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Date : 20160531


Dossier : IMM-4590-15

Référence : 2016 CF 601

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

BUNMI AGNES EZE

RICHARD CHUKWUEMEKE EZE

OLUCHI MERCY EZE (MINEURE)

KELECHI EMMANUEL EZE (MINEUR)

AMARACHI CHRISTABEL EZE (MINEURE)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), en date du 23 septembre 2015, selon laquelle le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger selon les articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) et que sa demande n’avait pas un minimum de fondement en vertu du paragraphe 107(2) de la LIPR.

Contexte

[2]               Les demandeurs sont mari (le demandeur) et femme (la demanderesse) et leurs trois enfants mineurs et sont tous citoyens du Nigeria. Dans son récit du formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a fait valoir qu’après la naissance de sa première fille, sa mère et un parent lui ont dit que les jeunes filles devaient subir l’excision du clitoris avant l’âge de sept ans. Il a informé sa mère que, en tant que chrétien, il s’opposait à cette pratique, mais sa mère a insisté puisque cela faisait partie de leur culture.

[3]               En janvier 2009, après la naissance de leur deuxième fille, la mère du demandeur lui a rappelé que les filles devaient être excisées. En février 2009, l’oncle du demandeur, qui avait auparavant exprimé de la jalousie à l’égard du style de vie confortable des demandeurs, et sa mère, ont tenté de retirer par la force les enfants de leur foyer, mais les voisins sont intervenus. Le demandeur a signalé l’incident à la police, mais la police n’est pas intervenue. En juillet 2009, des membres de la famille du demandeur sont de nouveau venus chez les demandeurs et ont déclaré qu’ils prendraient ses filles, qu’il le permette ou non. Il a de nouveau signalé l’incident à la police, en vain.

[4]               En 2010, la famille a déménagé à un autre endroit dans Lagos et n’a pas communiqué avec la famille du demandeur. Deux ans plus tard, en juillet 2012, le frère du demandeur l’a informé qu’il y avait eu une réunion de la famille élargie et que ces personnes envisageaient d’embaucher des ravisseurs professionnels pour enlever ses filles et tuer toute personne qui se trouverait sur leur chemin. Le demandeur a signalé la menace d’enlèvement à la police et on lui a répondu à nouveau de suivre les traditions de sa famille. La famille s’est envolée pour le Canada le 25 septembre 2012.

[5]               Le 10 juillet 2015 et le 5 août 2015, les demandeurs ont présenté les récits du FRP mis à jour et des éléments de preuve supplémentaires à l’appui de leur allégation selon laquelle il serait toujours dangereux pour eux de retourner au Nigeria.

Décision faisant l’objet du contrôle

[6]               La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs, concluant que la question déterminante en était une de crédibilité et que les allégations des demandeurs ne reposaient sur aucun fondement crédible.

[7]               La SPR a conclu que, malgré que le contenu de la documentation sur la situation du pays mentionne que l’excision est encore répandue au Nigeria, la plupart des femmes nigérianes ne sont pas excisées et la plupart des hommes et femmes de ce pays sont désormais opposés à cette pratique. La SPR a souligné la preuve indiquant que les parents peuvent refuser que leurs filles soient excisées, surtout s’ils sont tous les deux d’accord, ce qui était le cas dans la demande en question. En outre, la mutilation génitale féminine, ce qui comprend l’excision, est maintenant interdite dans 12 États du pays.

[8]               La SPR a jugé improbable que la mère du demandeur se rende régulièrement chez les demandeurs pour les harceler, à plus de 500 kilomètres de l’endroit où elle vivait. La SPR a également a fait observer des divergences entre les déclarations faites par les demandeurs au point d’entrée et leur récit et témoignage dans leur FRP. En outre, la SPR a fait remarquer que l’oncle prétendument jaloux du demandeur n’a pas été mentionné au point d’entrée, et il n’y avait pas de preuve de son existence; la SPR a conclu que l’oncle a probablement été introduit pour étayer la demande par l’allégation de menaces des membres masculins de la famille dans la société paternaliste du Nigeria. La SPR a conclu qu’aucune mention n’a été faite au point d’entrée des trois plaintes à la police et qu’il était improbable que la police n’ait pas produit de rapport lors d’une des trois visites des demandeurs. La SPR a pris note d’une Réponse à la demande d’information (« RDI ») datée de novembre 2012 et intitulée « Nigeria : Information indiquant si des parents peuvent refuser que leur fille subisse une mutilation des organes génitaux; protection offerte à l’enfant. » (« RIR de 2012 ») qui énonçait « il est fort probable que la police considère aussi qu’il s’agit d’une affaire de famille et refuse d’intervenir ». La SPR a cependant souligné que ce document avait trois ans et que les tendances récentes au Nigeria suggèrent moins de soutien à l’égard des mutilations génitales féminines. Pour ces motifs, la SPR a conclu à l’insuffisance d’une preuve digne de foi étayant l’allégation que la famille des demandeurs au Nigeria était résolue à exciser les filles des demandeurs ou que des ravisseurs professionnels avaient été embauchés.

[9]               La SPR a également constaté des incohérences concernant la crainte subjective des demandeurs. La SPR a fait observer que les demandeurs avaient laissé leurs enfants au Nigeria avec la sœur de la demanderesse et avaient quitté le pays pour des vacances en 2009 et 2011. Cela est en contradiction avec le témoignage de la demanderesse selon lequel, entre 2010 et 2012, la famille du demandeur se rendait deux à trois fois par semaine à la maison pour tenter de prendre leurs filles. La SPR a conclu que cela suggère que les demandeurs ne croyaient pas que les enfants étaient en danger, et mine davantage la crédibilité des demandeurs. En outre, lors de l’entrevue au point d’entrée, le demandeur a également précisé qu’il s’est rendu en Europe avec ses filles en avril 2012, mais ne l’a pas mentionné dans son FRP ou lors de l’audience, et n’a pas non plus demandé l’asile dans l’un des pays européens qu’ils ont visités.

[10]           La SPR a également estimé que les rapports psychologiques concernant les deux demandeurs n’étaient pas convaincants puisque le médecin n’était pas en mesure de déterminer que leur état mental et émotionnel résulte de leurs prétendus problèmes au Nigeria. La SPR a fait remarquer que les rapports psychologiques ne constituent pas une panacée et qu’un témoignage d’expert n’est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais (Rokni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1995] A.C.F. no 182; Danailov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 1019) et ne leur a accordé aucune importance. Étant donné ses préoccupations relatives à la crédibilité des demandeurs et de la disponibilité des documents frauduleux au Nigeria, la SPR n’a pas non plus accordé d’importance aux documents du Nigeria produits par les demandeurs pour corroborer leurs allégations.

Questions en litige

[11]           Bien que les demandeurs soulèvent un certain nombre de questions, à mon avis, cette affaire peut être tranchée en fonction de la raisonnabilité de l’évaluation de la SPR quant à la crédibilité des demandeurs et d’après sa conclusion d’une absence de minimum de fondement.

Norme de contrôle

[12]           Les conclusions de la SPR relatives à la crédibilité d’un demandeur, décrites comme « l’essentiel de la compétence de la Commission », sont essentiellement des conclusions de fait à l’égard desquelles il convient de faire preuve de déférence et il a été antérieurement établi qu’elles sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Behary c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 794, au paragraphe 19 [Behary]; Pournaminivas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1099, au paragraphe 5 [Pournaminivas]; Zhou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 619, au paragraphe 26; Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 62 [Dunsmuir]). Le caractère raisonnable tient à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité de la décision, ainsi qu’à la question de savoir si la décision appartient aux issues possibles acceptables [Dunsmuir, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59].

Analyse

[13]           J’ai examiné attentivement les observations écrites et de vive voix des parties.

[14]           Dans ce cas, la SPR a fondé sa décision principalement sur quatre conclusions défavorables quant à la crédibilité ou la vraisemblance. La SPR a jugé improbable que la mère du demandeur âgée de 70 ans, qui vit à plus de 500 kilomètres, ait continué à constituer une menace pour la famille au fil des ans depuis la naissance de sa première fille. Je suis d’accord avec les demandeurs qu’il n’y avait aucune preuve que sa mère faisait ce voyage régulièrement ou que cela était un aspect important de leur demande compte tenu de l’implication présumée d’autres membres de la famille.

[15]           La SPR a également conclu que les demandeurs n’étaient pas allés faire part de leurs préoccupations à la police parce qu’il était [traduction] « improbable que la police ne produise aucun rapport ». La SPR n’a toutefois fait référence à aucun élément de preuve à cet égard, comme il convient dans les décisions sur le manque de vraisemblance (Valtchev c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 776, au paragraphe 7; Ye c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1221, au paragraphe 29; Lubana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 9). En outre, la preuve documentaire citée dans la décision de la SPR révèle qu’il est fort probable que la police considère les mutilations génitales féminines comme une affaire de famille et refuse d’intervenir. Il s’agit d’un extrait de la RDI de 2012 préparée par la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, le document de recherche de la SPR.

[16]           Bien que la SPR fasse remarquer que cette source date de trois ans et que les tendances récentes indiquent un moins grand soutien à l’égard des mutilations génitales féminines, les éléments de preuve sur lesquels repose cette conclusion sont imprécis, tout comme la pertinence des tendances d’établissement de rapports par la police. La SPR avait peut-être l’intention de suggérer que, vu l’évolution des attitudes, la police prend peut-être plus au sérieux les cas de mutilations génitales féminines. Toutefois, le défendeur rejette cette interprétation, faisant plutôt observer que la SPR a simplement souligné les tendances comportementales. Peu importe, le soutien public à la baisse à l’égard des mutilations génitales féminines n’est pas nécessairement proportionnel à une réaction plus vigoureuse de la police. Une telle inférence exigerait des éléments probants qui sont absents de la décision de la SPR. En outre, le témoignage du demandeur voulant que la police lui ait dit qu’elle ne s’implique pas dans de telles affaires et qu’elle ne fait pas de rapports écrits, est conforme à la preuve documentaire. En conséquence, la conclusion défavorable de la SPR quant à la vraisemblance est également déraisonnable.

[17]           Toutefois, à mon avis, la conclusion de la SPR quant à l’absence de crainte subjective était raisonnable. La preuve démontrant que les demandeurs se sont rendus à l’étranger sans leurs enfants à la suite d’une présumée tentative d’enlèvement en 2009 n’a pas été contestée. En outre, d’après leur FRP, il est également évident que la famille a voyagé en Europe à plusieurs autres occasions alors que les membres de la famille du demandeur se rendaient prétendument à leur maison deux ou trois fois par semaine dans le but d’enlever les filles et leur faire subir l’excision. Les demandeurs n’ont fait aucune demande d’asile dans aucun des pays où ils se sont rendus. Il convient toutefois de noter que la SPR a fait référence à l’absence de crainte subjective des demandeurs dans le contexte de ses conclusions élargies touchant la crédibilité, concluant que cela a miné davantage leur crédibilité, mais qu’elle n’a pas fait une conclusion déterminante fondée sur la crainte subjective. L’absence de crainte subjective suffirait à elle seule pour refuser la demande d’asile des demandeurs en vertu de l’article 96 de la LIPR (Zaied c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 771, au paragraphe 17; Farfan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 123, au paragraphe 16; Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 345, au paragraphe 33; Ghasemian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1266, au paragraphe 14).

[18]           La SPR a également estimé que l’oncle jaloux a été inventé pour soutenir la demande d’asile des demandeurs, étant donné qu’il n’a pas été mentionné dans l’interview au point d’entrée, et la preuve n’a pas démontré qu’il existait.

[19]           Comme l’a déclaré le juge Russell dans Cetinkaya c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2012 CF 8 [Cetinkaya], la SPR devrait prendre soin de ne pas trop s’appuyer sur les déclarations au point d’entrée lorsque l’on considère les différences entre ces déclarations et le témoignage à l’audience, compte tenu des circonstances entourant la prise des notes et leur but :

La SPR commet une erreur lorsqu’elle met en doute la crédibilité du demandeur simplement parce que les renseignements qu’il a fournis lors de l’entrevue au point d’entrée ne sont pas détaillés. L’entrevue effectuée au point d’entrée sert à déterminer si une personne peut présenter une demande d’asile. Elle ne fait pas partie de la demande d’asile proprement dite, de sorte qu’on ne devrait pas s’attendre à ce qu’elle contienne tous les détails de celle‑ci (voir aussi Hamdar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 382, aux paragraphes 43 à 48, et Jamil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 792, au paragraphe 25) (au paragraphe 51).

[20]           Et, comme l’a indiqué le juge Fothergill dans Kusmez c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2015 CF 948 [Kusmez] au paragraphe 22, les déclarations au point d’entrée doivent être traitées avec prudence par la SPR (citant Cetinkaya aux paragraphes 50 et 51). Néanmoins, les incohérences entre les déclarations d’un candidat au point d’entrée et celles faites à la SPR peuvent mener à une conclusion défavorable relative à la crédibilité (Arokkiyanathan c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2014 CF 289, au paragraphe 35) si l’omission concerne un élément qui est au cœur de la demande (Jamil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 792, au paragraphe 25; Sava c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 356; Kusmez, au paragraphe 22). Dans cette affaire, même si les deux demandeurs ont mentionné au point d’entrée leur peur de la mère du demandeur, aucun des deux demandeurs n’a mentionné l’oncle ou d’autres membres de la famille qu’ils ont ensuite inclus au récit de leur FRP.

[21]           À mon avis, alors que l’essentiel des allégations des demandeurs concernant le risque de mutilations génitales pour les filles si la famille était renvoyée au Nigeria a été recueilli lors de l’entrevue au point d’entrée, l’omission de mentionner l’oncle et d’autres membres de la famille en tant qu’agents de persécution ne constitue pas une omission anodine ni un simple détail qui pouvait ensuite être invoqué pour étoffer la demande.

[22]           Cependant, et de manière significative, les demandeurs ont également soumis, dans les documents à l’appui de leur demande, les courriels menaçants de l’oncle et les affidavits du frère du demandeur où ce dernier affirme sous serment que l’oncle harcelait la famille. La SPR n’a fait aucune référence à ces courriels et a simplement mentionné les affidavits. Bien que la SPR n’ait pas à faire référence à chaque élément de preuve dont elle dispose, lorsque la preuve est en contradiction avec les conclusions de la SPR, il faut plus qu’une déclaration générale pour démontrer que la SPR a examiné la preuve; dans le cas contraire, il serait loisible à la Cour de conclure que la décision a été prise sans tenir compte de la preuve (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998) 157 FTR 35, aux paragraphes 16 et 17). Dans ce cas, la SPR a conclu que rien ne prouvait l’existence de l’oncle et qu’il avait été inventé pour soutenir la demande d’asile des demandeurs. Les courriels et la preuve par voie d’affidavits contredisent cependant cette conclusion.

[23]           La SPR a également tiré une conclusion générale ne donnant aucun poids à l’un des documents déposés par les demandeurs en raison de ses graves préoccupations relatives à la crédibilité des demandeurs et parce que les documents frauduleux sont fréquents au Nigeria. La SPR a fait référence à une grande partie de ces éléments de preuve, y compris les affidavits de membres de la famille, en les répertoriant dans une note de bas de page liée à sa conclusion générale.

[24]           Une conclusion générale d’absence de crédibilité du demandeur peut en théorie s’appliquer à l’ensemble de la preuve émanant du témoignage du demandeur (Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 266, au paragraphe 19). Toutefois, dans cette affaire, compte tenu de ma conclusion énoncée précédemment selon laquelle certaines conclusions de la SPR relatives à la crédibilité sont déraisonnables, il s’ensuit qu’il en est de même de son évaluation des documents des demandeurs puisqu’elle ne leur a accordé aucun poids, vu ses conclusions sur la crédibilité entachées d’erreurs. En outre, bien que la SPR ait noté que les documents frauduleux sont répandus au Nigeria, vraisemblablement comme fondement pour n’accorder aucun poids aux documents déposés par les demandeurs, il ne s’agit pas d’un facteur pertinent à moins que la SPR ait voulu mettre en doute l’authenticité des documents, ce qui ne ressort pas de sa décision. Si tel était le but, une évaluation plus approfondie de cette question était nécessaire. Comme il est bien établi dans la jurisprudence de notre Cour, la prévalence de documents falsifiés dans un pays n’est pas, en soi, une raison suffisante pour rejeter comme étant faux des documents délivrés à l’étranger (voir Chen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1133, aux paragraphes 12 et 13; Cheema c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 224, au paragraphe 7; Lin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 157, aux paragraphes 52 à 55).

[25]           Bien que la SPR ait manifestement commis des erreurs dans ses conclusions sur la crédibilité, considérée dans son ensemble, et en particulier compte tenu de l’omission d’identifier au point d’entrée l’oncle du demandeur comme un agent de persécution et les conclusions relatives à la crédibilité de la SPR concernant la crainte subjective, sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’étaient pas crédibles peut être raisonnable.

[26]           Cependant, estimer que les demandeurs n’étaient pas crédibles est différent de dire que leurs allégations n’avaient aucun fondement crédible. Le seuil à atteindre pour conclure à l’absence de minimum de fondement est élevé puisque cette conclusion a pour effet de retirer certains droits procéduraux importants aux demandeurs d’asile en vertu de la LIPR (Wu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 516, au paragraphe 12 [Wu]; Pournaminivas, au paragraphe 9; Behary, au paragraphe 58; Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, au paragraphe 51). La SPR doit, avant d’arriver à une conclusion d’absence de minimum de fondement, examiner s’il existe quelque élément que ce soit de preuve crédible ou digne de foi qui soit susceptible d’étayer les allégations du demandeur (Behary, au paragraphe 58; Wu, au paragraphe 12).

[27]           Par son erreur dans l’appréciation de la crédibilité, la SPR, comme il est indiqué ci-dessus, a rejeté sans évaluation des éléments de preuves soumis par les demandeurs qui auraient peut-être pu étayer leur demande. En outre, il y avait aussi au moins certains éléments de preuve documentaire objective dans le dossier qui n’ont pas été évalués et qui auraient pu soutenir leur demande. Par conséquent, la Cour a déterminé que la conclusion « d’absence de fondement crédible » n’était pas raisonnable.

[28]           Pour ces raisons, et bien que dans le contexte d’un réexamen les demandeurs puissent faire face à un défi en ce qui concerne la crainte subjective et d’autres éléments de leur demande, je dois accueillir la demande de contrôle judiciaire et renvoyer l’affaire à un autre commissaire de la SPR pour un nouvel examen.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour un nouvel examen.

2.      Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée.

3.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4590-15

 

INTITULÉ :

EZE ET AL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 31 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Oluwakemi Oduwole

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Jelena Urosevic

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oluwakemi Oduwole

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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