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Date : 20160617


Dossier : IMM-3336-15

Référence : 2016 CF 682

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2016

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

CONSTANCIO ABARQUEZ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire, aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), d’une décision rendue le 7 juillet 2015 par la Section d’appel de l’immigration (SAI) dans laquelle la SAI a conclu, en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, qu’il y avait suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier la prise de mesures spéciales relativement à une décision établissant que le défendeur n’avait pas respecté son obligation de résidence et devait donc perdre son statut de résident permanent.

[2]               Pour les motifs établis ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I.                   Contexte

[3]               Le défendeur est un citoyen des Philippines âgé de soixante-dix (70) ans dont l’épouse est venue au Canada en 1989 et a obtenu un permis de travail du Programme des aides familiaux en avril 1990. Le défendeur et ses trois (3) enfants ont été parrainés par son épouse et sont devenus des résidents permanents à leur arrivée au Canada le 13 juillet 1996. Le défendeur avait cinquante (50) ans lorsqu’il est venu au Canada.

[4]               Depuis 1974, le défendeur travaille à bord de navires. Avant son arrivée au Canada en 1996, il travaillait comme commandant et capitaine de navire. Estimant qu’il ne trouverait pas d’emploi similaire au Canada, il est retourné aux Philippines après avoir passé cinquante-neuf (59) jours au Canada et a recommencé à travailler pour son ancien employeur. Il a travaillé comme commandant et capitaine de navire jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 2011.

[5]               Au fil des ans, le défendeur a vu sa famille six (6) ou sept (7) fois lorsque son navire était stationné dans un port du Canada ou des États-Unis pendant deux (2) ou trois (3) jours. La plus longue période pendant laquelle il est resté au Canada a été en octobre 2000, où il est revenu au pays pour huit (8) mois afin de passer du temps avec sa famille. Son épouse a également été lui rendre visite aux Philippines pendant deux (2) mois en compagnie de leur plus jeune fille et de leur plus jeune fils, qui ont également visité leur père en 2006. Le défendeur téléphonait à son épouse et à sa famille à partir du navire ou du bar du marin lorsque le navire était stationné dans un port.

[6]               En prévision de sa retraite au printemps 2011, le défendeur a fait la demande d’un document de voyage en janvier 2011 pour venir au Canada. Une enquête a ensuite été déclenchée afin de savoir s’il avait respecté son obligation de résidence. Il a admis qu’il n’était pas présent physiquement au Canada pendant la période visée de cinq (5) ans, mais a invoqué des motifs d’ordre humanitaire pour demander que des mesures spéciales soient prises. Le 4 août 2011, une décision selon laquelle le défendeur n’avait pas respecté son obligation de résidence aux termes de l’article 28 de la LIPR et avait donc perdu son statut de résident permanent a été rendue à l’ambassade du Canada aux Philippines.

[7]               Le défendeur a interjeté appel de cette décision auprès de la SAI. Il n’a pas contesté la conclusion selon laquelle il n’était pas présent physiquement pendant la période visée, mais il a soutenu que son appel devrait être accueilli pour des motifs d’ordre humanitaire.

[8]               Le 7 juillet 2015, la SAI a conclu que, bien que la décision selon laquelle le défendeur avait perdu son statut de résident permanent soit valide en droit, il y avait suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour accueillir l’appel compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire et de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché par la décision. Après avoir récapitulé les faits pertinents, la SAI a énuméré une liste de facteurs non exhaustifs qui pourraient être pris en considération pour décider si des mesures spéciales doivent être prises pour des motifs d’ordre humanitaire. La SAI a prévenu que ces facteurs ne sont pas exhaustifs ni déterminants. Elle a fait remarquer que pour analyser toutes les circonstances d’une affaire, il faut aussi accorder plus ou moins d’importance à un facteur qu’à un autre selon le contexte. La SAI a ensuite commenté les témoignages du défendeur, de son épouse, de leur fils et de leur fille. La SAI a fait remarquer que, bien que le défendeur ait eu de la difficulté à se souvenir des détails, il était généralement sincère et crédible lorsqu’il a témoigné par téléphone parce qu’il se trouvait encore aux Philippines. La SAI a également conclu que l’épouse, le fils et la fille du défendeur étaient crédibles.

[9]               La SAI a également statué que de nombreux facteurs pesaient contre l’appel. Le défendeur ne s’est pas établi au Canada comme le reste de sa famille. De plus, il n’était pas présent physiquement au Canada pendant la période visée de cinq (5) ans et il n’a jamais travaillé au Canada. La SAI a également souligné que le défendeur n’a pas tenté de retourner au Canada à titre permanent avant de prendre sa retraite.

[10]           La SAI a toutefois conclu que les difficultés que subissaient le défendeur et sa famille parce qu’ils vivaient séparés depuis de nombreuses années étaient un facteur primordial qui jouait en faveur de l’appel. La SAI a reconnu que cette longue séparation peut être considérée comme un simple maintien de l’état actuel des choses, mais aussi comme une difficulté qui devient de plus en plus pénible à vivre avec l’âge. Et c’est selon elle le cas du défendeur, qui a atteint un âge où l’avenir devient plus incertain et où il devient plus vulnérable. La SAI a observé que toute la famille du répondant est au Canada, à l’exception de quelques parents qui demeurent aux Philippines. Tous les membres de la famille qui ont témoigné ont aussi affirmé qu’il était difficile de vivre séparés et qu’ils souhaitaient être ensemble. De plus, la SAI a fait remarquer qu’il était dans l’intérêt supérieur des quatre (4) petits-enfants du défendeur d’être en contact avec ce dernier. La SAI a finalement conclu que la situation du défendeur était exactement la même que celle décrite dans la décision Chirwa c. Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration), (1970) 4 A.I.A. 388 (C.A.I.), dans laquelle il a été établi, au paragraphe 27, qu’une personne raisonnable vivant dans une société civilisée voudrait que sa famille puisse enfin être ensemble.

II.                Analyse

[11]           La seule question que la Cour est appelée à trancher est de savoir si la décision de la SAI d’accueillir l’appel du défendeur pour des motifs d’ordre humanitaire est raisonnable.

[12]           Il est établi en droit que l’évaluation de motifs d’ordre humanitaire par la SAI pour décider si elle accordera des mesures spéciales relativement à la perte d’un statut de résident permanent soulève des questions mixtes de fait et de droit et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La décision de la SAI suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire très étendu et doit faire l’objet d’une grande retenue (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 60, [2009] 1 RCS 339 [Khosa]; Nekoie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 363, au paragraphe 15; Tai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 248, au paragraphe 48). Pour déterminer si une décision est raisonnable, la Cour doit tenir compte du fait que le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Khosa, au paragraphe 59).

[13]           Le demandeur soutient que la décision de la SAI d’accorder des mesures spéciales est déraisonnable compte tenu des erreurs suivantes, qui justifient l’intervention de la Cour :

A.    La SAI a fait abstraction des éléments de preuve concernant les raisons pour lesquelles le défendeur était séparé de sa famille ainsi que de l’intérêt supérieur de ses petits-enfants;

B.     La SAI a fait abstraction des éléments de preuve concernant les raisons des absences du défendeur du Canada;

C.     La SAI n’a pas tenu compte de l’importance du non-respect de l’obligation de résidence au-delà des cinq (5) années précédant l’interrogatoire.

[14]           Plus précisément, le demandeur soutient qu’en concluant que la séparation de la famille constituait un préjudice, la SAI a omis de tenir compte du fait que les difficultés découlant de la séparation étaient attribuables aux choix du défendeur, qui a choisi de travailler comme capitaine aux Philippines au lieu de trouver un emploi au Canada. C’est aussi le défendeur qui a choisi de rester aux Philippines au lieu de venir visiter sa famille au Canada lorsqu’il était sans emploi ou en vacances, et c’est aussi lui qui n’a pris aucune mesure pour atténuer les difficultés causées par la séparation de la famille. Le demandeur soutient en outre qu’il y avait peu d’éléments de preuve sur l’existence d’une relation entre le défendeur et ses petits-enfants et tout simplement aucun élément de preuve permettant de conclure que la séparation du défendeur de sa famille, y compris de ses petits-enfants, constituait un préjudice qui justifierait la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire. S’appuyant sur la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Sidhu, 2011 CF 1056, le demandeur affirme que la SAI ne pouvait pas accorder des mesures spéciales à l’égard d’une situation que le défendeur a créée de son propre gré.

[15]           En ce qui concerne la deuxième erreur qui aurait été commise par la SAI, le demandeur affirme que des éléments de preuve contredisent la conclusion de la SAI selon laquelle le défendeur ne s’est pas établi au Canada uniquement en raison de son travail de capitaine. Selon le demandeur, bien que le défendeur ait été sans emploi ou en vacances à plusieurs reprises pendant de longues périodes avant 2011, il n’a pas tenté de revenir au Canada, et ni lui ni son épouse n’ont été en mesure de fournir une explication à cet égard. Le demandeur soutient que la SAI aurait dû tenir compte de cette incohérence.

[16]           Enfin, le demandeur fait valoir que la SAI n’a pas tenu compte de l’importance du non-respect de l’obligation de résidence au-delà des cinq (5) années précédant l’interrogatoire et du fait que le défendeur a été absent du Canada pendant environ quinze (15) ans, à l’exception d’une période de huit (8) mois au cours des années 2000 et 2001. En limitant son évaluation aux cinq (5) années précédant l’interrogatoire, la SAI n’a pas appliqué correctement la LIPR.

[17]           Le défendeur, qui n’était pas présent à l’audience, mais qui a déposé des observations écrites, soutient que la décision de la SAI d’accorder des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire était raisonnable dans les circonstances de l’affaire. La SAI juge que le défendeur a été crédible et honnête au sujet de ses absences tout au long des procédures d’immigration. Le défendeur soutient également que la SAI a pris note de son explication selon laquelle il avait été absent pour des raisons monétaires. La liste des facteurs d’ordre humanitaire qui devaient être pris en considération par la SAI n’est pas exhaustive. Il incombait à la SAI de ne pas atténuer l’importance de ces facteurs même si l’obligation de résidence n’a pas été respectée. Compte tenu de l’objectif de regroupement familial énoncé dans la LIPR, il était raisonnable pour la SAI de tenir compte de ce facteur ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant touché par la décision. La décision d’être séparé des membres de sa famille pour subvenir à leurs besoins n’était pas un choix, mais plutôt une conséquence du fait qu’il devait subvenir aux besoins de sa famille. Le faible nombre de voyages effectués par la famille pour se voir était attribuable au manque d’argent.

[18]           En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec l’affirmation du demandeur selon laquelle la SAI a fait fi ou mal interprété certains éléments de preuve concernant les raisons de la séparation de la famille et des absences du défendeur du Canada, ou que la SAI n’a pas tenu compte de l’importance du non-respect de l’obligation de résidence.

[19]           Il ressort clairement des motifs de la décision de la SAI que cette dernière considérait que les difficultés découlant de la séparation de la famille étaient attribuables au choix fait par le défendeur. En identifiant les facteurs négatifs qui jouaient en défaveur de la prise de mesures spéciales, la SAI a indiqué au paragraphe 19 de sa décision que le défendeur ne s’est pas établi au Canada, qu’il n’était pas présent physiquement au Canada pendant la période visée de cinq (5) ans et qu’il n’a jamais travaillé au Canada. La SAI a expressément fait remarquer que le défendeur n’a pas sérieusement essayé de retourner au Canada à titre permanent avant de prendre sa retraite. En ce qui concerne le fait que le défendeur n’a jamais travaillé au Canada, la SAI a également indiqué au paragraphe 8 de ses motifs qu’il n’était pas certain que le défendeur soit en mesure de trouver du travail comme commandant et capitaine de navire à son arrivée en 1996 lorsqu’il a essayé d’en trouver.

[20]           De plus, la question de l’absence de recherches d’emploi par le défendeur au Canada a été examinée à fond lors de l’audience devant la SAI. Le défendeur a témoigné qu’il n’a pas cherché d’emploi au Canada parce qu’il n’arrivait pas à trouver du travail comme commandant. Il est donc retourné travailler pour l’entreprise qui l’employait aux Philippines afin de gagner un meilleur salaire pour subvenir aux besoins de sa famille (dossier certifié du tribunal, page 460). L’épouse du défendeur a également témoigné devant la SAI que son époux aurait pu trouver un autre emploi, mais que tout ce qu’il savait faire était de travailler à bord de navires. Elle a déclaré que lorsque son époux est arrivé au Canada, même s’il était excité de s’établir au pays, il avait déjà cinquante (50) ans et était trop âgé pour effectuer un travail subalterne ou devenir manœuvre sur un navire (dossier certifié du tribunal, page 486). Quand la SAI lui a demandé pourquoi le défendeur n’était pas venu au Canada lorsqu’il était sans emploi ou en vacances, l’épouse du défendeur a déclaré que c’était parce que son époux attendait d’être rappelé au travail (dossier certifié du tribunal, pages 502 et 503).

[21]           La SAI n’a pas interprété erronément les raisons de l’absence du défendeur du Canada ou les raisons de la séparation de la famille. Bien qu’elle ait conclu que le fait que le défendeur n’a pas essayé de s’établir au Canada est un facteur négatif qui a joué en défaveur de la prise de mesures spéciales à l’égard du défendeur, la SAI a accepté l’explication du défendeur selon laquelle la seule raison pour laquelle il ne s’est pas établi au Canada était son travail en tant que marin. Elle a jugé que le défendeur et son épouse étaient crédibles et il lui était loisible de tirer une telle conclusion.

[22]           Je suis également d’avis que la conclusion de la SAI à l’égard de la relation entre le défendeur et ses petits-enfants et des difficultés découlant de la séparation du défendeur de sa famille ainsi que de ses petits-enfants est étayée par la preuve. Tout d’abord, en ce qui concerne la relation avec ses petits-enfants, le défendeur a témoigné qu’il a joué avec ses petits-enfants et a fait des activités avec eux, et qu’il leur a donné de l’argent lorsqu’il est venu au Canada en 2000 (dossier certifié du tribunal, pages 463, 477 et 499). L’épouse du défendeur a également témoigné que lorsque le navire du défendeur venait au Canada et aux États-Unis, elle allait voir son époux en compagnie d’au moins un de leurs enfants et parfois d’un de leurs petits-enfants (dossier certifié du tribunal, page 488). Elle a également témoigné que lorsqu’elle a été visiter le défendeur aux Philippines en 2009, elle était accompagnée de l’une de ses filles et du fils de cette dernière (dossier certifié du tribunal, page 493). La fille du défendeur a témoigné dans le même sens (dossier certifié du tribunal, pages 511 et 516). De plus, la fille du défendeur a déclaré qu’il était important que le défendeur passe du temps avec ses petits-enfants pour qu’il puisse leur parler de leur culture et de leurs traditions (dossier certifié du tribunal, page 519).

[23]           En ce qui concerne les difficultés liées à la séparation continue du défendeur de sa famille, tous les témoins qui ont comparu devant la SAI ont indiqué qu’ils étaient très proches les uns des autres et qu’ils étaient proches du défendeur malgré ses longues absences. Ils allaient voir le défendeur chaque fois que son navire venait au Canada et aux États-Unis même si le navire n’était stationné au port que pendant un jour ou deux (dossier certifié du tribunal, pages 456, 457, 487, 488, 511 et 515). Ils lui ont rendu visite aux Philippines (dossier certifié du tribunal, pages 493, 496 à 498, 511 et 516), et le défendeur leur parlait avec le téléphone satellite du navire et lorsque son navire entrait au port (dossier certifié du tribunal, pages 459 et 487).

[24]           Le fils et la fille du défendeur ont tous deux affirmé que le défendeur et son épouse se faisaient vieux et qu’ils souhaitent voir leurs parents réunis (dossier certifié du tribunal, pages 512, 513 et 518). Ils ont déclaré que l’épouse du défendeur avait des problèmes de santé, qu’elle venait de se faire opérer à la hanche et qu’il serait mieux pour elle si le défendeur était là pour prendre soin d’elle (dossier certifié du tribunal, pages 513 et 518). Le fils du défendeur a déclaré que si ce dernier restait aux Philippines, il lui serait difficile de visiter son père de nouveau parce que les voyages aux Philippines coûtent cher. Il a affirmé que sa famille n’était pas riche (dossier certifié du tribunal, page 513). La fille du défendeur a également témoigné dans le même sens (dossier certifié du tribunal, page 519).

[25]           Même si le défendeur et sa famille n’avaient pas une vie familiale traditionnelle en raison de l’emploi du défendeur qui le tenait à l’écart de sa famille pendant de longues périodes, la SAI a précisément fait remarquer que la famille est restée proche et que la séparation devient de plus en plus difficile en raison de l’âge du défendeur et de l’incertitude de son avenir.

[26]           Le demandeur accorde beaucoup d’importance aux mots utilisés par la SAI lorsqu’elle a indiqué que le défendeur n’était pas présent physiquement au Canada pendant la période visée de cinq (5) ans. Je ne partage pas le point de vue du demandeur selon lequel la SAI a limité son évaluation aux cinq (5) années précédentes et a minimisé l’importance du non-respect de l’obligation de résidence. La SAI savait très bien que, depuis 1996, le défendeur n’a pas été présent physiquement au Canada la majeure partie du temps, à l’exception des huit (8) mois où il est revenu au pays au cours de l’an 2000. La SAI a jugé que les absences du défendeur du Canada et son incapacité générale à s’établir au pays constituaient des facteurs négatifs dans son évaluation de la nécessité d’accorder des mesures spéciales. Cependant, elle a conclu qu’étant donné que les facteurs à prendre en compte n’étaient pas exhaustifs et que les circonstances d’une affaire peuvent faire en sorte qu’une plus grande importance soit accordée à un facteur qu’à un autre, dans les circonstances particulières de l’affaire du défendeur, les difficultés que subissait la famille l’emportaient sur les facteurs négatifs, ainsi que sur l’importance du non-respect de l’obligation.

[27]           Il ressort clairement de mon examen de la décision de la SAI et du dossier original que la SAI a pris en considération tous les éléments de preuve et a évalué tous les facteurs qu’elle devait prendre en compte. Il importe de rappeler que dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 à 16, [2011] 3 RCS 708, la Cour suprême du Canada a énoncé que lorsqu’une cour de révision examine une décision, elle ne devrait pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision, mais plutôt examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat. Il ne revient pas à la Cour de réévaluer la preuve et de soupeser de nouveau les facteurs ou de substituer sa propre interprétation des éléments de preuve (Khosa, au paragraphe 61). L’argumentation du défendeur se résume en fait à un simple désaccord avec l’appréciation de la preuve par la SAI et l’importance accordée par cette dernière à chacun des facteurs. En fin de compte, il revenait à la SAI de juger quelle importance elle devait accorder aux divers éléments.

[28]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la décision de la SAI était raisonnable et appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[29]           Le demandeur n’a pas soumis de question aux fins de certification et aucune question grave de portée générale n’a été proposée en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3336-15

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. CONSTANCIO ABARQUEZ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 juin 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

Le 17 juin 2016

COMPARUTIONS :

Charles Junior Jean

Pour le demandeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

 

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