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Date : 20160608


Dossier : T-1824-15

Référence : 2016 CF 638

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 8 juin 2016

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

V.I. FABRIKANT

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA (Service correctionnel du Canada)

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue par la Section d’appel de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Section d’appel), datée du 24 juillet 2015, laquelle a confirmé une décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Commission) refusant la demande du demandeur pour l’obtention d’une permission de sortir sans escorte (PSSE) ou d’une permission de sortir avec escorte (PSAE).

[2]               Le demandeur a été déclaré plaideur de mauvaise foi par notre Cour en 2000, et il ne peut déposer une nouvelle demande de contrôle judiciaire avant d’en avoir d’abord demander l’autorisation, conformément au paragraphe 40(3) des Règles des Cours fédérales. L’autorisation a été accordée le 14 octobre 2015 par le juge Martineau.

[3]               Le demandeur est incarcéré dans un pénitencier fédéral depuis 1992.

[4]               En 2014, il a demandé une permission de sortir sans escorte ou une permission de sortir avec escorte pour visiter sa famille. Ces sorties peuvent être autorisées par la Commission si elle est d’avis que les conditions énumérées au paragraphe 17.1(1) (pour les permissions de sortir avec escorte) ou à l’article 116 (pour les permissions de sortir sans escorte) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (LSCMLC), sont satisfaites. Entre autres critères, ces dispositions exigent « qu’une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société » et que la sortie soit estimée souhaitable pour le délinquant.

[5]               La Commission a rejeté la demande du demandeur le 26 février 2015, pour le motif qu’il présentait un risque inacceptable pour la société. Elle a reconnu que des permissions de sortir avec escorte lui avaient été accordées dans le passé à des fins médicales, mais elle était préoccupée par plusieurs éléments figurant dans son dossier : notamment, après plusieurs années d’incarcération, il est toujours classé comme un détenu à sécurité moyenne; son équipe de gestion des cas (EGC) évalue qu’il présente un risque élevé de récidive; il n’a pas été en mesure d’établir une relation de confiance avec son équipe de gestion des cas et il n’a pas tenté de régler les facteurs contribuant à sa criminalité depuis le début de son incarcération. Plus précisément, concernant la permission de sortir avec escorte, la Commission a conclu qu’elle n’était pas liée aux objectifs de son plan correctionnel, et qu’elle présentait un risque inacceptable compte tenu du stress et des éléments déstabilisants auxquels le demandeur serait exposé.

[6]               Le 24 juin 2015, la Section d’appel a confirmé la décision de la Commission de ne pas autoriser une permission de sortir sans escorte ou une permission de sortir avec escorte.

[7]               La seule question en litige en l’espèce consiste à déterminer si les décisions étaient raisonnables. À l’audience, l’avocat du demandeur a abandonné les autres motifs soulevés dans la demande.

[8]               La Cour d’appel fédérale a conclu que la Section d’appel a une marge limitée pour accueillir des appels. Comme la Section d’appel a confirmé une décision de la Commission, la Cour doit d’abord s’assurer de la légalité de la décision de la Commission (Cartier c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 384, au paragraphe 10; Collins c. Canada (Procureur général), 2014 CF 439, au paragraphe 36). Comme le juge Barnes l’a récemment mentionné [traduction] « [s]i la Cour croit que la décision de la Commission est légitime, il n’y a pas lieu d’examiner la décision de la Section d’appel. L’examen par la Cour de la décision de la Commission n’est pas fait en vertu d’une norme de contrôle plus rigoureuse que celle utilisée par la Section d’appel » (Ye c. Canada (Procureur général), 2016 CF 35, au paragraphe 8 (citant Aney c. Canada (Procureur général), 2005 CF 182, au paragraphe 29)).

[9]               Le paragraphe 17.1(1) et l’article 116 permettent à la Commission d’autoriser des permissions de sortie quand quatre conditions sont simultanément réunies. Les dispositions sont rédigées comme suit :

Permission de sortir avec escorte  — exception

 

Temporary absences may be approved  — exception

 

17.1(1) La Commission des libérations conditionnelles du Canada peut autoriser un délinquant qui purge une peine minimale d’emprisonnement à perpétuité et est admissible à la semi-liberté à sortir si celui-ci est escorté d’une personne  —  agent ou autre  —  habilitée à cet effet par le directeur du pénitencier lorsqu’elle est d’avis :

 

17.1(1) The Parole Board of Canada may authorize the temporary absence of an inmate who is serving a sentence of imprisonment for life imposed as a minimum punishment and is eligible for day parole if the inmate is escorted by a staff member or other person authorized by the institutional head and the Parole Board of Canada is of the opinion that

 

a) qu’une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

 

(a) the inmate will not, by reoffending, present an undue risk to society during an absence authorized under this section;

 

b) que cela est souhaitable pour des raisons administratives, de compassion ou en vue d’un service à la collectivité ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou encore pour lui permettre d’établir ou d’entretenir des rapports familiaux, notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;

 

(b) it is desirable for the inmate to be absent from the penitentiary for administrative reasons, community service, family contact, including parental responsibilities, personal development for rehabilitative purposes or compassionate reasons;

 

c) que la conduite du détenu pendant la détention ne justifie pas un refus;

 

(c) the inmate’s behaviour while under sentence does not preclude authorizing the absence; and

 

d) qu’un projet structuré de sortie a été établi.

La permission est accordée pour une période maximale de quinze jours.

 

(d) a structured plan for the absence has been prepared.

The temporary absence may be for a period of not more than 15 days.

 

Motifs de l’octroi

Conditions for authorization

116(1) La Commission peut autoriser le délinquant visé à l’alinéa 107(1)e) à sortir sans escorte lorsque, à son avis, les conditions suivantes sont remplies :

 

116(1) The Board may authorize the unescorted temporary absence of an offender referred to in paragraph 107(1)(e) where, in the opinion of the Board,

 

a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

(a) the offender will not, by reoffending, present an undue risk to society during the absence;

b) elle l’estime souhaitable pour des raisons médicales, administratives, de compassion ou en vue d’un service à la collectivité, ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou pour lui permettre d’établir ou d’entretenir des rapports familiaux notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;

(b) it is desirable for the offender to be absent from penitentiary for medical, administrative, community service, family contact, personal development for rehabilitative purposes, or compassionate reasons, including parental responsibilities;

c) sa conduite pendant la détention ne justifie pas un refus;

(c) the offender’s behaviour while under sentence does not preclude authorizing the absence; and

d) un projet de sortie structuré a été établi.

(d) a structured plan for the absence has been prepared.

[10]           La Section d’appel et la Commission ont considéré des critères pertinents qui les ont menées à la conclusion que les permissions de sortie demandées ne satisfaisaient pas aux critères énoncés aux alinéas a), b) et d) du paragraphe 17.1(1) et à l’article 116 de la LSCMLC. Plus particulièrement, la Commission a conclu que :

[traduction] …après avoir examiné tous les éléments précités, la Commission partage l’opinion de votre équipe de gestion des cas et elle n’autorise pas de permission de sortir sans escorte ni de permission de sortir avec escorte, puisqu’elle juge qu’une récidive de votre part, pendant la sortie, présentera un risque inacceptable pour la société. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission tient compte de tous les éléments précités, du fait que vous n’avez pas tenté de régler les facteurs contribuant à votre criminalité, que vous êtes toujours classé comme un détenu à sécurité moyenne, que votre équipe de gestion des cas évalue que vous présentez un risque élevé de récidive liée à un crime violent, que vos facteurs de risques sont toujours présents et que vous n’avez pas été en mesure d’établir une relation de confiance avec votre équipe de gestion des cas.

Même si des permissions de sortir avec escorte pour des raisons médicales vous ont été accordées dans le passé, la Commission est d’accord avec votre équipe de gestion des cas et elle n’autorise pas de permissions de sortir avec escorte pour vous permettre de visiter votre famille, étant donné, également, que ce n’est pas estimé souhaitable, principalement parce que la sortie n’est pas liée aux objectifs de votre plan correctionnel. En outre, le risque serait inacceptable étant donné le stress lié à votre réinsertion sociale et l’exposition à des facteurs déstabilisants, notamment la visite de votre famille après de nombreuses années d’absence, votre image publique, la pression médiatique et vos manquements relatifs aux tentatives de réhabilitation.

[11]           Le demandeur n’a pas soulevé d’erreurs de fait, il s’oppose plutôt à des déclarations de la Commission avec lesquelles il n’est pas d’accord. Pour l’essentiel, le demandeur allègue qu’il ne présente pas un risque pour sa famille, ce qui devrait être évident, selon lui, compte tenu de son âge et du fait qu’il a obtenu plusieurs permissions de sortir avec escorte dans le passé, s’étant déroulées sans incident. Il demande à notre Cour de substituer son opinion à celle de la Commission et de la Section d’appel, plutôt que de démontrer en quoi ces décisions étaient déraisonnables. Je constate que les conclusions de fait de la Commission et de la Section d’appel étaient étayées par la preuve au dossier et que les décisions appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[12]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire sans dépens.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1824-15

 

INTITULÉ :

V.I. FABRIKANT c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Sylvie Bordelais

 

Pour le demandeur

 

Pascale-Catherine Guay

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sylvie Bordelais

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la défenderesse

 

 

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