Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160524


Dossier : IMM-5031-15

Référence : 2016 CF 567

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 24 mai 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

ANDRENE SHELOME WRIGHT

(aussi appelée Andrene Shelometh Wright)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Motifs prononcés oralement à l’audience le 4 mai 2016)

I.                   Aperçu

[1]               Andrene Shelome Wright (Mme Wright) sollicite un contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada datée du 2 octobre 2015, selon laquelle elle n’a ni qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire.

II.                Faits et procédures

[2]               Mme Wright est née le 25 janvier 1977 et est une citoyenne de la Jamaïque. Elle a quitté la Jamaïque en décembre 2007 et s’est établie aux îles Turks et Caicos, et elle est arrivée au Canada le 6 juin 2009. Le statut de visiteur lui a été accordé à ce moment. En juin 2012, elle a présenté une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Cette demande a été rejetée. Depuis son arrivée au Canada, elle a demandé et reçu un total de cinq prolongations de son statut de résidente temporaire. Sa dernière prolongation était valide jusqu’au 6 novembre 2014. Elle a présenté une demande pour une sixième prolongation, laquelle a été refusée. Elle n’a pas quitté le Canada après ce refus, alléguant ne pas savoir que sa demande avait été refusée. Le 29 juin 2015, elle a été arrêtée par les autorités canadiennes et elle a allégué à ce moment qu’elle ne savait pas qu’elle se trouvait au pays de façon illégale. Mme Wright a été libérée sous la condition de se présenter au bureau de l’immigration tous les mois. À la suite d’un examen par un représentant du ministre, elle a été frappée d’une mesure d’interdiction de séjour le 6 août 2015. À cette même date, le 6 août 2015, elle a présenté une demande d’asile affirmant être persécutée en Jamaïque.

[3]               Dans son document Fondement de la demande d’asile (FDA), elle a expliqué qu’elle était en contact avec plusieurs femmes lors de son travail d’évangéliste en Jamaïque. Elle restait parfois chez des femmes qui étaient membres de l’église qu’elle desservait. Par conséquent, des rumeurs disant qu’elle était lesbienne se sont répandues. Elle a expliqué que l’homophobie est généralisée en Jamaïque et qu’elle craignait pour sa vie. Elle a allégué avoir été traitée de tous les noms et menacée, et qu’une voiture qu’elle conduisait à l’occasion a été endommagée alors qu’elle l’avait garé à sa résidence. À l’audience devant la SPR, Mme Wright a témoigné avoir déjà été attaquée alors qu’elle se déplaçait en vélo. Elle n’a pas signalé cet incident aux autorités ni cherché à obtenir des soins médicaux pour soigner ses blessures. Elle n’a pas inclus l’incident alors qu’elle était en vélo dans son document FDA.

III.             Décision contestée

[4]               Dans une décision rendue à la fin de l’audience le 2 octobre 2015, la SPR a conclu que Mme Wright n’avait pas établi qu’il existait une possibilité sérieuse de persécution liée à un motif prévu par la Convention ou que, selon la prépondérance des probabilités, elle serait personnellement exposée à un risque de torture ou à un risque pour sa vie ou un risque de représailles cruelles et inusitées à son retour en Jamaïque. La SPR a conclu que la crédibilité était en cause et que ses conclusions quant à la crédibilité s’appliquaient aux deux demandes de réparation en vertu des articles 96 et 97. À la suite de l’évaluation de la preuve déposée, la SPR a conclu que la demande était sans fondement crédible.

[5]               Dans sa décision, la SPR a mentionné l’omission de la part de Mme Wright de mentionner l’incident à vélo dans son document FDA et son omission de signaler ses blessures ou de chercher à obtenir des soins médicaux à la suite de l’attaque. Pour ce qui est de l’incident relatif au véhicule endommagé, la SPR a également mentionné le manque de détails fournis par la demanderesse et l’absence d’un lien avec elle, de même que son manque de connaissances au sujet du propriétaire du véhicule. De plus, le témoignage de Mme Wright repose sur trois lettres à l’appui de ses prétentions, de même que sur des documents sur la situation dans le pays. Les lettres d’appui ont été rédigées par son frère et deux de ses amis. À l’égard des lettres, la SPR a mentionné qu’il ne s’agissait pas de rapports directs des événements qui sont survenus. Une lettre écrite par un ami pasteur indiquait qu’elle a été sévèrement battue. La SPR a conclu que cet énoncé ne correspondait pas à l’affirmation de Mme Wright stipulant qu’elle est partie à pied de l’incident avec le vélo et qu’elle n’a pas eu besoin de soins médicaux.

IV.             Question en litige

[6]               La seule question en litige dans la présente affaire est de savoir si la conclusion de la SPR stipulant que la demande était sans fondement crédible satisfait aux critères de la décision raisonnable.

V.                Norme de contrôle

[7]               Les deux parties s’entendent que la norme de contrôle pour une conclusion d’absence de minimum de fondement est celle de la décision raisonnable. Voir Hernandez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 144, au paragraphe 3; Mahdi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 218, au paragraphe 9) et d’autres cas cités. Quand elle applique la norme de la décision raisonnable, notamment lorsqu’elle est liée aux conclusions relatives à la crédibilité, la Cour fera preuve de retenue à l’égard du décideur et n’interviendra que si la décision n’est pas justifiée, transparente et intelligible, ou si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

VI.             Analyse

[8]               En s’appuyant sur Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, [2002] 3 CF 537 [Rahaman] et Ramón Levario c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 314, [2012] ACF no 368, l’avocat de Mme Wright invite la Cour à ne pas jumeler la question des conclusions relatives à la crédibilité à celle d’une conclusion d’absence de minimum de fondement. Ses motifs pour encourager la Cour dans cette direction sont évidents. Mme Wright bénéficie de certaines protections et d’avantages en vertu du droit canadien qui ne lui sont pas offerts dans le cas d’une conclusion d’absence de minimum de fondement. J’accepte la prétention de Mme Wright selon laquelle la SPR doit évaluer s’il existe une preuve documentaire objective avant d’arriver à une conclusion d’absence de minimum de fondement.

[9]               À cet égard, Mme Wright prétend qu’il y a quelques éléments de preuve objectifs et crédibles qui pourraient appuyer sa demande. Toutefois, je ne suis pas satisfait que les éléments de preuve auxquels elle réfère puissent être considérés une preuve documentaire objective capable de militer contre une conclusion d’absence de minimum de fondement. Je ne suis pas convaincu que les trois lettres d’appui constituent une preuve documentaire objective. Je suis également d’avis que son témoignage, à lui seul, ne constitue pas une preuve objective. Je me penche maintenant sur les documents décrivant la situation dans le pays, qui prétendent la brutalité policière contre les communautés lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre (LGBT) et l’absence d’intervention policière relativement aux crimes homophobes. Je constate que la documentation et les éléments de preuve liés à la conduite policière ne sont pas spécifiques à la demanderesse. De plus, comme la Cour l’a mentionné dans Rahaman au paragraphe 29, «  les rapports sur les pays seuls ne constituent généralement pas un fondement suffisant sur lequel la Commission peut s’appuyer pour reconnaître le statut de réfugié ». Je constate également que Mme Wright n’a jamais prétendu être lesbienne. Au contraire, elle affirme qu’elle n’est pas lesbienne, ni membre de la communauté LGBT. Je suis donc d’avis de conclure que les fondements objectifs qui militeraient contre une conclusion d’absence de minimum de fondement n’existent pas dans la présente cause.

VII.          Conclusion

[10]           À mon avis, la conclusion de la SPR que la demande de Mme Wright n’avait aucun fondement crédible répond au test de caractère raisonnable établi dans Dunsmuir. Pour ces motifs, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire, sans dépens. Aucune question n’est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5031-15

 

INTITULÉ :

ANDRENE SHELOME WRIGHT (aussi appelée Andrene Shelometh Wright) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

Pour la demanderesse

 

Brad Gotkin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.