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Date : 20160602


Dossier : IMM-4875-15

Référence : 2016 CF 619

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

AMGAD ADIL ABDI MOHAMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’évaluation des risques avant renvoi (« agent d’ERAR ») datée du 31 août 2015 par laquelle la demande d’ERAR du demandeur a été rejetée et par laquelle il a été conclu qu’il n’est ni un réfugié ni une personne à protéger au sens des articles 96 ou 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (« LIPR »).

Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen du Soudan âgé de 26 ans qui prétend avoir été détenu et torturé deux fois par les forces de sécurité soudanaises en 2011 en raison de son appartenance au mouvement Girifna, une organisation d’opposition politique, et il s’est donc enfui au Canada. Il a présenté une demande d’asile le 23 janvier 2012.

[3]               En octobre 2013, la Section de la protection des réfugiés (« SPR ») de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile du demandeur en raison de doutes en matière de crédibilité. La SPR a déclaré que la demande d’asile du demandeur était fondée sur ses opinions politiques présumées en raison d’activités auxquelles il s’est livré en tant qu’étudiant et membre du mouvement Girifna. Subsidiairement, le demandeur d’asile craint d’être forcé de faire son service militaire et d’être maltraité. Concernant cette dernière allégation, la SPR a conclu qu’il s’agit simplement du cas d’un jeune homme qui refuse d’effectuer son service militaire, lequel est obligatoire pour tous les jeunes hommes soudanais. Cette crainte n’est fondée sur aucun des motifs prévus à la Convention. Compte tenu du manque de crédibilité général du demandeur d’asile, la SPR a également conclu que sa demande d’asile n’est étayée par aucun élément de preuve crédible.

[4]               Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SPR. En août 2015, la juge Heneghan a rejeté la demande. Elle a mentionné l’allégation du demandeur selon laquelle la SPR avait omis de considérer l’ensemble des motifs au soutien de sa demande, plus précisément son statut d’objecteur de conscience, et que la SPR avait commis une erreur dans ses conclusions relatives à la crédibilité. Cependant, elle n’était pas convaincue que la SPR avait omis d’examiner tous les motifs possibles de demande d’asile issus de la preuve et de la preuve documentaire présentées par le demandeur. La juge a en outre estimé que son argumentation fondée sur son statut d’objecteur de conscience était vouée à l’échec. Le service militaire est obligatoire au Soudan et ne constitue pas une forme de persécution. La SPR a examiné les arguments du demandeur, mais ce dernier n’a présenté aucun élément de preuve étayant son allégation voulant qu’il soit persécuté s’il tentait d’échapper au service militaire. La juge Heneghan a conclu qu’il n’y avait aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire dans le traitement de cet aspect de sa demande par la SPR et que les conclusions de la SPR relatives à la crédibilité étaient raisonnables.

[5]               Le demandeur a ensuite présenté une demande d’ERAR qui a été refusée.

La décision contestée

[6]               L’agent d’ERAR a constaté que la demande reprenait les mêmes éléments de préjudice qui ont été évalués par la SPR, qui avait conclu que l’insoumission du demandeur ne relevait pas de l’objection de conscience ou de la crainte d’être maltraité.

[7]               Malgré cela, l’agent d’ERAR a également examiné l’observation du demandeur selon laquelle la SPR n’a pas énoncé de conclusion sur ses allégations concernant l’objection de conscience. L’agent d’ERAR a fait remarquer que l’affidavit déposé par le demandeur à l’appui de sa demande d’ERAR affirmait qu’il avait passé en revue l’enregistrement de l’audience de la SPR confirmant qu’il a fourni deux motifs pour s’opposer au service militaire au Soudan. Le premier était [traduction] « que des gens comme moi sont envoyés au front sans formation et sont très susceptibles d’être tués », le second, que « l’armée soudanaise tue des civils. Ils tuent des gens au Darfour ». L’agent d’ERAR a trouvé que la SPR a pu examiner l’information contenue dans le récit du formulaire de renseignements personnels (« FRP ») du demandeur et son témoignage de vive voix dans son intégralité. L’agent d’ERAR a déclaré qu’il n’était pas lié par la décision de la SPR, mais que la preuve était insuffisante pour parvenir à une conclusion différente.

[8]               L’agent d’ERAR a conclu que même si le demandeur eût établi qu’il avait été appelé à faire son service militaire, le service militaire obligatoire, en soi, ne constitue pas de la persécution, pas plus que le fait d’être poursuivi et incarcéré en tant qu’objecteur de conscience. De telles sanctions et peines sont prévues par des lois générales adoptées par un État légitime, et rien ne prouve que les peines qui pouvaient lui être infligées au Soudan sont excessives ou non conformes aux normes internationales.

[9]               L’agent d’ERAR a fait remarquer que le demandeur a également allégué une nouvelle crainte de persécution en tant que demandeur d’asile débouté rentrant dans son pays et a affirmé qu’il ferait face à des répercussions graves, une surveillance et des interrogatoires par les autorités. L’agent d’ERAR a noté plusieurs problèmes liés à l’article invoqué par le demandeur à l’appui de cette allégation et a conclu qu’il n’avait pas démontré que tous les rapatriés sont considérés avec suspicion et surveillés, interrogés ou détenus. L’agent d’ERAR a également examiné d’autres éléments de preuve documentaire, notamment un document indiquant que les rapatriés au Soudan ne courent pas un risque réel à leur retour à Khartoum et un rapport indiquant que les rapatriés peuvent faire l’objet de surveillance et d’interrogatoires s’ils sont perçus comme une menace pour des raisons politiques. L’agent d’ERAR a conclu que le demandeur avait présenté peu d’éléments de preuve démontrant qu’il soit recherché par les autorités et, compte tenu des conclusions défavorables de la SPR relativement à la crédibilité des allégations de l’engagement politique du demandeur, que le demandeur ne serait pas considéré comme une menace pour l’État et, ne ferait pas l’objet d’interrogatoires ou de détention à son retour.

Questions en litige

[10]           Le demandeur fait valoir que cinq questions sont soulevées par la décision de l’agent d’ERAR. À mon avis, ces questions peuvent être abordées comme suit :

1)      L’évaluation de l’agent d’ERAR du risque auquel le demandeur est exposé en raison de son objection de conscience à l’égard du service militaire était-elle raisonnable?

2)      L’agent d’ERAR a-t-il appliqué la mauvaise norme lors de l’évaluation des risques pour le demandeur d’être persécuté s’il retournait au Soudan comme demandeur d’asile débouté?

3)      L’appréciation de la preuve par l’agent d’ERAR concernant le traitement des rapatriés au Soudan était-elle raisonnable?

Norme de contrôle

[11]           Les parties font valoir que les décisions relatives aux ERAR sont généralement révisées selon de la norme de la raisonnabilité, et je suis d’accord (Betoukoumesou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 589, au paragraphe 16; Kaur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 505, au paragraphe 35; Belaroui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 863, aux paragraphes 9 et 10; Wang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 799, au paragraphe 11).

[12]           L’évaluation effectuée par l’agent d’ERAR, notamment ses conclusions concernant le poids à accorder à la preuve, appelle à une grande déférence (Belaroui, au paragraphe 10; Aboud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1019, au paragraphe 33 [Aboud]; Korkmaz c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1124, au paragraphe 9 [Korkmaz]).

[13]           Le demandeur soutient également que les erreurs de droit de l’agent d’ERAR sont révisables selon la norme de la décision correcte, mais ne précise pas quelles erreurs justifient cette observation. Je conviens cependant que la question de savoir si l’agent d’ERAR a appliqué la norme appropriée dans l’évaluation du risque auquel serait exposé le demandeur au titre de l’article 96, soit d’être persécuté en tant que demandeur d’asile débouté, devrait être examinée selon la norme de la décision correcte (Pidhorna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1, au paragraphe 19; Nyiramajyambere c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 678, au paragraphe 38).

Question 1 : L’évaluation de l’agent d’ERAR du risque auquel le demandeur est exposé en raison de son objection de conscience à l’égard du service militaire était-elle raisonnable?

Position du demandeur

[14]           Le demandeur soutient que l’agent d’ERAR a erré en droit en omettant de considérer le lien essentiel avec un motif prévu à la Convention découlant de son refus de faire son service militaire qui selon lui équivaut à se livrer à des violations des droits de l’homme ou à des crimes de guerre. Lorsque les activités auxquelles s’objecte le demandeur sont condamnées par la communauté internationale, les sanctions associées à la désertion peuvent en soi équivaloir à de la persécution (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, (1992) HCR/1P/4/FRE/REV.1, au paragraphe 171). La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une objection sélective à un conflit ou à des activités en particulier qui ont été condamnés par la communauté internationale doit être reconnue comme de l’objection de conscience et, par conséquent, crée un lien avec les motifs fondés sur les opinions politiques prévus par la Convention (Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 RCF 540 (CAF)). Notre Cour a subséquemment conclu que l’objection sélective à des actions militaires qui ont été condamnées peut constituer un motif d’asile (Bakir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 70, au paragraphe 30; Key c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 838, au paragraphe 29; Lebedev c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 728, au paragraphe 70 [Lebedev]).

[15]           Lorsqu’une demande fondée sur l’objection de conscience est présentée, le décideur doit évaluer les convictions subjectives du demandeur et la preuve objective de l’action militaire en question (Hinzman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 420, au paragraphe 108 et 109, confirmé par 2007 CAF 171 [Hinzman]; Lebedev, au paragraphe 59). Le demandeur fait valoir que ni la SPR ni la Cour fédérale en contrôle judiciaire n’ont abordé ses motifs de ne pas vouloir faire son service dans l’armée soudanaise. Et, puisque que la SPR n’est arrivée à aucune conclusion sur l’allégation du demandeur qui prétend s’opposer aux violations des droits de l’homme par l’armée soudanaise, l’agent d’ERAR ne pouvait se fonder sur une conclusion que la SPR n’a simplement pas faite. L’agent d’ERAR a omis de conduire l’analyse nécessaire, d’examiner la preuve du demandeur ou même de considérer l’objection de conscience du demandeur fondée sur les violations des droits de l’homme par l’armée soudanaise. Il s’est plutôt concentré sur le châtiment réservé aux insoumis et s’est appuyé sur les conclusions de la SPR. Le demandeur a allégué qu’il s’agissait d’une erreur susceptible de révision.

Position du défendeur

[16]           Concernant le lien essentiel avec un motif de la Convention, le défendeur soutient que le demandeur n’a présenté que peu d’éléments de preuve démontrant qu’il s’était opposé au service militaire en raison des violations des droits de l’homme par l’armée soudanaise. Aucune déclaration de la sorte ne figure dans son FRP, et ni les décisions de la SPR ni les décisions de la Cour fédérale ne font référence à des déclarations du demandeur concernant des exactions des militaires soudanais. Le défendeur fait également remarquer que le demandeur n’a pas fourni la transcription de l’audience de la SPR à l’agent d’ERAR, ce qui, selon l’agent d’ERAR, constitue une faiblesse de la preuve. Lorsque le demandeur a produit une transcription lors de l’audience sur le sursis, cela a confirmé que sa crainte de faire son service militaire était fondée sur ses activités antérieures d’opposition au régime et sur le fait que l’armée soudanaise tue des gens au Darfour et au Nidiala. Cette dernière déclaration ne fait pas référence à des allégations de violations des droits de l’homme ou de crimes de guerre. Cela n’était pas non plus un élément central du témoignage du demandeur devant la SPR sur le fondement de sa demande, et il ressort du dossier que le demandeur n’a jamais soutenu avec force le fondement de son objection de conscience. Bien que le demandeur ait affirmé dans son affidavit pour l’ERAR qu’il s’est opposé en raison de crimes de guerre et de violations des droits de l’homme commis par l’armée soudanaise, ce n’est pas la preuve qu’il a originalement soutenue à l’audience de la SPR.

[17]           Selon le défendeur, il était donc raisonnable pour l’agent d’ERAR de s’appuyer sur l’évaluation de la SPR des mots mêmes du demandeur dans son témoignage de vive voix lors de son audience relative à la demande d’asile comme constituant la meilleure preuve du fondement de sa demande, à l’appui de la conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle le demandeur n’avait pas établi un fondement crédible justifiant son objection de conscience.

[18]           Le défendeur a en outre fait valoir qu’on aurait pu s’attendre à ce que le demandeur présente des éléments de preuve sur l’objection de conscience à l’audience de la SPR et dans son FRP (Yasik c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 760). Le défendeur soutient que tout comme dans Yasik, la SPR, dans le cas qui nous préoccupe, a déterminé que le demandeur n’avait pas établi la sincérité de ses convictions d’objecteur de conscience. Dans l’ERAR, le seul nouvel élément de preuve sur la sincérité des convictions du demandeur était l’affidavit du demandeur. L’agent d’ERAR a passé en revue les conclusions défavorables quant à la crédibilité, notant la conclusion d’absence de fondement crédible et déterminé que les nouveaux éléments de preuve fournis par le demandeur dans son affidavit étaient insuffisants pour établir une demande fondée sur l’objection de conscience. Parce que le premier volet du critère, la sincérité des convictions du demandeur, n’a pas été établi, il n’y avait pas d’obligation d’évaluer le deuxième volet du critère, soit la condamnation des activités militaires par la communauté internationale (Lebedev, aux paragraphes 44 et 45; Atagun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 612, au paragraphe 7; Suhatski c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1405, aux paragraphes 44 à 46 [Suhatski]).

Analyse

[19]           Le demandeur fait essentiellement valoir que son objection de conscience au service militaire, fondée sur les violations des droits de l’homme par l’armée soudanaise, a été soumise à la SPR, mais qu’elle ne l’a pas considérée.

[20]           Il est important de souligner que le demandeur a allégué que l’objection de conscience reposait sur deux éléments de preuve. Le premier est la déclaration dans son FRP où il prétend que, quand il a été remis en liberté, il a signé un accord stipulant qu’il ne participerait plus à des activités d’opposition au gouvernement, qu’il abandonnerait le mouvement Girifna, et qu’il devait [traduction] « faire le service militaire (ce à quoi je m’oppose fermement) ». La raison de son opposition n’était pas indiquée.

[21]           Le deuxième élément de preuve se trouve dans le témoignage du demandeur devant la SPR. Le demandeur n’a pas fourni l’enregistrement ou la transcription à l’agent d’ERAR (ni dans son dossier de demande déposé pour le présent contrôle judiciaire), mais a plutôt reproduit un extrait de son témoignage dans un affidavit présenté à l’appui de son ERAR. Dans la décision, l’agent d’ERAR a reproduit les deux citations de l’affidavit du demandeur qui auraient été les deux motifs donnés par le demandeur à la SPR de ne pas vouloir joindre l’armée soudanaise. La première citation était [traduction] « que les gens comme moi sont envoyés au front sans formation et sont très susceptibles d’être tués ». La deuxième citation était que [traduction« [l’]armée soudanaise tue des gens du peuple. Ils tuent des gens au Darfour ». Je constate qu’alors que l’agent d’ERAR a semblé mettre en doute la fiabilité de ces déclarations, il n’a pas tiré de conclusion quant à la crédibilité, mais a fait référence à la décision de la SPR.

[22]           La SPR a déclaré ce qui suit dans sa décision :

[15]      Le demandeur d’asile s’est fait poser des questions au sujet du service militaire : celui-ci était-il obligatoire, et pourquoi s’y opposait-il? Le demandeur d’asile a expliqué que le service militaire était obligatoire, et que le sien avait été retardé en raison de ses études, et qu’il craignait qu’étant donné ses antécédents politiques, il serait envoyé au front et tué.

[16]      Le tribunal a souligné que le demandeur d’asile avait bien indiqué dans son exposé circonstancié qu’il s’opposait au service militaire; or, il n’est pas le seul, et il est un ressortissant du Soudan. Il savait très bien que ses études ne faisaient que retarder son service militaire.

[17]      Compte tenu du manque de crédibilité général du demandeur d’asile quant à sa participation à des activités politiques, et particulièrement à son appartenance au mouvement Grifina [sic], à laquelle le tribunal ne croit pas pour les motifs qui précèdent... ainsi que les raisons pour lesquelles le demandeur d’asile s’oppose au service militaire, qu’il a clarifiées à l’audience, le tribunal conclut qu’il s’agit simplement du cas d’un jeune homme qui refuse d’effectuer son service militaire, lequel est obligatoire pour tous les jeunes hommes. Cette crainte n’est fondée sur aucun des motifs prévus à la Convention.

(Non souligné dans l’original)

[23]           Il est bien établi qu’une ERAR ne constitue pas une possibilité offerte à un demandeur d’asile débouté d’interjeter appel ou de demander le réexamen d’une décision de la SPR qui a rejeté sa demande d’asile. Il s’agit plutôt d’une occasion donnée au demandeur d’asile débouté de démontrer que, en raison de changements dans la situation dans le pays ou de sa situation personnelle depuis la décision de la SPR, le demandeur est désormais exposé à un risque (Raza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, aux paragraphes 12 et 13 [Raza]; Haq c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 370, au paragraphe 16; Escalona Perez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1379, au paragraphe 5 [Escalona Perez]). Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale, l’issue d’une décision défavorable à l’égard d’une demande d’asile doit être respectée par l’agent d’ERAR en l’absence de nouveaux éléments de preuve admissibles qui auraient pu avoir une incidence sur cette décision (Raza, au paragraphe 13; Aboud, au paragraphe 20; Escalona Perez, au paragraphe 5).

[24]           Dans la présente affaire, les arguments des parties concernent en grande partie le traitement de la décision de la SPR par l’agent d’ERAR. À cet égard, l’agent d’ERAR a souligné au début de sa décision, que le demandeur a réitéré les mêmes éléments de préjudice qu’il avait avancés devant la SPR. Tout compte fait, l’agent d’ERAR a également conclu que les nouveaux éléments de preuve ne suffisaient pas à étayer la demande fondée sur l’objection de faire le service militaire du demandeur :

Après avoir évalué l’exposé circonstancié du demandeur et son témoignage de vive voix, ainsi que la preuve documentaire, la SPR a conclu que le demandeur n’a jamais appartenu au mouvement Girifna, et que son insoumission n’était pas le résultat de l’objection de conscience du demandeur ou de sa crainte d’être maltraité au sein des forces armées pour ses activités politiques passées. La SPR a également tiré une conclusion d’» absence de fondement crédible ». Alors que je ne suis certainement pas liée par la décision de la SPR ou tenue de la confirmer, j’estime qu’en l’espèce, la preuve est insuffisante pour parvenir à une autre conclusion.

[25]           Le demandeur a fait valoir que la SPR n’a pas tiré de conclusion sur ses allégations d’objection de conscience ou sélective au service militaire et que l’agent d’ERAR a dénaturé la conclusion de la SPR, qui ne traitait pas d’objection sélective au service militaire, mais constituait simplement une conclusion quant à la crédibilité générale. Cependant, à mon avis, il était raisonnable pour l’agent d’ERAR de conclure que cette question avait déjà été traitée par la SPR en se fondant sur le FRP du demandeur, les parties du témoignage reproduit dans son affidavit et la décision de la SPR. Comme indiqué ci-dessus, la SPR a examiné explicitement les raisons invoquées par le demandeur pour s’objecter au service militaire, en soulignant que le demandeur avait précisé ses motifs lors de l’audience. La SPR a conclu que le demandeur était un [traduction] « jeune homme qui ne veut pas faire son service militaire ». La SPR n’a pas cru que le demandeur avait appartenu au mouvement Girifna; elle a conclu que le demandeur n’était pas crédible et que sa demande n’avait aucun fondement crédible. Ainsi, il s’ensuit qu’elle n’a pas accepté l’allégation dans son FRP selon laquelle il a été arrêté en raison de son appartenance au mouvement Girifna ou encore que, lors de sa remise en liberté, il avait accepté de faire son service militaire, ce à quoi il est fermement opposé. La SPR a également examiné les motifs que le demandeur a donné à l’audience pour s’opposer au service militaire, mais a conclu qu’ils se résumaient au fait de ne pas vouloir faire son service militaire obligatoire, sans plus. Dans ces circonstances, il était loisible à l’agent d’ERAR de conclure que la question avait été traitée par la SPR.

[26]           Mon opinion à cet égard est confirmée par le fait que lors du contrôle judiciaire de la décision de la SPR, le demandeur a soutenu que la SPR avait omis de tenir compte de tous les motifs de sa demande, plus précisément le statut d’objecteur de conscience qu’il plaide en l’espèce. La juge Heneghan n’a cependant pas été convaincue que la SPR avait omis d’examiner tous les motifs possibles d’asile issus de la preuve présentée.

[27]           En tout état de cause, même si l’agent d’ERAR a conclu, en substance, que l’objection de conscience ne constituait pas un risque nouveau et avait été traitée par la SPR, l’agent d’ERAR a également conclu que la nouvelle preuve était insuffisante pour diverger de la conclusion de la SPR.

[28]           Puisqu’une ERAR n’est pas un appel ou un réexamen d’une décision de la SPR (Raza, au paragraphe 12; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 201, au paragraphe 15 [Singh]; Escalona Perez, au paragraphe 5; Aboud, au paragraphe 20), l’agent d’ERAR devait seulement déterminer si les nouveaux éléments de preuve pouvaient avoir une incidence sur l’issue.

[29]           À cet égard, je ferais remarquer que le terme objection de conscience s’applique à ceux qui sont totalement opposés à la guerre en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de considérations éthiques. L’objection de conscience sélective se rapporte aux cas dans lesquels un demandeur s’oppose à une guerre qui selon lui viole le droit international et les droits de l’homme (Lebedev, au paragraphe 42). Les termes sont, cependant, souvent confondus (voir Lebedev, aux paragraphes 39 à 46). Pour établir qu’il est un objecteur de conscience sélectif, le demandeur devait d’abord établir qu’il entretenait des objections véritablement sincères à l’égard du service militaire au Soudan (Lebedev, au paragraphe 59; Hinzman, aux paragraphes 108 et 109; Suhatski, au paragraphe 44). Ainsi, ce qui était en cause était la sincérité de ses convictions morales ou de ses raisons de conscience comme un objecteur de conscience.

[30]           Cependant, le seul élément de preuve traitant de cette question déposé avec la demande d’ERAR du demandeur était son affidavit, que l’agent d’ERAR affirme avoir examiné. L’affidavit répète les arguments factuels que le demandeur avait présenté à la SPR. Il énonce également que le demandeur souhaite apporter des précisions sur ses motifs pour refuser de faire son service militaire dans l’armée soudanaise. Plus particulièrement, il s’oppose moralement à provoquer la mort de civils et à n’importe quel gouvernement utilisant la force violente pour réprimer l’opposition civile et soutient que l’armée soudanaise et des unités paramilitaires à la solde du gouvernement se livrent régulièrement à de telles exactions. Il affirme qu’il est également bien connu que ces groupes sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. À mon avis, bien que l’affidavit ajoutait des détails ou des précisions sur ses motifs de s’opposer au service militaire, cela ne contribue guère, voire nullement, à étayer les faits présentés à la SPR ou à établir l’authenticité de sa conviction.

[31]           L’agent d’ERAR a conclu que les nouveaux éléments de preuve étaient insuffisants pour appuyer une conclusion autre que celle prononcée par la SPR. En effet, cela signifiait que l’affidavit ne fournissait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve quant à une conviction sincère pour satisfaire au premier volet du critère de l’objection de conscience sélective au service militaire. Par conséquent, il n’était pas nécessaire que l’agent d’ERAR entreprenne l’examen des prétentions du demandeur à l’égard du deuxième volet du critère de l’objection de conscience sélective, soit de déterminer si les activités des militaires avaient été condamnées par la communauté internationale (Raza, au paragraphe 12; Singh, au paragraphe 15; Escalona Perez, au paragraphe 5; Aboud, au paragraphe 20).

[32]           La SPR a clairement accepté l’existence du service militaire obligatoire au Soudan, a examiné les motifs que le demandeur a exprimés comme fondement de son opposition à faire son service militaire, et a conclu que les objections n’avaient aucun lien valable avec les motifs prévus dans la Convention. Comme indiqué ci-dessus, l’agent d’ERAR a conclu que la question avait précédemment été abordée et tranchée par la SPR et, en outre, qu’il n’y avait pas de nouveaux éléments de preuve suffisants pour écarter les conclusions de la SPR. Compte tenu de la déférence dont il convient de faire preuve à l’égard des décisions des agents d’ERAR, j’estime qu’aucune erreur n’a été commise dans la décision de l’agent d’ERAR et, pour les raisons susmentionnées, j’estime que l’évaluation du risque de l’agent d’ERAR, fondée sur l’objection de conscience au service militaire du demandeur, était raisonnable.

Question 2 : L’agent d’ERAR a-t-il appliqué la mauvaise norme lors de l’évaluation des risques pour le demandeur d’être persécuté s’il retournait au Soudan comme demandeur d’asile débouté?

Position du demandeur

[33]           Le demandeur soutient que l’agent d’ERAR a commis une erreur en appliquant la même norme de preuve, la prépondérance des probabilités, à la fois aux articles 96 et 97 de la LIPR. Il soutient en outre qu’à plusieurs reprises l’agent d’ERAR a appliqué une norme plus élevée de preuve que « plus qu’une simple possibilité » de persécution, comme l’exige l’article 96, en évaluant la preuve du demandeur concernant le traitement des personnes rapatriées au Soudan, une erreur qui requiert que la décision soit annulée (Talipoglu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 172, aux paragraphes 28 à 30).

[34]           Le demandeur souligne également que l’agent d’ERAR a cité une décision du Tribunal d’asile et d’immigration du Royaume-Uni (le « Tribunal du R.-U. ») selon laquelle les rapatriés ne sont pas exposés à un [traduction] « risque réel au retour à Khartoum ». Le demandeur fait valoir que le terme « risque réel » n’a aucune signification en droit canadien et qu’en s’appuyant sur cet avis juridique, l’agent d’ERAR n’a pas exercé sa compétence pour appliquer le critère canadien d’exposition à [traduction] « plus qu’une simple possibilité de persécution ». Le demandeur fait également remarquer que l’agent d’ERAR n’a pas évalué si les normes britanniques et canadiennes relatives au risque sont comparables.

Position du défendeur

[35]           Le défendeur soutient que le demandeur s’appuie sur une seule ligne de la décision où l’agent d’ERAR a déclaré qu’un article particulier dans les médias n’a pas établi que tous les rapatriés de l’Ouest sont traités avec suspicion. Toutefois, l’agent d’ERAR a continué à examiner l’information provenant de plusieurs autres sources indépendantes et a finalement conclu que puisque le demandeur ne serait pas considéré comme une menace en raison de ses opinions politiques, il ne serait pas en danger comme demandeur d’asile débouté. De plus, l’agent d’ERAR n’a pas indiqué qu’il s’appuyait uniquement sur la conclusion tirée par le Tribunal du R.-U. ni qu’il ou elle avait adopté cette conclusion. Ni la référence à l’article ni l’évaluation de différents éléments de preuve provenant de plusieurs sources n’étaient déraisonnables.

Analyse

[36]           Je tiens tout d’abord à souligner que dans la section « résultats de l’évaluation » de la décision de l’agent d’ERAR, les normes correctes sont précisées. Il y est souligné que, par sa nature, le risque est évalué de façon prospective et que l’agent d’ERAR a été incapable de conclure qu’il y avait une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté pour une raison quelconque à son retour au Soudan. Il a également conclu que le demandeur n’était pas susceptible, selon la prépondérance des probabilités, d’être exposé à la torture, à un risque pour sa vie ou à un risque de peine ou de traitement cruel et inusité. Il est bien établi que le terme « sérieuse possibilité » constitue une formulation correcte de la norme à appliquer dans les analyses touchant l’article 96, une norme qui est inférieure à 50 %, soit une probabilité (Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 (CAF), au paragraphe 8; Gao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 59, au paragraphe 25 [Gao]).

[37]           À mon avis, le paragraphe de la décision invoqué par le demandeur à l’appui de sa demande dénote en fait de l’insouciance ou de l’imprécision, et non une erreur susceptible de révision (Gao, aux paragraphes 26 et 27). Comme dans Gao, l’agent d’ERAR aurait dû être plus précis dans sa distinction entre d’une part, la norme de la prépondérance des probabilités au sens de l’article 97 et d’autre part, la norme de la sérieuse possibilité au sens de l’article 96, mais la décision dans son ensemble démontre que l’agent d’ERAR n’exigeait pas du demandeur une norme de preuve plus élevée. Dans l’ensemble, j’arrive à la même conclusion à l’égard d’autres observations du demandeur comportant des exemples de termes utilisés par l’agent d’ERAR qui appuient prétendument une conclusion selon laquelle il ou elle exigeait un plus haut degré de certitude que ce qui est requis par l’article 96.

[38]           Je soulignerais également que la référence à la « prépondérance des probabilités » dans le contexte d’une analyse au sens de l’article 96 n’indique pas nécessairement une erreur, mais reflète la norme de preuve, par opposition à la norme pour l’établissement du risque d’être persécuté (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589).

[39]           Le demandeur soutient également que le fait que l’agent d’ERAR ait cité le Tribunal du R.-U qui a estimé que [traduction] « ni les rapatriés de force ni les demandeurs d’asile déboutés ni les personnes en âge de faire le service militaire (et ni les insoumis ni les déserteurs) ne courent un risque réel à leur retour à Khartoum » illustre l’omission d’appliquer le critère canadien au sens de l’article 96. L’agent d’ERAR a toutefois reproduit cette citation après avoir souligné, outre les rapports présentés par le demandeur, qu’il ou elle avait examiné de l’information, provenant de diverses sources fiables qu’il ou elle a divulguées, sur le traitement des personnes rapatriées au Soudan. L’agent d’ERAR a ensuite invoqué un document de recherche du tribunal australien d’examen du statut de réfugié. Vu dans le contexte, l’agent d’ERAR a mis en balance la preuve documentaire lorsqu’il ou elle a cité la référence en question. J’estime que rien dans la décision n’appuie la possibilité qu’il ait invoqué ou ait adopté la norme de preuve du « risque réel » ou qu’il ou elle n’ait pas exercé sa compétence.

Question 3 : L’appréciation de la preuve par l’agent d’ERAR concernant le traitement des rapatriés au Soudan était-elle raisonnable?

Position du demandeur

[40]           Le demandeur soutient que l’agent d’ERAR a commis une erreur en s’appuyant sur une déclaration faite par un représentant du gouvernement soudanais concernant le traitement des demandeurs d’asile déboutés citée dans le rapport du tribunal australien d’examen du statut de réfugié. Le demandeur fait valoir que cette déclaration est contredite par les représentants de l’ONU cités dans le même rapport. La préférence de l’agent d’ERAR pour une déclaration du gouvernement soudanais par rapport à des éléments de preuve de rapatriés eux-mêmes et de responsables de l’ONU est manifestement déraisonnable, particulièrement étant donné que la preuve confirme, dissemblablement, que certains rapatriés sont soumis à de la surveillance et à des interrogatoires.

Position du défendeur

[41]           L’agent d’ERAR a toutefois poursuivi son examen de l’information provenant de plusieurs autres sources indépendantes et a finalement conclu que puisque le demandeur ne serait pas considéré par l’État comme une menace en raison de ses opinions politiques, il ne serait pas en danger comme demandeur d’asile débouté. Le demandeur demande essentiellement que notre Cour réévalue la preuve en sa faveur.

Analyse

[42]           Tel que noté ci-dessus, l’agent d’ERAR a fait référence à de nombreux documents de sources indépendantes qu’il avait examinés lors de l’évaluation du risque nouveau de persécution comme demandeur d’asile débouté. L’agent d’ERAR a particulièrement mentionné la preuve documentaire présentée à l’appui de l’allégation du demandeur selon laquelle il serait exposé à un risque comme rapatrié, allégation étayée par un seul article, soit [traduction] « Le danger du retour à la maison : les dangers guettant les Soudanais immigrés quand ils rentrent au Soudan » et a souligné ses préoccupations à l’égard de ce document. Il a ensuite fait référence à d’autres documents et a longuement cité un document de recherche du tribunal australien d’examen du statut de réfugié pour évaluer les risques auxquels sont exposés les rapatriés. Ce document comprend de l’information obtenue d’un représentant du gouvernement soudanais niant que les citoyens soudanais rapatriés soient arrêtés et soumis à des interrogatoires, à moins qu’ils ne soient recherchés par les autorités. Ce représentant soutient en outre que les anciens militants de l’opposition qui avaient combattu contre le gouvernement peuvent revenir sans crainte et qu’une amnistie est accordée à ces personnes.

[43]           Le même document contient également des commentaires de représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (« HCR ») qui déclarent qu’ils ne croient pas que les rapatriés soient confrontés à des problèmes graves ou aient été particulièrement visés à leur retour au Soudan, ou qu’ils soient automatiquement arrêtés à l’aéroport. Toutefois, ces personnes pourraient être soumises à de la surveillance ou à des interrogatoires des forces de sécurité si elles sont considérées comme une menace pour l’État ou pour des raisons politiques.

[44]           L’un de ces fonctionnaires du HCR est également cité dans un document du UK Home Office, Country of Origin Information (COI) Report : Republic of Sudan, 11 septembre 2012 (« Rapport R.-U. de 2012 ») indiquant que [traduction] « Les demandeurs d’asile déboutés ne seront pas confrontés à des problèmes graves à leur retour s’ils ne sont pas reconnus comme une menace pour l’État ». Le même document cite un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme déclarant :

[traduction] ... les personnes qui ont quitté le pays après le coup d’État et sont restées à l’étranger pendant plus d’un an seraient systématiquement soumises à un interrogatoire à leur retour. Cette politique n’est plus systématiquement appliquée; la pratique consistant à procéder à des arrestations directement à l’aéroport n’est plus courante à l’heure actuelle. Les rapatriés peuvent recevoir la visite d’agents de sécurité plus tard et être interrogés ou avertis de ne pas se livrer à des « affaires étranges » au Soudan. Je n’ai aucune information indiquant que ces personnes soient particulièrement ciblées. Au lieu de cela, certaines personnes qui ont vécu à l’étranger pendant de nombreuses années, peut-être pour des raisons politiques, sont revenues à Khartoum. Ces personnes font l’objet d’une surveillance rigoureuse et elles savent qu’elles ne peuvent se livrer à des activités politiques. Elles savent aussi qu’elles peuvent être arrêtées, interrogées et détenues à tout moment. Elles se sentent un peu plus en sécurité si elles ont obtenu un passeport étranger avant leur retour au Soudan. Mais s’ils sont citoyens soudanais, ils ne bénéficient d’aucune protection.

[45]           Bien que le demandeur fasse valoir que cette citation est en contradiction avec les conclusions de l’agent d’ERAR, je ne suis pas convaincue que ce soit contradictoire, car cette citation indique que les arrestations à l’aéroport ne sont plus une pratique courante et que les personnes qui étaient autrefois impliquées dans des intrigues politiques sont soumises à de la surveillance et peuvent faire l’objet d’arrestations. L’agent d’ERAR a déclaré que le demandeur n’avait présenté que peu d’éléments de preuve indiquant qu’il ait déjà été arrêté ou détenu ou qu’il soit actuellement recherché par la police soudanaise. En outre, la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible en ce qui concerne son appartenance au mouvement Girifna, une conclusion qui n’a pas été remise en question dans son ERAR.

[46]           Comme indiqué ci-dessus, les décisions des agents d’ERAR commandent une grande déférence quant aux questions liées à la preuve (Aboud, au paragraphe 33; Korkmaz, au paragraphe 9). La preuve documentaire n’était pas aussi importante que le soumet le demandeur, mais était mixte. La déclaration du représentant du gouvernement soudanais n’a pas indûment servi de fondement. L’agent d’ERAR a été attentif aux nuances dans les éléments de preuve, estimant que même si tous les rapatriés ne sont pas à risque, ceux qui sont perçus comme une menace pour le régime peuvent l’être. Compte tenu des conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité à accorder aux allégations du demandeur concernant ses activités politiques, il n’était pas déraisonnable que l’agent d’ERAR estime que le demandeur ne soit pas considéré comme une menace et, par conséquent, ne soit pas en danger à son retour.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

3.      Les parties n’ont proposé aucune question d’importance générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4875-15

 

INTITULÉ :

AMGAD ADIL ABDI MOHAMED c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE :

Le 2 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Molly Joeck

 

Pour le demandeur

 

Nicole Rahaman

 

Pour le DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jared Will and Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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