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Date : 20160527

Dossier : IMM-4130-15

Référence : 2016 CF 587

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 27 mai 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

JAYASIRI PUVANENTHIRAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Jayasiri Puvanenthiram (Mme Puvanenthiram) demande un contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre), rendue le 24 août 2015, par laquelle il a refusé d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu à l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), lui permettant d’accorder une exemption à l’interdiction de territoire prononcée contre Mme Puvanenthiram. Suivant une recommandation de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le ministre a conclu que Mme Puvanenthiram n’avait pas réussi à établir que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

[2]               Mme Puvanenthiram soutient que le ministre n’a pas évalué son cas conformément à la jurisprudence dans Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 [Agraira] et Afridi c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1192, qui exige que l’évaluation de l’intérêt national tienne compte de facteurs convaincants. Elle soutient que son association passée non violente et limitée avec les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) (ou en français les Tigres de libération de l’Eelam Tamoul) milite en sa faveur. Elle soutient que le ministre a tiré des conclusions déraisonnables concernant son degré d’implication avec les LTTE, sa connaissance de ses activités et son absence de remords.

[3]               Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire.

II.                Contexte

[4]               Mme Puvanenthiram est née le 29 avril 1975 et est une citoyenne du Sri Lanka. Elle appartient au groupe ethnique tamoul. Elle a vécu en Allemagne de juillet 1998 à janvier 2002, où elle a présenté une demande d’asile qui a été refusée. Après le rejet de sa demande d’asile en Allemagne, elle s’est envolée pour le Canada le 1er février 2002, où elle a une fois de plus présenté une demande d’asile. Le 30 mars 2004, la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a déclaré Mme Puvanenthiram interdite de territoire au Canada pour des raisons de sécurité en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la Loi. La Section de l’immigration a conclu, en application de l’alinéa 34(1)c) de la Loi, qu’elle était, ou avait été, membre d’une organisation engagée dans le terrorisme. Ainsi, la Section de l’immigration a déterminé, conformément à l’alinéa 101(1)f) de la Loi, que la demande d’asile de Mme Puvanenthiram était irrecevable.

[5]               Les déclarations de Mme Puvanenthiram faites aux fonctionnaires allemands et au fonctionnaire de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) différaient passablement de la version des événements donnée dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) rempli au Canada et lors de l’enquête devant la CISR. Dans sa demande à l’Allemagne, elle a déclaré qu’elle avait commencé à travailler pour l’aile étudiante des LTTE en 1992 (la Student Organization of Liberation Tigers [SOLT], ou en français l’Organisation étudiante des Tigres de libération), qu’elle avait joint volontairement les rangs des LTTE en 1993 et porté assistance à des personnes blessées jusqu’en 1994. Elle a également informé les autorités allemandes qu’elle avait entrepris une formation de base d’une année en autodéfense, donnée par les LTTE, et que jusqu’au milieu de 1995, ses tâches au sein des LTTE consistaient notamment à creuser des abris, à transporter des personnes blessées et à aider dans les hôpitaux. Elle a aussi dit aux autorités allemandes qu’après l’attaque et les arrestations menées par le gouvernement sri-lankais contre le camp des LTTE où elle travaillait, elle s’était déplacée dans un autre camp des LTTE situé à Kilinichchi, où elle est demeurée pendant trois autres années. Elle a déclaré qu’elle avait suivi une formation sur le maniement d’armes de 1995 à 1998 au camp de Kilinichchi. Enfin, dans sa demande présentée à l’Allemagne, elle a déclaré qu’elle avait demandé l’autorisation d’être exemptée de la formation sur le maniement d’armes et de quitter le camp pour des raisons de santé. Ses deux demandes ont été, selon Mme Puvanenthiram, refusées.

[6]               Dans son FRP, et lors de son enquête devant la CISR, sa version des événements a été présentée de manière sensiblement différente. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas volontairement joint ou soutenu les LTTE et qu’elle avait aidé l’organisation sous la contrainte. Plus précisément, elle a déclaré qu’entre 1993 et 1995, les LTTE l’ont menacée à dix ou douze occasions afin de la recruter pour une journée à la fois. Lors de son enquête devant la CISR, Mme Puvanenthiram a nié avoir eu connaissance de la SOLT ou entretenu des liens avec l’organisation. Elle a également témoigné qu’elle n’avait jamais suivi de formation sur le maniement d’armes ou de formation en autodéfense auprès des LTTE, qu’elle n’avait jamais servi au camp de Kilinichchi et qu’elle n’avait jamais demandé l’autorisation de quitter le camp des LTTE pour des raisons de santé. La CISR a rejeté ce nouveau témoignage et a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que Mme Puvanenthiram avait été un membre volontaire des LTTE.

[7]               Le 22 avril 2004, Mme Puvanenthiram a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire relativement à la décision de la Section de l’immigration. Cette demande a été rejetée. Le 18 juin 2004, elle a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Le 20 juillet 2004, elle a reçu une réponse négative. Le 16 août 2004, elle a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour relativement à la réponse négative concernant l’ERAR; cependant, sa demande d’autorisation a été rejetée. Entretemps, elle a demandé sans succès un report de la mesure de renvoi du Canada prise par l’ASFC. Le 8 septembre 2004, Mme Puvanenthiram a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour relativement au refus de reporter la mesure de renvoi contre elle. Sa demande d’autorisation a été rejetée. Le 20 octobre 2004, Mme Puvanenthiram a présenté une demande d’autorisation à la Cour en vue d’obtenir une déclaration selon laquelle toutes les décisions en matière d’ERAR rendues entre le 12 décembre 2003 et le 8 octobre 2004 étaient nulles et non avenues, au motif que le processus d’ERAR, anciennement administré par l’ASFC, était, selon ses dires, sans fondement et partial. Cette demande d’autorisation a été rejetée.

[8]               Mme Puvanenthiram était à l’origine incluse comme demandeur secondaire dans la demande de résidence permanente de son mari. En raison de l’interdiction de territoire prononcée contre elle, son nom a été retiré de la demande de son mari et, le 14 octobre 2005, elle a présenté une demande individuelle de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Cette demande a été rejetée le 16 janvier 2008. Après la présentation d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire relative à cette décision, la Cour a accueilli la demande et, le 28 janvier 2009, a ordonné un réexamen de sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire. Au moment de l’audition de la présente demande, ce réexamen est toujours en suspens. Je souligne entre parenthèses que la demande pour des motifs d’ordre humanitaire de Mme Puvanenthiram n’est pas touchée par la Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, L.C. 2014, ch. 16, qui rend certaines personnes inadmissibles à une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi.

[9]               Le 7 septembre 2004, Mme Puvanenthiram a présenté une demande d’exemption ministérielle. En août 2008, octobre 2012 et octobre 2014, l’ASFC a divulgué à Mme Puvanenthiram les projets de recommandation concernant une exemption ministérielle. Ces trois projets recommandaient un rejet de l’exemption ministérielle. En septembre 2008, novembre 2012 et décembre 2014, Mme Puvanenthiram a fourni des observations additionnelles pour répondre aux projets de recommandation.

[10]           Le 19 juin 2013, le ministre a refusé une exemption à Mme Puvanenthiram, conformément à la jurisprudence établie dans Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Agraira, 2011 CAF 103, [2011] ACF no 407. La demande d’exemption ministérielle de Mme Puvanenthiram a été réexaminée à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559 [Agraira].

III.             Décision contestée

[11]           Le ministre a adopté la plus récente recommandation de l’ASFC et a refusé une exemption à Mme Puvanenthiram le 24 août 2015. La recommandation de l’ASFC sera considérée comme les motifs de la décision du ministre (Yamani c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 381, [2007] ACF no 520, au paragraphe 52 [Yamani]; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Khalil, 2014 CAF 213, [2014] ACF no 964, au paragraphe 29).

[12]           Le ministre a examiné les observations de Mme Puvanenthiram en réponse au plus récent projet de recommandation. Le ministre a établi le régime législatif et le critère juridique relatif à l’exemption ministérielle. Le ministre a reconnu que selon l’arrêt Agraira, des facteurs personnels concernant un demandeur peuvent être pris en considération dans l’évaluation de l’intérêt national, mais les considérations premières demeurent la sécurité publique et la sécurité nationale. Le ministre a ensuite affirmé que l’exemption ministérielle n’a pas pour but de remplacer la demande présentée pour des motifs d’ordre humanitaire.

[13]           Le ministre a résumé l’historique d’immigration de Mme Puvanenthiram et les comptes rendus divergents qu’elle a fournis au cours des ans. Le ministre a ensuite examiné l’affirmation de Mme Puvanenthiram selon laquelle sa requête doit être examinée à la lumière de l’arrêt Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 RCS 678 [Ezokola]. Le ministre a souligné que selon la décision Kanagendren c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86, [2015] ACF no 382, l’arrêt Ezokola ne touchait pas à l’alinéa 34(1)f) de la Loi. Par conséquent, l’arrêt Ezokola n’a pas amené de modification au critère concernant l’appartenance à une organisation terroriste.

[14]           Le ministre a tenu compte des préoccupations pour la sécurité relativement au renvoi possible de Mme Puvanenthiram au Sri Lanka, mais a affirmé que ces préoccupations avaient été prises en considération lorsque la CISR lui avait donné accès au processus d’ERAR. Le ministre a souligné que l’exemption ministérielle n’a pas pour but de revoir une décision d’ERAR et qu’il reste possible à Mme Puvanenthiram de présenter une autre demande d’ERAR dans l’éventualité où elle répondrait aux critères. Néanmoins, le ministre a tenu compte de la déclaration de Mme Puvanenthiram selon laquelle elle n’a aucun membre de sa famille et ne connaît personne qui pourrait l’aider au Sri Lanka, il n’y a pas d’endroit sûr où elle pourrait vivre, et qu’elle craint les LTTE, les forces de sécurité du gouvernement sri-lankais et les groupes paramilitaires. Le ministre a également tenu compte de l’argument de Mme Puvanenthiram selon lequel la situation des femmes au Sri Lanka est précaire, les conditions au Sri Lanka ont changé depuis sa demande d’ERAR, et qu’il est difficile de trouver un emploi rémunéré au Sri Lanka en raison des mauvaises conditions économiques.

[15]           Le ministre a tenu compte du fait que Mme Puvanenthiram a deux enfants mineurs. Il a pris note que son plus jeune fils, un citoyen canadien, dépend de sa mère en raison de problèmes médicaux chroniques. Le ministre a également tenu compte des problèmes d’apprentissage et de développement du fils aîné de Mme Puvanenthiram, du fait qu’elle et son mari ont tous deux reçu un diagnostic de [traduction] « trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive », ainsi que des problèmes de santé physique de son mari qui pourraient nécessiter une chirurgie. Le ministre a également observé que puisque son mari et son fils aîné sont tous deux des réfugiés au Canada au sens de la Convention, il ne leur serait pas possible de la visiter au Sri Lanka. Le ministre a également examiné le rôle de Mme Puvanenthiram qui prend soin de ses parents âgés et malades, qui vivent tous deux au Canada.

[16]           Le ministre a souligné que Mme Puvanenthiram et son mari ont acheté une maison à Toronto et que tous deux occupent un emploi. Le ministre a également tenu compte du fait que Mme Puvanenthiram participe à des programmes auprès d’organismes caritatifs sans but lucratif. De plus, le ministre a souligné que Mme Puvanenthiram avait affirmé qu’elle avait de nombreux amis et collègues de travail avec qui elle avait établi un solide réseau.

[17]           Avant d’en arriver à sa conclusion, le ministre a examiné de nombreux documents, y compris des lettres de professionnels de la santé, des lettres d’organismes caritatifs sans but lucratif attestant du bon caractère de Mme Puvanenthiram, des lettres de soutien de la part de ses amis et de sa famille, et divers documents personnels. Le ministre a également examiné le témoignage de Mme Puvanenthiram relatif à sa demande d’asile présentée à l’Allemagne, son entrevue avec un fonctionnaire de CIC, son FRP, les conclusions découlant de l’enquête de la CISR, ses observations d’ordre humanitaire, de même que ses observations en réponse aux recommandations que lui a présentées l’ASFC.

[18]           Le ministre a conclu que les facteurs personnels de Mme Puvanenthiram ne compensaient pas le fait qu’elle [traduction] « a volontairement appartenu, durant une longue période de temps, à une organisation qui, elle aurait dû savoir, a participé à de nombreuses activités terroristes à la poursuite d’objectifs politiques » et que [traduction] « elle n’a pas indiqué vouloir se dissocier des LTTE à la première occasion qui lui a été offerte, ou n’a même pas désapprouvé le recours au terrorisme de l’organisation pendant qu’elle en était membre, et n’a pas exprimé de remords quant à son appartenance au groupe, même après avoir été jugée interdite de territoire au Canada ». En outre, le ministre a conclu que ses déclarations incohérentes et contradictoires relativement à son appartenance aux LTTE ont [traduction] « minimisé l’importance de fournir des renseignements exacts aux fonctionnaires du gouvernement ».

IV.             Question en litige

[19]           La seule question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision du ministre de refuser une exemption ministérielle est raisonnable.

V.                Norme de contrôle

[20]           La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux motifs invoqués par le ministre pour refuser une exemption ministérielle est celle de la décision raisonnable. La décision est discrétionnaire et justifie que l’on y accorde une retenue considérable (Agraira, précité au paragraphe 50; Siddique c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 192, [2016] ACF no 212 au paragraphe 40 [Siddique]). Quand elle applique la norme de contrôle de la décision raisonnable, la Cour ne va intervenir que si l’analyse n’est pas justifiée, transparente et intelligible, ou si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir]). Une décision en matière d’exemption ministérielle est raisonnable si l’analyse contenue dans la recommandation a trait à la sécurité publique et à la sécurité nationale, et n’exclut pas les autres points pertinents à considérer (Hameed c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1353, [2015] ACF no 1488, au paragraphe 28 [Hameed]).

VI.             Dispositions pertinentes

[21]           Les alinéas 34(1)c) et 34(1)f), et l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi sont reproduits à l’annexe A joint à ces motifs.

VII.          Analyse

[22]           Dans une demande d’exemption ministérielle, c’est au demandeur qu’il appartient de convaincre le ministre que sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l’intérêt national (Yamani, précité au paragraphe 69; Hameed, précité au paragraphe 24). Alors que le critère applicable à l’exemption ministérielle visée à l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi, inclut la prise en considération d’un vaste éventail de facteurs pour déterminer ce qui est dans l’intérêt national, l’arrêt Agraira confirme que la sécurité publique et la sécurité nationale demeurent des considérations primordiales dans une telle demande. Dans les paragraphes qui suivent, je traite de chacun des quatre arguments avancés par Mme Puvanenthiram pour appuyer sa demande de contrôle judiciaire.

[23]           Premièrement, Mme Puvanenthiram soutient que le ministre dans sa recommandation n’a pas soupesé les facteurs liés à l’intérêt national qui sont énoncés dans l’arrêt Agraira, qui affirme que l’intérêt national ne se limite pas à la protection de la sécurité publique et de la sécurité nationale. L’expression « intérêt national » doit aussi recouvrir des facteurs comme des considérations d’ordre humanitaire, de même que la charte des valeurs du Canada et ses obligations internationales. Même si Mme Puvanenthiram reconnaît que les demandes d’exemption ministérielle n’ont pas pour but de remplacer les demandes pour des motifs d’ordre humanitaire, elle avance que sa situation personnelle aurait dû être examinée conjointement aux objectifs de la Loi visant la réunification des familles et à offrir un endroit sûr aux réfugiés qui craignent d’être persécutés.

[24]           Je remarque que lorsque le ministre se penche sur les facteurs d’ordre humanitaire dans une demande d’exemption ministérielle, il se concentre sur les facteurs qui sont pertinents pour déterminer si la présence du demandeur au Canada est préjudiciable à l’intérêt national (Agraira, précité au paragraphe 87; Siddique, précité au paragraphe 83; Hameed, précité au paragraphe 27). Le degré de pertinence dépend des faits de chaque affaire (Agraira, précité au paragraphe 88). Le ministre a souligné en long et en large les nombreux facteurs personnels concernant Mme Puvanenthiram. Ces considérations avaient trait aux problèmes médicaux des membres de la famille dont elle prend soin, à son emploi, à ses activités bénévoles et à sa participation à la communauté, à sa séparation potentielle de sa famille et aux conséquences qui en découlent, et aux risques possibles auxquels elle ferait face si elle devait retourner au Sri Lanka. À mon avis, il était raisonnable pour le ministre de conclure que les intérêts des enfants et les autres facteurs personnels qu’il a examinés étaient insuffisants pour compenser les considérations premières sur la sécurité publique et la sécurité nationale.

[25]           Deuxièmement, Mme Puvanenthiram affirme que les conclusions du ministre relativement à son degré de participation volontaire aux LTTE et à l’aile étudiante de l’organisation, à son manque de crédibilité et à son absence de remords étaient toutes déraisonnables et non fondées. La réponse qui convient à une telle affirmation est que ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de réévaluer les éléments de preuve présentés ou de revoir les conclusions sur la crédibilité. En outre, le ministre a conclu que même si Mme Puvanenthiram n’a pas directement participé à des actes terroristes violents, sa participation volontaire aux LTTE (y compris les tâches qui lui étaient confiées, la formation militaire, la durée de son appartenance au groupe et son engagement global envers les LTTE) démontrait un engagement plus que limité ou de faible niveau.

[26]           Troisièmement, Mme Puvanenthiram soutient que l’importance accordée par le ministre à sa participation volontaire aux LTTE, à son manque de crédibilité et à son absence de remords expliquait le refus d’une exemption ministérielle au seul motif de son appartenance passée à une organisation terroriste, ce qui, selon elle, est contraire à l’arrêt Agraira. À mon avis, le ministre n’a pas refusé une exemption ministérielle à Mme Puvanenthiram seulement en raison de son appartenance passée aux LTTE. Contrairement aux enquêtes de la CISR, dans lesquelles la Commission tire ses conclusions d’interdiction de territoire en se fondant uniquement sur l’appartenance passée du demandeur à une organisation terroriste, le ministre a examiné le niveau d’engagement de Mme Puvanenthiram envers les LTTE, la nature et la portée de son engagement auprès de l’organisation, son manque de crédibilité et son absence de remords. Ces considérations étaient pertinentes pour évaluer l’intérêt national et conformes à l’arrêt Agraira.

[27]           Enfin, Mme Puvanenthiram maintient que la conclusion du ministre selon laquelle elle avait connaissance des activités des LTTE était déraisonnable, parce que ce dernier a omis de tenir compte de sa nature [traduction] « naïve et loyale » et du contexte national au moment de son implication avec les LTTE. Je souligne, toutefois, que les conclusions du ministre étaient fondées sur les inférences tirées par le fonctionnaire de la CISR après l’enquête concernant Mme Puvanenthiram. Le ministre s’est fié de façon raisonnable à ces conclusions. Ce n’est pas le rôle de cette Cour de revoir les décisions de la CISR. En outre, l’importance accordée par le ministre au fait qu’elle avait connaissance des activités des LTTE était raisonnable, peu importe le contexte politique au Sri Lanka (Siddique, précité au paragraphe  60).

VIII.       Conclusion

La recommandation ministérielle soulignait tous les facteurs pertinents, répondait aux arguments avancés par Mme Puvanenthiram et contenait une évaluation équilibrée de ces facteurs et des questions soulevées. Le ministre n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en attachant plus de poids à certains facteurs. Ce n’est pas le rôle de cette Cour de réévaluer les éléments de preuve. De plus, le ministre n’a pas à fournir de motifs expliquant pourquoi certains facteurs ont eu plus de poids que d’autres (Siddique, précité au paragraphe 84). Les facteurs qui prédominent dans de telles demandes sont la sécurité nationale et la sécurité publique. Je suis d’avis que la décision du ministre était justifiée, transparente et intelligible, et appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité au paragraphe 47).

JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens. Aucune question n’est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Interdictions de territoire

Inadmissibility

Sécurité

Security

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

...

...

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

...

...

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), or (c).

Exception

Exception

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4130-15

 

INTITULÉ :

JAYASIRI PUVANENTHIRAM c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov

 

POUR LA DEMANDERESSE

Maria Burgos

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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