu’elle a omis de mentionner qu’elle utilisait un passeport britannique, mais nous disons qu’elle a omis de mentionner qu’elle était citoyenne britannique, la titulaire légitime de ce passeport parce que les clients allèguent qu’elle a effectivement utilisé ce passeport, mais qu’elle… qu’il ne s’agissait pas de son passeport, qu’elle n’est pas une citoyenne britannique.

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE : Et nous disons que nous avons établi une preuve prima facie fondée sur les renseignements et les photos que nous avons reçus des autorités britanniques, selon lesquels elle est cette citoyenne britannique.

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE : Et maintenant, notre position est que nous avons établi une preuve prima facie et qu’il appartient désormais aux clients et à leur avocat de réfuter cette preuve, ce qu’ils ont essayé de faire à la dernière audience; en se fondant principalement sur leur… le témoignage de la cliente. Et maintenant ils ont présenté de nouvelles pièces et, par conséquent, la commissaire devra attendre. Les éléments de preuve que nous avons reçus des autorités britanniques indiquent qu’elle est une citoyenne britannique et les éléments de preuve des clients indiquent qu’elle ne l’est pas et que la décision est fondée là-dessus.

COMMISSAIRE : Eh bien, il y a aussi la question de savoir si je vais effectivement admettre ces éléments de preuve.

AVOCATE DU MINISTRE : Je m’excuse, de quels éléments de preuve s’agit-il?

COMMISSAIRE : Les éléments de preuve remis par l’avocat. J’aimerais donc vous poser à tous les deux la question suivante. Je vais… en fait, je vous poserai la question à vous d’abord. Qu’en est-il du demandeur masculin? Est-ce que vous alléguez qu’il a fait des fausses représentations ou est-ce uniquement la demanderesse qui a fait une fausse représentation relativement à sa citoyenneté?

AVOCATE DU MINISTRE : Je veux dire que nous... Je suppose que nous… nous nous fondons sur la même demande, à savoir qu’il a fait une fausse représentation relativement à sa situation. Autrement dit, il était marié… probablement marié à une citoyenne britannique et il aurait dû divulguer cette situation parce que si tel était le cas, alors cela aurait une incidence également sur sa demande. Tout particulièrement du fait que toute sa demande se fondait sur la sienne à elle.

COMMISSAIRE : En effet.

AVOCATE DU MINISTRE : Donc, nous croyons que les deux demandes devraient être annulées si la commissaire convient que la défenderesse est une citoyenne britannique.

COMMISSAIRE : Avez-vous une réponse, maître?

AVOCAT : Oui, madame. Je suis totalement d’accord avec ma collègue. La question que vous devez trancher, respectueusement, est de savoir si Nasreen Imtiaz est une citoyenne britannique. Si elle l’est, alors elle a effectivement fait une fausse représentation quant à elle-même. Et, toujours respectueusement, je… vous… révoqueriez… la protection originale de la demanderesse. Et je crois que là est le litige. Pour ce qui est du mari, je conviens également que s’il… si elle est une citoyenne britannique, il aurait dû le savoir et il tomberait avec elle, si vous me permettez l’expression. Donc, le litige est, est-elle une citoyenne britannique?

(Dossier certifié du tribunal, p. 609, ligne 23 à la p. 610, ligne 48)

(...)

COMMISSAIRE : D’accord. Donc, parlons brièvement des questions… que nous devons aborder ici aujourd’hui. Pour vous, la seule question en litige est de savoir si Nasreen est une citoyenne britannique. Nous convenons tous que si elle… si vous pouvez me démontrer qu’elle est une citoyenne britannique, sa cause à lui disparaîtra également?

AVOCAT : Oui.

COMMISSAIRE : Êtes-vous d’accord...

AVOCAT : Tout à fait.

COMMISSAIRE :... avec cela?

AVOCAT : Je le suis.

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE : Et, si vous me le permettez, nous parlions un peu plus tôt de savoir, vous savez, j’allais questionner les... les deux défendeurs à fond et je ne le fais pas parce que j’estime que nous avons présenté une preuve prima facie; les éléments de preuve dont était saisie la première commission sont maintenant devant la présente commission, de nouveau, et je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de lire la transcription, mais toutes les questions, vraiment, que la représentante du ministre pouvait poser aux deux clients leur ont été posées et ils ont répondu et notre position est qu’il leur incombe maintenant de réfuter la preuve, ce qu’ils ont essayé de faire et n’ont pas réussi à la première audience, mais maintenant nous nous retrouvons devant les tribunaux. Et maintenant ils ont présenté d’autres éléments de preuve, de sorte qu’ils pourraient avoir, vous savez, ils pourraient vouloir poser d’autres questions relativement à ces éléments de preuve. Mais les seuls nouveaux éléments de preuve que nous avons déposés, d’après nous, attaquent encore davantage à la crédibilité des défendeurs, parce que maintenant nous avons déposé cet affidavit, du défendeur, qui reconnaît qu’il a menti relativement à son fils et qu’il a fourni un faux certificat de décès et tout le reste, de sorte que nous estimons tout simplement que cela renforce notre preuve en ce sens qu’il mine leur crédibilité...

COMMISSAIRE : En effet.

AVOCATE DU MINISTRE :... encore davantage et leur témoignage, lors de la première audience, constituait la seule contre-preuve qu’ils ont fournie pour réfuter notre preuve.

(Dossier certifié du tribunal, p. 615, lignes 17 à 48)

(...)

COMMISSAIRE : (…) Réglons donc seulement la divulgation en l’espèce. Le problème est que lorsque vous avez un dossier d’annulation, il comporte deux éléments, ce qui apporte beaucoup, beaucoup de confusion lorsque vous devez écrire quelque chose pour identifier les éléments. J’ai donc préparé une liste regroupée des documents. J’en ai un exemplaire pour chacun de vous. D’accord? Merci beaucoup.

Maintenant, monsieur, ce que je vous demande, c’est de me dire pourquoi je devrais accepter votre divulgation et l’ajouter à la liste.

AVOCAT : Pourquoi vous devriez accepter ma divulgation?

COMMISSAIRE : Oui.

AVOCAT : Eh bien, madame, tout ce que je peux vous dire, c’est que je… ces affidavits ont été préparés. Je dois admettre que je n’avais aucun contrôle à ce sujet. Et ils ont été préparés et exécutés au Pakistan. Je ne pratique pas au Pakistan. Je dois m’en remettre aux personnes qui les ont présentés sous serment. Et pour vous, de… de déclarer qu’un affidavit, même pour ce qui est de sa valeur probante, que le tribunal ne peut pas les accepter, je pense que ce serait une affaire très grave, en ce sens que vous diriez ou concluriez qu’aucun affidavit de n’importe quel pays ou, particulièrement, le Pakistan, pour quelle que raison que ce soit, ne peut plus être accepté par les tribunaux ici.

COMMISSAIRE : Monsieur, ce n’est pas ce que je dis. Il s’agit d’une demande en annulation

AVOCAT : Oui.

COMMISSAIRE : Et le ministre a le droit d’ajouter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’une demande d’annulation, mais les seuls éléments de preuve que je peux accepter des requérants, ce sont les éléments de preuve qui portent sur la fausse représentation. Et, en l’espèce, nous avons convenu que la fausse représentation est de savoir si Nasreen est une citoyenne britannique ou non.

AVOCAT : Et cet affidavit, ces affidavits portent sur la question de savoir si oui ou non il y a eu fausse représentation. De fait, les affidavits indiquent où elle vivait; où elle est née; où … vous savez, qu’elle n’a jamais quitté le Pakistan.

(Dossier certifié du tribunal, p. 617, ligne 28 à la p. 618, ligne 12)

[Soulignement ajouté dans les paragraphes cités]

[10]           Je conclus que les éléments de preuve cités en ce qui concerne l’entente n’appuient pas ce que comprend M. Perrault de ce qui a transpiré lors de la conférence préparatoire. Il y a seulement des éléments de preuve d’une entente selon laquelle, s’il était démontré que Nasreen Imtiaz est une citoyenne britannique, l’asile qui lui a été accordé ainsi qu’à son mari serait annulé. Il n’y a aucun élément de preuve d’une entente selon laquelle, s’il était démontré qu’elle n’est pas une citoyenne britannique, l’asile qui lui a été accordé ainsi qu’à son mari ne serait pas annulé. En effet, la commissaire n’a pas conclu que Nasreen Imtiaz n’est pas une citoyenne britannique :

[traduction] Bien entendu, le Royaume-Uni a d’autres éléments de preuve relativement à la personne protégée de sexe féminin que la documentation limitée dont dispose le tribunal, en particulier étant donné que la personne protégée de sexe féminin était arrivée là-bas en 1982, et a été naturalisée là-bas en 1986, et qu’elle est censément restée là-bas jusqu’à son arrivée au Canada en 2005. Le tribunal conclut que le ministre n’a pas fourni tous les éléments de preuve qu’il a reçus du Royaume-Uni concernant Zahida Ahmed [le nom sur le passeport britannique que Nasreen Imtiaz a produit à son arrivée au Canada en 2005]. Le tribunal conclut que le ministre n’a pas divulgué tous les éléments de preuve qu’il avait en sa possession concernant l’identité et la citoyenneté de la personne protégée de sexe féminin, et que les éléments de preuve qu’il a fournis n’étaient pas concluants. La commission conclut que le ministre ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve en démontrant que la personne protégée de sexe féminin est une citoyenne du Royaume-Uni. Le fardeau incombait au ministre à cette rubrique, et le tribunal conclut que le ministre n’a pas satisfait à ses obligations.

(Décision, paragraphe 31)

[11]           Pour ces motifs, je rejette l’argument relatif à l’entente.

B.                 Y avait-il des éléments de preuve quant à l’apparence de partialité de la part de la commissaire?

[12]           L’avocat des demandeurs soutient que la commissaire n’avait plus compétence pour instruire l’audience de la demande du ministre en vertu de l’article 109 en raison de l’apparence de partialité exposée par les observations faites par la commissaire lors de la conférence préparatoire. Pour trancher cet argument, les observations doivent être prises dans le contexte intégral des éléments de preuve avancés par le ministre et de la conversation qui a transpiré dans le cadre de la conférence préparatoire.

[13]           Quant aux éléments de preuve avancés par le ministre, la « demande d’annulation de l’asile » présentée par le ministre, datée du 7 mai 2014, dispose ce qui suit :

[traduction] Suite à la décision de la Cour fédérale, datée du 16 avril 2014, de renvoyer l’affaire pour réexamen par un autre commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le ministre vous informe qu’il maintient la demande antérieure datée du 12 septembre 2011 et souhaite ajouter les pièces suivantes : M–16, M–17 et M–18 relativement à une question de crédibilité.

(Dossier certifié du tribunal, p. 386)

[14]           La requête du 12 septembre 2011 citait le motif suivant :

[traduction] Nous sommes d’avis que la défenderesse n’a pas déclaré sa véritable identité au moment de la première décision et qu’elle n’a pas mentionné le fait qu’elle avait aussi la citoyenneté britannique.

La défenderesse n’a pas demandé l’asile par rapport au Royaume-Uni, tel que l’exige l’article 96 de la LIPR.

Nous sommes également d’avis que compte tenu de ce qui précède, la demande de la défenderesse était manifestement infondée et n’avait aucun fondement crédible.

(Dossier certifié du tribunal, p. 309)

[15]           La description des documents ajoutés est notée dans la demande d’annulation du 7 mai 2014 comme suit :

[traduction] M-16 : Déclaration de Bilal – 2010, pages 52 à 54 (Dossier certifié du tribunal, p. 389);

M-17 : Déclaration d’Imtiaz AHMED – 2010, pages 54 à 56 (Dossier certifié du tribunal, p. 392); et

M-18 : Notes du STIDI / SGGRU, pages 57 à 68 (Dossier certifié du tribunal, p. 395 à 405)

(Dossier certifié du tribunal, p. 388)

Ainsi, au réexamen, la demande d’annulation se fondait sur la question de la fausse représentation de l’identité britannique, mais les éléments de preuve ajoutés ont aussi amené une question de fraude.

[16]           Les éléments de preuve ajoutés provenant des documents susmentionnés sont exposés comme suit dans la décision :

[traduction] Les personnes protégées voulaient faire venir leurs quatre enfants au Canada en 2007, peu de temps après que les personnes protégées  eurent obtenu leur résidence permanente. Il y a aussi d’autres éléments de preuve présentés par le ministre qui témoignent des machinations bureaucratiques en cause dans le parrainage des enfants. Il semble que les autorités canadiennes aient eu des préoccupations concernant le manque d’éléments de preuve crédibles pour établir la relation familiale entre Bilal Imtiaz et la personne protégée de sexe masculin. Les autorités ont alors reçu un appel téléphonique qui indiquait que des documents frauduleux avaient été fournis à l’appui de la demande de parrainage. Les autorités canadiennes à ce moment-là ont demandé une preuve d’ADN, que la personne protégée de sexe masculin a accepté de fournir. Suite à cette demande, les autorités canadiennes ont été informées que Bilal était décédé. Le certificat de décès a été demandé. Après des enquêtes sommaires, il a été démontré que ce document était frauduleux. Suite à cette information, les autorités canadiennes ont reçu un message par télécopieur. Cette télécopie est caractérisée par le ministre comme étant une lettre de « dénonciation ». Cette télécopie indique que Bilal n’est pas mort, que la personne protégée de sexe masculin voulait l’amener au Canada avec ses enfants, mais qu’il s’était évadé. En outre, cette télécopie indiquait que la personne protégée de sexe masculin « prend des enfants sans défense au Canada en vertu de faux passeports pour les vendre au Canada... il a payé pour obtenir un ADN positif pour sa fille Sumeria, etc. » C’est à ce moment-là que la personne protégée de sexe masculin a déposé un affidavit qui indiquait ce qui suit :

« J’ai présenté une demande pour parrainer mes enfants du Pakistan et j’assume la pleine responsabilité pour inclure un quatrième enfant, qui n’était pas le mien, dans la demande.

Le quatrième enfant mentionné comme étant à ma charge dans la demande, Bilal Imtiaz, né le 10 septembre 1990, est en réalité le fils de mon frère. »

L’affidavit de la personne protégée de sexe masculin indique ensuite qu’il craint pour ses enfants au Pakistan étant donné qu’il a eu recours à un consultant en immigration fantôme qui est un citoyen canadien. Ce consultant est responsable du meurtre d’un policier belge et de deux hommes au Pakistan, et ce consultant fantôme lui prenait de l’argent et qu’il avait un « informateur » au bureau des visas à Islamabad qui s’occupait de son dossier. La personne protégée de sexe masculin déclare ensuite :

« [...] Je voudrais que mes enfants soient ici avant que je me présente aux autorités canadiennes et que je signale que cet homme et sa femme ont obtenu la citoyenneté canadienne sous de faux noms. »

Il a ensuite reconnu la fraude qu’il a commise dans la demande d’asile ici au Canada, et il a demandé que les autorités canadiennes délivrent des visas à ses enfants de toute urgence.

[Notes en bas de page omises relativement aux documents ajoutés tel qu’il est indiqué dans la demande du ministre datée du 7 mai 2014]

(Décision, paragraphes 6 et 7)

[17]           La conférence relative à l’entente a déjà été examinée plus haut. L’échange qui s’est déroulé immédiatement après cette conférence portait sur de nouveaux éléments de preuve sur lesquels s’appuyait le ministre. Le début de l’échange cité immédiatement ci-dessous confirme que les éléments de preuve ajoutés étaient à la disposition de la commissaire et avaient été lus la veille du début de l’audience. Connaissant les éléments de preuve ajoutés, la commissaire avait des questions et des préoccupations à soulever auprès des avocats du ministre et des demandeurs. Les observations personnelles faites par la commissaire pendant la conférence préparatoire sur lesquelles s’est fondé l’avocat des demandeurs pour motiver l’argument de partialité sont soulignées :

[traduction] COMMISSAIRE : Maintenant comme [sic] moi vous dire ce que j’ai remarqué lorsque je préparais avec la plus grande minutie cette affaire hier. Laissez-moi vous faire part de ma préoccupation. Cela m’inquiète beaucoup que le demandeur masculin ait essayé de faire le trafic d’Imitiaz [sic] dans notre pays, lui qui n’est pas un de ses parents. Il [...]

AVOCAT : Je m’excuse, je n’ai pas saisi.

COMMISSAIRE : D’accord, il … avez-vous entendu la divulgation du ministre qui indique que cet Imitiaz [sic] n’est pas en réalité son fils. Avez-vous reçu cette trousse de renseignements, monsieur?

AVOCAT : Oh, vous voulez dire Bilal?

COMMISSAIRE : Bilal... quel... est-ce que c’est Bilal est-ce le nom?

AVOCATE DU MINISTRE : Oui.

COMMISSAIRE : Bilal.

AVOCAT : Oui.

COMMISSAIRE : D’accord, donc le demandeur de sexe masculin présente une demande d’asile qui indique que Bilal est son fils.

AVOCAT : Oui.

COMMISSAIRE : Il appert que Bilal n’est pas son fils.

AVOCAT : Je suis d’accord.

COMMISSAIRE : Selon les éléments de preuve dont le tribunal est saisi, le demandeur de sexe masculin est mêlé à la traite de personnes dans notre pays. Je me demande pourquoi nous n’avons pas examiné la question de l’alinéa Fb) de l’article premier [de la LIPR en ce qui concerne la commission de crimes graves de droit commun].

AVOCATE DU MINISTRE : Les éléments de preuve dont nous disposons au sujet de la traite des personnes sont fondamentalement une déclaration solennelle ou une lettre de dénonciation, comme nous appellerions, concernant ce Bilal. Et, je veux dire, nous … nous avons mené une enquête sur l’affaire, mais une lettre de dénonciation, à notre avis, n’est pas un élément de preuve suffisant et l’avocat a déposé... Je ne sais pas si vous l’avez reçu, un nouvel affidavit dudit Bilal qui indique qu’il n’a jamais écrit cette lettre. Je ne sais pas si vous l’avez vu.

COMMISSAIRE : Je suis désolée, maître. Je... J’ai fait des tonnes d’affaires du Pakistan, une grande quantité d’affidavits. Est-ce que ces gens sont prêts à témoigner au téléphone aujourd’hui, quant au contenu de ces affidavits?

AVOCAT : Ils ne le sont pas.

COMMISSAIRE : Oui. Donc, lorsqu’il a présenté la demande d’asile, il a dit qu’il était le parent de quelqu’un dont il n’est pas; dans le but précis d’amener cette personne dans notre pays. Cela me porte vraiment à croire qu’un crime est commis, qui soulèverait la question de l’alinéa Fb) de l’article premier. De toute évidence, vous deux n’avez pas eu la chance de penser aux implications de tout cela. J’aimerais que vous me disiez tous deux si vous pensez qu’il s’agit d’une avenue légitime à examiner ou non. Je crois comprendre que vous avez probablement besoin de temps pour le faire. Si je vous donne un peu de temps pour penser à cela ou non, allons-nous pouvoir commencer l’instruction aujourd’hui ou non?

AVOCAT : Eh bien, si vous me le permettez, madame.

COMMISSAIRE : Oui.

AVOCAT : La question des parents. Et nous parlons maintenant des demandeurs d’asile devant la CISR, qui soutiennent qu’ils ont des enfants qui ne sont pas les leurs. Cette question est très bien tranchée en Cour fédérale. Il n’est pas question de savoir si la … ils devraient … l’annulation devrait survenir parce qu’ils ont fait cela.

COMMISSAIRE : Maître, à quelle affaire faites-vous référence?

AVOCAT : Eh bien, je n’ai pas... Je n’étais pas prêt à plaider cette question, mais j’ai eu souvent à le faire dans ma pratique. J’ai pris cette affaire il y a quelque temps déjà, pour ce qui est de… de tout ceci. Lorsque j’ai découvert cela au sujet de Bilal, c’est moi qui ai envoyé au… au bureau des visas, l’affidavit qui indique que Bilal n’est pas son fils. J’ai insisté sur ce point. Mais cela n’a rien à voir avec la question de savoir si ces demandeurs d’asile sont ou non légitimes. Et, par conséquent, vraiment, je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit à voir dans la présente audience, savoir si l’affaire Nasreen Imtiaz devrait ou non être annulée. Voilà ce que je plaiderais.

AVOCATE DU MINISTRE : D’accord, je crois comprendre que la préoccupation du tribunal pour ce qui est de l’alinéa Fb) de l’article premier se rapporte à l’implication possible du défendeur de sexe masculin dans le trafic d’enfants.

COMMISSAIRE : Oui.

AVOCATE DU MINISTRE : Très bien, d’accord. Maintenant, je veux dire que … corrigez-moi si j’ai tort, mais les seuls éléments de preuve que nous avons, jusqu’à maintenant, pour ce qui est de cette question, c’est cette lettre de dénonciation, anonyme, et censément déposée par M. Bilal. Maintenant, l’avocat a déposé un affidavit, censément fait par M. Bilal, également.

AVOCAT : Il était bel et bien signé.

AVOCATE DU MINISTRE : Signé, celui-ci, oui.

AVOCAT : Et fait sous serment.

AVOCATE DU MINISTRE : Par contre, je veux dire, nous ne pouvons toujours pas savoir de façon certaine s’il l’a écrite ou non. Et, d’après ce que je peux comprendre, le tribunal n’est pas prêt à l’accepter en preuve. Je me demande si le tribunal est prêt à accepter la lettre de dénonciation qui n’est pas signée, parce que c’est le seul élément de preuve, pour ce qui est du trafic de personnes, que nous ayons. Maintenant, nous convenons tous, et le demandeur ainsi que son avocat ont reconnu que le défendeur a menti au sujet de cette personne présentée comme son fils. Mais il dit que cette personne est le fils de son frère et qu’il ne l’a pas forcé ou qu’il n’essayait pas de … il nie essentiellement les allégations contenues dans la lettre de dénonciation et il dit tout simplement qu’il...

AVOCAT : Qu’il n’est pas un passeur de clandestins.

AVOCATE DU MINISTRE : Exactement.

AVOCAT : Oui.

AVOCATE DU MINISTRE : C’est … ou le trafic d’enfants est, je pense, le mot qui a été utilisé. Donc il reconnaît cela et je ne suis pas certaine s’il s’agit du crime grave ou si vous êtes davantage préoccupée par le trafic possible d’enfants, comme il est mentionné relativement à Bilal dans sa lettre.

COMMISSAIRE : Bien … bien franchement, je m’inquiète de la bonne foi de ces deux personnes, de toute évidence. Nous... Je pense que nous nous entendons tous pour dire que la question de savoir si la demanderesse est une citoyenne britannique est de la plus haute importance; donc, indiquons que c’est la priorité sur notre liste des questions en litige, d’accord? Est-ce que Nasreen est une citoyenne britannique? Maintenant, de toute évidence, il ne s’agit pas d’une nouvelle audience de la requête originale, mais je m’inquiète de la lettre de dénonciation, comme vous pouvez le comprendre. Certains affidavits du Pakistan, je veux dire, je suppose que c’est probablement le mieux que vous pouvez faire pour ce qui est des éléments de preuve. Par contre...

AVOCAT : Eh bien, je penserais que c’est certainement beaucoup mieux qu’une lettre de dénonciation non signée.

COMMISSAIRE : Mais, comme nous … comme nous l’avons découvert, vos demandeurs ont déjà accès à des documents frauduleux, monsieur. Ils ont obtenu un certificat de décès frauduleux pour...

AVOCAT : Oui.

COMMISSAIRE :... Bilal. Cela diminue le poids que je suis prête à accorder aux affidavits qu’ils ont fournis et qui ont été faits sous serment au Pakistan, comme vous pourriez bien l’imaginer.

AVOCAT : Oui, et je conviendrais avec vous que de nombreux affidavits, malheureusement, faits dans certains pays sont douteux. Je... Je pense que nous pouvons tous en convenir. Cependant, la question de savoir si mon client est un passeur de clandestins est une question que j’ai vraiment... Il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est faux. Et elle provient de nouveau [sic] de… d’une personne que nous croyons savoir lui en vouloir et qui a écrit la lettre; et ce n’était pas le neveu Bilal, et Bilal a répondu.

COMMISSAIRE : Allez-vous lui poser des questions à ce sujet aujourd’hui? Est-ce que cela fait partie de votre plan?

AVOCAT : J’ai une longue liste de questions à lui poser. Une longue liste de questions à lui poser du début jusqu’à la fin parce que je crois que cela se résume à la crédibilité, la personne que vous croyez. Et je n’allais pas lui poser de questions au sujet de Bilal, mais une des questions que vous avez soulevées et que j’aurais peut-être dû envisager et je... Je m’excuse si je ne l’ai pas fait, c’est la question des affidavits du Pakistan; parce qu’il s’agissait d’une lettre de dénonciation, j’ai pensé qu’elle serait confrontée à un affidavit et dans… dans votre esprit, peut-être que nous devrions ou non... Je devrais appeler Bilal.

COMMISSAIRE : Peut-être.

AVOCATE DU MINISTRE : Bien sûr, je veux dire que nous avons tous des préoccupations au sujet de cette lettre parce que si son contenu est vrai, je veux dire que c’est très grave. Maintenant, nous avons tous été en mesure, jusqu’à maintenant, de recueillir plus d’éléments de preuve...

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE :... et pour ce qui est de l’alinéa Fb) de l’article premier, la question serait de savoir s’il a commis un crime grave de droit commun avant de venir ici. Donc, tout ce qu’il a déposé par la suite en appui à sa demande d’asile, le faux certificat de décès et tout cela, ne serait pas...

COMMISSAIRE : Sauf pour le fait qu’il a inclus Bilal dans sa demande d’asile...

AVOCATE DU MINISTRE : Exact, maintenant...

COMMISSAIRE :... exact?

AVOCATE DU MINISTRE : Maintenant, ce qu’il a fait avant de présenter sa demande, que nous sachions, est seulement l’inclusion d’un faux enfant sur la fiche...

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE :... de renseignements personnels. Maintenant, est-ce que cela... suffit, est-ce que cela constitue un crime? Si les circonstances qui le concernent, y compris cet enfant, sont ce qui est dit dans cette lettre, qu’il a essentiellement enlevé cet enfant, je veux dire, alors oui. Mais nous n’avons pas d’autres éléments de preuve, jusqu’à maintenant...

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE :... et nous sommes un peu réticents à nous appuyer sur cette lettre pour essayer de justifier d’invoquer l’alinéa Fb) de l’article premier.

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE : Donc, c’est...

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE :...c’est notre position.

COMMISSAIRE : D’accord, c’est juste. Très bien. Donc, ma seule question pour vous, madame, est alors de savoir si oui ou non ce serait l’échec d’indiquer ou… laissez-moi reformuler, afin que je sois totalement claire. Je tiens seulement à savoir si l’inclusion par le demandeur de sexe masculin de Bilal, si vous aviez su à l’époque qu’il n’était pas son fils, est-ce que cela… est-ce que cela aurait entraîné la possibilité d’invoquer l’alinéa Fb) de l’article premier? C’est tout ce que je veux savoir, car c’est quelque chose qui aurait été exclu par le tribunal original.

AVOCATE DU MINISTRE : Ce serait... Je pense que ce serait davantage une préoccupation au point de vue de la crédibilité.

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE : Je veux dire que de toute évidence, c’est un crime que de faire de fausses déclarations...

COMMISSAIRE : Oui.

AVOCATE DU MINISTRE :... mais est-ce que cela aurait suffi pour invoquer l’exclusion en vertu de l’alinéa Fb) de l’article premier? Je ne suis pas vraiment à l’aise de dire...

COMMISSAIRE : D’accord.

AVOCATE DU MINISTRE :... que cela aurait suffi en toute honnêteté.

COMMISSAIRE : D’accord. C’est parfait. Je vous remercie de votre franchise. D’accord. Êtes-vous d’accord avec ce qu’elle dit?

AVOCAT : Tout à fait, madame, sinon nous aurions une foule de demandes à annuler. Peut-être que nous devrions, mais ce n’est pas ce qui se produit dans un cas de réfugié.

(Dossier certifié du tribunal, p. 610 à 615)

[18]           À mon avis, il était tout à fait approprié que la commissaire se prépare totalement en vue de l’audition de la demande du ministre en lisant le matériel en dossier avant l’audition de la demande d’annulation du ministre. Plus particulièrement, il était important que la commissaire soit parfaitement informée des éléments de preuve ajoutés sur lesquels on s’appuyait comme caractéristique essentielle du réexamen de la demande d’annulation. Par conséquent, il était important pour la commissaire de comprendre les questions exactes qui seraient soulevées pendant l’audience et la conférence préparatoire constituait la façon la plus productive de le faire.

[19]           Pendant qu’elle apprenait la portée des questions, la commissaire avait tout à fait le droit d’exprimer ses questions et préoccupations à l’avocate du ministre et aux demandeurs afin de comprendre les positions qui seraient adoptées à l’audience. Comme le démontre clairement la transcription, la commissaire agissait de façon transparente en posant des questions et en soulevant des préoccupations de façon à ce que les deux avocats soient informés des questions recensées par la commissaire, et aient l’occasion de confirmer lesquelles seraient abordées pendant l’audience.

[20]           L’avocat des demandeurs s’appuie sur les observations discrètes soulignées dans les passages cités ci-dessus pour soutenir que la partialité préjudiciable de la commissaire a été exposée pendant la conférence préparatoire. Voici le premier paragraphe de l’argument de l’avocat des demandeurs :

[traduction] Nous soutenons que les questions soulevées par la commissaire au début de l’audience, y compris la mention que la personne de sexe masculin a participé à des activités « criminelles » et mettant en doute l’intégralité de la provenance ou la fiabilité des affidavits et preuves documentaires du Pakistan et, de fait, indiquant avant l’audience que, « Je suis préoccupée par la bonne foi de ces deux personnes » soulèvent toutes une crainte raisonnable de partialité.

Nous soutenons qu’elle s’était déjà faite une idée quant à ce que serait la décision. Elle avait déjà déterminé avant d’entendre les éléments de preuve que les demandeurs (ici, en Cour fédérale) n’étaient pas crédibles et que peu importent les documents qu’ils fournissaient, ils n’étaient pas non plus crédibles. Il ne restait que les justifications post facto.

(Exposé supplémentaire des faits et arguments des demandeurs [exposé supplémentaire des demandeurs], paragraphes 26 et 27)

[21]           Pour ce qui est de qualifier Imitiaz Ahmed comme ayant participé à des activités « criminelles », son admission détaillée dans les éléments de preuve ajoutés que, en présentant une demande d’asile, il a inclus un enfant, qui n’est pas le sien, et il a représenté l’enfant comme étant le sien, de toute évidence et à juste titre, ont soulevé les questions que la commissaire a posées aux avocats. À mon avis, la commissaire avait le droit de poser toutes les questions nécessaires à l’avocate du ministre pour savoir si une plaidoirie serait faite en ce qui concerne la commission de crimes graves de droit commun, en vertu de l’alinéa Fb) de l’article premier de la LIPR. L’avocate du ministre a donné l’assurance que ce ne serait pas le cas, atténuant ainsi cette préoccupation. Il ne fait aucun doute que la conduite d’Imitiaz Ahmed avait le potentiel de remettre en question la bonne foi des deux demandeurs et, selon moi, il était important que la commissaire donne un préavis quant à cette question. L’avocat des demandeurs a dit comprendre cette préoccupation.

[22]           Outre la question liée à la commission d’un crime, l’avocat des demandeurs fait une observation qui a trait au dernier commentaire dans l’exposé de la commissaire sur les éléments de preuve ajoutés, cités plus haut au paragraphe 16 des présents motifs : [traduction] « [Imitiaz Ahmed] a ensuite reconnu la fraude qu’il a commise dans la demande d’asile ici au Canada, et il a demandé que les autorités canadiennes délivrent des visas à ses enfants de toute urgence ». Les observations sont les suivantes :

[traduction] Nous soutenons qu’il y a aussi crainte raisonnable de partialité lorsque la commissaire conclut que la personne de sexe masculin a admis avoir commis une fraude dans ses éléments de preuve dans le cadre de sa demande d’asile lorsqu’en réalité il n’y a pas admission de fraude.

(Exposé supplémentaire des demandeurs, paragraphe 29)

[23]           Au contraire, je conclus que l’admission avait effectivement été faite :

[traduction] Je vous demande pardon de la fraude que j’ai commise dans la demande et je demande que vous délivriez des visas d’immigrant à mes enfants le plus tôt possible, afin qu’ils ne soient plus exposés à quelque risque que ce soit au Pakistan, où demeure maintenant le consultant fantôme susmentionné.

[Non souligné dans l’original.]

(Dossier certifié du tribunal, p. 393)

[24]           Quant à l’observation de la commissaire au sujet de l’accès par les demandeurs à des documents frauduleux au Pakistan, la commissaire a clairement fait le lien entre l’expérience et la question en litige, et l’avocat du demandeur a convenu que c’est une question en litige. Je ne trouve aucun élément de preuve de partialité dans l’échange sur cette question purement de preuve.

[25]           En plus de faire valoir les déclarations discrètes de la commissaire hors de contexte pour appuyer l’argument de partialité, l’avocat des demandeurs va encore plus loin et fait valoir un argument de partialité réelle de la part de la commissaire :

[traduction] Nous soutenons que la fraude était maintenant utilisée comme béquille par la commissaire pour établir sa décision, qui n’a aucun fondement dans les faits, alors que le gouvernement n’a pas réussi à démontrer que Nasreen était une citoyenne britannique.

(Exposé supplémentaire des demandeurs, paragraphe 31)

Je conclus qu’il n’existe actuellement aucun élément de preuve pour étayer ce que je considère être une allégation fallacieuse.

[26]           L’avocat des demandeurs cite correctement le critère : « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? Croirait-elle que, selon toute vraisemblance [le décisionnaire], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » (Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978]1 R.C.S. 369). En abordant les questions et les préoccupations avec les avocats lors de la conférence préparatoire, et en tenant compte de l’argument de partialité dans l’ensemble de la preuve, je conclus que la commissaire cherchait à s’assurer d’obtenir un résultat juste et équitable. Je conclus en outre qu’il n’existe aucun élément de preuve de l’apparence de partialité de la part de la commissaire.

C.                Est-ce que la décision rendue allait à l’encontre du devoir d’agir équitablement envers les demandeurs.

(1)               Les prétentions

[27]           La prétention relative au manquement à l’obligation d’équité mise de l’avant au moment du dépôt du présent avis de requête s’appuie sur les paragraphes 5 à 10 de la preuve par affidavit de M. Perrault :

[traduction] 5. Dans les motifs écrits de la décision, [la commissaire] fait référence aux questions qui n’ont pas été mises de l’avant par la commissaire lors de l’instance, empêchant ainsi l’avocate du ministre et moi-même de présenter des observations à l’égard de ces questions.

6. Au paragraphe [54] de la décision, la commissaire a indiqué que, en concluant que les personnes protégées n’ont pas suivi la procédure appropriée pour obtenir des passeports pakistanais, la commissaire a consulté le site Web des missions diplomatiques du Pakistan au Canada.

7. La commissaire n’a jamais porté cette information à l’attention de l’avocate du ministre ou de moi-même.

8. En outre, la commissaire s’est fondée sur des renseignements datés de 2014 du site Web de la mission diplomatique du Pakistan au Canada.

9. Le site Web n’existait pas au moment où mes clients ont présenté une demande de passeport et on ne sait pas si à ce moment-là les mêmes règles s’appliquaient pour la présentation d’une demande de passeport pakistanais.

10. En aucun cas l’avocate du ministre ou moi-même n’avons été informés de l’introduction de ces renseignements, dont la commissaire s’est servie pour rendre sa décision.

11. Cet affidavit est fait sous serment à l’appui d’une demande à la Cour fédérale d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration et dans aucun autre but inapproprié.

[Non souligné dans l’original.]

(Dossier de la demande, pp. 65 et 66)

[28]           Toujours pour appuyer ses dires, l’avocat des demandeurs présente un argument accessoire en ce qui concerne la pertinence des éléments de preuve soulignés :

[traduction] La commissaire a complètement ignoré la question [de la citoyenneté britannique] dont la Commission était saisie. Elle a analysé des documents de 2005 et de 2014 sur le Pakistan, dont la Commission n’était pas saisie, et qui ne constituaient aucune préoccupation pour le ministre [sic].

La consultation par la commissaire des documents de 2005 et de 2014 sur le Pakistan, compte tenu de la valeur de ces documents, n’est pas justifiée et tient beaucoup plus à un préjugé. Ces documents étaient tout à fait non pertinents à l’audience en annulation.

[Non souligné dans l’original.]

(Réponse des demandeurs aux observations du défendeur quant à la pertinence des trousses de documents de 2015 et 2014, datée du 21 avril 2016, paragraphes 5 et 6)

(2)               Les éléments de preuve pertinents aux prétentions des demandeurs

[29]           Il est important de prendre en considération deux éléments de preuve : les éléments de preuve présentés à l’audition de la demande du ministre; et les motifs de décision du juge Roy et les directives.

[30]           Pour ce qui est des éléments de preuve présentés lors de l’audience, la préoccupation de l’avocat des demandeurs relativement à l’équité en matière de preuve porte sur la notification en bonne et due forme fournie au sujet des renseignements introduits dans le dossier de l’audience par la commissaire et appliqués pour rendre la décision. Les éléments de preuve convaincants en ce qui concerne chacune des quatre caractéristiques soulignées sont les suivants.

[31]           Le « site Web » ressource consulté au paragraphe 6 de l’affidavit de M. Perrault était, en réalité, le cartable national de documentation (CND) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié sur le Pakistan, daté du 14 mars 2014, qui a été présenté en preuve au titre de la pièce 11 (voir le dossier certifié du tribunal, p. 437 à 462) lors de l’audition de la demande d’annulation du ministre :

[traduction] COMMISSAIRE : D’accord. Je vais devoir poser quelques questions au sujet du passeport et je vais aussi … parce que je n’avais pas eu cet élément de preuve avant aujourd’hui, je ne savais que j’allais devoir ajouter l’actuel cartable national de documentation sur le Pakistan, mais c’est ce que je vais faire. Donc, je l’ajoute au titre de l’élément numéro 11. Je vous remettrai à tous les deux un index (voir le dossier certifié du tribunal, p. 437 à 448)...

AVOCAT : Je m’excuse.

COMMISSAIRE :... lorsque nous reviendrons.

AVOCAT : Qu’est-ce que c’était?

COMMISSAIRE : L’actuel cartable national de documentation sur le Pakistan.

AVOCAT : D’accord.

COMMISSAIRE : D’accord? Je vous remettrai donc cela à notre retour parce qu’il… il contient des renseignements au sujet des passeports, que je vais devoir consulter quelque peu.

[Non souligné dans l’original.]

(Dossier certifié du tribunal, p. 654)

[32]           Pour ce qui est de la raison d’être du cartable national de documentation :

[traduction] COMMISSAIRE : Je vais vous remettre à tous les deux un exemplaire du cartable national de documentation, le plus récent sur le Pakistan.

AVOCATE DU MINISTRE : Merci.

COMMISSAIRE : Je vous les divulgue uniquement pour traiter des documents d’identité, et non pour quoi que ce soit...

AVOCAT : Est-ce que cela provient d’une AEC?

COMMISSAIRE : Non, c’est le … un cartable national de documentation produit par la Commission et je vous le remets uniquement pour traiter des questions liées à l’identité.

(Dossier certifié du tribunal, p. 664 et 665)

[33]           Et aussi pour l’utilisation faite du cartable national de documentation pendant l’audience :

[traduction] COMMISSAIRE : Maître, allez-vous poser des questions à l’un ou l’autre au sujet de ce document?

AVOCAT : Pour ce qui est … vous voulez dire les documents d’identité nationaux?

COMMISSAIRE : Les documents qu’il a fournis, sont-ils fournis pour établir leur identité à l’audience originale? Allez-vous lui poser des questions à ce sujet?

AVOCAT : Eh bien, la seule question que j’ai, vraiment, respectueusement, madame, c’est votre question sur le fait qu’ils ont une durée de vie de 10 ans seulement.

COMMISSAIRE : En effet.

AVOCAT : Et cette réponse, je ne la connais pas. J’ai essayé de savoir … à l’heure du repas, mais je vais lui demander s’il est au courant de leur durée de vie.

AVOCATE DU MINISTRE : Je m’excuse, quelle était la question, au sujet des 10 ans?

COMMISSAIRE : La NADRA, la carte...

AVOCATE DU MINISTRE : Oh, oui.

COMMISSAIRE :... d’identité qui...

AVOCATE DU MINISTRE : Très bien, d’accord.

COMMISSAIRE :... ils ont une durée de vie de 10 ans seulement.

AVOCATE DU MINISTRE : Très bien, d’accord.

AVOCAT : Oui. C’est vraiment...

COMMISSAIRE : C’est l’élément de preuve que j’ai devant moi dans le cartable national de documentation au sujet des cartes d’identité du Pakistan.

AVOCAT : Oui, je... et je... Je... Je ne vois pas cela.

COMMISSAIRE : Eh bien, c’est parce que nous ne fournissons pas le document, nous fournissons seulement la liste et c’est en partie pour cette raison que je vous ai remis seulement la liste. Donc, il y a un … un … un article dans le document au sujet des cartes d’identité nationales au Pakistan et vous trouverez cette information dans le document.

AVOCAT : Mais elles ne sont délivrées que pour 10 ans?

COMMISSAIRE : En effet. Elles ont une durée de vie de 5 à 10 ans.

Donc, maître, êtes-vous prêt à lui poser des questions?

AVOCAT : Oui, je le suis, je le suis.

COMMISSAIRE : Quand vous serez prêt.

AVOCAT : D’accord, monsieur lmitiaz. Où êtes-vous né?

(...)

(Dossier certifié du tribunal, p. 665 et 666)

[34]           Au paragraphe 16 de la décision, la commissaire a présenté la pièce 11 comme suit :

[traduction] Le tribunal a divulgué l’actuel cartable national de documentation (CND) sur le Pakistan, mais a fait remarquer qu’il l’utilisait uniquement pour évaluer les documents d’identité fournis par les personnes protégées, et non pour le bien-fondé de la demande.

[35]           La pièce 11 énumère à la rubrique « Pièces d’identité et citoyenneté » document 3.1 : « Information sur les exigences et la marche à suivre pour obtenir un passeport; les passeports électroniques utilisant différents moyens biométriques, y compris la marche à suivre pour la délivrance à l’intérieur et à l’extérieur du pays, notamment au Canada; la marche à suivre pour obtenir un passeport lisible manuellement : Code PAK104250.EF » (Dossier certifié du tribunal, p. 439); et inclut les Réponses aux demandes d’information PAK104250.EF, daté du 20 décembre 2012 (Dossier certifié du tribunal, p. 449 à 453).

[36]           Le paragraphe [54] de la décision cite directement du document Code PAK104250.E à la rubrique « 3. Passeports lisibles manuellement au Canada » (Dossier certifié du tribunal, 451) :

[traduction] Le tribunal a été confronté à quatre passeports du Pakistan obtenus ici au Canada, qui établissent prétendument l’identité que les personnes protégées affirment. Le tribunal a dû examiner les passeports du Pakistan fournis par les personnes protégées étant donné que les passeports sont une preuve prima facie d’identité et de nationalité. Le tribunal constate dès le départ qu’il y a une réponse à la demande d’information dans le cartable national de documentation sur la délivrance de passeports du Pakistan au consulat ici, au Canada. (Liste regroupée des documents, point 11 à l’article 3.1).

« Pour obtenir au Canada un nouveau passeport lisible manuellement, les citoyens du Pakistan doivent présenter à la mission pakistanaise la plus proche les documents suivants :

• un formulaire de demande rempli;

• une photocopie d’un document confirmant le statut du demandeur au Canada (passeport canadien, carte de citoyenneté, carte de résident permanent, permis d’études ou visa);

• trois photos format passeport;

• un passeport pakistanais original ainsi qu’une photocopie de la couverture intérieure et des pages 1, 2 et 3;

• une carte d’identité nationale pakistanaise originale ainsi qu’une photocopie (Pakistan s.d.d; ibid. s.d.e).

On peut lire sur le site Web de la mission diplomatique pakistanaise au Canada que les passeports lisibles manuellement ne sont délivrés qu’aux titulaires de CNIC, de NICOP ou de CRC (ibid. s.d.d). Si un demandeur n’est pas titulaire de l’un de ces documents, il doit présenter une demande de NICOP au moment où il présente une demande de passeport (ibid.). Les droits exigibles pour le traitement d’une demande de passeport lisible manuellement sont de 66 $ CAN et de 175 $ CAN pour les demandes urgentes (ibid.; s.d.e). Les demandes de passeport lisible manuellement sont traitées dans les sept jours ouvrables suivant la présentation de la demande, et les demandes urgentes peuvent être traitées dans un délai d’un jour ouvrable (ibid.). Les demandes de passeport, accompagnées des documents demandés, du paiement des droits exigibles et d’une enveloppe-réponse affranchie, peuvent être envoyées par la poste à la mission (ibid. s.d.d). Selon le site Web de la mission diplomatique pakistanaise au Canada, les décisions de recevoir les demandeurs en entrevue ou de délivrer des passeports lisibles manuellement sont prises au cas par cas (ibid.).

Le consulat ici, au Canada, semble avoir un processus et un protocole clairs en place pour la délivrance de passeports aux citoyens du Pakistan dans notre pays.

[37]           Quant aux motifs de décision du juge Roy, les passages suivants des motifs exposent les attentes à respecter au réexamen :

[traduction] (…) De toute évidence, la question soulevée devant le tribunal relativement à la SPR est celle qui a trait à l’identité des demandeurs. La décision de la SPR qui devait être annulée a conclu ceci : « leurs identités sont étayées par plusieurs documents, dont un passeport pour madame, des cartes d’identité nationales, un certificat de mariage et un certificat d’enregistrement familial. Ils ont aussi présenté des documents qui confirment tous les deux leurs [sic] antécédents professionnels de Mme Imtiaz, et des documents qui confirment également leurs ennuis judiciaires au Pakistan. » Le tribunal qui a conclu que la décision initiale devait être annulée n’a jamais renvoyé à ces éléments de preuve ni, quant à cela, à l’affidavit du 21 mars 2005, soit un mois après l’arrivée des demandeurs, dans lequel [sic] il était divulgué qu’ils avaient voyagé en utilisant de faux documents.

Ayant examiné le dossier attentivement, ayant entendu les parties et ayant examiné encore une fois le dossier, je suis toujours confus. La décision de la SPR n’a pas aidé à clarifier la situation.

Dans les circonstances, je conclus que la décision faisant l’objet du réexamen ne possède pas les caractéristiques requises pour conclure qu’elle est raisonnable. À mon avis, la question doit être renvoyée pour réexamen par un tribunal différent. Les défendeurs devraient essayer d’expliquer plus systématiquement les écarts d’identité et que les demandeurs fourniraient une explication précise des circonstances entourant leur arrivée au Canada le 18 février 2005.

(Non souligné dans l’original.)

(Dossier certifié du tribunal, pp. 117 – 118)

[38]           Dans la décision, la commissaire renvoie aux motifs cités du juge Roy, et plus particulièrement en reconnaissant la directive selon laquelle « essayer d’expliquer plus systématiquement les écarts d’identité » expose le défi à relever :

[traduction] C’est ainsi que l’affaire s’est retrouvée devant la SPR pour une deuxième décision relative à l’annulation.

(Décision, paragraphe 3)

[39]           Pour ce qui est du défi, la commissaire déclare :

[traduction] Le tribunal a tenu compte de la directive du juge Roy lorsqu’il a renvoyé l’affaire au tribunal. Constatant que l’identité était l’enjeu de l’annulation originale (…) [l]e tribunal a interrogé les personnes protégées et effectué la présente analyse comme l’a suggéré le juge Roy. La présente analyse amène le tribunal à conclure que les demandes originales doivent être annulées en raison d’une fausse représentation et de la présentation de documents d’identité frauduleux comme étant authentiques.

(Décision, paragraphe 38)

(3)               Conclusions sur la preuve

[40]           Pour ce qui est de l’argument accessoire de l’avocat des demandeurs, je conclus que la commissaire, comme il était exigé, a précisément suivi la directive du juge Roy. La question centrale du réexamen était l’identité des demandeurs. Par conséquent, pour trancher la question, les documents d’identité produits par les demandeurs au moment de présenter leur demande d’asile étaient pertinents, véritablement en litige, et exigeaient l’attention minutieuse que leur a accordée la commissaire. Par conséquent, je rejette l’argument accessoire.

[41]           Quant à l’argument d’iniquité globale, je conclus que la preuve établit que l’avocat des demandeurs a reçu une notification en bonne et due forme des renseignements introduits par la commissaire, et de la façon dont ces renseignements s’appliqueraient pour parvenir à la décision. Je conclus en outre que le cartable national de documentation de 2014 a été divulgué et appliqué de façon transparente lors de l’audience grâce aux interrogatoires détaillés des demandeurs, donnant lieu à des conclusions bien documentées à l’appui de la demande du ministre (voir : Décision, paragraphes 54 à 63). Par conséquent, je n’accorde aucun poids à l’argument du manque de connaissances.

(4)               Le résultat de l’omission de faire opposition

[42]           Pour ce qui est des éléments de preuve pendant l’audience, y compris le plaidoyer final (voir : Dossier certifié du tribunal, p. 711 à 713), l’avocat des demandeurs n’a présenté aucune opposition à l’introduction des renseignements et à la façon dont ils seraient utilisés pour la prise de décision.

[43]           Un élément important de la présente affaire est qu’aucune opposition n’a été présentée à l’égard de l’introduction au dossier du cartable national de documentation de 2014 qui, selon le dialogue mentionné plus haut, pourrait facilement être compris comme la pierre d’assise des éléments de preuve sur lesquels la commissaire s’appuierait pour rendre sa décision. Je conclus que, pendant l’audience, la commissaire a donné à l’avocat des demandeurs toutes les occasions voulues de présenter une demande de clarification, ou de formuler une opposition relativement à l’utilisation du cartable national de documentation de 2014; il n’y en a eu aucune.

[44]           La décision du juge Stone dans l’affaire Yassine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.) [1994] A.C.F. no 949 donne un exemple de la conséquence de ne pas formuler d’opposition. Dans cette affaire, le demandeur a présenté une demande d’asile fondée sur la crainte de persécution d’une milice à Beyrouth, au Liban. La question en litige était de savoir si la Section des réfugiés a contrevenu aux règles de justice naturelle en recevant des renseignements après l’audience qui permettraient d’établir que la milice en question avait quitté Beyrouth. Le paragraphe 7 de la décision porte sur le défaut de présenter une opposition à l’introduction et l’utilisation des éléments de preuve :

Il faut aussi souligner qu’aucune opposition n’a été formulée relativement à la procédure que le président du tribunal a adopté pour accueillir les renseignements supplémentaires. Cette procédure consistait en une directive du 20 novembre 1990 selon laquelle l’agent d’audience sur le statut de réfugié fait des copies du matériel mis à la disposition de l’avocat de l’appelant et a donné à l’avocat en question une période de deux semaines pour présenter des représentations par voie de « réponse ». Cette procédure a été suivie. Aucune réponse n’a été envoyée. L’appelant n’a pas non plus soulevé d’oppositions de quelque sorte quant à cette façon de procéder. C’était certainement le moment de présenter une opposition et de demander au tribunal de reporter l’audience, en supposant que les renseignements ne pourraient pas autrement être accueillis. L’appelant était alors en possession de tous les nouveaux renseignements et savait que le tribunal comptait en prendre acte. Non seulement il n’y a eu aucune opposition à ce moment-là, que je considérerais comme étant la « première occasion » de le faire (dans le renvoi Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.), par le juge MacGuigan, aux pages 113 et 114), l’appelant n’a rien dit jusqu’à ce que la décision de la Section du statut de réfugié soit publiée le 18 avril 1991. Ainsi, même s’il y a manquement à la justice naturelle, je considère la conduite de l’appelant comme une renonciation implicite de ce manquement.

[Non souligné dans l’original.]

(5)               La conséquence de ne pas présenter d’opposition en l’espèce

[45]           Je conclus que les circonstances principales dans Yassine sont parallèles à celles de l’espèce : l’avocat des demandeurs a reçu signification de l’introduction et de l’utilisation prévue du cartable national de documentation de 2014 et aucune opposition n’a été faite à la « première occasion », ce qui aurait été pendant l’audience ou après, mais avant que la décision soit rendue. Comme dans l’affaire Yassine, en l’espèce aucune explication n’a été fournie pour ne pas avoir présenté d’opposition.

[46]           Ainsi, pour ce qui est de la présente requête, je conclus que, même s’il y a eu manquement au devoir d’équité envers les demandeurs, je considère la conduite de l’avocat des demandeurs comme une renonciation implicite de ce manquement. Pour ces motifs, je rejette l’argument relatif à l’équité.

II.                Conclusion

[47]           Pour les motifs énoncés, je conclus que la décision faisant l’objet de l’examen est raisonnable parce qu’elle est transparente, intelligible et motivée quant aux faits et au droit.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande.

L’avocat des demandeurs propose la question à certifier suivante :

Est-ce que le fait que l’avocat n’ait pas présenté d’opposition dans les circonstances où la compétence de l’avocat n’est pas par ailleurs mise en question, mais dans les circonstances où la confusion en raison d’une confrontation soudaine avec un litige imprévu et s’apparentant à une embuscade semble être présent ou apparent, donnant lieu à une injustice irréparable pour le client, constitue un motif pour revenir sur la décision?

(Dépôt daté du 2 mai 2016)

L’avocat du défendeur offre l’argument suivant pour s’opposer à la certification de la question proposée :

La Cour d’appel dans l’affaire Liyanagamage c. Canada (M.C.I.) (1994), 176 N.R. 4 aux paragraphes 4 à 6 expose les principes régissant la certification d’une question :

[traduction] (i) La question est une question qui transcende les intérêts des parties au litige, et [qui] aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale.

(ii) La question est aussi déterminante quant à l’issue de l’appel. Le processus de certification ne doit pas être utilisé comme un moyen d’obtenir, de la Cour d’appel, des jugements déclaratoires à l’égard de questions subtiles qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée.

(iii) Le processus de certification ne doit pas être assimilé au processus de renvoi établi par la Loi sur les Cours fédérales.

La question proposée n’envisage pas un litige ayant des conséquences importantes, ni ne transcende les intérêts des parties. La présente affaire est un cas d’espèce et dépend d’un ensemble de circonstances très uniques. La décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) consistait à établir les faits et le litige en l’espèce est propre aux parties.

(Dépôt daté du 4 mai 2016)

Je suis tout à fait d’accord avec l’argument de l’avocat du défendeur. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-8286-14

 

INTITULÉ :

IMTIAZ NASREEN ET IMITIAZ AHMED c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 février 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 6 mai 2016

COMPARUTIONS :

Tshimanga-Robert Bukasa

Pour les demandeurs

Marina Stefanovic

Alex Kam

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tshimanga-Robert Buksasa Barrister, Solicitor & Notary Public

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.