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Date : 20160526


Dossier : T-1092-15

Référence : 2016 CF 583

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2016

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JADE BETHUNE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue par le Tribunal d’appel des transports du Canada (TATC) à la suite du contrôle judiciaire de la décision du ministre des Transports de refuser de délivrer un certificat médical au défendeur. Le défendeur a besoin d’un certificat médical pour présenter sa candidature pour devenir contrôleur aérien.

Le TATC a déféré la question au ministre pour un nouvel examen.

II.                Contexte

[2]               Le défendeur a des antécédents de maladie mentale, y compris de dépression. Avec son psychiatre et au moyen d’essais et d’erreurs, il a trouvé deux médicaments précis qui ont contribué à sa rémission. Une modification de cette combinaison a entraîné une régression.

[3]               Il est difficile de ne pas éprouver de compassion pour M. Bethune. Il rêve de devenir un contrôleur aérien. Pour y arriver, il a besoin d’un certificat médical, conformément aux exigences du Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433. Il n’est pas nécessaire de présenter le cadre réglementaire détaillé pour comprendre cette question.

[4]               Le défendeur a subi un examen médical dans le cadre de sa demande pour obtenir un certificat médical de catégorie 2. Ce certificat est obligatoire pour commencer la formation de contrôleur aérien.

[5]               Dans le cadre de ce processus, un psychiatre du Comité de révision médicale de l’aviation (CRMA) a indiqué que M. Bethune ne pouvait pas se voir délivrer un certificat médical étant donné qu’il est un candidat initial et qu’il prend deux médicaments psychotropes. Transports Canada ne disposait pas des renseignements adéquats lui permettant de porter un jugement sur la maladie du défendeur.

[6]               Dans des communications ultérieures, le médecin du défendeur a fourni de plus amples renseignements à Transports Canada. Finalement, Transports Canada a conclu que M. Bethune était inapte parce qu’il suit un traitement à long terme qui nécessite qu’il prenne deux médicaments.

[7]               Le défendeur a présenté une demande de contrôle judiciaire auprès du TATC, laquelle demande a été acceptée. Le TATC a déféré la question au ministre pour un nouvel examen.

[8]               Après avoir examiné les éléments de preuve, le conseiller du TATC a conclu que des renseignements supplémentaires étaient nécessaires pour évaluer la santé mentale de M. Bethune avant d’accepter ou de rejeter sa certification médicale pour lui permettre d’occuper un poste de contrôleur aérien. Le conseiller à conclu que les dossiers psychiatriques des cinq dernières années permettraient à Transports Canada de prendre une décision plus éclairée. Transports Canada devrait aussi fournir plus de renseignements médicaux sur les effets possibles (le cas échéant) de l’un des médicaments que prend M. Bethune.

[9]               Le conseiller a conclu que l’examen fait par le médecin de Transports Canada constituait un fondement inadéquat à l’évaluation du CRMA. La question en litige consistait à déterminer si M. Bethune avait une « anomalie mentale importante » qui le rendrait incapable d’exercer en toute sécurité les avantages de la licence en litige, soit la licence de contrôleur de la circulation aérienne.

[10]           Le ministre conteste la décision du TATC, en vertu de laquelle il doit réexaminer la question.

III.             Analyse

[11]           Il est établi que la norme de contrôle applicable au contrôle par le TATC de décisions de ce type est celui de la norme de la décision raisonnable (Canada (Procureur général) c. Annon, 2013 CF 5, 424 FTR 239).

[12]           Le régime législatif relatif aux approbations, aux licences et aux questions connexes dans le domaine de l’aviation confère un vaste pouvoir discrétionnaire au ministre et lui permet d’agir dans l’intérêt de la sécurité publique.

[13]           Ce vaste pouvoir discrétionnaire n’est toutefois pas absolu. Le TATC est un tribunal spécialisé dont les conseillers possèdent une expérience pertinente et qui a pour tâche d’examiner des décisions comme celle en litige.

[14]           Il s’agit d’un cas où la Cour doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard du TATC, qui agit dans les limites de son champ d’expertise. L’intention du législateur était que le TATC agisse à titre d’organisme de surveillance des activités du ministre, et plus particulièrement de celles de ses représentants. La question ne consiste pas à déterminer si le TATC a usurpé les responsabilités du ministre. Sa décision exige simplement du ministre qu’il examine la question en se fondant sur de meilleurs éléments de preuve.

[15]           Le TATC a attentivement examiné les éléments de preuve documentaire et la preuve orale, et il a conclu que le ministre avait fondé sa décision sur des éléments inadéquats.

[16]           Le demandeur n’a pas été en mesure de démontrer que la décision du TATC n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

[17]           Lors de la plaidoirie, on a laissé entendre qu’aucun nouveau renseignement ne pourrait changer la décision du ministre. Je considère qu’il s’agit d’un argument enthousiaste de la plaidoirie et non d’un énoncé de la politique ministérielle. S’il s’agissait d’un énoncé de la politique, les conséquences d’un réexamen partial et mené de mauvaise foi pourraient être graves.

[18]           Le demandeur est tenu de réexaminer la question à la lumière des éléments de preuve existants, ainsi que des nouveaux éléments de preuve. Il ne fait aucun doute que le réexamen sera effectué de façon adéquate.

IV.             Conclusion

[19]           Pour ces motifs, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire, le tout avec dépens à l’égard d’une partie qui se représente elle-même.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire avec dépens à l’égard d’une partie qui se représente elle-même.

« Michael L. Phelan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1092-15

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. JADE BETHUNE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Kelowna (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 février 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

Kayla Baldwin

 

Pour le demandeur

 

Jade Bethune

 

Pour le défendeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

S.O.

 

Pour le défendeur

 

 

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