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Date : 20160607


Dossier : IMM-2617-15

Référence : 2016 CF 630

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2016

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

GEMECHU SHONORA GETA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Gemechu Shonora Geta est arrivé au Canada en 2008, en provenance d’Éthiopie, pour étudier à l’Université Dalhousie. En 2015, M. Geta a présenté une demande d’asile, invoquant la crainte d’être persécuté en Éthiopie en raison de son appartenance au groupe ethnique oromo.

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile de M. Geta en raison de l’insuffisance d’éléments de preuve crédibles. Plus précisément, M. Geta disait avoir participé à un certain nombre de manifestations en Éthiopie avant de venir au Canada, mais la Commission a noté que le demandeur ne pouvait confirmer les dates de ces événements et qu’il avait omis de fournir des précisions sur ces événements dans son exposé écrit des faits. De même, la Commission n’a pas accepté les allégations de M. Geta selon lesquelles des agents de sécurité avaient contacté des membres de sa famille, puisque ce dernier a également omis ce fait dans son exposé écrit. M. Geta a aussi allégué qu’il avait été détenu pendant dix jours durant un séjour en Éthiopie, en 2014; or, des éléments de preuve relevés dans les médias sociaux le montrent en train de bavarder avec des amis à cette période. De plus, M. Geta a mentionné qu’il était un membre actif de l’Oromo Community Association (OCA) de la Nouvelle-Écosse. Pourtant, dans sa demande écrite, M. Geta a indiqué qu’il ne faisait partie d’aucune organisation et, devant la Commission, il n’a pu fournir aucune preuve documentaire convaincante attestant de son adhésion à cette association. Enfin, la Commission a exprimé des doutes quant à la crainte subjective de persécution de M. Geta, puisqu’il n’a pas présenté de demande d’asile dès son retour au Canada en 2014, mais qu’il a attendu en février 2015 pour le faire.

[3]               La Commission a toutefois reconnu que M. Geta avait fait une présentation PowerPoint aux membres de l’OCA en 2010 et qu’il avait participé à une manifestation publique à Toronto en 2015, à laquelle quelque 80 personnes étaient présentes. La Commission a néanmoins conclu que la demande de M. Geta n’avait pas un minimum de fondement.

[4]               M. Geta soutient que les conclusions de la Commission sont déraisonnables parce qu’elles ne reposent sur aucune preuve et qu’elles sont mal fondées en droit. Il me demande d’annuler ces conclusions et d’ordonner que sa demande soit réexaminée par un autre tribunal.

[5]               Cependant, je ne peux trouver aucun motif d’infirmer la décision de la Commission; je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. La seule question à trancher est de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.

II.                La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

[6]               M. Geta soutient que la Commission aurait dû se demander si les autorités éthiopiennes auraient pu être informées des opinions politiques qu’il a exprimées dans sa présentation de 2010, ainsi que de sa participation à la manifestation en 2015. Il soutient également que la Commission a appliqué la mauvais critère – en concluant que les éléments de preuve étaient insuffisants pour démontrer que les activités du demandeur seraient portées à l’attention des autorités éthiopiennes, et que la Commission avait appliqué la norme de preuve fondée sur la « prépondérance des probabilités », plutôt que la norme appropriée, à savoir la démonstration de l’existence de « plus qu’une simple possibilité » de persécution.

[7]               M. Geta a également fait valoir que la Commission a fait une erreur en concluant que le temps écoulé avant la présentation de sa demande d’asile après son retour au Canada en 2014 témoignait d’un manque de crainte subjective de persécution de la part du demandeur. De fait, il n’a attendu que onze jours après l’expiration de son permis de travail pour présenter sa demande, alors qu’il avait 90 jours pour demander le rétablissement de son visa. Le temps qui s’est écoulé avant la présentation de sa demande d’asile ne témoignait donc pas d’un manque de crainte subjective. M. Geta allègue également que la Commission a tiré une conclusion défavorable déraisonnable, parce que sa famille en Éthiopie n’avait pas fait l’objet de maltraitance du fait de ses activités alléguées. Il laisse entendre que les éléments de preuve montraient qu’il était simplement possible, plutôt que probable, que sa famille soit ciblée.

[8]               Enfin, M. Geta prétend que la Commission a tiré une conclusion déraisonnable en déclarant que sa demande n’avait pas un minimum de fondement. Il fait valoir que la Commission a reconnu qu’il avait fait une présentation en 2010 et qu’il avait participé à une manifestation en 2015, et que les autorités éthiopiennes surveillaient les activités qui étaient menées à l’étranger contre le gouvernement. Il y avait donc, à son avis, du moins quelques éléments de preuve crédibles pour étayer sa demande.

[9]               Je ne suis pas d’accord avec les observations de M. Geta.

[10]           Quant à savoir si les activités de M. Geta seraient portées à l’attention des autorités éthiopiennes, je suis d’avis que les éléments de preuve présentés à la Commission ne comportaient pas un indice de risque suffisant pour attirer l’attention des autorités à l’égard d’un rapatrié. En ce qui a trait au critère appliqué par la Commission, je note que la Commission a utilisé le conditionnel « seraient » pour qualifier une conclusion de fait, dans une affaire où la norme de preuve applicable est fondée sur la prépondérance des probabilités. Cela diffère du fardeau légal de preuve qui incombe à M. Geta, qui repose sur la norme moins rigoureuse de la simple possibilité de persécution. La Commission a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour démontrer que les activités de M. Geta [traduction] « seraient portées à l’attention des autorités éthiopiennes ou que le demandeur serait perçu comme une personne s’élevant contre le gouvernement ». Elle a ajouté que M. Geta n’avait pu démontrer qu’il existait plus qu’une simple possibilité de persécution. Je ne relève aucune erreur de la part de la Commission.

[11]           Enfin, en ce qui concerne les questions du temps écoulé et des risques pour la famille de M. Geta, les conclusions de la Commission à ce sujet reposent sur certains éléments de preuve. Il est vrai qu’il y a eu une certaine période pendant laquelle M. Geta risquait d’être expulsé, et qu’il existait également certains risques potentiels pour la famille de M. Geta. Je note toutefois que ces conclusions n’ont pas été déterminantes dans la décision de la Commission.

[12]           Enfin, je ne peux conclure que la conclusion de la Commission, selon laquelle la demande n’avait pas un « minimum de fondement », était déraisonnable. En effet, les éléments de preuve à l’appui de la demande d’asile de M. Geta étaient limités (présentation, participation à une manifestation et certaine surveillance de la part des autorités éthiopiennes). La Commission a notamment conclu qu’il y avait peu de raisons de croire que M. Geta serait perçu comme un opposant du gouvernement éthiopien. Le fait que M. Geta appartienne au groupe ethnique oromo ne constitue pas, en soi, un minimum de fondement à l’appui de sa demande. Par conséquent, la conclusion de la Commission, selon laquelle la demande de M. Geta n’avait pas un minimum de fondement, n’était pas déraisonnable.

III.             Conclusion et décision

[13]           La Commission a appuyé ses conclusions sur une interprétation raisonnable des éléments de preuve qui lui ont été présentés et elle a appliqué le bon critère. Sa décision est donc justifiable en regard des faits et du droit. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2617-15

 

INTITULÉ :

GEMECHU SHONORA GETA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 janvier 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Micheal Crane

 

Pour le demandeur

 

Lucan Gregory

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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