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Date : 20160525


Dossier : T-234-15

Référence : 2016 CF 578

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2016

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

JAIME HERRERA-MORALES

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

I.                   INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs sont prononcés conformément au jugement rendu le 20 mai 2016 et au jugement modifié rendu le 24 mai 2016.

[2]               M. Jaime Herrera-Morales (le demandeur) sollicite, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 (« Loi sur les Cours fédérales »), le contrôle judiciaire d’une décision rendue par le dirigeant principal des ressources humaines de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») en sa capacité d’officier chargé de l’évaluation à la fin de la période de stage (l’» officier »). Dans sa décision du 15 janvier 2015, l’officier a rejeté l’appel du demandeur visant la décision de l’officier compétent (l’OC) de le renvoyer pour inaptitude.

[3]               Comme recours, le demandeur souhaite obtenir une ordonnance visant sa réintégration comme membre de la GRC ou, subsidiairement, une ordonnance annulant la décision de l’officier et renvoyant la question à l’OC pour un nouvel examen.

II.                LES PARTIES

[4]               Le demandeur a été gendarme dans la GRC. Il a été recruté le 23 novembre 2010 et enrôlé le 16 mai 2011.

[5]               Aux termes du paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »), le défendeur désigné dans cette demande est le Procureur général du Canada (le « défendeur »).

III.             LA PREUVE

[6]               Le demandeur et le défendeur s’appuient tous deux sur la documentation que contient le dossier certifié du tribunal.

IV.             LES FAITS

[7]               Les faits qui suivent sont tirés du dossier certifié du tribunal.

[8]               Le demandeur a quitté le Pérou pour immigrer au Canada en 1997, alors qu’il était adolescent. Il a été recruté par la GRC dans le cadre d’une campagne visant à encourager l’embauche de membres des minorités visibles.

[9]               Le demandeur a commencé le Programme de formation des cadets en novembre 2010 et a terminé le programme le 16 mai 2011, après quoi il est devenu un membre régulier de la GRC en période de stage. Le demandeur a poursuivi sa formation en suivant le Programme de formation pratique de la GRC à partir du 18 mai 2011.

[10]           Le gendarme Wall a été nommé comme moniteur de formation pratique du demandeur. Le demandeur était le premier stagiaire qu’encadrait le gendarme Wall. Le 16 août 2011, le gendarme Wall a demandé que le demandeur soit transféré à un autre district et affecté à un nouveau moniteur de formation pratique. Le 30 août 2011, le gendarme Schuck a été désigné en tant que moniteur de formation pratique du demandeur.

[11]           Durant le Programme de formation pratique, le demandeur a été impliqué dans un certain nombre d’incidents qui ont constitué le fondement de la décision de le renvoyer. Un aperçu de ces incidents est fourni ci-dessous.

[12]           Le Programme de formation pratique exige que le stagiaire effectue un certain nombre de devoirs. Le demandeur a terminé le Module A le 22 juillet 2011, mais a été incapable de répondre à plusieurs questions. Quand le demandeur a demandé de l’aide, le gendarme Wall lui a remis la clé de correction du moniteur. Le demandeur a copié quatre réponses et a présenté le travail comme étant le sien.

[13]           Le gendarme Wall a rédigé un rapport d’évaluation partiel après deux mois concernant le demandeur le 22 juillet 2011. Ce dernier a reçu la cote « professionnel » à toutes les compétences. Cependant, le gendarme Wall a souligné que le demandeur ne satisfaisait qu’aux exigences minimales dans certains domaines. Le rapport faisait également état de certaines préoccupations quant à la capacité du demandeur de communiquer de façon efficace.

[14]           Le 23 juillet 2011, le demandeur a saisi un vaporisateur chasse-ours et une carte bancaire comme pièces à conviction, mais a omis de documenter et de consigner les éléments de preuve. Le demandeur a nié plus tard être responsable de ces pièces à conviction.

[15]           Le demandeur a été affecté à un dossier de personne disparue et chargé d’obtenir une déclaration de la mère de cette personne. Le demandeur a omis d’obtenir les renseignements pertinents et a menti à un autre membre au sujet de son entrevue avec la mère.

[16]           Le 31 août 2011, le demandeur a assisté à un accident de voiture mettant en cause une voiture volée. Le demandeur a dit au gendarme Schuck qu’il n’avait jamais retrouvé de voiture volée, bien qu’il ait été déterminé que c’était faux.

[17]           Le gendarme Schuck a soulevé certaines préoccupations, dans un courriel daté du 3 septembre 2011 envoyé au coordonnateur du Programme de formation pratique, au sujet de la capacité du demandeur de comprendre l’anglais et s’est informé de la possibilité de lui faire passer un test d’anglais. Le coordonnateur du Programme de formation pratique a fait état de cette préoccupation dans un rapport d’évaluation après quatre mois, daté du 4 octobre 2011. Aucun test d’anglais ni aucune formation en anglais n’ont été offerts au demandeur.

[18]           Pendant qu’il faisait le Module B, le demandeur a trouvé une copie de la clé de correction du moniteur et a copié la majorité des réponses. Il a remis le devoir du Module B le 16 septembre 2011.

[19]           Un troisième devoir exigeait du demandeur qu’il prépare un résumé sur une organisation communautaire. Le demandeur a copié le résumé des activités d’une organisation communautaire offert sur son site Web.

[20]           Le dossier du tribunal contient un rapport d’évaluation partiel après quatre mois daté du 25 septembre 2010 et du 4 octobre 2011. Le demandeur a reçu une cote [traduction] « inacceptable » pour les [traduction] « Valeurs fondamentales de la GRC ». Dans trois des sept autres compétences, le demandeur a reçu la cote [traduction] « a besoin d’amélioration ».

[21]           Le 13 octobre 2011, l’OC a retiré le demandeur des tâches opérationnelles et a entrepris une enquête sur les contraventions aux dispositions du code de déontologie, conformément à la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi), en lien avec le devoir du Module B et les fausses déclarations relatives à des notes sur un dossier. Durant cette enquête pour des contraventions au code de déontologie, le demandeur et plusieurs de ses superviseurs, dont le gendarme Wall et le gendarme Schuck, ont été interrogés. Cette enquête s’est achevée le 30 novembre 2011, et on a conclu que les trois manquements allégués au code de déontologie avaient bel et bien eu lieu.

[22]           Le 17 octobre 2011, on a demandé au demandeur de fournir des détails sur un dossier, et ce dernier a affirmé qu’il les avait notés dans un calepin. On a plus tard découvert que le demandeur n’avait pas ces notes. Le membre concerné, le gendarme Naipaul, a affirmé que le demandeur avait menti au sujet du calepin qui comportait censément certains détails. Le demandeur a nié avoir menti.

[23]           Les 28, 29 et 30 décembre 2011, alors qu’il était occupé à des tâches administratives, le demandeur a accédé de façon répétée à une base de données de la police, PRIME, pour son usage personnel. Il a transmis les renseignements trouvés dans la base de données à un ami civil.

[24]           Le 7 février 2012, le commissaire adjoint MacRae a transmis les résultats de la première enquête liée au code de déontologie à l’inspecteur Sullivan, officier responsable des normes professionnelles. Le commissaire adjoint MacRae a conclu que l’enquête révélait des problèmes de rendement et d’aptitude. Il a recommandé qu’une mesure disciplinaire officielle soit prise en lien avec les manquements au code de déontologie, et que l’on mette fin à l’emploi du demandeur pour motif d’inaptitude en vertu de la partie V de la Loi.

[25]           Le 8 février 2012, l’OC a enclenché une deuxième enquête liée au code de déontologie relativement à l’utilisation de la base de données de la police, PRIME, à des fins personnelles. Le demandeur a été suspendu de ses fonctions le 13 avril 2012.

[26]           Le 3 mai 2012, l’OC a entrepris l’application d’une mesure disciplinaire officielle en vertu de la partie IV de la Loi. Le paragraphe 43(1) de la Loi prévoit qu’une audience du comité de déontologie soit convoquée dans le cas où des mesures disciplinaires informelles seraient insuffisantes, quand il est établi que les contraventions alléguées aux dispositions du code de déontologie sont fondées. Une audience aux termes de la partie IV n’a jamais été convoquée.

[27]           Le 20 décembre 2012, l’OC a signé un avis d’intention de renvoi pour motif d’inaptitude en vertu de la partie V de la Loi. L’OC a désigné douze incidents qui, à son avis, constituaient un manquement, de la part du demandeur, de remplir les fonctions qui lui incombait.

[28]           Le demandeur a fourni une réponse écrite le 29 mars 2013. Il a soulevé plusieurs objections, notamment que son rendement avait été évalué injustement, qu’il n’avait pas reçu une aide, des conseils et de la surveillance raisonnables, et qu’il avait fait l’objet de discrimination. Le demandeur a aussi contesté l’introduction de procédures concomitantes touchant la discipline et le rendement aux termes des parties IV et V de la Loi.

[29]           Le demandeur était représenté par un avocat durant le processus de congédiement prévu à la partie V.

[30]           Le 22 août 2013, l’OC a rendu une décision de renvoi pour motif d’inaptitude en vertu du paragraphe 45.19(9) de la Loi, parce que le demandeur avait omis, à plusieurs reprises, d’exercer de façon satisfaisante les fonctions qu’exigeait son poste.

[31]           Dans sa décision, l’OC a convenu de ne pas tenir compte de quatre des incidents mentionnés dans l’avis d’intention de renvoi. Ces incidents ont été écartés parce que, de l’avis de l’OC, ils ne concernaient pas l’intégrité ou l’honnêteté du demandeur, même s’ils démontraient que celui-ci avait omis d’exercer ses fonctions.

[32]           Le demandeur a fait appel de cette décision pour les motifs que l’OC n’avait plus compétence, que l’inaptitude n’avait pas été établie, et qu’il avait fait l’objet de discrimination.

V.                DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[33]           L’officier a confirmé la décision de l’OC le 15 janvier 2015. Dans sa décision écrite, l’officier a souligné les faits pertinents, l’avis d’intention de renvoi et la décision de renvoi, de même que les observations du demandeur.

[34]           L’officier a conclu que l’OC était autorisé à achever le processus de renvoi du membre stagiaire, malgré le fait que le demandeur n’était pas un membre stagiaire depuis le 16 mai 2013. L’officier a conclu que la définition de « membre stagiaire », soit un membre qui compte moins de deux ans de service, devait être interprétée comme signifiant deux ans de service actif.

[35]           L’officier a indiqué que le rendement devait être interprété [traduction] « dans le contexte élargi de nos valeurs fondamentales d’honnêteté et d’intégrité ».

[36]           Il a indiqué que contrairement aux observations du demandeur, les procédures prévues aux parties IV et V pouvaient être introduites simultanément et qu’aucune raison ne justifiait que les faits établis durant les enquêtes liées au code de déontologie ne puissent soutenir un renvoi pour motif de rendement en vertu de la partie V.

[37]           L’officier a conclu que les questions de langue et de discrimination n’avaient pas joué un rôle très important dans la décision de l’OC.

[38]           En bout de ligne, l’officier s’est dit d’accord avec la décision de l’OC selon laquelle chacun des incidents suivants prouvait l’inaptitude : le fait de copier le Module A, le fait de copier le Module B, l’exercice sur le profil d’une organisation communautaire et l’accès non autorisé à la base de données PRIME. L’officier a conclu que le demandeur avait omis d’exercer les fonctions lui incombant, en dépit de l’aide, des conseils et de la surveillance qui lui ont été prodigués.

VI.             QUESTIONS EN LITIGE

[39]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève un certain nombre de questions :

[40]           D’abord, quelle est la norme de contrôle applicable?

[41]           Deuxièmement, l’officier a-t-il manqué à l’équité procédurale en déterminant que le demandeur pouvait être renvoyé en vertu de la partie V de la Loi?

[42]           Troisièmement, l’officier a-t-il commis une erreur en déterminant que l’OC avait compétence pour renvoyer le demandeur en tant que membre stagiaire?

[43]           Quatrièmement, l’officier a-t-il commis une erreur en omettant de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur, et est-ce que cette omission constitue de la discrimination à l’encontre du demandeur?

[44]           Cinquièmement, est-ce que ce défaut de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur constitue un défaut de fournir des motifs adéquats?

[45]           Ensuite, l’officier a-t-il interprété la preuve de façon erronée?

[46]           Enfin, si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, est-ce que la réparation souhaitée par le demandeur, soit une ordonnance de réintégration dans la GRC, doit être accordée?

VII.          DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[47]           La Loi et le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361 (le « Règlement ») ont été modifiés depuis que l’officier a rendu sa décision. Les deux parties utilisent la Loi et le Règlement en vigueur au moment où l’officier a rendu sa décision.

[48]           Les articles 18, 37 et 38, et le paragraphe 45.18(1) de la Loi sont pertinents en l’espèce et prévoient ce qui suit :

18. Sous réserve des ordres du commissaire, les membres qui ont qualité d’agent de la paix sont tenus :

18. It is the duty of members who are peace officers, subject to the orders of the Commissioner,

 

a) de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l’arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde;

(a) to perform all duties that are assigned to peace officers in relation to the preservation of the peace, the prevention of crime and of offences against the laws of Canada and the laws in force in any province in which they may be employed, and the apprehension of criminals and offenders and others who may be lawfully taken into custody;

 

b) d’exécuter tous les mandats — ainsi que les obligations et services s’y rattachant — qui peuvent, aux termes de la présente loi, des autres lois fédérales ou de celles en vigueur dans une province, légalement l’être par des agents de la paix;

 

(b) to execute all warrants, and perform all duties and services in relation thereto, that may, under this Act or the laws of Canada or the laws in force in any province, be lawfully executed and performed by peace officers;

c) de remplir toutes les fonctions qui peuvent être légalement exercées par des agents de la paix en matière d’escorte ou de transfèrement de condamnés, ou d’autres personnes sous garde, à destination ou à partir de quelque lieu que ce soit : tribunal, asile, lieu de punition ou de détention, ou autre;

 

(c) to perform all duties that may be lawfully performed by peace officers in relation to the escort and conveyance of convicts and other persons in custody to or from any courts, places of punishment or confinement, asylums or other places; and

d) d’exercer les autres attributions déterminées par le gouverneur en conseil ou le commissaire.

(d) to perform such other duties and functions as are prescribed by the Governor in Council or the Commissioner.

 

37. II incombe à chaque membre:

 

37. It is incumbent on every member

a) de respecter les droits de toutes personnes;

 

(a) to respect the rights of all persons;

b) de maintenir l’intégrité du droit et de son application ainsi que de !’administration de la justice;

 

(b) to maintain the integrity of the law, law enforcement and the administration of justice;

c) de remplir ses fonctions avec promptitude, impartialité et diligence, conformément au droit et sans abuser de son

autorité;

(c) to perform the member’s duties promptly, impartially and diligently, in accordance with the law and without abusing the member’s authority;

 

d) d’éviter tout conflit d’intérêt réel, apparent ou possible;

 

(d) to avoid any actual, apparent or potential conflict of interests;

 

e) de veiller à ce que l’inconduite des membres ne soit pas cachée ou ne se répète pas;

 

(e) to ensure that any improper or unlawful conduct of any member is not concealed or permitted to continue;

j) d’être incorruptible, de ne pas rechercher ni accepter des avantages particuliers dans l’exercice de ses fonctions et de ne jamais contracter une obligation qui puisse entraver l’exécution de ses fonctions;

(f) to be incorruptible, never accepting or seeking special privilege in the performance of the member’s duties or otherwise placing the member under any obligation that may prejudice the proper performance of the member’s duties;

 

g) de se conduire en tout temps d’une façon courtoise, respectueuse et honorable;

 

(g) to act at all times in a courteous, respectful and honourable manner; and

 

h) de maintenir l’honneur de la Gendarmerie, ses principes et ses objets.

(h) to maintain the honour of the Force and its principles and purposes.

 

38. Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, appelés code de déontologie, pour régir la conduite des membres.

 

38. The Governor in Council may make regulations, to be known as the Code of Conduct, governing the conduct of members.

 

45.18 (1) Le renvoi OU la rétrogradation d’un officier peut être recommandé, ou tout autre membre peut être renvoyé OU rétrogradé, pour le motif, appelé dans la présente partie « motif d’inaptitude », qu’il a omis, a plusieurs reprises, d’exercer de façon satisfaisante les fonctions que lui impose la présente loi, en dépit de l’aide, des conseils et de la surveillance qui lui ont été prodigués pour l’aider à s’amender.

45.18 (1) Any officer may be recommended for discharge or demotion and any other member may be discharged or demoted on the ground, in this Part referred to as the “ground of unsuitability”, that the officer or member has repeatedly failed to perform the officer’s or member’s duties under this Act in a manner fitted to the requirements of the officer’s or member’s position, notwithstanding that the officer or member has been given reasonable assistance, guidance and supervision in an attempt to improve the performance of those duties.

[49]           Les articles 38 à 58.7 du Règlement constituent le code de déontologie. Les dispositions 39(1) et 45 du Règlement sont pertinentes en l’espèce et sont reproduites ci-dessous :

39. (1) Le membre ne peut agir ni se comporter d’une façon scandaleuse ou désordonnée qui jetterait le discrédit sur la Gendarmerie.

 

39. (1) A member shall not engage in any disgraceful or disorderly act or conduct that could bring discredit on the Force.

45. Le membre ne peut sciemment ou volontairement faire une déclaration ou un rapport faux, trompeur ou inexact à un membre qui lui est supérieur en grade ou qui a autorité sur lui, relativement :

 

45. A member shall not knowingly or wilfully make a false, misleading or inaccurate statement or report to any member who is superior in rank or who has authority over that member pertaining to

a) à l’exercice de ses fonctions;

(a) the performance of that member’s duties;

 

b) à une enquête;

 

(b) any investigation;

c) à sa conduite ou à celle d’un autre membre;

(c) any conduct concerning that member, or any other member;

 

d) au fonctionnement de la Gendarmerie;

 

(d) the operation of the Force; or

e) à l’administration de la Gendarmerie.

(e) the administration of the Force.

VIII.       OBSERVATIONS

A.                Observations du demandeur

(1)               Quelle est la norme de contrôle applicable?

[50]           Le demandeur affirme que la norme de contrôle applicable pour la question d’équité procédurale est celle de la décision correcte. Pour déterminer si l’officier a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, il faut appliquer la norme de la décision raisonnable; voir la décision Elhatton c. Canada (Procureur général), 2014 CF 67, aux paragraphes 32 à 35.

(2)               L’officier a-t-il manqué à l’équité procédurale en déterminant que le demandeur pouvait être renvoyé en vertu de la partie V de la Loi?

[51]           Le demandeur soutient que l’officier a manqué à l’équité procédurale en déterminant qu’il pouvait être renvoyé en vertu de la partie V de la Loi. Il affirme que l’intention du Parlement était que les contraventions au code de déontologie soient traitées aux termes de la partie IV. Il affirme que la partie V ne renvoie pas au code de déontologie, mais qu’elle traite plutôt de problèmes de rendement répétés.

[52]           Le demandeur affirme en outre que la GRC ne peut priver les membres stagiaires des avantages accordés en vertu du processus d’audience de la partie IV en qualifiant un renvoi disciplinaire de renvoi pour inaptitude; voir la décision Jacmain c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 15.

[53]           S’il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire aux termes de la partie IV de la Loi, le demandeur aurait eu droit à une audience devant un comité de trois membres, comptant au moins un diplômé d’une école de droit parmi ces membres. Une mesure disciplinaire prise aux termes de la partie IV aurait également fourni au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger les témoins et de faire des observations à l’audience, de profiter de la limite d’un an pour la convocation de l’audience prévue à la partie IV après qu’une contravention alléguée au code de déontologie ait été portée à la connaissance de l’OC, et de bénéficier de la portée plus large des mesures disciplinaires.

[54]           De plus, le demandeur affirme qu’il avait droit à une audience orale, puisque les allégations de contraventions au code de déontologie concernaient des questions sérieuses sur le plan de la crédibilité et de l’intégrité; voir Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177.

[55]           Le demandeur avance que les motifs de son renvoi, soit plagiat, supercherie et défaut de se conformer à la politique de la GRC, sont par nature des motifs disciplinaires; voir Saskatoon (Chief of Police) v. Saskatoon Board of Police Commissioners, 2004 SKCA 3.

[56]           Le demandeur soutient également qu’il s’attendait en toute légitimité que l’OC agisse conformément à la partie IV.

(3)               L’officier a-t-il commis une erreur en déterminant que l’OC avait compétence pour renvoyer le demandeur en tant que membre stagiaire?

[57]           Le demandeur affirme en outre que l’officier a commis une erreur en déterminant que l’OC avait compétence pour renvoyer le demandeur en tant que membre stagiaire. Au sens du paragraphe 45.19(11) de la Loi, un membre stagiaire s’entend d’un membre qui compte moins de deux ans de service. Même si l’avis d’intention de renvoi a été émis le 20 décembre 2011, la décision de l’OC n’a pas été rendue avant le 22 août 2013. Le demandeur n’était pas un membre stagiaire à ce moment.

(4)               L’officier a-t-il commis une erreur en omettant de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur, et est-ce que cette omission constitue de la discrimination à l’encontre du demandeur?

[58]           Subsidiairement, le demandeur affirme que l’officier a commis une erreur en omettant de tenir compte de ses difficultés linguistiques, lesquelles étaient connues de la GRC.

[59]           Aux termes de la partie V, un membre peut seulement être renvoyé pour avoir omis d’exercer de façon satisfaisante les fonctions qui lui incombent s’il reçoit de l’aide, des conseils et de la surveillance dans le but de l’aider à s’amender; voir l’article 45.18 de la Loi. Le demandeur affirme que dans la mesure où cette aide, ces conseils et cette surveillance lui ont été prodigués, leur efficacité a été minée par sa difficulté à comprendre l’anglais. Il affirme aussi que les problèmes de rendement liés à des questions d’honnêteté et d’intégrité étaient attribuables à des problèmes linguistiques.

[60]           Le demandeur affirme aussi que la GRC a manqué à son devoir d’accommodement. La langue est une caractéristique fondamentale de l’origine nationale ou de l’origine ethnique et doit pour cette raison être protégée; voir Liu v. Everlink Services Inc., 2014 HRTO 202, au paragraphe 9. Il soutient qu’il s’agit, dans les circonstances actuelles, d’un cas apparemment fondé de discrimination, puisqu’il possède une caractéristique protégée aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « Loi canadienne sur les droits de la personne »), qu’il a subi un traitement préjudiciable et qu’il est raisonnable de conclure que la caractéristique protégée a joué un rôle dans le traitement préjudiciable; voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragraphe 18.

[61]           Le demandeur s’appuie sur la décision Khiamal c. Canada (Commission des droits de la personne), 2009 CF 495, au paragraphe 61, pour soutenir ses arguments selon lesquels si sa difficulté à comprendre l’anglais a joué un rôle dans les problèmes concernant son honnêteté et son intégrité, cela est suffisant pour constituer de la discrimination.

(5)               Est-ce que ce défaut de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur constitue un défaut de fournir des motifs adéquats?

[62]           Le demandeur affirme en outre que l’officier a manqué à l’équité procédurale en omettant de fournir des motifs adéquats justifiant sa conclusion que la langue n’a pas joué un rôle important dans les incidents. À cet égard, il s’appuie sur le paragraphe 5(3) des Consignes du commissaire (membre stagiaire) et l’arrêt VIA Rail Canada Inc. v. Canada (National Transportation Agency) (2000), 193 D.L.R. (4th) 357.

(6)               L’officier a-t-il interprété la preuve de façon erronée?

[63]           Le demandeur affirme que l’officier et l’OC se sont appuyés sur une preuve généralisée et non fiable qui a entraîné des conclusions de fait erronées. Il signale le fait que l’officier s’est appuyé sur une note de service qui datait de six mois après que le demandeur eut terminé les Modules A et B, pour prouver que le demandeur savait qu’il n’était pas permis de copier-coller les réponses.

[64]           Le demandeur affirme également que l’officier s’est appuyé sur l’expérience commune et la pratique habituelle plutôt que sur des consignes précises pour conclure que le demandeur savait qu’il était interdit de tricher. Il affirme aussi que l’officier a mal interprété son témoignage durant les enquêtes liées au code de déontologie en omettant de tenir compte de ses difficultés linguistiques.

(7)               Si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, est-ce que la réparation souhaitée par le demandeur, soit une ordonnance de réintégration dans la GRC, doit être accordée?

[65]           Enfin, le demandeur dans son mémoire des faits et du droit souhaite obtenir une ordonnance pour sa réintégration dans la GRC. Dans ses observations orales, l’avocat du demandeur a dit que si la décision faisant l’objet du présent contrôle était annulée et qu’une ordonnance de réintégration était refusée, l’incidence pratique serait que le demandeur reste un membre de la GRC.

B.                 Les observations du défendeur

(1)               Quelle est la norme de contrôle applicable?

[66]           Le défendeur affirme que les questions d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte; voir la décision Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, [2011] 3 R.C.S. 654. Le défendeur soutient que la décision de l’officier doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable; voir la décision Canada (Procureur général) c. Boogaard, 2015 CAF 150.

(2)               L’officier a-t-il manqué à l’équité procédurale en déterminant que le demandeur pouvait être renvoyé en vertu de la partie V de la Loi?

[67]           Le défendeur affirme que rien dans la Loi n’interdit les procédures concomitantes engagées en vertu des parties IV et V.

[68]           Le défendeur soutient que la GRC a le droit de renvoyer un membre pour inaptitude si elle n’a pas été en mesure de le renvoyer pour d’autres motifs; voir Girardeau c. Canada (Procureur général) (1997), 127 F.T.R. 20. En outre, le défendeur soutient que les faits obtenus durant l’enquête disciplinaire peuvent être pertinents pour un renvoi pour des problèmes de rendement; voir Jacmain, précité; Canada (Attorney General) v. Penner, [1989] 3 F.C. 429. Les préoccupations relatives à l’inaptitude du demandeur qui découlent de sa mauvaise conduite sont légitimes.

(3)               L’officier a-t-il commis une erreur en déterminant que l’OC avait compétence pour renvoyer le demandeur en tant que membre stagiaire?

[69]           En réponse aux observations du demandeur selon lesquelles il n’était pas un membre stagiaire, le défendeur affirme que rien n’exige qu’un processus entrepris en vertu de la partie V soit terminé avant la fin de la période de stage d’un membre.

(4)               L’officier a-t-il commis une erreur en omettant de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur, et est-ce que cette omission constitue de la discrimination à l’encontre du demandeur?

[70]           Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas contesté la détermination de l’OC, selon laquelle ce n’était pas son rôle de déterminer si de la discrimination avait eu lieu ou non, devant l’officier. Au vu de cette omission, l’argument selon lequel l’officier n’a pas tenu compte de mesures d’accommodement manque de mérite.

[71]           Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas établi de fondement probatoire soutenant son argument selon lequel la GRC a omis de tenir compte de ses difficultés linguistiques et qu’il a été renvoyé à cause de ces difficultés; voir Liu, précité, aux paragraphes 9 et 87 à 90. Le défendeur soutient qu’il n’existe aucun lien entre les difficultés linguistiques du demandeur et les motifs de son renvoi.

(5)               Est-ce que ce défaut de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur constitue un défaut de fournir des motifs adéquats?

[72]           Le défendeur soutient qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a résulté d’un défaut de fournir des motifs adéquats. Le défendeur affirme que la soi-disant insuffisance des motifs ne constitue pas un motif indépendant de contrôle judiciaire, et qu’elle doit être examinée dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de la décision; voir l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 14.

(6)               L’officier a-t-il interprété la preuve de façon erronée?

[73]           Le défendeur soutient que l’examen de la preuve fait par l’officier était raisonnable. Le défendeur affirme qu’une cour de révision doit se concentrer sur la décision dans son ensemble et non s’engager dans un [traduction] « examen microscopique » comme le propose le demandeur.

[74]           Le défendeur affirme que la preuve au dossier démontre que le demandeur a lui-même prouvé son inaptitude comme membre de la GRC. Le défendeur affirme que les observations du demandeur durant les enquêtes sur les contraventions au code de déontologie montrent qu’il comprenait les conséquences de ses gestes, mais qu’il a choisi la [traduction] « solution facile ».

(7)               Si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, est-ce que la réparation souhaitée par le demandeur, soit une ordonnance de réintégration dans la GRC, doit être accordée?

[75]           Enfin, le défendeur affirme que le recours souhaité sous la forme d’une ordonnance de réintégration du demandeur comme membre de la GRC ne doit pas être accordé. D’abord, la réparation n’a pas été énoncée dans l’avis de demande et n’est pas [traduction] « nécessairement accessoire » à la réparation demandée dans l’avis de demande. Par conséquent, la réparation demandée n’est pas conforme à l’alinéa 301d) des Règles. Ensuite, le défendeur soutient que la Cour n’a pas compétence pour nommer des membres de la GRC et qu’il ne s’agit pas ici d’une affaire appropriée pour un verdict imposé.

IX.             DISCUSSION

A.                L’officier a-t-il manqué à l’équité procédurale en déterminant que le demandeur pouvait être renvoyé en vertu de la partie V de la Loi?

[76]           La norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale est la norme de la décision correcte; voir la décision Pizarro c. Canada (Procureur général), 2010 CF 20.

[77]           Je suis d’accord avec le défendeur que rien dans la Loi n’interdit les procédures concomitantes introduites en vertu des parties IV et V. Dans un même temps, la Loi n’autorise pas la GRC à utiliser de manière inappropriée des conclusions d’inaptitude pour cacher des sanctions disciplinaires.

[78]           Les parties IV et V de la Loi portent sur des procédures différentes. La partie IV de la Loi, et le code de déontologie énoncé dans le Règlement, établissent les normes de conduite des membres de la GRC et la procédure pour sanctionner les cas d’inconduite. La partie V de la Loi précise la procédure pour le renvoi et la rétrogradation d’un membre pour motif d’inaptitude.

[79]           Dans l’arrêt Jacmain, précité, le juge Pigeon, dans son examen pour déterminer la compétence d’un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, L.R.C. 1970, ch. P-35, a dit ce qui suit à propos du recours au renvoi pour inaptitude : [TRADUCTION] « [...] je ne peux admettre que l’employeur puisse priver un employé de la procédure de grief en baptisant un congédiement disciplinaire de renvoi ».

[80]           Dans l’arrêt Penner, précité, la Cour d’appel fédérale a critiqué le fait qu’une mesure disciplinaire soit caractérisée comme un renvoi pour inaptitude :

[traduction]

Il est clair que cinq des neuf juges ayant rendu le jugement dans l’affaire Jacmain ont exprimé l’opinion qu’un arbitre saisi d’un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d’examiner les circonstances de l’affaire pour s’assurer qu’elle soit réellement ce qu’elle semble être. Cet examen serait effectué en application du principe selon lequel la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. L’on ne peut tolérer que, par l’effet d’un camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi. En fait, la question qui entre alors en jeu est celle de la bonne foi, l’exigence légale qui est la plus fondamentale lorsqu’il s’agit de défendre la validité juridique de toute forme d’activité. […]

[81]           La notion d’équité procédurale est un principe variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas; voir l’arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, aux pages 682 à 684. À mon avis, la privation inappropriée des procédures prévues à la partie IV de la Loi soulève des questions d’équité procédurale.

[82]           À mon avis, le renvoi pour inaptitude du demandeur était un congédiement disciplinaire déguisé. Seulement deux des motifs de renvoi invoqués par l’officier concernent un manquement à l’obligation d’exercer les fonctions qui incombaient au demandeur; on parle ici de l’incident du dossier de personne disparue et de l’incident des pièces à conviction. Les autres motifs concernent des incidents qui montrent la malhonnêteté du demandeur et son manque d’intégrité, lesquels constituent des infractions à l’alinéa 37g) de la Loi et à l’article 45 du Règlement. Ces infractions doivent être sanctionnées en vertu de la partie IV.

[83]           Je remarque que l’OC a écarté quatre des douze incidents énumérés dans l’avis d’intention de renvoi et n’en a pas tenu compte dans sa décision de renvoi. L’OC a explicitement indiqué que bien que chacun de ces quatre incidents montrait un manquement à l’obligation d’exercer ses fonctions, ils ne concernaient pas l’honnêteté ou l’intégrité du demandeur. Il n’y avait aucune raison d’écarter ces incidents, à moins que le motif derrière le renvoi soit lié à des contraventions au code de déontologie.

[84]           Je suis d’accord avec les observations du demandeur selon lesquelles il s’attendait légitimement à écoper de sanctions disciplinaires en vertu de la partie IV de la Loi pour son inconduite. La doctrine des attentes légitimes est uniquement liée à des droits procéduraux et non à un résultat particulier; voir l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[85]           Le demandeur avait une attente légitime découlant du paragraphe 43(1) de la Loi, qui énonce que l’OC « convoque une audience » si des mesures disciplinaires graves sont adoptées. L’OC a pris une mesure disciplinaire grave à l’encontre du demandeur le 3 mai 2012, mais n’a pas convoqué d’audience.

[86]           Les titres appuient les observations du demandeur à propos de son attente légitime. Le titre de la partie IV de la Loi est « Discipline ». La partie V de la Loi s’intitule « Renvoi et rétrogradation ».

[87]           La partie IV prévoit des protections procédurales non offertes à la partie V de la Loi. Le demandeur avait une attente légitime qu’il aurait accès à ces procédures. Le demandeur a été privé des procédures prévues à la partie IV de la Loi quand l’OC a décidé de traiter son renvoi en vertu de la partie V. L’on ne peut tolérer un refus d’accorder des protections légales en qualifiant un congédiement disciplinaire de renvoi pour inaptitude.

[88]           À mon avis, l’officier a commis une erreur en tirant la conclusion que l’inaptitude inclut davantage que le rendement. Le paragraphe 45.18(1) de la Loi définit le « motif d’inaptitude » comme l’omission pour le membre, à plusieurs reprises, d’exercer de façon satisfaisante les fonctions que lui impose la loi.

[89]           Je suis convaincue que l’officier a manqué à l’obligation d’équité procédurale à laquelle a droit le demandeur en traitant son renvoi en vertu de la partie V de la Loi, et la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[90]           Le demandeur a soulevé d’autres questions concernant la décision de l’officier. Bien que ma conclusion concernant la question de l’équité procédurale soit suffisante pour statuer sur la présente demande, j’aborderai brièvement les autres arguments soulevés par les parties.

B.                 Autres arguments

(1)               L’officier a-t-il commis une erreur en déterminant que l’OC avait compétence pour renvoyer le demandeur en tant que membre stagiaire?

[91]           La Loi n’exige pas que les procédures prévues en vertu de la partie V entreprises alors qu’un membre est membre stagiaire soient terminées avant la fin de la période de stage du membre. À mon avis, l’officier a conclu de façon correcte que l’OC avait compétence pour renvoyer le demandeur en tant que membre stagiaire.

(2)               L’officier a-t-il commis une erreur en omettant de tenir compte des difficultés linguistiques du demandeur, et est-ce que cette omission constitue de la discrimination à l’encontre du demandeur?

[92]           L’officier a conclu que même si des questions de langue et de discrimination [traduction] « ont fait surface » dans cette affaire, elles n’avaient pas joué un rôle important.

[93]           Aux termes de la partie V de la Loi, un membre peut seulement être renvoyé pour avoir omis d’exercer de façon satisfaisante les fonctions qui lui incombent s’il reçoit de l’aide, des conseils et de la surveillance dans le but de l’aider à s’amender. L’officier ne s’est pas demandé si la difficulté pour le demandeur de comprendre l’anglais l’avait empêché de comprendre l’aide, les conseils et la surveillance qui lui ont été offerts.

[94]           Comme le gendarme Wall, le gendarme Schuck et M. Hall ont soulevé la possibilité que le demandeur n’ait pas compris les consignes, il n’était pas raisonnable pour l’officier de ne pas se demander si le demandeur avait eu droit à de l’aide, des conseils et de la surveillance. Une aide qui aurait pu être raisonnable pour un anglophone pourrait ne pas l’être compte tenu des difficultés de compréhension de l’anglais qu’avait le demandeur.

[95]           À mon avis, il n’était pas raisonnable pour l’officier de ne pas expliquer pour quelle raison il croyait que l’aide, les conseils et la surveillance qui ont été offerts au demandeur étaient adéquats.

[96]           Les observations du demandeur ne m’ont toutefois pas convaincue qu’il a subi de la discrimination fondée sur la langue. Il n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer qu’il a été renvoyé pour un motif protégé aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(3)               L’officier a-t-il interprété la preuve de façon erronée?

[97]           Ce n’est pas dans les attributions d’une cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve dont disposait le décideur; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 61. Étant donné la nature factuelle de l’enquête sur l’aptitude du demandeur à occuper son poste à titre de membre de la GRC, l’examen de la preuve fait par l’officier était raisonnable.

X.                CONCLUSION

[98]           À mon avis, le demandeur a montré que l’officier a commis une erreur susceptible de révision, soit un manquement à l’équité procédurale découlant de la décision de l’officier selon laquelle le demandeur pouvait être renvoyé en vertu de la partie V de la Loi.

XI.             RECOURS

[99]           Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur souhaite obtenir une ordonnance visant sa réintégration comme membre de la GRC.

[100]       Le défendeur s’oppose à cette réparation. Toutefois, le défendeur reconnaît que l’annulation de la décision de l’officier a pour incidence pratique que le demandeur n’est pas renvoyé de la GRC.

[101]       Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales décrit les recours découlant d’un contrôle judiciaire. Cette disposition prévoit ce qui suit :

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

[102]       La réintégration ne fait pas partie des recours possibles dans cette procédure; voir la décision Ross c. Mohawk Council of Kanesatake (2003), 232 F.T.R. 238. Conformément à l’alinéa 7(1)a) de la Loi, le pouvoir de nommer des membres de la GRC appartient au commissaire de la GRC. La réintégration d’un membre de la GRC qui a été renvoyé dépasse la compétence de la Cour.

[103]       Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens en faveur du demandeur, la décision de l’officier est annulée et l’affaire est renvoyée pour être réexaminée conformément à la loi applicable.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-234-15

 

INTITULÉ :

JAIME HERRERA-MORALES c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DES AUDIENCES :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DES AUDIENCES :

Le 13 novembre 2015 et le 20 novembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Jillian Frank

Pour le demandeur

 

Michelle Shea

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dentons LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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