Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20160425


Dossier : T-674-05

Référence : 2016 CF 455

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2016

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

ALBERT DUTERVILLE

demandeur

et

D. IAN GLEN

PIERRE BERNIER

YVES FAFARD

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur demande la levée de l’interdiction prononcée contre lui en 2005 d’engager ou de continuer des procédures devant la Cour fédérale sans l’autorisation du juge en chef ou d’un juge désigné par ce dernier.

[2]               En 1990, M. Duterville a été condamné pour meurtre au second degré. Il reçoit une sentence de prison à perpétuité, avec possibilité de libération conditionnelle après 15 ans.

[3]               En 2005, M. Duterville a fait une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de D. Ian Glen, alors président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (anciennement la Commission nationale des libérations conditionnelles), de lui refuser sa libération conditionnelle. M. Duterville demandait également l’émission d’un bref d’habeas corpus et toute autre réparation convenable selon le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Or, le demandeur avait fait 7 autres demandes à la Cour dans un court laps de temps.

[4]               Le 10 mai 2005, j’ai déclaré celui-ci plaideur quérulent. Mon ordonnance lui interdisait de continuer les instances déjà engagées et pendantes sauf avec l’autorisation de la Cour, conformément à l’article 40 de la Loi.

[5]               L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales se lit comme suit :

40 (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

(2) La présentation de la requête visée au paragraphe (1) nécessite le consentement du procureur général du Canada, lequel a le droit d’être entendu à cette occasion de même que lors de toute contestation portant sur l’objet de la requête.

(3) Toute personne visée par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) peut, par requête au tribunal saisi de l’affaire, demander soit la levée de l’interdiction qui la frappe, soit l’autorisation d’engager ou de continuer une instance devant le tribunal.

(4) Sur présentation de la requête prévue au paragraphe (3), le tribunal saisi de l’affaire peut, s’il est convaincu que l’instance que l’on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure et est fondée sur des motifs valables, autoriser son introduction ou sa continuation.

(5) La décision du tribunal rendue aux termes du paragraphe (4) est définitive et sans appel.

40 (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

(2) An application under subsection (1) may be made only with the consent of the Attorney General of Canada, who is entitled to be heard on the application and on any application made under subsection (3).

(3) A person against whom a court has made an order under subsection (1) may apply to the court for rescission of the order or for leave to institute or continue a proceeding.

(4) If an application is made to a court under subsection (3) for leave to institute or continue a proceeding, the court may grant leave if it is satisfied that the proceeding is not an abuse of process and that there are reasonable grounds for the proceeding.

(5) A decision of the court under subsection (4) is final and is not subject to appeal.

[6]               Ainsi, selon le paragraphe 40(3) de la Loi, le demandeur peut demander la levée de l’interdiction qui le frappe ou encore l’autorisation d’engager une instance précise devant la Cour.

[7]               La Cour doit examiner les motifs soulevés par le demandeur qui justifieraient de lever l’interdiction d’agir. Il ne s’agit pas d’examiner le mérite de la demande sous-jacente. Une telle requête est essentiellement une contestation de la validité de l’ordonnance (Chavali v Law Society of Upper Canada, [2003] OJ No 5818 (Ont Sup Ct J) au para 8).

[8]               Ainsi, le demandeur peut faire valoir que l’ordonnance a été obtenue par fraude ou qu’elle devrait être modifiée vu des faits nouvellement survenus (Riad v Aziz, 2014 ONSC 5223 au para 16). La Cour peut quant à elle tenir compte du comportement présenté par le demandeur et notamment, si celui-ci s’est amélioré ou non (Mohammed v Goodship, 2013 ONSC 4942 au para 31).

[9]               Les prétentions écrites du demandeur concernent son mécontentement envers le travail de Me Victorin et son allégation que Me Victorin et Service correctionnel Canada ont manigancé pour bafouer ses droits. Ses allégations sont vagues et imprécises et n’ont pas de lien avec l’avis de requête.

[10]           La requête de M. Duterville ne contient aucun motif pour douter de la validité de l’interdiction prononcée contre lui le 10 mai 2005.

[11]           Les faits qui y sont relatés ne sont pas appuyés par la preuve. Il s’agit d’un récit d’événements antérieurs à son dernier transfèrement auxquels la Cour ne pourrait avoir aucun contrôle. Le récit ne révèle aucune action valable. La propension du demandeur à formuler des allégations non fondées à l’égard de la partie adverse et de prétendues manigances des avocats au dossier démontre clairement qu’il n’a pas changé et demeure un plaideur quérulent. Ainsi, il n’a pas convaincu la Cour qu’il n’abuserait pas du droit d’engager des instances sans avoir à obtenir une autorisation préalable. J’en conclus qu’il y a lieu de maintenir l’interdiction.

[12]           Pour ces motifs, la requête du demandeur est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête pour lever l’interdiction est rejetée.

La Cour interdit au demandeur aux termes de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 d’engager d’autres instances ou de continuer les instances déjà engagées et toujours pendantes devant cette Cour, sauf avec autorisation de la Cour.

«Danièle Tremblay-Lamer»

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-674-05

INTITULÉ :

ALBERT DUTERVILLE c D. IAN GLEN, PIERRE BERNIER, YVES FAFARD, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE  21 avril 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :

LE 25 avril 2016

COMPARUTIONS :

Albert Duterville

pour LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Claudia Gagnon

pour leS défendeurS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour leS défendeurS

 

 

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