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Date : 20160509


Dossier : IMM-4822-15

Référence : 2016 CF 516

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

MENGLING WU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(jugement rendu à l’audience)

[1]               La demanderesse sollicite un contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) d’une décision du 28 septembre 2015 de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de rejeter sa demande d’asile.

[2]               La demanderesse est une citoyenne de 21 ans de la Chine qui fait la demande et les allégations suivantes. N’ayant trouvé aucun soulagement de la migraine chez des professionnels chinois en médecine traditionnelle et des professionnels de la santé occidentaux, y compris la consultation de médecins à six reprises, à savoir la consultation d’un neurologue à trois reprises et d’un docteur en médecine interne à trois reprises, elle déclare qu’elle s’est tournée vers le Falun Gong. Cela s’est fait en dépit des conseils d’avoir une scintigraphie du cerveau de suivi que lui avait donnés un médecin dans un service de médecine interne ambulatoire.

[3]               Peu après, le Bureau de sécurité publique (BSP) a fait une descente chez son groupe de pratique. Elle s’est ensuite cachée et a appris plus tard que le BSP la recherchait et qu’elle avait été congédiée. Elle a reçu l’ordre de se présenter au BSP; quand elle ne s’est pas présentée, une convocation a été délivrée. Avec l’aide d’un passeur, elle a demandé au consulat américain de Guangzhou de lui délivrer un visa de visiteur pour ce pays. Elle a fait cette demande sans dissimuler son identité et, en utilisant son propre passeport, a réussi à s’envoler hors de la Chine et à entrer au Canada.

[4]               La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas crédible et, en outre, que sa demande n’avait pas de fondement crédible. Tout d’abord, la SPR a jugé que la raison qui l’a poussée à pratiquer le Falun Gong était invraisemblable : elle avait fait des études en soins infirmiers, avait travaillé dans un hôpital, savait que le Falun Gong était illégal et n’avait fait que peu d’efforts pour accéder à un traitement médical moderne après le début de ses migraines.

[5]               Deuxièmement, la SPR a conclu qu’il était tout aussi invraisemblable qu’elle soit sortie de la clandestinité pour se rendre au consulat américain de Guangzhou en compagnie du passeur, à la lumière de la preuve documentaire qui laisse entendre que les dissidents présumés sont étroitement surveillés par les autorités chinoises.

[6]               Troisièmement, également en raison de la preuve documentaire sur la surveillance de l’État, la Commission a conclu que sa sortie de la Chine était très suspecte, étant donné qu’elle était passée par des points de contrôle de sortie des aéroports de Guangzhou et de Pékin avec son propre passeport et sans aucune dissimulation de son identité.

[7]               La SPR a conclu que si la demanderesse se cachait vraiment du BSP, l’obtention de son visa et sa fuite hors du pays n’auraient pas été si simples.

[8]               En outre, la SPR a conclu que la preuve documentaire de la demanderesse sur sa pratique du Falun Gong, y compris deux lettres d’appui et quelques photos de ses exercices d’entraînement au Canada, était insuffisante : Les pratiques de groupe du Falun Gong sont ouvertes au public et les lettres d’appui qu’elle a présentées et qui provenaient de ceux qui l’auraient pratiqué avec elle au Canada n’étaient pas assermentées.

[9]               La demanderesse a également présenté une convocation du BSP en son nom, bien que la SPR ait conclu qu’il était peu probable qu’elle soit authentique en raison de sa simplicité – une seule page avec de l’encre noire et des cachets rouges – et de la facilité avec laquelle les documents sont falsifiés en Chine.

[10]           À la lumière de tout ce qui précède, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse en raison d’un manque de crédibilité ou de preuve. La SPR a également conclu que la demande de la demanderesse n’a aucun fondement crédible.

[11]           La demanderesse soutient que la SPR a commis trois erreurs susceptibles de révision : premièrement, des conclusions déraisonnables sur la crédibilité; deuxièmement, une évaluation sur place déraisonnable; troisièmement, une conclusion déraisonnable sur l’absence de fondement crédible. Bien qu’il ne soit pas certain que la SPR ait commis une erreur en ce qui concerne les deux premières questions, j’estime qu’il est inutile de se prononcer sur elles, car je suis d’accord avec la demanderesse sur le fait que la troisième question soulevée – la conclusion relative à l’absence de fondement crédible – était déraisonnable.

[12]           Une conclusion « d’absence de fondement crédible » en vertu du paragraphe 107(2) de la Loi ne peut être faite que s’il n’y a aucune preuve crédible ou digne de foi sur laquelle la SPR pourrait faire une constatation positive (Sterling c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 329, au paragraphe 13). C’est un seuil élevé qui limite les droits procéduraux ultérieurs d’un demandeur et la SPR doit, avant de l’atteindre, se pencher sur la preuve documentaire objective pour tout appui digne de confiance ou crédible à la demande d’un demandeur. Fait important, de dire que la demanderesse manquait de crédibilité n’est pas la même chose que de dire que la demande de la demanderesse n’a aucun fondement crédible (Pournaminivas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1099, aux paragraphes 7 à 9).

[13]           La SPR, en rendant sa décision, n’a pas abordé un élément de preuve important présenté par la demanderesse : une lettre de licenciement qu’elle avait reçue de son employeur. Cette lettre mentionne son statut en tant que pratiquante du Falun Gong et indique que c’était un motif de son licenciement. Certes, la lettre pourrait fournir une preuve crédible qui pourrait justifier une conclusion favorable, en particulier à la lumière de la preuve documentaire qui laisse entendre que l’État poursuit et surveille les pratiquants du Falun Gong.

[14]           En faisant une constatation d’absence de fondement crédible, la SPR a l’obligation d’évaluer tous les éléments de preuve et d’énoncer expressément les motifs de sa conclusion (Geng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 275, au paragraphe 23). Bien que la SPR ait le droit d’évaluer et de peser les éléments de preuve comme elle l’entend, il est déraisonnable de conclure que la demande de la demanderesse n’a aucun fondement crédible, quel qu’il soit, dans cette affaire particulière alors que la SPR n’a pas rejeté cette lettre ou, par ailleurs, n’en a même pas tenu compte explicitement.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande de contrôle judiciaire. Il n’y a ni dépens ni questions certifiées.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4822-15

 

INTITULÉ :

MENGLING WU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Elyse Korman

 

Pour la demanderesse

 

John Provart

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Otis and Korman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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