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Date : 20160502


Dossier : IMM-1104-15

Référence : 2016 CF 484

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 mai 2016

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

MASARU GENNAI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

[1]               M. Masaru Gennai (le « demandeur ») demande le contrôle judiciaire d’une décision prise par un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur ») selon laquelle la demande de résidence permanente au Canada formulée par le demandeur en vertu du programme de catégorie de l’expérience canadienne (CEC) a été refusée.

[2]               En octobre 2014, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada en vertu du programme de CEC. Sa demande a été renvoyée à son représentant canadien dans une lettre datée du 8 janvier 2015, car elle ne respectait pas les exigences liées à la formulation de la demande; en particulier, le paiement des frais liés à la demande par carte Visa a été refusé.

[3]               Dans une lettre datée du 10 février 2010, la demande a été présentée à nouveau et les frais ont été payés par mandat-poste international.

[4]               Dans une lettre datée du 20 février 2015, la demande a été refusée puisque le 1er décembre 2014, le défendeur a émis des instructions ministérielles nécessitant que toutes les demandes de CEC soient présentées au moyen du système en ligne « Entrée express ». Le demandeur a été avisé que, puisque sa demande avait été reçue après le 1er janvier 2015, il était nécessaire de la renvoyer aux fins de traitement au moyen du système « Entrée express ».

[5]               Le demandeur soutient qu’il était légitime pour lui de s’attendre à ce que sa demande soit acceptée et traitée en vertu du régime précédent une fois qu’il avait payé les frais nécessaires. Il s’appuie sur la décision rendue dans Campana Campana c. Canada (Citoyenneté et Immigration) [2014], 446 F.T.R. 84 pour soutenir que le représentant du défendeur a eu tort de dire que sa demande n’existait pas du fait qu’elle était incomplète.

[6]               Par ailleurs, le défendeur affirme que, dans le cas présent, la demande du demandeur doit être évaluée conformément aux mêmes critères législatifs et réglementaires qui ont régi sa première demande et que le changement de la manière de traiter la demande découle des instructions ministérielles autorisées en vertu du paragraphe 87.3(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27 (la « loi »), et non d’un guide opérationnel, comme dans la décision Campana Campana, supra.

[7]               Les instructions ministérielles exigent la présentation d’une demande complète afin que celle-ci puisse être traitée. Pour qu’une demande soit complète, les frais de traitement nécessaires doivent être payés.

[8]               Selon le demandeur, la question qui sous-tend la présente demande de contrôle judiciaire concerne l’équité procédurale; elle est assujettie à un contrôle en fonction de la norme du caractère raisonnable et elle s’appuie sur la décision Caglayan c. Canada (Citoyenneté et Immigration) [2012], 408 F.T.R. 192.

[9]               Par ailleurs, le défendeur caractérise la question comme étant une question de fait qui est assujettie au contrôle en fonction de la norme du caractère raisonnable et qui s’appuie sur la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S 190, au paragraphe 53 ainsi que sur la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S 339, aux paragraphes 52 à 62.

[10]           Je suis d’accord avec le point de vue du défendeur concernant la nature de la question liée à la demande de contrôle judiciaire. Le principe des attentes légitimes s’applique uniquement aux droits procéduraux et non à un résultat en particulier. Il s’agit d’un aspect de l’équité procédurale; voir la décision Demirtas c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 RCF 602.

[11]           Je n’observe aucun manquement à l’équité procédurale découlant du fait que le demandeur n’a pas été avisé, avant la réception de la lettre datée du 8 janvier 2015, que les frais de traitement n’avaient pas été payés.

[12]           Une question simple est au cœur de cette demande : le demandeur a-t-il présenté une demande complète de résidence permanente en octobre 2014 au moment où le paiement des frais de traitement par carte Visa a été refusé?

[13]           L’alinéa 10(1)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, indique ce qui suit :

10 (1) Sous réserve des alinéas 28b) à d) et 139(1)b), toute demande au titre du présent règlement :

10 (1) Subject to paragraphs 28(b) to (d) and 139(1)(b), an application under these Regulations shall

d) est accompagnée d’un récépissé de paiement des droits applicables prévus par le présent règlement;

(d) be accompanied by evidence of payment of the applicable fee, if any, set out in these Regulations; and

[14]           Selon moi, le fait que la demande présentée au départ n’était pas accompagnée de l’argent nécessaire pour payer les frais indique que la demande était incomplète. Une demande incomplète n’est pas une « demande », comme il est décrit dans la décision Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 159, au paragraphe 13, comme suit :

Les demandes présentées sous le régime de la LIPR doivent être complètes. La demande à laquelle il manque des éléments essentiels n’est pas une demande au sens de la LIPR et du Règlement. [...]

[15]           Je suis également d’accord avec les observations du défendeur selon lesquelles la décision Campana Campana, supra n’aide pas le demandeur. Dans ce cas, une demande de résidence permanente avait été renvoyée au demandeur au motif qu’elle était incomplète, et ce, avant que ne soient apportées des modifications statutaires qui ont désavantagé le demandeur. La Cour a indiqué que les guides opérationnels n’étaient pas contraignants et qu’ils ne pouvaient pas être utilisés pour appuyer la décision de renvoyer une demande incomplète et la considérer comme inexistante.

[16]           Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’agent a commis une erreur susceptible de révision. Le demandeur n’avait aucun droit acquis ni aucune attente légitime envers le fait que le système de traitement des demandes de résidence permanente du programme de CEC ne serait pas changé. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire a été rejetée par le jugement rendu le 29 avril 2016.

[17]           Les deux parties ont présenté des questions aux fins de certification à la suite d’un échange de correspondances datées du 1er février 2016, du 2 février 2016 et du 5 février 2016. Selon moi, la question proposée par le défendeur respecte les critères indiqués à l’article 74(d) de la Loi.

[18]           Par conséquent, la question suivante a été certifiée au cours du jugement du 29 avril 2016.

Lorsqu’une demande de résidence permanente est incomplète parce qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article 10 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) et que cette demande et tous les documents justificatifs sont retournés au demandeur en application de l’article 12 du RIPR, peut-on dire que la demande « existe » toujours de manière à préserver le moment où le demandeur a présenté sa demande ou à attribuer une « date déterminante », de sorte qu’une demande complète que l’on dépose par la suite doit être évaluée en fonction du régime réglementaire qui était en vigueur à l’époque du dépôt de la première demande incomplète?

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1104-15

 

INTITULÉ :

MASARU GENNAI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto

DATE DE L’AUDIENCE :

29 octobre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE :

2 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Rui Chen

Pour le demandeur

 

Mahan Keramati

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matthew Wong

Orange LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

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